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04/06/2025 | FRANCE | N°24DA01114

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 04 juin 2025, 24DA01114


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, à titre principal, d'annuler la décision n° 1639/2022 du 1er septembre 2022 par laquelle le préfet de la région Normandie lui a infligé, pour des faits de " pêche maritime d'une espèce à une époque où sa pêche est interdite ", une amende administrative de 9 900 euros, une sanction de six points de pénalité en sa qualité de capitaine du navire de pêche " Le Squale " immatriculé LH 557 722 et la même sanction e

n sa qualité d'armateur de ce navire ou, à titre subsidiaire, de le dispenser de ces sanction...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, à titre principal, d'annuler la décision n° 1639/2022 du 1er septembre 2022 par laquelle le préfet de la région Normandie lui a infligé, pour des faits de " pêche maritime d'une espèce à une époque où sa pêche est interdite ", une amende administrative de 9 900 euros, une sanction de six points de pénalité en sa qualité de capitaine du navire de pêche " Le Squale " immatriculé LH 557 722 et la même sanction en sa qualité d'armateur de ce navire ou, à titre subsidiaire, de le dispenser de ces sanctions ou d'en revoir le quantum.

Par un jugement n° 2300665 du 5 avril 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 juin 2024 et 6 février 2025, M. B..., représenté par Me Langlais, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la région Normandie en date du 1er septembre 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour n'avoir pas complètement répondu à son moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 946-6 du code rural et de la pêche maritime ;

- il est également irrégulier pour avoir omis de répondre au moyen tiré de l'atteinte aux droits de la défense tenant à ce que la décision attaquée a déduit de son absence d'observation qu'il reconnaissait implicitement sa responsabilité ;

- il est également irrégulier pour n'avoir pas complètement répondu à son moyen tiré de ce que la décision attaquée est fondée sur un simple avis du ministre de la mer dépourvu d'effet décisoire et qui n'interdit en tout état de cause pas les captures inévitables ;

- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ratione temporis et en méconnaissance du délai d'un an prévu par l'article L. 946-6 du code rural et de la pêche maritime dès lors que les faits ont été constatés le 14 septembre 2021 et que la décision, bien qu'antidatée au 1er septembre 2022, a été en réalité prise et notifiée en décembre 2022 ;

- elle a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière dès lors, d'une part, qu'en méconnaissance des droits de la défense et de l'article L. 946-5 du code rural et de la pêche maritime, l'autorité administrative ne l'a pas informé des dispositions qu'il aurait enfreintes et, d'autre part, qu'il n'a pas davantage été informé du droit qu'il avait de garder le silence ;

- elle est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne mentionne pas les dispositions législatives et réglementaires qui incrimineraient les faits de " pêche maritime d'une espèce à une époque où sa pêche est interdite ", que la mention d'un code NATIF n'est à cet égard pas suffisante, qu'elle ne précise pas davantage les dispositions du code rural et de la pêche maritime au regard desquelles la gravité de l'infraction a été caractérisée, qu'elle ne comporte pas les considérations de fait prises en compte par le préfet pour caractériser en l'espèce la gravité de l'infraction qui lui est reprochée d'avoir commise et qu'elle n'explicite en particulier ni les raisons pour lesquelles l'administration lui a infligé trois sanctions, ni les critères ayant permis d'en déterminer leur quantum ;

- l'infraction sur laquelle elle repose n'est pas constituée ; à titre principal, l'avis publié au Journal officiel, sur lequel le préfet se fonde pour considérer qu'il a pêché du maquereau à une date où cette pêche n'était plus autorisée, est dépourvu de force contraignante et n'est pas signé ; à titre subsidiaire, cet avis autorise les captures inévitables, sous réserve d'être enregistrées, débarquées et déclarées, ce dont il s'est acquitté ;

- le quantum des sanctions qu'elle prononce à son encontre est illégal dès lors qu'elle ne caractérise pas la gravité des faits lui étant reprochés tant en qualité d'armateur qu'en qualité de capitaine, que l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime s'oppose à ce que des points de pénalité puissent être cumulativement infligés à une même personne à la fois en sa qualité d'armateur et en celle de capitaine et qu'elle procède d'un défaut d'examen de sa situation particulière.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 décembre 2024 et 21 février 2025, le ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche conclut au rejet de la requête d'appel de M. B....

