Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société SNCF Voyageurs a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner solidairement le centre hospitalier du Rouvray et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à lui verser la somme de 17 087,36 euros au titre des préjudices résultant d'un accident impliquant une personne hospitalisée au sein de cet hôpital.
Par un jugement n° 2102093 du 11 janvier 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 mars 2024, la société SNCF Voyageurs, représentée par Me de Bézenac, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner solidairement le centre hospitalier du Rouvray et la SHAM à lui verser la somme de 17 087,36 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2021 et la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Rouvray et de la SHAM une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité pour faute du centre hospitalier du Rouvray doit être engagée pour défaut de surveillance de la victime de l'accident, placée sous le régime d'hospitalisation sans consentement, qui n'en était pas à sa première tentative de fugue et de suicide ;
- cette faute a occasionné des dommages aux biens ferroviaires qui s'élèvent à la somme de 17 078,36 euros.
Par un mémoire, enregistré le 27 septembre 2024, le centre hospitalier du Rouvray et la société Relyens mutual insurance, venant aux droits de la SHAM, représentés par la SARL Le Prado-Gilbert, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société SNCF Voyageurs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., née le 18 juin 1965, alors hospitalisée au sein du centre hospitalier (CH) du Rouvray, a perdu la vie le 16 décembre 2017 à la suite d'une collision avec un train. La société SNCF Voyageurs a demandé en vain au CH du Rouvray et à son assureur d'indemniser les conséquences dommageables de cet accident qui a notamment perturbé le trafic ferroviaire. Cette société relève appel du jugement n° 2102093 du 11 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'établissement hospitalier et de son assureur à lui verser la somme de 17 087,36 euros.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier du Rouvray :
2. Il résulte de l'instruction, et notamment des déclarations de la mère et de la fille de la victime lors de l'enquête de police, qu'au cours du mois de juin 2017, Mme A... a été hospitalisée une première fois au sein du CH du Rouvray en raison d'un " burn out " se caractérisant par un épuisement physique et psychologique. Au cours de cette hospitalisation où elle était accueillie en espace libre, l'intéressée a fugué de l'établissement. A la suite de cet incident, l'équipe médicale a alors décidé de son maintien en pavillon fermé. Le 10 décembre 2017, Mme A... a été hospitalisée dans ce même CH une seconde fois, à la demande de sa fille, qui a déclaré que sa mère adoptait des comportements à risque sans avoir nécessairement conscience du danger. Le 16 décembre 2017, la patiente a obtenu l'autorisation de sortir du pavillon où elle était hospitalisée pour se rendre dans le jardin et à la cafétéria de l'établissement en compagnie de sa mère et de sa tante qui étaient venues lui rendre visite. Au cours de cette sortie, Mme A... s'est échappée de l'établissement, bien que ses proches aient essayé de la retenir, puis a été percutée une heure plus tard par un train sur la voie ferrée. Compte tenu de l'état de santé de la patiente et du risque de fuite qu'elle présentait, le CH du Rouvray se devait de prendre des mesures particulières de surveillance pour éviter une telle récidive de fugue. En outre, il résulte de l'instruction que la fille de Mme A... devait être consultée avant toute autorisation de sortie de sa mère et que cette instruction n'a pas été respectée. Tant en première instance qu'en appel, le CH du Rouvray n'apporte aucune précision ni aucune pièce permettant d'apprécier la nature des mesures de surveillance mises en œuvre dans le cadre d'une telle sortie des bâtiments et leur adéquation avec l'état de santé de la patiente. Dans ces conditions, le CH du Rouvray ne peut être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes ou adaptées à l'état de santé de la patiente lui permettant de sortir du pavillon où elle était hospitalisée. Un tel défaut de surveillance constitue une faute de nature à engager sa responsabilité.
En ce qui concerne les préjudices de la société SNCF Voyageurs :
3. Il résulte de l'instruction que la présence de Mme A... sur la voie de chemin de fer située à proximité du CH du Rouvray et l'accident qui s'en est suivi le 16 décembre 2017 à 18 heures a nécessité l'intervention de personnels spécialisés pour la sécurisation du site, le contrôle et la vérification des infrastructures ferroviaires, l'immobilisation du matériel roulant et l'intervention d'un agent de conduite de relève. Cet accident a en outre nécessité le déploiement de modalités alternatives d'acheminement des voyageurs et induit des perturbations pour la circulation des autres trains. Il sera fait une exacte appréciation des préjudices supportés par la société SNCF Voyageurs en les évaluant, selon le décompte produit par la société, à la somme de 17 078,36 euros. Par suite, le CH du Rouvray et son assureur, la société Relyens mutual insurance doivent être solidairement condamnés à verser à la société SNCF Voyageur la somme de 17 078,36 euros.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
4. La société SNCF Voyageurs est fondée à demander que la somme de 17 078,36 euros porte intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2021, date d'introduction de sa demande devant le tribunal administratif de Rouen.
5. La capitalisation des intérêts a été demandée par la société SNCF Voyageurs pour la première fois en appel le 5 mars 2024. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société SNCF Voyageurs est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CH du Rouvray et de son assureur à l'indemniser des conséquences dommageables de l'accident du 16 décembre 2017.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société SNCF Voyageurs, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société le CH du Rouvray et la société Relyens mutual insurance au titre des frais d'instance. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire du CH du Rouvray et de son assureur une somme de 2 000 euros à verser à la société SNCF Voyageurs au titre de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2102093 du 11 janvier 2024 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier du Rouvray et la société Relyens mutual insurance sont condamnés solidairement à verser à la société SNCF Voyageurs une somme de 17 078,36 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2021. Les intérêts échus à la date du 5 mars 2024 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le centre hospitalier du Rouvray et la société Relyens mutual insurance verseront solidairement une somme globale de 2 000 euros à la société SNCF Voyageurs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier du Rouvray et de la société Relyens mutual insurance présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société SNCF Voyageurs, au centre hospitalier du Rouvray et à la société Relyens mutual insurance.
Délibéré après l'audience publique du 25 mars 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,
Signé : B. ChevaldonnetLa greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°24DA00463