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09/04/2025 | FRANCE | N°24DA01075

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 09 avril 2025, 24DA01075


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 28 août 2023 par lequel le préfet de Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

Par un jugement n° 2304335 du 20 février 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requ

ête et un mémoire enregistrés le 1er juin 2024 et le 25 février 2025, Mme A..., représentée par Me Sow, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 28 août 2023 par lequel le préfet de Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

Par un jugement n° 2304335 du 20 février 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 1er juin 2024 et le 25 février 2025, Mme A..., représentée par Me Sow, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement,

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 28 août 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de 15 jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour le temps de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'est pas motivé ;

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet s'est cru en situation de compétence liée au regard de l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- l'entier rapport médical sur le fondement duquel le collège de médecins a émis un avis doit lui être communiqué, de plein droit :

- la décision attaquée méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du même code ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen au regard des dispositions de l'article L. 423-11 du même code et méconnaît ces mêmes dispositions ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision lui octroyant un délai de départ volontaire de 30 jours:

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle refuse de lui octroyer un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 août 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Delahaye, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante sénégalaise née le 1er décembre 1950 et entrée en France pour la première fois le 8 novembre 2021 a sollicité, le 17 décembre 2022, son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 août 2023, le préfet de Seine-Maritime a rejeté cette demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 20 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête à l'encontre de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de faire référence à l'ensemble des arguments que Mme A... avait développés, a répondu, par une motivation suffisante à l'ensemble des conclusions et des moyens qui lui étaient présentés. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens communs :

4. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 2 et 3 de leur jugement, les moyens présentés par Mme A... tirés de l'incompétence de l'auteur des décisions en litige et de leur insuffisante motivation.

En ce qui concerne le refus de séjour :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat./ Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme A... souffrait, à la date de la décision en litige, de polyarthrose pour laquelle elle fait l'objet d'un suivi rhumatologique régulier. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a toutefois estimé dans son avis rendu le 5 mai 2023 que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ne ressort pas des autres pièces du dossier et notamment de celles produites par la requérante relatives à son état de santé que sa pathologie présenterait une gravité exceptionnelle. Si Mme A... soutient par ailleurs qu'elle a souffert d'un premier épisode de décompensation cardiaque ayant nécessité son hospitalisation du 6 au 8 novembre 2023 et qu'elle bénéficie depuis lors d'un traitement spécifique, cette circonstance, postérieure à la décision en litige du 28 août 2023, est sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions et sans qu'il y ait lieu de solliciter la communication de l'entier dossier de l'OFII quand bien même Mme A... a entendu lever le secret médical, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. D'autre part, contrairement à ce que soutient l'appelante, il ne ressort ni des termes de la décision en litige, ni des autres pièces du dossier, que le préfet de la Seine-Maritime se serait cru lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII.

8. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... résidait en France depuis moins de deux ans à la date de la décision en litige. Si ses quatre filles, dont trois sont françaises et une titulaire de carte de résident, ainsi que ses dix-huit petits-enfants, résident en France, elle ne justifie pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 70 ans et où vivent notamment deux de ses autres enfants. Par suite, compte tenu de ces éléments et de ce qui a été dit précédemment sur l'état de santé de Mme A..., la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts en vue desquels elle a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doivent dès lors être écartés. En l'absence d'autre élément, la décision en litige n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

10. En dernier lieu, d'une part, contrairement à ce que soutient l'appelante, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait effectivement déposé une demande de carte de résident en qualité de parent à charge de ressortissant français sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation de la requérante à ce titre doit être écarté.

11. D'autre part, au regard de ce qui a été dit au point précédent, la requérante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En tout état de cause, elle ne justifie pas être en possession du visa de long séjour prévu au 1° de l'article L. 411-1 du même code requis pour se voir délivrer une carte de résident sur le fondement de ces dispositions.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, il ressort des termes de la décision en litige que celle-ci a à bon droit été prise, suite au rejet de sa demande de titre de séjour de Mme A..., sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale doit être écarté.

13. En second lieu, en l'absence d'argumentation spécifique à la mesure d'éloignement, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 9.

En ce qui concerne la décision fixant à 30 jours le délai de départ volontaire :

14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d'appréciation en fixant à trente jours le délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

15. En l'absence d'argumentation spécifique à la décision fixant le pays de destination, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 9.

16. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que ses conclusions présentées en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et à Me Sow.

Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Maritime

Délibéré après l'audience du 25 mars 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : L. DelahayeLe président de chambre

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°24DA01075


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01075
Date de la décision : 09/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Laurent Delahaye
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SOW

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-09;24da01075 ?
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