Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'université du littoral Côte d'Opale à lui verser une somme correspondant à l'indemnisation des 448,50 heures supplémentaires et de vacation qui lui sont dues au titre des années universitaires 2012-2013 à 2014-2015, une somme de 10 000 euros en réparation de la résistance abusive qui lui a été opposée pour ne pas payer les sommes qui lui sont dues et une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant du refus d'accès à son dossier.
Par un jugement n° 2004282 du 10 novembre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 janvier 2024 et le 4 septembre 2024, Mme A..., représentée par Me Potier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 novembre 2023 ;
2°) de condamner l'université du littoral Côte d'Opale à lui verser la rémunération des 448,50 heures supplémentaires et de vacation qui lui sont dues au titre des années universitaires 2012-2013 à 2014-2015, une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant du refus abusif de lui verser les sommes qui lui sont dues et une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant du refus d'accès à son dossier ;
3°) de mettre à la charge de l'université du littoral Côte d'Opale une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a réalisé 256,25 heures supplémentaires au cours de l'année universitaire 2012-2013 et 182,25 heures supplémentaires au cours de l'année 2013-2014, ainsi que 10 heures de vacation en 2014-2015, qui ne lui ont pas été rémunérées ;
- le refus de lui verser sa rémunération méconnaît l'article L. 115-1 du code général de la fonction publique ;
- ce refus révèle une situation de discrimination dès lors que ses collègues sont rémunérés sans avoir à justifier des heures supplémentaires effectuées ;
- l'administration refuse de lui donner accès à son dossier individuel, en méconnaissance de l'article L. 137-4 du code précité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2024, l'université du littoral Côte d'Opale, représentée par Me Deldique, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions tendant à l'indemnisation d'un refus d'accès au dossier individuel sont irrecevables, en l'absence de saisine préalable de la commission d'accès aux documents administratifs ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 10 octobre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 83-1175 du 23 décembre 1983 ;
- le décret n° 87-889 du 29 octobre 1987 ;
- le décret n° 93-461 du 25 mars 1993 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- les conclusions de M. Malfoy, rapporteur public,
- et les observations de Mme A... et de Me Deldique, représentant l'université du littoral Côte-d'Opale.
Une note en délibéré présentée pour Mme A... a été enregistrée le 29 avril 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., professeure certifiée, a exercé ses fonctions au sein de l'université du littoral Côte-d'Opale jusqu'au 31 août 2014, comme professeure d'anglais et directrice des relations internationales de l'institut supérieur de commerce international de Dunkerque, organisme rattaché à l'université. Estimant avoir réalisé des heures supplémentaires et des heures de vacation qui ne lui ont pas été rémunérées, elle a saisi l'université par un courrier du 15 février 2020, sollicitant la rémunération de 448,50 heures supplémentaires et de vacation, ainsi que le versement d'une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant selon elle de la résistance abusive de l'administration à lui payer les sommes qui lui sont dues. Dans ce même courrier, Mme A... a sollicité la communication de son dossier individuel. En l'absence de réponse, elle a saisi le tribunal administratif de Lille en réitérant ses demandes pécuniaires et indemnitaires, ainsi qu'une somme supplémentaire de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant du refus de lui communiquer son dossier individuel. Par un jugement du 10 novembre 2023, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 25 mars 1993 relatif aux obligations de service des personnels enseignants du second degré affectés dans les établissements d'enseignement supérieur : " Les enseignants titulaires ou stagiaires du second degré auxquels s'appliquent les dispositions du présent décret sont tenus d'accomplir, dans le cadre de l'année universitaire, un service d'enseignement en présence des étudiants de 384 heures de travaux dirigés ou de travaux pratiques. / Dans le cas particulier où des cours magistraux leur sont confiés, ceux-ci sont pris en compte, pour le calcul du service d'enseignement énoncé à l'alinéa précédent, à raison d'une heure et demie pour une heure d'enseignement effective (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 23 décembre 1983 relatif aux indemnités pour enseignements complémentaires institués dans les établissements publics à caractère scientifique et culturel et les autres établissements d'enseignement supérieur relevant du ministère de l'éducation nationale : " Les personnels (...) chargés d'assurer un enseignement complémentaire (cours, travaux dirigés, exercices et travaux pratiques) dans les établissements publics à caractère scientifique et culturel et autres établissements d'enseignement supérieur relevant du ministère de l'éducation nationale sont rémunérés dans les conditions précisées aux articles suivants ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Les cours, les travaux dirigés et les séances de travaux pratiques sont rémunérés à l'heure effective par une indemnité non soumise à retenue pour pension dont les taux seront fixés par arrêté conjoint du ministre de l'économie, des finances et du budget et du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ". Il résulte de ces dispositions combinées que sont rémunérées comme heures complémentaires les heures de cours, travaux dirigés et travaux pratiques effectivement assurées par les enseignants du second degré affectés dans l'enseignement supérieur au-delà de la 384ème heure effectuée dans l'année.
