Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C..., M. E... C..., Mme F... C... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur payer la somme de 1 889 920,24 euros en réparation des préjudices subis à la suite de la vaccination de B... contre le virus de la grippe A (H1N1).
Par un jugement n°2001410 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 14 février 2023, 17 août 2023, 30 novembre 2023, 26 décembre 2023, et le 12 mars 2025, les consorts C..., représentés par Me Joseph-Oudin, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de condamner l'ONIAM à verser les sommes de :
* 2 328 970,52 euros à Mme B... C... ;
* 25 014 euros à Mme F... C... ;
* 25 000 euros à M. E... C... ;
* 18 000 euros à M. A... C... ;
3°) à titre subsidiaire, de diligenter une expertise ;
4°) de condamner l'ONIAM aux entiers dépens ;
5°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761 -1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la responsabilité de l'ONIAM est engagée à raison de la narcolepsie-cataplexie développée par B... à la suite de sa vaccination contre le virus de la grippe A H1N1 dans le cadre de mesures d'urgence en application de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique ;
- Mme B... C... a droit aux sommes de :
* 31 071 euros au titre de la perte de gains professionnels constatée du 4 janvier 2016 au 11 avril 2018.
* 286 860 euros au titre de l'assistance par tierce personne avant consolidation ;
* 1 439 569,20 euros au titre de l'assistance par tierce personne après consolidation ;
* 53 224,17 euros au titre de la perte de gains professionnels constatée du 11 avril 2018 au 31 mars 2025 ;
* 100 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;
* 100 000 euros au titre du préjudice scolaire ;
* 503,15 euros au titre des frais de renouvellement de permis de conduire ;
* 44 943 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
* 28 000 euros au titre des souffrances endurées ;
* 8 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
* 146 800 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
* 10 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;
* 20 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;
* 50 000 euros au titre du préjudice d'établissement ;
* 10 000 euros au titre du préjudice sexuel ;
- Mme F... C... a droit aux sommes de :
* 15 000 euros au titre de son préjudice d'affection :
* 10 000 euros au titre du bouleversement de ses conditions d'existence ;
* 14 euros au titre de ses frais d'accompagnement ;
- M. E... C... a droit aux sommes de :
* 15 000 euros au titre de son préjudice d'affection :
* 10 000 euros au titre du bouleversement de ses conditions d'existence ;
- M. A... C... a droit aux sommes de :
* 10 000 euros au titre de son préjudice d'affection :
* 8 000 euros au titre du bouleversement de ses conditions d'existence.
Par des mémoires enregistrés les 19 juillet, 29 novembre, 20 décembre 2023, 17 février et 21 mars 2025, l'ONIAM, représenté par Me Saumon et Me Roquelle-Meyer, demande à la cour de rejeter la requête des consorts C....
Il soutient que les moyens soulevés par les consorts C... ne sont pas fondés.
La requête a été transmise à la mutuelle générale de l'éducation nationale de l'Aisne qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 25 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 avril 2025.
Une note en délibéré présentée pour l'ONIAM a été enregistrée le 12 mai 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Delahaye, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C..., né le 22 juillet 1996, a été vacciné le 7 décembre 2009 contre le virus de la grippe A (H1N1) au moyen du vaccin Pandemrix, dans le cadre de la campagne organisée par un arrêté du 4 novembre 2009 de la ministre de la santé et des sports. Il s'est vu diagnostiquer le 12 novembre 2012 une narcolepsie avec cataplexie. Attribuant cette pathologie à la vaccination reçue, M. D... C..., devenu Mme B... C... à la suite d'un changement de sexe, ses parents, M. E... C... et Mme F... C... et son frère, A..., ont saisi l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) qui, par une décision du 11 mars 2020, après avoir diligenté une expertise dont le rapport a été remis le 6 octobre 2019, a rejeté leur demande indemnitaire. Les consorts C... relèvent appel du jugement du 15 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur requête tendant à la condamnation de l'ONIAM à les indemniser des préjudices subis.
