Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'établissement public de santé mentale (EPSM) de Lille-Métropole à lui verser la somme de 31 806,29 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de son licenciement pour insuffisance professionnelle prononcé par décision du 28 juillet 2017.
Par un jugement n° 2105345 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Janicki, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'EPSM de Lille-Métropole à lui verser la somme totale de 31 806,29 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'EPSM de Lille-Métropole la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- l'EPSM de Lille-Métropole a commis une faute, son licenciement étant intervenu sans que la commission consultative paritaire n'ait été préalablement consultée ni que les garanties prévues par les dispositions des articles 40 et 44 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 n'aient été respectées ;
- son licenciement repose sur des faits matériellement inexacts :
- en l'absence d'entretien professionnel, son licenciement n'est pas fondé sur des éléments probants, les rapports émanant de l'administration ne pouvant pas établir son insuffisance professionnelle ;
- elle ne pouvait pas faire l'objet d'un licenciement pour insuffisance professionnelle dès lors qu'à la date de la décision du 28 juillet 2017 elle n'était plus en situation de travail puisqu'elle avait été placée en congé de maladie ordinaire à compter de janvier 2017, puis en congés légaux jusqu'à ce que la médecine du travail la déclare inapte aux fonctions qu'elle exerçait ;
- la décision du 28 juillet 2017 procède d'un détournement de pouvoir ;
- les fautes commises par l'EPSM sont à l'origine d'un préjudice moral et financier qui s'élève à la somme de 31 806,29 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2024, l'EPSM de Lille-Métropole, représenté par Me Robillard, demande à la cour de rejeter la requête de Mme B... et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le décret n° 2015-1434 du 5 novembre 2015 ;
- la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par sa requête, Mme B... relève appel du jugement n° 2105345 du 8 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'établissement public de santé mentale (EPSM) de Lille-Métropole à lui verser la somme totale de 31 806,29 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du licenciement pour inaptitude professionnelle dont elle a fait l'objet le 28 juillet 2017.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, les allégations de Mme B... quant à l'existence de fautes tenant à la méconnaissance par l'EPSM des dispositions des articles 40 et 41 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière dans le cadre de la procédure ayant précédé son licenciement pour inaptitude professionnelle ne sont pas assorties des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article 41-2 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière : " L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle. / Il doit préalablement être mis à même de demander la communication de l'intégralité de toute pièce figurant dans son dossier individuel, dans un délai suffisant d'au moins cinq jours permettant à l'intéressé d'en prendre connaissance. Le droit à communication concerne également toute pièce sur laquelle l'administration entend fonder sa décision. ". Aux termes de l'article 2-1 du même décret, dans sa rédaction applicable à la date du licenciement de Mme B... : " I. - Une commission consultative paritaire compétente à l'égard des agents contractuels (...) est instituée, dans chaque département, par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé agissant au nom de l'Etat. (...) / II. - Ces commissions sont obligatoirement consultées (...) sur les décisions individuelles relatives : / 1° Aux licenciements intervenant postérieurement à la période d'essai (...). ". Ces dernières dispositions ont été introduites par le décret du 5 novembre 2015 portant diverses dispositions relatives aux agents non titulaires de la fonction publique hospitalière, qui prévoit en outre au V de son article 58 que les commissions consultatives paritaires sont mises en place au plus tard lors du prochain renouvellement général des commissions administratives paritaires locales et départementales de la fonction publique hospitalière. Il résulte de l'instruction que la commission consultative paritaire compétente à l'égard des agents contractuels en fonction dans le département du Nord a été régulièrement mise en place au mois de décembre 2018, à l'occasion du renouvellement général des commissions administratives paritaires locales et départementales de la fonction publique hospitalière. Dans ces conditions, eu égard à la date à laquelle le licenciement de Mme B... est intervenu, soit le 28 juillet 2017, l'EPSM de Lille-Métropole n'a pas commis de faute en ne consultant pas une commission qui n'était pas encore instituée.
4. En troisième lieu, le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public contractuel ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé mais non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions.
