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02/04/2025 | FRANCE | N°24DA00562

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 02 avril 2025, 24DA00562


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 28 août 2023 par laquelle le président de l'université de Lille a annulé son recrutement en qualité de gestionnaire en insertion professionnelle et de condamner l'université de Lille à lui verser la somme de 20 400 euros en réparation de ses préjudices.



Par une ordonnance n° 2402490 du 14 mars 2024, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lille a

rejeté la demande de M. B....



Procédure devant la cour :



Par une requête et un m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 28 août 2023 par laquelle le président de l'université de Lille a annulé son recrutement en qualité de gestionnaire en insertion professionnelle et de condamner l'université de Lille à lui verser la somme de 20 400 euros en réparation de ses préjudices.

Par une ordonnance n° 2402490 du 14 mars 2024, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 mars 2024 et 30 octobre 2024, M. B..., représenté par Me Dangleterre, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 14 mars 2024 ;

2°) d'annuler la décision du 28 août 2023 prononçant l'annulation de son recrutement ;

3°) de condamner l'université de Lille à lui verser la somme de 20 400 euros en réparation de ses préjudices ;

4°) de mettre une somme de 1 200 euros à la charge de l'université de Lille, à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa demande présentée devant le tribunal administratif de Lille était recevable dès lors qu'il a présenté une demande d'aide juridictionnelle le 3 janvier 2024, qui a été rejetée par une décision du 9 janvier suivant, et qu'il avait donc un délai de deux mois à compter de la date à laquelle il ne pouvait plus contester la décision rejetant sa demande d'aide juridictionnelle ;

- les dispositions de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 qui prévoient l'absence d'interruption du délai de recours à la suite du rejet d'une demande d'aide juridictionnelle ne concernent que le cas d'une deuxième demande présentée à ce titre ;

- il est lié par un contrat de travail à l'université dès lors que l'offre d'emploi pour un poste de gestionnaire a été publiée, que sa candidature a été retenue et qu'il a accepté cette offre ;

- les mentions portées dans son casier judiciaire ne sont pas incompatibles avec les fonctions de gestionnaire, de sorte que la rupture de son contrat est illégale et donc fautive ;

- la décision contestée, qui procède au retrait d'une décision créatrice de droit, n'est pas motivée ;

- à supposer qu'aucun contrat n'ait été valablement formé, la décision annulant son recrutement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au motif que les mentions portées dans son casier judiciaire ne justifient pas une telle annulation ;

- il a subi une perte de revenus de septembre 2023 à août 2024 pour un montant de 15 400 euros ;

- il a subi un préjudice moral de 5 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 octobre 2024 et le 13 décembre 2024, l'université de Lille, représentée par Me Malolepsy, conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- les conclusions de M. Malfoy, rapporteur public,

- et les observations de Me Dangleterre, représentant M. B..., et de Me Malolepsy, représentant l'université de Lille.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a appris le 11 juillet 2023 que sa candidature avait été retenue par l'université de Lille pour occuper un poste de technicien en insertion professionnelle dans le cadre d'un contrat à durée déterminée d'une durée d'un an. Par un courriel du 28 août 2023, l'université a informé l'intéressé que ce recrutement avait été annulé au vu des mentions portées dans son casier judiciaire. M. B... a saisi l'université le 22 septembre 2023 d'un recours à l'encontre de ce refus de le recruter, sollicitant en outre la réparation de ses préjudices. En l'absence de réponse, il a présenté au tribunal administratif de Lille une demande tendant à l'annulation de la décision du 28 août 2023 et à la condamnation de l'administration à lui verser une somme de 20 400 euros. Par une ordonnance du 14 mars 2024, dont M. B... relève appel, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande comme tardive.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet (...) ". En outre, l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception " qui doit notamment mentionner, en application de l'article R. 112-5 du même code, les conditions dans lesquelles est susceptible de naître une décision implicite de rejet, ainsi que les délais et les voies de recours à l'encontre de cette décision. A cet égard, l'article L. 112-6 du même code dispose que " les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ". Par ailleurs, aux termes de l'article 43 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " Sans préjudice de l'application de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et du II de l'article 44 du présent décret, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : (...) / 3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée (...) / Lorsque la demande d'aide juridictionnelle est présentée au cours des délais impartis pour conclure ou former appel ou recours incident (...), ces délais courent dans les conditions prévues aux 2° à 4° du présent article. / Par dérogation aux premier et sixième alinéas du présent article, les délais mentionnés ci-dessus ne sont pas interrompus lorsque, à la suite du rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, le demandeur présente une nouvelle demande ayant le même objet que la précédente ". Aux termes de l'article 69 du même décret : " Le délai du recours prévu au deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé (...) ". Il suit de là qu'après l'interruption du délai de recours contentieux par une demande d'aide juridictionnelle, un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle.