Sur la responsabilité :
2. Aux termes de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique : " I. - En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de prévenir et de limiter les conséquences de cette menace sur la santé de la population, prescrire : / 1° Toute mesure réglementaire ou individuelle relative à l'organisation et au fonctionnement du système de santé ; (...) ". Sur le fondement de ces dispositions, et pour prévenir les conséquences de la pandémie de grippe A (H1N1), le ministre de la santé et des sports a, par un arrêté du 4 novembre 2009, pris des mesures d'urgence en vue de la mise en œuvre d'une campagne nationale de vaccination qui a débuté le 20 octobre 2009 pour les professionnels de santé et le 12 novembre 2009 pour l'ensemble de la population.
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures prises conformément aux articles L. 3131-1 ou L. 3134-1 est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales mentionné à l'article L. 1142-22. ". Il appartient à l'ONIAM de réparer, en application de ces dispositions qui s'appliquent aux mesures d'urgence prises sur le fondement des dispositions citées au point 2 de l'article L.3131-1 du code de la santé publique pour faire face à une menace sanitaire grave, les pathologies imputables aux vaccinations contre la grippe A (H1N1) intervenues dans le cadre de l'arrêté cité précédemment du ministre de la santé et des sports. Saisis d'un litige individuel portant sur la réparation des conséquences d'une vaccination intervenue dans ce cadre, il appartient aux juges du fond, dans un premier temps, non pas de rechercher si le lien de causalité entre la vaccination et l'affection présentée est ou non établi, mais de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant eux, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe. Il leur appartient ensuite, soit, s'il ressort de cet examen qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe, de rejeter la demande, soit, dans l'hypothèse inverse, de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et de ne retenir alors l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination subie par la victime et les symptômes qu'elle a ressentis que si ceux-ci sont apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou se sont aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu'il ne ressort pas du dossier qu'ils peuvent être regardés comme résultant d'une autre cause que la vaccination.
4. D'une part, au vu du dernier état des connaissances scientifiques, la probabilité de l'existence d'un lien de causalité entre l'administration du vaccin Pandemrix, administré pendant la campagne de vaccination contre la pandémie de grippe A (H1N1) entre octobre 2009 et mars 2010, et le développement d'une narcolepsie de type 1, ne peut être regardée comme exclue.
5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que Mme B... C..., a été vaccinée le 7 décembre 2009, à l'âge de treize ans, contre le virus grippe H1N1 au moyen du vaccin Pandemrix et qu'elle s'est vue par la suite diagnostiquer une narcolepsie-cataplexie. Eu égard à ce qui a été dit au point précédent, la probabilité de l'existence d'un lien de causalité entre cette vaccination et le développement de la narcolepsie ne peut être regardée comme exclue au vu du dernier état des connaissances scientifiques.
6. D'autre part, l'ONIAM soutient que l'ensemble de la communauté scientifique s'accorde sur un délai maximal d'un an entre la vaccination par Pandemrix et la survenue des premiers signes de la narcolepsie. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise déposé le 6 octobre 2019 ainsi que de plusieurs études dont se prévalent les consorts C..., que le risque de développer une narcolepsie perdure dans les deux années suivant la vaccination, ce délai de 24 mois ayant également été retenu par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans son point d'information du 18 septembre 2013.