5. Il résulte de l'instruction que Mme B... a été recrutée par l'EPSM de Lille-Métropole par contrat à durée indéterminée signé le 18 avril 2016 pour occuper un emploi permanent relevant de la catégorie A, en vue d'exercer des fonctions de manager culturel consistant notamment à organiser un réseau d'activités culturelles, artistiques et sportives tout en gérant et pilotant une équipe pluridisciplinaire d'insertion socioculturelle et sportive. En sa qualité de manager culturel, l'intéressée se devait en outre d'assurer, certaines matinées ou certains après-midis, une mission de coordination des activités para-médicales du pôle au sein duquel elle était affectée. Par une décision du 28 juillet 2017, l'EPSM a licencié Mme B..., motif pris de son insuffisance professionnelle. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports sur la manière de servir de Mme B... rédigés par ses supérieurs les 3 octobre 2016 et 13 avril 2017, qui, contrairement à ce que l'appelante fait valoir, sont de nature à caractériser l'existence des faits qui lui sont reprochés quand bien même elle n'a pas bénéficié de l'entretien d'évaluation prévu par l'article 4 de son contrat de recrutement, que l'intéressée s'est essentiellement concentrée sur l'organisation des expositions de la structure culturelle qui lui était confiée, sans manifester d'intérêt pour le travail des personnels placés sous son autorité. Son organisation et son fonctionnement individuels ont entraîné une distance avec ces agents, ainsi qu'il résulte du témoignage collectif rédigé au cours du mois de mai 2017, alors que l'intéressée a été recrutée en vue d'assurer une mission d'encadrement des personnels du service à la tête duquel elle a été placée. Il résulte également de ces rapports que Mme B... a commis des erreurs dans l'utilisation du logiciel de gestion du temps de travail ayant été à l'origine d'un retard de rémunération d'un intervenant extérieur. Ces rapports indiquent en outre que Mme B... ne s'est pas investie dans l'utilisation d'une application informatique permettant de visualiser les tâches des projets mis en place au sein de son service, sans que l'intéressée ne soit fondée à soutenir qu'il s'agirait d'une carence ponctuelle dans l'exercice de ses fonctions. Il résulte en outre de l'instruction que Mme B... n'a pas été assidue aux réunions du pôle de santé mentale et manifestait un manque d'investissement pour les tâches étrangères à la gestion de la galerie d'art, alors qu'en sa qualité de cadre elle se devait de participer activement à tous les projets qui lui étaient confiés dont notamment une veille en cas d'incident causé par un usager de l'établissement au titre de sa mission de coordination. Il résulte également de l'instruction que Mme B... a déploré, dans un courriel adressé notamment à des partenaires extérieurs, que ses supérieurs n'aient pas été présents au cours d'une exposition, alors que son devoir de réserve imposait qu'elle s'abstienne de le faire. Le licenciement en cause est aussi fondé sur le comportement inapproprié de Mme B... qui ne s'est pas opposée aux menaces proférées par l'une de ses proches envers ses supérieurs hiérarchiques au cours d'un vernissage d'exposition. S'il ne résulte pas de l'instruction que Mme B... aurait tenus des propos, qualifiés d'inacceptables par la décision de licenciement, stigmatisant ses supérieurs et les qualifiant de " couple pathogène ", l'EPSM de Lille-Métropole pouvait néanmoins se fonder sur l'ensemble des autres manquements valablement imputés à Mme B... et qui caractérisent l'incapacité de cette dernière à exercer normalement les fonctions de manager culturel pour lesquelles elle a été recrutée. Dès lors, la faute invoquée par Mme B... tenant à l'absence de matérialité des faits sur lesquels l'EPSM de Lille-Métropole s'est fondé pour la licencier n'est pas établie.
6. En troisième lieu, si ainsi qu'il a été dit, Mme B... n'a pas bénéficié de l'entretien annuel d'évaluation tel que prévu à l'article 4 de son contrat de recrutement, ce manquement est sans lien avec les seuls préjudices invoqués par l'intéressée et dont elle demande la réparation.
7. En quatrième lieu, la circonstance selon laquelle Mme B..., qui avait été placée en arrêt de travail puis en congés légaux, n'avait plus d'affectation le 28 juillet 2017 lorsque son employeur l'a licenciée pour insuffisance professionnelle n'a pas d'incidence sur la légalité de son licenciement et ne révèle pas l'existence d'une faute. De même, contrairement à ce que l'appelante fait valoir, l'EPSM a pu apprécier la manière dont elle a exercé ses fonctions durant une période suffisante pour constater son inaptitude professionnelle. L'intéressée pouvait en outre légalement faire l'objet d'un licenciement pour insuffisance professionnelle alors même que certains des faits qu'elle a commis étaient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires. L'EPSM de Lille-Métropole n'a ainsi pas commis de faute sur ces différents points.
8. En dernier lieu, la circonstance que le médecin du travail de l'ESPM de Lille-Métropole a émis le 9 mai 2017, un avis d'inaptitude au poste qu'elle occupait, ne faisait pas obstacle à ce que son employeur prononce un licenciement pour insuffisance professionnelle compte tenu des manquements rappelés au point 4 du présent arrêt. Dès lors, le licenciement litigieux ne procède pas d'un détournement de pouvoir contrairement à ce que Mme B... fait valoir et la faute qu'elle invoque à ce titre n'est pas établie.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'établit pas qu'en la licenciant pour insuffisance professionnelle, la directrice de l'EPSM de Lille-Métropole a commis une faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'EPSM de Lille-Métropole à lui verser la somme de 31 806,29 euros.
Sur les frais liés à l'instance :
10. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la présente instance ait été à l'origine de dépens, de sorte que les conclusions de Mme B... tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de l'EPSM de Lille-Métropole doivent être rejetées.
11. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'EPSM de Lille-Métropole, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par l'EPSM au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public de santé mentale de Lille-Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et l'établissement public de santé mentale de Lille-Métropole.
Délibéré après l'audience publique du 8 avril 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°24DA00676