3. Il résulte de l'instruction, notamment du courriel de la directrice générale des services du 18 novembre 2015 et des tableaux prévisionnels des charges d'enseignement, que, outre son service à l'institut supérieur de commerce international de Dunkerque, Mme A... avait pour habitude de donner chaque année des cours pour le master " achat et négoce international " au centre de gestion universitaire de Dunkerque, qui dépend de l'université du littoral Côte-d'Opale. S'il est constant que la requérante a omis de déclarer les heures de formation qu'elle prétend avoir ainsi réalisées au cours des années universitaires 2012-2013 et 2013-2014, il ressort des attestations établies le 19 juin 2017 par le directeur du centre de gestion universitaire, produites en appel, qu'elle a effectué 185,5 heures de cours en 2012-2013 et 114 heures de cours en 2013-2014 au sein de ce centre de gestion. Si l'université du littoral Côte-d'Opale relève que ces attestations ne précisent pas le caractère complémentaire des heures réalisées, il ressort du courriel précité de la directrice générale des services que la rémunération des cours assurés par l'appelante au centre de gestion universitaire prenait la forme d'heures complémentaires. Par ailleurs, il ressort des documents de gestion produits en appel par l'université que, sur son service statutaire annuel qui compte en principe 384 heures, Mme A... n'a effectué que 229 heures en 2012-2013 et 297,5 heures en 2013-2014. Dans ces conditions, et dès lors que les heures de cours effectivement assurées par l'intéressée ne peuvent être rémunérées comme heures complémentaires qu'au-delà de la 384ème heure effectuée dans l'année, l'appelante ne peut prétendre qu'au règlement de 30,5 heures complémentaires au titre de la première année universitaire et de 27,5 heures au titre de la seconde année. L'état de l'instruction ne permet pas de déterminer le montant net correspondant aux heures complémentaires dues à la requérante, de sorte qu'il y a lieu de la renvoyer devant l'administration pour y être procédé à leur liquidation.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du décret du 29 octobre 1987 relatif aux conditions de recrutement et d'emploi de vacataires pour l'enseignement supérieur, dans sa version applicable au litige : " Dans les établissements publics d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur, les personnels régis par le présent décret sont engagés pour effectuer un nombre limité de vacations. Ils sont recrutés par le président ou le directeur de l'établissement après avis du conseil scientifique de l'établissement ou de l'organe en tenant lieu et, le cas échéant, sur proposition du directeur de l'unité de formation et de recherche (...) ".
