Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes des Landes ont demandé au tribunal administratif de Lille d'une part, d'annuler la décision du 17 septembre 2019 par laquelle le préfet de région Hauts-de-France a autorisé M. A... B... à exercer la profession de masseur-kinésithérapeute, ensemble la décision implicite par laquelle le préfet de région Hauts-de-France a refusé de retirer cette décision, d'autre part, de condamner l'État à leur verser chacun la somme de 1 001 euros au titre de leurs préjudices.
Par un jugement n° 2102130 du 19 avril 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juin 2024 et 3 avril 2025, le conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes des Landes, représentés par Me Gonzalez, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet de région Hauts-de-France en date du 17 septembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de région Hauts-de-France en date du 17 septembre 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal a procédé d'office à une substitution de motif que l'administration n'avait pas sollicitée ;
- le tribunal ne pouvait substituer un traité international à une loi nationale pour fonder la décision contestée ;
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de répondre à leurs observations en réponse au moyen d'ordre public qu'ils ont soulevé et tirées de ce que la substitution de motif portait sur le champ d'application du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et que l'administration n'avait pas sollicité une telle substitution ;
- l'autorisation accordée à M. B... méconnaît l'article L. 4381-4 du code de la santé publique dès lors que l'intéressé est un ressortissant d'un Etat non membre de l'Union européenne et qu'il n'est pas titulaire d'un titre de formation obtenu dans un État membre de l'Union européenne ;
- l'autorisation accordée à M. B... méconnaît l'article L. 4321-4 du code de la santé publique dès lors qu'il n'est pas titulaire d'un titre de formation obtenu dans un Etat membre de l'Union européenne ;
- en sa qualité de ressortissant brésilien, M. B... ne peut pas bénéficier des dispositions du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- l'intéressé ne justifie pas d'une expérience professionnelle d'au moins trois années dans un État membre de l'Union européenne ou partie à l'Espace économique européen ;
- son expérience, limitée à huit mois de stage, n'est pas équivalente à celle exigée par le code de la santé publique ;
- M. B... ne peut pas être assimilé à un ressortissant européen ;
- la cour se doit de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne tenant à l'applicabilité des dispositions des articles 45 et 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en lieu et place de la législation nationale issue du code de la santé publique.
Par un mémoire, enregistré le 26 février 2025, M. A... B..., représenté par Me Leca, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du conseil national de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes et du conseil départemental de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes des Landes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
La requête et les pièces de la procédure ont été communiquées à la ministre de la santé et de l'accès aux soins qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe,
- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Ku Jung, représentant le conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes des Landes.
Considérant ce qui suit :
1. Par leur requête, le conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes des Landes relèvent appel du jugement n° 2102130 du 19 avril 2024 en tant que le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision en date du 17 septembre 2019 par laquelle le préfet de la région Hauts-de-France a, au visa des dispositions de l'article L. 4381-4 du code de la santé publique, autorisé M. B..., ressortissant brésilien, à exercer la profession de masseur-kinésithérapeute sur le territoire français.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 4381-4 du code de la santé publique : " Sans préjudice des engagements internationaux de la France en matière de coopération sanitaire, et notamment de ses engagements en faveur du développement solidaire, l'autorité compétente peut également, après avis d'une commission, autoriser individuellement les ressortissants d'un Etat non membre de l'Union européenne ou non partie à l'accord sur l'Espace économique européen à exercer les professions citées au présent livre ainsi que celles mentionnées aux articles L. 1132-1, L. 4241-1 et L. 4241-13. / Ils doivent être titulaires d'un titre de formation obtenu dans un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen et leur expérience professionnelle peut être attestée par tout moyen. ".
3. Il est constant que M. B..., qui a obtenu le 14 janvier 2005 un diplôme de physiothérapie délivré par une université brésilienne, n'est pas titulaire d'un titre de formation obtenu dans un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen. Si les autorités italiennes ont homologué, le 29 août 2017, le diplôme brésilien de M. B... et lui ont donné les mêmes effets, sur leur territoire national, que le diplôme universitaire italien de masseur-kinésithérapeute, le titre de formation étranger ainsi reconnu ne saurait être regardé comme un titre de formation obtenu dans un Etat membre ou partie au sens des dispositions citées au point 2. Dès lors, et ainsi qu'il l'a mentionné en première instance, le préfet de la région Hauts-de-France ne pouvait pas légalement accorder à l'intéressé l'autorisation d'exercer la profession de masseur-kinésithérapeute sur le seul fondement des dispositions précitées de l'article L. 4381-4 du code de la santé publique.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué ni les autres moyens de la requête, que le conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes des Landes sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la région Hauts-de-France en date du 17 septembre 2019.
Sur les frais d'instance :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du conseil national de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes et du conseil départemental de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes des Landes qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2102130 du 19 avril 2024 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation présentées par le conseil national de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes et le conseil départemental de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes des Landes dirigées contre la décision du préfet de la région Hauts-de-France en date du 17 septembre 2019.
Article 2 : La décision du préfet de région Hauts-de-France en date du 17 septembre 2019 est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, au conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes des Landes, à M. A... B... et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Copie en sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.
Délibéré après l'audience publique du 10 juin 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,
Signé : B. ChevaldonnetLa greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
2
N°24DA01193