7. En l'espèce, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise diligentée par l'ONIAM en date du 6 octobre 2019, que les experts ont daté l'apparition des premiers symptômes ressentis par Mme B... C... aux premiers mois suivant la vaccination, lesquels se sont caractérisés notamment par une somnolence diurne importante, de la fatigue, des cataplexies de la nuque et une prise de poids importante entre le mois de mars 2010 et janvier 2011. Les experts ont en conséquence qualifié de vraisemblable l'imputabilité de la maladie à la vaccination. Si l'ONIAM soutient que les constatations des experts résultent de déclarations de proches de l'intéressée et ne sont étayées par aucune pièce médicale contemporaine à l'apparition des symptômes, il résulte au contraire de l'instruction que le médecin pédiatre ayant examiné B... C... le 19 juillet 2011 dans le cadre du suivi de sa gynécomastie unilatérale, soit 19 mois après la vaccination, a relevé une asthénie marquée de l'enfant ainsi qu'une prise de poids importante de 20 kg sur la période d'un an précédant cette consultation, lesquelles ne trouvaient pas leur cause dans un désordre endocrinien. Dès lors que les premiers symptômes de la maladie sont ainsi apparus dans le délai mentionné au point précédent, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de retenir un lien de causalité entre la vaccination subie par Mme B... C... et la narcolepsie dont elle est atteinte dès lors, ainsi que le relève le rapport d'expertise, qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette pathologie puisse être regardée comme résultant d'une autre cause que la vaccination, contrairement à ce que soutient l'ONIAM. Les consorts C... sont en conséquence fondés à se prévaloir d'un droit à indemnisation par l'ONIAM de la totalité des préjudices résultant de la narcolepsie dont Mme B... C... est atteinte.
Sur les préjudices de Mme B... C... :
8. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de Mme B... C... doit être regardé comme consolidé à la date du 11 avril 2018.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux temporaires :
S'agissant de l'assistance par tierce personne pour les besoins de la vie quotidienne :
9. Le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours.
10. Il résulte du rapport d'expertise que l'état de Mme B... C... a nécessité, entre le début d'apparition de ses symptômes à la date estimée du 15 janvier 2010 et le 6 novembre 2012 une aide non spécialisée d'une tierce personne pour accomplir les actes de la vie courante d'une heure par jour, soit durant 1 027 jours, puis de quatre heures par jour du 7 novembre 2012 jusqu'à la consolidation de son état de santé, soit 1 982 jours. Contrairement à ce que fait valoir l'ONIAM, il ne résulte pas de l'instruction que l'évaluation de cette assistance par tierce personne avant la consolidation de l'état de santé de Mme C... telle qu'elle ressort du rapport d'expertise, présenterait un caractère excessif.
11. Compte tenu des besoins d'assistance par une tierce personne non spécialisée tels que rappelés au point précédent, qu'il y a lieu en l'espèce d'évaluer sur la base d'un montant moyen de 13 euros par heure, représentatif des valeurs du salaire minimum interprofessionnel de croissance et des taux moyens des cotisations sociales obligatoires sur cette période, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'assistance par une tierce personne non spécialisée subi par Mme C... en lui allouant à ce titre la somme de 131 405,42 euros. [1 x 1 027 x 13 x (412/365)] + [(4 x 1 982 x 13 x (412/365)].
S'agissant de l'assistance pour les besoins en matière scolaire :
12 Selon le rapport d'expertise, l'état de santé de Mme B... C... a nécessité une aide scolaire spécialisée de 1h30 par jour de la date de début des symptômes en janvier 2010 jusqu'au 30 juin 2015. Dès lors que cette assistance scolaire a été apportée par ses parents, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de l'évaluer sur la base d'un montant moyen de 13 euros par heure à raison d'une heure par jour durant 180 jours de classe par an et 20 jours par an durant les petites vacances scolaires. Par suite, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme C... à ce titre en lui allouant, au titre de la période alléguée de 1 993 jours courant du 15 janvier 2010 au 30 juin 2015, la somme de 21 295,07 euros. [1 993 x 13 x1,5 x (200/365)].
