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21/05/2025 | FRANCE | N°24DA00078

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 21 mai 2025, 24DA00078


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Cambrai à lui verser la somme de 721 296 euros en réparation de divers préjudices subis au cours de sa carrière.



Par une ordonnance n° 2304209 du 14 novembre 2023, la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés

le 12 janvier 2024, le 27 juin 2024, le 22 octobre 2024, le 7 février 2025, le 25 février 2025 et le 3 mars 2025, ces deux ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Cambrai à lui verser la somme de 721 296 euros en réparation de divers préjudices subis au cours de sa carrière.

Par une ordonnance n° 2304209 du 14 novembre 2023, la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 janvier 2024, le 27 juin 2024, le 22 octobre 2024, le 7 février 2025, le 25 février 2025 et le 3 mars 2025, ces deux derniers mémoires n'ayant pas été communiqués, Mme A..., représentée par Me Platel, demande à la cour :

1°) d'ordonner une médiation en application de l'article L. 213-7 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler cette ordonnance du 14 novembre 2023 ;

3°) de condamner la commune de Cambrai à lui verser la somme de 981 430 euros en réparation de divers préjudices subis au cours de sa carrière ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Cambrai une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande présentée au tribunal administratif était recevable dès lors qu'elle a saisi la commune de Cambrai d'une réclamation préalable par un courrier du 19 mai 2023, qui ne se borne pas à informer l'administration de son recours contentieux ;

- elle souhaite trouver une solution amiable aux différends avec la commune de Cambrai ;

- la responsabilité de la commune de Cambrai est engagée en raison d'un défaut d'organisation des services municipaux, de la mesure de révocation prise à son encontre, de sa mutation sur le poste de chargée de mission pour la création du musée d'art sacré, du harcèlement moral dont elle a été victime, des interventions auprès du comité médical afin de la placer en congé de longue maladie plutôt qu'en congé de longue durée, du fait de l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, de l'absence d'informations sur ses droits devant le comité médical, des informations erronées données à ce comité en ce qui concerne sa date de départ à la retraite et de la décision décidant sa mise à la retraite ;

- elle aurait dû bénéficier d'un plein traitement jusqu'en 2020 au moins, dans le cadre d'un congé de longue durée, de sorte qu'elle subit un préjudice salarial résultant de sa mise à la retraite de façon anticipée pour un montant de 53 710 euros, un préjudice en raison de la minoration de sa pension de retraite pour un montant de 264 119 euros, un préjudice résultant de l'impossibilité de se constituer une retraite complémentaire pour un montant de 200 000 euros, un préjudice lié à ses maladies professionnelles pour un montant de 158 471 euros, des souffrances endurées évaluées à 180 000 euros, et des frais de procédure et de conseil pour un montant de 90 130 euros.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 27 mai 2024 et le 26 février 2025, la commune de Cambrai, représentée par Me Thoor, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande présentée devant le tribunal administratif est irrecevable en l'absence de liaison du contentieux dès lors que le courrier du 19 mai 2023 a pour seul objet de l'informer du litige porté par l'intéressée devant la juridiction et ne mentionne pas sur quel fondement la responsabilité de l'administration est recherchée ;

- la requête d'appel est insuffisamment motivée, en l'absence de précision du fondement sur lequel la responsabilité de la commune est recherchée ;

- la cour n'est pas en mesure de vérifier que la requérante engage son action contentieuse sur le même fondement que celui figurant dans sa réclamation préalable ;

- les conclusions indemnitaires sont nouvelles en appel et par suite irrecevables en ce qu'elles excèdent le montant demandé en première instance ;

- la créance dont se prévaut la requérante est prescrite au regard des dispositions de la loi du 31 décembre 1968 ;

- elle s'oppose à toute mesure de médiation ;

- les agissements de harcèlement allégués ne sont pas établis ;

- le vice de procédure devant le comité médical n'est pas établi et ne lui est pas imputable ;

- la commune s'est bornée à transmettre au comité médical l'arrêté du 31 décembre 2014 admettant la requérante à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 26 mars 2015, date de sa limite d'âge, sans user de manœuvres visant à la priver d'un congé de longue durée ;

- la requérante ne pouvait être maintenue en congé de longue maladie ou de longue durée au-delà de sa limite d'âge ;

- un tel congé ne lui aurait pas permis d'obtenir une prolongation d'activité ;

- la requérante n'a jamais sollicité l'imputabilité au service de sa pathologie, alors en outre que la reconnaissance de cette imputabilité n'aurait pas fait obstacle à sa mise à la retraite pour limite d'âge ;

- elle n'a pas demandé le recul de sa limite d'âge ou une prolongation d'activité ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis.

