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25/06/2025 | FRANCE | N°24DA02028

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 25 juin 2025, 24DA02028


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 17 août 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2400941 du 11 juillet 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

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Par une requête, enregistrée le 1er octobre 2024, M. B..., représenté par Me Inquimbert, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 17 août 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2400941 du 11 juillet 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er octobre 2024, M. B..., représenté par Me Inquimbert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 17 août 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ainsi qu'un récépissé l'autorisant à travailler, dans un délai de huit jours suivant cette notification, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxe, à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- le préfet de la Seine-Maritime a méconnu les dispositions de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en remettant en cause l'authenticité de ses documents d'état civil dès lors que la police aux frontières n'est pas compétente pour analyser les actes d'état civil et que seules les autorités étrangères ont compétence à ce titre ;

- le préfet a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur ce fondement ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2025, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 août 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien, né le 15 juin 2003, est entré en France au cours du mois de février 2019 à l'âge de 15 ans. Il a été placé à l'aide sociale à l'enfance le 8 avril 2019 et confié au service départemental de la Seine-Maritime. Le 15 septembre 2021, l'intéressé a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 août 2023, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un tel titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par sa requête, M. B... relève appel du jugement n° 2400941 du 11 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des énonciations du jugement attaqué, et notamment son point 7, que le tribunal a, par une motivation propre aux faits de l'espèce, répondu au moyen soulevé par M. B... tenant à l'absence de caractère frauduleux des documents d'état-civil qu'il a produits à l'appui de sa demande de titre de séjour, sans que le préfet ne mette par ailleurs en œuvre les dispositions de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le tribunal n'était au demeurant pas tenu, pour ce faire, de faire référence à l'ensemble des arguments que M. B..., avait développés dans ses écritures. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté en litige que celui-ci mentionne les considérations de droit, soit les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de fait, à savoir l'âge de l'intéressé à la date de son placement auprès du service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Seine-Maritime ainsi que l'absence de caractère réel et sérieux de la formation entreprise, sur lesquelles le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé pour refuser à l'intéressé la délivrance du titre de séjour sollicité. En outre, l'obligation de quitter le territoire français ayant été prise en conséquence d'un refus de titre de séjour suffisamment motivé et édicté sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du même code, elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte en application des dispositions de l'article L. 613-1 de ce code. Enfin, l'arrêté en litige mentionne la nationalité du requérant, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et fait état de ce qu'il n'établit pas être exposé à un risque de traitements contraires à ces stipulations. Par suite, les décisions du 17 août 2023 portant refus d'admission au séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination sont suffisamment motivées.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ".

5. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été confié au service départemental de l'aide sociale à l'enfance la Seine-Maritime à compter du 8 avril 2019. Toutefois, par un arrêt du 13 avril 2021 la cour d'appel de Rouen a ordonné la mainlevée de ce placement à compter du jour de sa décision au motif que la minorité de M. B... ne pouvait être établie au regard notamment des seuls documents d'état-civil produits par l'intéressé, en particulier son acte de naissance qui a fait l'objet d'une falsification par grattage et apposition d'un timbre humide contrefait. La cour a aussi souligné l'imprécision et l'incohérence du discours de M. B... et l'absence de tout repère temporel permettant d'étayer son récit en vue d'établir sa minorité. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet de la Seine-Maritime n'était pas tenu, en application de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de solliciter les autorités maliennes afin d'établir que l'acte d'état civil en cause est dépourvu d'authenticité, dès lors qu'il est manifestement falsifié au regard de la forme habituelle d'un tel document. Dans ces conditions, le requérant ne peut être regardé comme ayant été régulièrement confié à l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans. En outre, s'il a bénéficié d'un accompagnement scolaire spécifique pour les personnes n'ayant jamais été scolarisées et a été orienté à partir de l'année 2020 au centre de formation des apprentis du Havre où il s'est inscrit dans une formation en menuiserie il n'a pas réussi les examens du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) et ne peut être regardé comme justifiant du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni n'a, en tout état de cause, méconnu les dispositions de l'article L. 811-2 du même code.

7. En troisième lieu, si M. B... fait part de sa relation avec une ressortissante française, il ressort des pièces du dossier que cette relation, qui remonte à l'année 2022, est récente et que l'enfant du couple est né postérieurement à la décision attaquée. Il n'est par ailleurs pas établi que le requérant serait dépourvu de toute attache privée ou familiale au Mali, où résident notamment sa mère, son frère et son oncle maternel. Dans ces conditions, compte tenu notamment de la courte durée du séjour en France de l'intéressé, l'arrêté attaqué ne porte pas au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le préfet n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs et en l'absence de tout autre élément, le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Maritime a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de M. B... doit être écarté.

8. En dernier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour doit être écarté. Le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit également être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 17 août 2023. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles de son conseil tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... au, ministre de l'intérieur et à Me Inquimbert.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2025.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A. Vigor

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°24DA02028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA02028
Date de la décision : 25/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SELARL MARY & INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-25;24da02028 ?
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