S'agissant des pertes de gains professionnels du 4 janvier 2016 au 11 avril 2018 :
13. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'en raison de sa pathologie engendrant une lenteur idéatoire et des difficultés attentionnelles et mnésiques, Mme B... C... a subi une limitation de ses possibilités de réussite scolaire, avec orientation vers une filière technique à compter du mois de septembre 2011, suivie de deux échecs au baccalauréat. Il résulte également du rapport des experts que si Mme C... paraît apte à une activité génératrice de gains, sa pathologie nécessite des adaptations tant en termes de type d'activité professionnelle qu'en termes de modalités d'exercice (absence d'horaires postés, horaires aménagés ou temps partiel avec possibilité de repos). Il résulte ainsi de l'instruction que l'intéressée se trouve, du fait de la survenue de cette pathologie dans son jeune âge, privée de toute possibilité d'accéder dans les conditions usuelles à une activité professionnelle et qu'elle subit en conséquence un préjudice de perte de gains professionnels. Les requérants soutiennent que B... n'est pas parvenue à trouver un emploi depuis le 4 janvier 2016, date de son inscription à pôle emploi à l'âge de 20 ans, et sollicitent à ce titre l'indemnisation de sa perte de gains professionnels sur la période courant du mois de janvier 2016 au 11 avril 2018, date de consolidation de son état de santé, en l'estimant à la somme de 31 071 euros sur la base du SMIC net. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme C... aurait perçu des revenus de substitution durant cette période, et en l'absence de toute contestation par l'ONIAM de l'évaluation de ce chef de préjudice, il sera fait une juste appréciation du préjudice à ce titre en lui octroyant la somme sollicitée de 31 071 euros.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux permanents :
S'agissant de l'assistance par tierce personne :
14. Selon le rapport d'expertise médicale, l'état de Mme B... C... requiert depuis la consolidation de son état de santé une aide non spécialisée d'une tierce personne pour accomplir les actes de la vie courante de 2 heures 30 par jour. Toutefois, ainsi que le fait valoir l'ONIAM, il résulte de l'instruction, et notamment du compte-rendu de consultation du Dr G... du 11 avril 2018, date de consolidation de l'état de santé retenue par l'expertise, que l'évolution clinique de B... est stable et favorable, que la somnolence diurne est bien contrôlée par son traitement, que ses cataplexies ne surviennent plus qu'à raison de 5 à 6 épisodes par semaine essentiellement au niveau du visage et que le sommeil de nuit est relativement préservé, les experts ayant également relevé que B... C... était autonome pour la plupart des actes de la vie quotidienne. Il sera dès lors fait une juste appréciation de son besoin d'assistance d'une tierce personne pour accomplir les actes de la vie courante, pour la période postérieure à la consolidation de son état de santé, en le fixant en l'espèce à 1h 30 par jour.
15. D'une part, eu égard aux principes rappelés au point 9 du présent arrêt et compte tenu des besoins d'assistance par une tierce personne non spécialisée tels que rappelés au point précédent de la date de consolidation de son état de santé à la date du présent arrêt, soit durant 2612 jours, qu'il y a lieu en l'espèce d'évaluer sur la base d'un montant moyen de 16 euros par heure, représentatif des valeurs du salaire minimum interprofessionnel de croissance et des taux moyens des cotisations sociales obligatoires sur la période considérée, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'assistance par une tierce personne non spécialisée subi par Mme B... C... en lui allouant à ce titre la somme de 70 760,15 euros. [1,5 x 2612 x 16 x (412/365)].
16. D'autre part, au regard du montant annuel de l'assistance à tierce personne que nécessite l'état de santé de Mme B... C... à compter de la date du présent arrêt, qu'il y a lieu en l'espèce d'évaluer sur la base d'un montant moyen de 17 euros par heure et qui peut en conséquence être estimé pour le futur à la somme annuelle de 10 506 euros (1,5 x 17 x 412) et du montant de l'euro de rente fixé à 53,069 par le barème publié par la Gazette du Palais en 2025, pour une femme de 28 ans, âge de Mme B... C... à la date du présent arrêt, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'assistance par tierce personne futur en fixant son montant à la somme de 557 542,91 euros (10 506 x 53,069).