Par une ordonnance du 26 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 mars 2025, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- les conclusions de M. Malfoy, rapporteur public,

- et les observations de Me Sule, représentant la commune de Cambrai.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., conservatrice en chef du patrimoine, a été recrutée par la commune de Cambrai pour diriger le musée des Beaux-Arts à compter du 19 février 2001. Mise à la retraite par un arrêté du 31 décembre 2014, elle a saisi le tribunal administratif de Lille le 9 mai 2023 d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Cambrai à l'indemniser de divers préjudices en lien avec des décisions prises à son encontre lorsqu'elle était en activité. Par une ordonnance du 14 novembre 2023, la présidente de la 1ère chambre du tribunal a rejeté cette demande sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, comme manifestement irrecevable. Mme A... relève appel de cette ordonnance.

Sur la recevabilité de la requête :

2. En premier lieu, pour contester l'ordonnance attaquée, Mme A... soutient dans sa requête que, répondant à la mesure de régularisation prise par le tribunal administratif, elle a saisi la commune de Cambrai par un courrier du 19 mai 2023, que ce courrier présente tous les caractères d'une réclamation préalable, qu'elle a donc lié le contentieux et que la présidente de la 1ère chambre ne pouvait, par conséquent, rejeter sa demande, le 14 novembre 2023, comme manifestement irrecevable. L'appelante conclut en sollicitant l'annulation de cette ordonnance et réitère ses conclusions indemnitaires devant la cour. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient la commune de Cambrai, la requête d'appel de Mme A... est suffisamment motivée.

3. En second lieu, la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur. Cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Si Mme A... porte en appel le montant des réparations de 721 296 euros à 981 430 euros, sans faire état d'une aggravation de ses préjudices postérieurement à l'ordonnance attaquée, ses prétentions demeurent recevables dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

4. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que, saisie par le tribunal administratif d'une demande de régularisation tendant à la production de l'acte attaqué ou de la pièce justifiant de la date du dépôt d'une demande auprès de l'administration, Mme A... a transmis le 28 mai 2023 au greffe de la juridiction un courrier du 19 mai précédent, reçu par la commune de Cambrai le 25 mai 2023, dans lequel l'intéressée rappelle divers reproches faits à son ancien employeur en lien avec un défaut d'organisation des services et les décisions prises à son encontre, notamment la révocation prononcée le 14 juin 2010. Elle précise dans ce courrier que " le comportement dont elle a été victime n'est pas dépourvu de tout lien avec le service de sorte qu'il engage la responsabilité de l'administration ", ajoute qu'elle " demande réparation des dommages dont elle a souffert de ce fait " et décrit les différents postes de préjudices subis en les chiffrant. Si Mme A... conclut son courrier en faisant état de son intention d'informer la commune de son contentieux indemnitaire, elle mentionne être dans l'attente d'une " décision en lien avec ce contentieux " en se référant expressément à l'article R. 421-1 du code de justice administrative en application duquel la saisine de la juridiction doit être précédée d'une décision de l'administration. Contrairement à ce que soutient la commune de Cambrai, il se déduit des mentions portées dans le courrier de Mme A... du 19 mai 2023 qu'elle a entendu rechercher la responsabilité pour faute de l'administration. Le silence gardé par la commune de Cambrai sur ce courrier, qui avait le caractère d'une réclamation préalable, a fait naître une décision implicite de rejet avant que la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Lille ne statue. Dans ces conditions, l'appelante est fondée à soutenir que celle-ci ne pouvait rejeter sa demande comme manifestement irrecevable, en l'absence de liaison du contentieux, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

6. Il s'ensuit que l'ordonnance attaquée doit être annulée. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille.

Sur les conclusions indemnitaires de Mme A... :

En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Cambrai :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, dont les dispositions ont été reprises depuis aux articles L. 133-2 et suivants du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment (...) la discipline (...) ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) ". Il résulte des dispositions législatives précitées que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ne peut légalement édicter une sanction disciplinaire en se fondant sur le fait qu'un fonctionnaire a engagé une action en justice afin de faire cesser des agissements de harcèlement moral.

8. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 14 juin 2010, la commune de Cambrai a prononcé la sanction de révocation à l'encontre de Mme A... au motif qu'elle avait déposé, le 15 septembre 2009, une plainte pour harcèlement moral contre le maire de la commune et que ce dépôt de plainte injustifié et empreint de mauvaise foi avait rompu le lien de confiance entre l'agent et son employeur. Eu égard aux agissements de l'administration dont l'intéressée s'estimait alors victime et des conditions dans lesquelles celle-ci a dénoncé les faits, il n'est pas établi que la sanction de révocation était justifiée et proportionnée, quand bien même elle faisait état d'insuffisances professionnelles de l'intéressée. Cette sanction a d'ailleurs été annulée par un jugement du tribunal administratif de Lille du 22 mars 2011, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 3 juillet 2012. L'illégalité dont la sanction du 14 juin 2010 est entachée est donc susceptible d'engager la responsabilité de la commune de Cambrai.

9. En deuxième lieu, par une décision du 4 septembre 2012 et un arrêté du 10 décembre 2012, la commune de Cambrai, après avoir réintégré Mme A... dans ses fonctions de directrice du musée de Cambrai, a décidé sa mutation sur un poste de chargée de mission pour la création du musée d'art sacré. L'obligation pour l'administration de réintégrer la requérante dans les fonctions dont elle avait été irrégulièrement évincée ne lui interdisait pas de prendre, après avoir prononcé cette réintégration, une nouvelle décision l'affectant dans d'autres fonctions pour l'avenir. Si Mme A... soutient que les conditions juridiques n'étaient pas réunies pour la création d'un musée d'art sacré, remettant en cause l'opportunité d'un tel projet et les actions engagées à cet égard par la municipalité, elle ne démontre pas que la décision de mutation ne serait fondée sur aucun motif répondant à l'intérêt du service.

10. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que, examinant la situation médicale de Mme A..., le comité médical a émis un avis le 10 avril 2015 favorable à l'octroi d'un congé de longue maladie du 4 avril 2014 au 3 avril 2015 puis, après l'avoir requalifié en congé de longue durée, a recommandé un maintien dans cette position de congé jusqu'au 3 août 2015. L'appelante ayant été mise à la retraite pour limite d'âge à compter du 25 mars 2015, la commune de Cambrai est intervenue auprès du secrétariat du comité médical afin que la période de congé envisagée n'excède pas cette dernière date. Répondant à la demande de la commune, le médecin secrétaire du comité médical a modifié l'avis du 10 avril 2015 qui, dans sa rédaction finale, prévoit seulement l'octroi d'un congé de longue maladie du 4 avril 2014 au 25 mars 2015. Mme A..., qui conteste être atteinte par la limite d'âge le 25 mars 2015, soutient qu'elle aurait dû être placée en congé de longue durée après cette date jusqu'en mars 2020, et obtenir en outre que ses pathologies soient reconnues imputables au service afin de bénéficier de son plein traitement. Toutefois, la requérante, née le 25 mars 1950, n'apporte à l'instance aucun élément précis laissant supposer que sa limite d'âge serait fixée au-delà de soixante-cinq ans ou que, eu égard à sa situation médicale, elle aurait pu obtenir le bénéfice, sous réserve de l'avoir demandé, des dispositions permettant un maintien en activité au-delà de sa limite d'âge personnelle. Au demeurant, son recours présenté contre l'arrêté du 31 décembre 2014 l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Lille du 12 décembre 2017. Dès lors, l'administration, constatant que Mme A... avait atteint la limite d'âge le 25 mars 2015, était tenue de prononcer sa mise à la retraite et ne pouvait en conséquence la maintenir légalement en fonction après cette date jusqu'à l'épuisement de ses droits à congés de maladie. Les irrégularités entachant, selon la requérante, l'avis précité du comité médical ne sauraient lui ouvrir droit à réparation dès lors que la même décision limitant son congé de longue maladie au 25 mars 2015 aurait pu être légalement prise. Mme A..., qui se borne à soutenir que son départ forcé à la retraite l'a privée de la possibilité de demander l'imputabilité au service de ses pathologies, ne démontre pas que la commune de Cambrai aurait commis une illégalité fautive en rejetant sa demande d'imputabilité présentée le 7 octobre 2015, alors qu'elle avait quitté le service.

