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09/04/2025 | FRANCE | N°23DA01001

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 09 avril 2025, 23DA01001


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... et Mme D... E... épouse A..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille B..., ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement le département du Nord et le centre hospitalier de Denain à leur verser la somme de 10 764,51 euros en réparation des préjudices subis par leur fille en raison du retard de diagnostic de la luxation congénitale de la hanche dont elle est atteinte.



Par un jugement n° 2004078 d

u 5 avril 2023, le tribunal administratif de Lille a condamné le département du Nord à verser à M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme D... E... épouse A..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille B..., ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement le département du Nord et le centre hospitalier de Denain à leur verser la somme de 10 764,51 euros en réparation des préjudices subis par leur fille en raison du retard de diagnostic de la luxation congénitale de la hanche dont elle est atteinte.

Par un jugement n° 2004078 du 5 avril 2023, le tribunal administratif de Lille a condamné le département du Nord à verser à M. et Mme A..., en qualité de représentants légaux de leur fille B..., la somme de 2 696,81 euros, et la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut la somme de 26 537,66 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2020, ainsi que la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Il a rejeté les conclusions du département du Nord aux fins d'appel en garantie dirigées contre le Dr F... comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et a mis à la charge définitive du département du Nord les frais des expertises liquidés et taxés à la somme totale de 2 400 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er juin 2023, le département du Nord, représenté par Me Dutat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge des époux A..., du centre hospitalier de Denain, de la CPAM du Hainaut et de la société AXA France IARD les sommes respectives de 1 500 euros, 1 500 euros et de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu qu'il avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2023, la CPAM du Hainaut, représentée par Me De Berny, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du département du Nord au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen soulevé par le département du Nord n'est pas fondé.

Par un mémoire, enregistré le 21 février 2024, le CH de Denain conclut au rejet des conclusions du département du Nord dirigées à son encontre et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge du département au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal a écarté sa responsabilité ;

- il s'en remet à la justice sur le mérite des conclusions du département du Nord.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delahaye, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. B... A... est née le 7 février 2016 au CH de Denain. Lors d'une consultation du 28 novembre 2016, le service de la protection maternelle et infantile (PMI) du département du Nord a constaté une limitation d'abduction de la hanche gauche et a prescrit une radiographie de bassin, réalisée le 29 décembre 2016, qui a révélé une luxation congénitale de la hanche gauche avec une franche dysplasie acétabulaire. Estimant que la responsabilité du CH de Denain et du département du Nord était solidairement engagée en raison de la tardiveté de ce diagnostic, M. et Mme A..., agissant en qualité de représentants légaux B..., ont sollicité la désignation d'un expert, qui a remis son rapport le 13 mai 2019, puis ont saisi le tribunal administratif de Lille d'une requête tendant à l'indemnisation des préjudices subis par leur enfant. Par un jugement du 5 avril 2023, le tribunal administratif de Lille, après avoir retenu la responsabilité exclusive du département du Nord, ainsi qu'un taux de perte de chance de 95 %, a condamné le département du Nord à verser à M. et Mme A..., en qualité de représentants légaux de leur fille, la somme de 2 696,81 euros, et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Hainaut la somme de 26 537,66 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2020, ainsi que la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Le département du Nord, qui conteste uniquement le principe de sa responsabilité, relève appel de ce jugement.

Sur la responsabilité :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2112-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les compétences dévolues au département par l'article L. 1423-1 et par l'article L. 2111-2 sont exercées, sous l'autorité et la responsabilité du président du conseil général, par le service départemental de protection maternelle et infantile qui est un service non personnalisé du département. Ce service est dirigé par un médecin et comprend des personnels qualifiés notamment dans les domaines médical, paramédical, social et psychologique (...) ". Aux termes de l'article L. 2112-2 de ce code : " Le président du conseil départemental a pour mission d'organiser : / (...) / 2° Des consultations et des actions de prévention médico-sociale en faveur des enfants de moins de six ans (...) ". Aux termes de l'article R. 2112-3 du même code : " Les actions médico-sociales mentionnées au 2° (...) de l'article L. 2112-2 et concernant les enfants de moins de six ans ont notamment pour objet d'assurer, grâce aux consultations et aux examens préventifs des enfants pratiqués notamment en école maternelle, la surveillance de la croissance staturo-pondérale et du développement physique, psychomoteur et affectif de l'enfant ainsi que le dépistage précoce des anomalies ou déficiences et la pratique des vaccinations. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 13 mai 2019, que M. et Mme A... ont consulté le médecin de la PMI du département du Nord, pour le suivi de leur fille B..., les 29 avril, 27 mai et 11 juillet 2016. L'expert a par ailleurs estimé que, lors de ces trois consultations, le médecin de PMI n'avait pas effectué les tests permettant de déceler une éventuelle luxation congénitale de la hanche et que le diagnostic de cette pathologie n'a été réalisé par ce même médecin que, tardivement, le 28 novembre 2016, à une date où B... était âgée de neuf mois. Contrairement à ce que soutient le département du Nord, il ne résulte pas des mentions du carnet de santé de l'enfant tel qu'analysé par l'expert que le médecin de PMI aurait effectivement effectué, lors de ces trois consultations, l'examen clinique spécifique permettant de déceler cette luxation congénitale alors d'une part, qu'en application des dispositions précitées de l'article R. 2112-3 du code de la santé publique, les consultations auprès des services de PMI ont précisément pour objet la surveillance de la croissance staturo-pondérale et du développement physique de l'enfant ainsi que le dépistage précoce des anomalies ou déficiences, et d'autre part, qu'il est constant, au regard notamment des recommandations de la Haute autorité de santé, qu'un diagnostic après l'âge de trois mois de cette luxation congénitale est tardif. En se bornant par ailleurs à soutenir que l'apparition de cette luxation congénitale peut être variable dans le temps et que celle-ci n'a en l'espèce pas été décelée dans les jours suivant la naissance B... par les praticiens du CH de Denain ou par la sage-femme du dispositif CPAM Prado, ni par le médecin généraliste ayant assuré la surveillance médicale de l'enfant, le département du Nord n'établit pas, au regard de ce qui a été dit précédemment, que le diagnostic de cette anomalie n'aurait pas pu être plus précocement posé par son service de PMI et que le seul diagnostic effectué ne présente pas un caractère tardif. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que la responsabilité du département du Nord était engagée.

Sur les préjudices :

5. Le département du Nord ne conteste ni le taux de perte de chance de 95 % retenu par les premiers juges, ni les sommes mises à sa charge par ces derniers.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le département du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 5 avril 2023, le tribunal administratif de Lille l'a condamné à raison de la faute commise à verser des indemnités à M. et Mme A..., en qualité de représentants légaux de leur fille ainsi qu'à la CPAM du Hainaut.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge des époux A..., du Centre hospitalier de Denain, de la CPAM du Hainaut et de la société AXA France IARD les sommes que le département du Nord demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En outre, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la CPAM du Hainaut et du CH de Denain présentées au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du département du Nord est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du centre hospitalier de Denain présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié au département du Nord, à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut, au centre hospitalier de Denain, à M. C... A... et à Mme D... E... épouse A....

Délibéré après l'audience du 25 mars 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : L. DelahayeLe président de chambre,

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A.-S. Villette

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA01001


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01001
Date de la décision : 09/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Laurent Delahaye
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : CABINET DE BERNY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-09;23da01001 ?
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