5. Mme A..., mutée à l'université de Lille à compter du 1er septembre 2014, soutient avoir assuré des cours pour le master " achat et négoce international " au titre de l'année 2014-2015. Toutefois, si l'appelante produit en appel un planning mentionnant son nom sous les cours de " négociation " prévus les 3, 8 et 17 décembre 2014 et le 6 janvier 2015 pour un total d'une dizaine d'heures, elle ne justifie pas avoir été recrutée dans les conditions prévues par les dispositions précitées du décret du 29 octobre 1987. Ceci d'autant plus que le président de l'université du littoral Côte-d'Opale lui a indiqué, par deux courriers des 11 février et 10 mars 2015, son refus de lui confier en 2014-2015 des heures de travaux dirigés en qualité de chargée d'enseignement vacataire dans le cadre du master précité. Par suite, la demande de rémunération des heures de vacation que l'appelante indique avoir effectuées ne peut qu'être rejetée.
6. En troisième lieu, si Mme A... indique s'être trouvée dans l'impossibilité de déclarer ses heures complémentaires en raison d'une défaillance technique du logiciel prévu à cet effet, elle précise également avoir préféré ne pas déclarer ses heures en raison d'un conflit avec son gestionnaire sur la répartition et la mutualisation des heures de cours, sans apporter aucun élément de nature à justifier de ces explications divergentes. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction qu'elle doit être regardée comme étant à l'origine des difficultés rencontrées dans le règlement de ses heures complémentaires. Il ne ressort pas des courriels produits en appel, qui émanent pour l'essentiel de Mme A..., que l'administration aurait fait preuve de mauvaise volonté dans la gestion de son dossier, alors que le nombre d'heures complémentaires dont elle est fondée à demander le paiement est très inférieur à celui qu'elle revendique. L'appelante n'apporte à l'instance aucun élément laissant supposer que l'université du littoral Côte-d'Opale l'aurait incitée à animer des cours du master " achat et négoce international " au début de l'année universitaire 2014-2015 sans y avoir été autorisée. Il n'est pas plus établi que l'université tolèrerait que des professeurs assurent des cours sans autorisation, lui faisant ainsi subir une situation discriminante. Dans ces conditions, et alors même que Mme A... est fondée à demander le paiement d'une partie des heures complémentaires qu'elle réclame, elle n'établit pas avoir subi un préjudice moral en raison du refus de l'administration de les lui régler.
7. En dernier lieu, Mme A... ne démontre pas, par les pièces qu'elle produit, avoir sollicité un accès à son dossier individuel avant qu'elle n'en fasse la demande dans sa réclamation préalable du 15 février 2020, présentée en vue de saisir le tribunal administratif de Lille de ses conclusions pécuniaires et indemnitaires. Si l'université du littoral Côte-d'Opale n'a donné aucune suite à ce courrier, suscitant une décision implicite de rejet, il n'est pas démontré de sa part un refus formel de communiquer le dossier individuel de Mme A.... Au demeurant, celle-ci ne soutient pas même avoir saisi la commission d'accès aux documents administratifs en vue d'obtenir un accès à son dossier. Dès lors, le préjudice moral invoqué par l'appelante sur ce point n'est pas établi. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, les conclusions tendant à l'indemnisation de ce préjudice ne peuvent qu'être rejetées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté l'ensemble de sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont l'université du littoral Côte-d'Opale demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université du littoral Côte-d'Opale une somme de 1 500 euros, à verser à Mme A... sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille n° 2004282 du 10 novembre 2023 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A... tendant au paiement de ses heures complémentaires.
Article 2 : Mme A... est renvoyée devant l'université du littoral Côte-d'Opale pour qu'il soit procédé à la liquidation des 30,5 heures complémentaires qui lui sont dues au titre de l'année universitaire 2012-2013 et des 27,5 heures complémentaires qui lui sont dues au titre de l'année universitaire 2013-2014. Le surplus des conclusions pécuniaires présentées à ce titre par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille est rejeté.
Article 3 : L'université du littoral Côte-d'Opale versera une somme de 1 500 euros à Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées en appel par les parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'université du littoral Côte-d'Opale.
Délibéré après l'audience publique du 22 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : J-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Signé : M-P. ViardLa greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
Anne-Sophie Villette
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N°24DA00049