11. En quatrième lieu, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

12. Mme A..., qui indique présenter une symptomatologie caractéristique des personnes victimes de harcèlement moral, fait état du refus du maire de la commune de Cambrai de sanctionner deux agents du musée municipal, de la sanction de révocation dont elle a fait l'objet en 2010 dans des conditions illégales et des interventions du service auprès du comité médical afin d'obtenir une modification de l'avis du 10 avril 2015. Toutefois, ces éléments ne sont pas de nature à faire présumer des agissements constitutifs de harcèlement moral. Par ailleurs, Mme A... se plaint pour l'essentiel de faits imputés au maire de la commune, contre lequel elle a porté plainte, en vain, à trois reprises, sa dernière plainte ayant été classée sans suite en octobre 2018. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la commune de Cambrai a engagé sa responsabilité en raison du harcèlement moral dont elle se dit victime.

13. En dernier lieu, si Mme A... fait état des dysfonctionnements et de la mauvaise organisation du service, elle ne se prévaut sur ce point d'aucun fait précis, autre que ceux qui sont rappelés aux points 8 à 11.

En ce qui concerne la réparation des préjudices :

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à demander la réparation des préjudices résultant de l'éviction illégale dont elle a fait l'objet de juillet 2010 à septembre 2012 à la suite de l'arrêté du 14 juin 2010 prononçant sa révocation. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment du document produit par l'intéressée afin de récapituler ses préjudices, qu'elle demande l'indemnisation des pertes de revenus qu'elle estime avoir subies de mars 2015 à mars 2020 en raison de sa mise à la retraite dans les conditions rappelées plus haut, ainsi que la réparation des pertes résultant selon elle de la minoration de sa pension imputable à son départ à la retraite le 25 mars 2015. Ces postes de préjudices ne présentent pas de lien de causalité avec l'éviction illégale précitée dont il n'est pas sérieusement contesté qu'elle a donné lieu à une reconstitution de ses droits salariaux et sociaux entre juillet 2010 et septembre 2012. Par ailleurs, Mme A... n'apporte à l'instance aucun élément de nature à justifier des frais d'avocat et de conseil dont elle demande l'indemnisation, alors en outre que, dans le cadre du litige portant sur la sanction de révocation, elle a obtenu le versement d'une somme de 1 000 euros en première instance et de 1 500 euros en appel, mises à la charge de la commune de Cambrai au titre des frais non compris dans les dépens. Elle ne démontre pas plus l'existence d'un préjudice résultant de l'impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée de constituer une retraite complémentaire. Si elle demande également la réparation d'un préjudice lié à ses " maladies professionnelles ", selon un calcul prenant en compte son taux d'incapacité, elle n'appuie sa demande sur aucun argumentaire permettant d'en comprendre l'objet et d'en apprécier l'imputabilité éventuelle à son éviction illégale. Enfin, l'indemnisation de son pretium doloris, demandée pour la première fois en appel, ne fait l'objet d'aucune argumentation précise permettant de mesurer les souffrances physiques et morales de l'intéressée.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une médiation à laquelle la commune de Cambrai se refuse, que la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille ne peut qu'être rejetée.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cambrai, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme A... demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme dont la commune de Cambrai demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2304209 du 14 novembre 2023 de la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille, ainsi que ses conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Cambrai présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Cambrai.

Délibéré après l'audience publique du 22 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : J-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M-P. ViardLa greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°24DA00078


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00078
Date de la décision : 21/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Malfoy
Avocat(s) : PLATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-21;24da00078 ?
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