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Toutias, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par sa requête, M. A... B..., capitaine et armateur du navire de pêche baptisé " Le Squale ", immatriculé LH 557 722, relève appel du jugement du 5 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision n°1639/2022 en date du 1er septembre 2022 par laquelle le préfet de la région Normandie lui a infligé une amende administrative de 9 900 euros ainsi qu'une sanction de six points de pénalité en sa qualité de capitaine du navire et la même sanction en sa qualité d'armateur, pour des faits de " pêche maritime d'une espèce à une période où sa pêche est interdite ".

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 946-6 du code rural et de la pêche maritime : " La décision de l'autorité administrative ne peut être prise plus d'un an à compter de la constatation des faits. / (...) ". Le délai d'un an prévu par ces dispositions constitue une garantie pour le professionnel mis en cause. Il en résulte que la décision de l'autorité administrative doit non seulement être prononcée dans ce délai mais aussi être régulièrement notifiée à l'intéressé avant son expiration.

3. Il résulte de l'instruction que, le 7 septembre 2021, un agent de contrôle de l'unité littorale des affaires maritimes de la direction départementale des territoires et de la mer de la Seine-Maritime a constaté que du maquereau était proposé à la vente directe sur l'étal du navire de pêche " Le Squale " au port du Havre, alors que l'épuisement du quota de capture attribué à la France pour cette espèce avait été constaté par un avis n° 30 du ministre chargé de la pêche publié au Journal officiel le 4 septembre 2021 et que sa pêche était désormais interdite à compter de cette date. Le 14 septembre 2021, un procès-verbal de constat d'infraction a été dressé pour des faits de " pêche maritime d'une espèce à une période où sa pêche est interdite ". Les services de la direction départementale des territoires et de la mer de la Seine-Maritime ont alors engagé une procédure de sanction administrative à l'encontre de M. B.... A l'issue de celle-ci, par la décision contestée en date du 1er septembre 2022, le préfet de la région Normandie a infligé à l'intéressé une amende administrative de 9 900 euros, six points de pénalité en sa qualité de capitaine du navire de pêche " Le Squale " et six points de pénalité en sa qualité d'armateur du même navire. Il résulte toutefois de l'instruction que cette décision n'a été notifiée au requérant que le 16 décembre 2022, soit plus d'an après la constatation des faits qui lui sont reprochés. Il s'ensuit que, à supposer même que cette décision ait été établie et signée le 1er septembre 2022, M. B... est fondé à soutenir qu'elle n'a, au sens des dispositions de l'article L. 946-6 du code rural et de la pêche maritime, pas été prise dans le délai d'un an suivant la constatation des faits et qu'elle est, pour ce motif, entachée d'illégalité. Le moyen qu'il soulève en ce sens doit, dès lors, être accueilli.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de la décision du préfet de la région Normandie n° 1639/2022 datée du 1er septembre 2022.

Sur les frais liés au litige :

5. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2300665 du 5 avril 2024 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La décision n° 1639/2022 du préfet de la région Normandie en date du 1er septembre 2022 est annulée.

Article 3 : Les conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Copie en sera adressée à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au préfet de la région Normandie.

Délibéré après l'audience publique du 13 mai 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2025.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de chambre,

Signé : B. ChevaldonnetLa greffière,

Signé : A. Vigor

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°24DA01114


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01114
Date de la décision : 04/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : STREAM AVOCATS & SOLICITORS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-04;24da01114 ?
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