3. Informé par un courriel du 28 août 2023 du refus de l'université de Lille de procéder à son recrutement, M. B... a saisi l'administration dès le 22 septembre suivant d'un recours contestant ce refus et sollicitant l'indemnisation de ses préjudices. Une décision implicite de rejet est née le 22 novembre 2023 du silence gardé par l'administration sur ce recours. Il ne ressort pas des termes de la décision refusant de recruter l'intéressé ni d'aucune pièce du dossier que le requérant aurait été informé des voies et délais de recours dans les conditions prévues notamment par les dispositions précitées des articles L. 112-3 et L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration qui s'appliquent à lui dès lors que le litige l'opposant à l'université de Lille ne saurait être regardé comme un litige entre l'administration et l'un de ses agents au sens et pour l'application de l'article L. 112-2 de ce même code. En tout état de cause, si l'intéressé n'a saisi le tribunal administratif de Lille de ses conclusions d'annulation et d'indemnisation que le 8 mars 2024, il justifie avoir présenté une demande d'aide juridictionnelle le 3 janvier 2024, qui a été rejetée par une décision du 9 janvier 2024. La présentation de cette demande d'aide juridictionnelle était de nature à interrompre le délai de recours contentieux de deux mois, de sorte que M. B... pouvait toujours saisir la juridiction dans un nouveau délai de même durée à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après que la décision rejetant sa demande d'aide juridictionnelle lui a été notifiée, postérieurement au 9 janvier 2024. Contrairement à ce que soutient l'université de Lille, les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 ont pour seul objet d'interdire toute nouvelle interruption du délai de recours par la présentation d'une demande ultérieure d'aide juridictionnelle, après que celle-ci a fait l'objet d'un premier refus. Par suite, le requérant n'était pas tardif lorsqu'il a saisi le tribunal administratif de Lille le 8 mars 2024.

4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande comme tardive. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'intéressé devant le tribunal administratif de Lille.

Sur la légalité de la décision rejetant la candidature de M. B... :

5. Aux termes de l'article 3 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat : " Aucun agent non titulaire ne peut être engagé : (...) / 2° Le cas échéant : / a) Si étant de nationalité française, les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice des fonctions (...) ".

6. En premier lieu, il ressort des courriels échangés entre M. B... et l'université de Lille que, si sa candidature a été initialement retenue pour le poste de technicien en insertion professionnelle, il lui a été précisé par l'administration que son recrutement était subordonné à l'absence, sur son casier judiciaire, de mentions incompatibles avec l'exercice de fonctions publiques. Le requérant, qui ne saurait dès lors se prévaloir de l'existence d'un contrat à durée déterminée, n'est pas fondé à soutenir qu'en l'informant le 28 août 2023 du refus de procéder à son recrutement en raison des mentions figurant dans son casier judiciaire, l'administration aurait illégalement mis fin à un tel contrat. Il n'est pas plus fondé à soutenir que le rejet de sa candidature, initialement retenue sous la réserve précitée tenant à l'examen de son casier judiciaire, aurait eu pour objet de retirer une décision créatrice de droit.

7. En second lieu, il ressort des mentions figurant au bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. B... que celui-ci a été condamné le 6 mai 2016 à une peine de deux mois d'emprisonnement et au paiement d'une amende de 400 euros pour avoir, au mois de décembre 2013, conduit un véhicule sans assurance et sans permis de conduire, en dépit de l'injonction de restituer ce permis à la suite du retrait de la totalité des points, puis, le 2 février 2018, au paiement d'une amende de 500 euros pour des faits similaires commis en novembre 2015. Le requérant a encore été condamné le 26 juin 2019 à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis à nouveau pour avoir conduit un véhicule sans permis de conduire, annulé en raison du retrait de la totalité des points, et pour avoir refusé d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, au cours du mois de mars 2019. Alors même que, d'après son casier judiciaire, M. B... n'a plus fait l'objet de condamnations après 2019, la gravité et la réitération des infractions routières y figurant, ainsi que le refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter en 2019, révèlent un comportement incompatible avec l'exercice des fonctions de technicien en insertion professionnelle qui, relevant de la catégorie B, supposent que le titulaire de ce poste présente un sens affirmé des responsabilités, respecte l'autorité hiérarchique et exerce ses missions dans le respect des cadres réglementaires. Par suite, l'université de Lille a pu légalement rejeter la candidature de M. B... au motif que les condamnations inscrites au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice des fonctions auxquelles il postulait.

Sur les conclusions indemnitaires :

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... ne démontre pas que le refus de le recruter serait entaché d'une illégalité, de sorte qu'il n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'université de Lille à cet égard.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille ne peut qu'être rejetée, ainsi que ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance de la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lille n° 2402490 du 14 mars 2024 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille, ainsi que ses conclusions présentées en appel au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'université de Lille et à Me Dangleterre.

Délibéré après l'audience publique du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

2

N° 24DA00562


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00562
Date de la décision : 02/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Malfoy
Avocat(s) : DANGLETERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-02;24da00562 ?
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