S'agissant du préjudice scolaire et de formation :
17. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'en raison de sa pathologie engendrant une lenteur idéatoire et des difficultés attentionnelles et mnésiques, Mme C... a subi une limitation de ses possibilités de réussite scolaire, avec orientation vers une filière technique à compter du mois de septembre 2011 et deux échecs au baccalauréat. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre en le fixant à la somme de 20 000 euros.
S'agissant des frais de renouvellement du permis de conduire :
18. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que du fait de sa pathologie, Mme B... C... s'est vue délivrer en mars 2018 le permis de conduire pour une période limitée à cinq ans. Dès lors qu'il n'est pas contesté que les frais de renouvellement de validité de ce permis à renouveler tous les cinq ans s'élèvent à la somme de 35 euros, il sera fait une juste appréciation du préjudice à ce titre en le fixant à la somme de 500 euros.
S'agissant des pertes de gains professionnels du 11 avril 2018 au 31 mars 2025 :
19. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit précédemment, que Mme B... C... se trouve, du fait de la survenue de cette pathologie dans son jeune âge, privée de toute possibilité d'accéder dans les conditions usuelles à une activité professionnelle et qu'elle subit en conséquence un préjudice de perte de gains professionnels. Mme C... soutient qu'elle n'est pas parvenue à trouver un emploi depuis le 4 janvier 2016, date de son inscription à Pôle emploi. Elle sollicite à ce titre l'indemnisation de sa perte nette de gains professionnels du 11 avril 2018, date de consolidation de son état de santé, au 31 mars 2025, en l'estimant à la somme de 53 224,17 euros sur la base notamment du SMIC net. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait perçu des revenus de travail ou des revenus de substitution, et en l'absence de toute contestation par l'ONIAM de l'évaluation de ce chef de préjudice, il sera fait une juste appréciation du préjudice à ce titre en lui octroyant la somme sollicitée de 53 224,17 euros.
S'agissant de l'incidence professionnelle :
20 Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme B... C... reste atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 40 % et aura besoin sur le plan professionnel d'un poste adapté avec des horaires aménagés ou un temps partiel avec un temps de repos. Compte tenu des difficultés pour trouver un emploi adapté en raison notamment de ses problèmes d'endormissement diurnes, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre en lui allouant une somme de 40 000 euros au titre de l'incidence professionnelle.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux temporaires :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
21. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme B... C... a subi en lien avec la narcolepsie dont elle est atteinte, un déficit fonctionnel temporaire de 100 % les 7 et 8 novembre 2012, les 29 et 30 janvier 2015 ainsi que le 21 novembre 2014, soit durant 5 jours, de 30 % du 15 janvier 2010 au 6 novembre 2012, soit durant 1027 jours, et de 60 % du 7 novembre 2012 jusqu'à la consolidation de son état de santé, soit durant 1982 jours. En se fondant sur les périodes et cotations ainsi retenues par l'expertise et sur un montant de 15 euros par jour pour un déficit fonctionnel temporaire total, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme C... en lui allouant à ce titre une somme de 22 534,50 euros [(5 x 15) +( 1 027 x 15 x 0,30) + (1 982 x 15 x 0,6)].
S'agissant des souffrances endurées :
22. Il résulte de l'instruction que les souffrances endurées par Mme B... C... ont été évaluées par l'expertise à 5 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant une indemnité de 13 500 euros.
S'agissant du préjudice esthétique temporaire :
23. Il résulte de l'instruction que le préjudice esthétique temporaire subi par Mme B... C... en raison notamment de la prise de poids résultant de sa pathologie a été évalué par l'expertise à 4 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant une indemnité de 7 000 euros.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux permanents :
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
24. Il résulte de l'instruction que Mme B... C... conserve, en lien avec la narcolepsie dont elle est atteinte, un déficit fonctionnel permanent qui a été estimé par l'expertise à 40 %. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant à ce titre une indemnité de 120 000 euros.
S'agissant du préjudice esthétique permanent :
25. Il résulte de l'instruction que le préjudice esthétique permanent subi par Mme B... C... en raison notamment de la prise de poids résultant de sa pathologie a été évalué par l'expertise à 4 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant une indemnité de 7 000 euros.
S'agissant du préjudice d'agrément :
26. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'en raison de sa pathologie, Mme B... C... ne pratique plus le judo, l'escrime et le ski, et qu'elle ne conduit jamais seule et pas la nuit. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'agrément subi à ce titre en lui allouant la somme de 2 000 euros.
S'agissant du préjudice d'établissement :
27. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'en raison des symptômes liés à sa narcolepsie, Mme B... C... aura plus de difficultés à établir une relation affective et sexuelle durable et à fonder un foyer familial. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant une indemnité de 5 000 euros.
S'agissant du préjudice sexuel :
28. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que si la fonction sexuelle de Mme B... C... est préservée, elle doit gérer les difficultés liées aux accès de cataplexie et aux endormissements susceptibles de survenir durant l'acte sexuel. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant une indemnité de 1 000 euros.
29. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... C... est fondée à être indemnisée des préjudices subis à hauteur de la somme totale de 1 103 833,22 euros.
Sur les préjudices des victimes indirectes:
30. En premier lieu, si l'indemnisation des frais d'assistance par une tierce personne ne peut intervenir qu'au profit de la victime, les proches de la victime qui lui apportent une assistance peuvent prétendre à être indemnisés par le responsable du dommage au titre des préjudices qu'ils subissent de ce fait. La famille de la victime peut ainsi prétendre, le cas échéant, à la réparation d'un préjudice propre consistant en des troubles dans ses conditions d'existence ayant résulté de l'obligation qu'il a eue d'apporter une aide à la victime.
31. Il résulte de l'instruction que les conditions d'existence quotidienne des parents de Mme B... C..., et de son frère A... né en 2000, ont été bouleversées du fait de sa pathologie et qu'ils doivent lui apporter une aide quotidienne en raison des symptômes dont elle est atteinte. Il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence subis en conséquence, en le fixant pour chacun de ses parents à la somme de 15 000 euros, et pour son frère A... à la somme de 10 000 euros.
32. En deuxième lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par les parents de Mme B... C... et son frère, en le fixant pour chacun de ses parents à la somme de 10 000 euros, et pour son frère à la somme de 5000 euros.
33. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que la mère de Mme B... C... a engagé des frais de stationnement pour se rendre à la réunion d'expertise du 13 avril 2019. Elle est par suite fondée à solliciter le remboursement de ses frais qui se sont élevés à la somme de 14 euros.
34. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande et qu'il y a lieu de condamner l'ONIAM à verser à Mme B... C... la somme totale de 1 103 833,22 euros, à Mme F... C... la somme de 25 014 euros, à M. E... C... la somme de 25 000 euros et à M. A... C... la somme de 15 000 euros.
Sur les dépens :
35. En l'absence de dépens dans la présente instance, les conclusions présentées à ce titre par les consorts C... doivent, en tout état de cause, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
36. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 3 000 euros à verser aux consorts C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 15 décembre 2022 est annulé.
Article 2 : L'ONIAM est condamné à verser à Mme B... C... la somme de 1 103 833,22 euros.
Article 3 : L'ONIAM est condamné à verser à Mme F... C... la somme de 25 014 euros.
Article 4 : L'ONIAM est condamné à verser à M. E... C... la somme de 25 000 euros.
Article 5 : L'ONIAM est condamné à verser à M. A... C... la somme de 15 000 euros.
Article 6 : L'ONIAM versera aux consorts C... une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7: Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 8 : Le présent jugement sera notifié à Mme B... C..., à M. E... C..., à Mme F... C..., à M. A... C..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la mutuelle générale de l'éducation nationale de l'Aisne.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : L. DelahayeLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A. Vigor
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°23DA00278