Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2310106 du 19 janvier 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mai 2024, M. A..., représenté par Me Dewaele, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord en date du 31 octobre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente un récépissé l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à son avocate au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté méconnaît l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a entamé des études supérieures et que ce motif constitue une circonstance nouvelle lui permettant de présenter une demande de délivrance d'un titre de séjour au-delà du délai de deux mois fixé par l'article D. 431-7 du même code ;
- l'arrêté méconnaît l'article L. 422-1 du même code ;
- le préfet du Nord a ainsi commis une erreur de droit, une erreur manifeste d'appréciation et n'a pas sérieusement examiné sa situation ;
- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est contraire à l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est contraire aux articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'illégalité de la décision de refus de séjour entraîne l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ainsi que les décisions subséquentes octroyant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination.
La requête et l'ensemble des pièces de la procédure ont été communiqués au préfet du Nord qui n'a pas produit de mémoire.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre la République française et la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Yaoundé le 24 janvier 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par sa requête, M. A..., ressortissant camerounais né le 25 décembre 2002, relève appel du jugement n° 2310106 du 19 janvier 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord en date du 31 octobre 2023 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 31 octobre 2023 serait insuffisamment motivé doit être écarté par adoption des motifs retenus par le premier juge au point 3 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. / (...) ". Aux termes de l'article D. 431-7 du même code : " Pour l'application de l'article L. 431-2, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné à l'article L. 425-9, ce délai est porté à trois mois. ".
4. Dans le cas où un étranger ayant demandé l'asile a été dûment informé, en application des dispositions de l'article L. 431-2 précité, des conditions dans lesquelles il peut solliciter son admission au séjour sur un autre fondement et où il formule une demande de titre de séjour après l'expiration du délai qui lui a été indiqué pour le faire, l'autorité administrative peut rejeter cette demande motif pris de sa tardiveté à moins que l'étranger ait fait valoir, dans sa demande à l'administration, une circonstance de fait ou une considération de droit nouvelle, c'est-à-dire un motif de délivrance d'un titre de séjour apparu postérieurement à l'expiration de ce délai. Si tel est le cas, aucun nouveau délai ne lui est opposable pour formuler sa demande de titre. L'étranger ne peut se prévaloir pour la première fois devant le juge d'une telle circonstance.
5. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la convention entre la République française et la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes du 24 janvier 1994 : " Pour un séjour de plus de trois mois, les nationaux français, lors de la demande du visa camerounais, et les nationaux camerounais, lors de la demande du visa français, doivent être munis des justificatifs prévus aux articles 4 à 7 ci-après, en fonction de la nature de l'installation envisagée ". Aux termes de l'article 7 de la même convention : " Les nationaux de chacun des États contractants désireux de se rendre sur le territoire de l'autre État en vue d'effectuer des études doivent, pour être admis sur le territoire de cet État, être en possession, outre d'un visa de long séjour et des documents prévus à l'article 1er de la présente Convention, de justificatifs des moyens de subsistance et d'hébergement, et d'une attestation de préinscription ou d'inscription délivrée par l'établissement d'enseignement qu'ils doivent fréquenter. ". Aux termes de l'article 11 de cette même convention : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les nationaux camerounais doivent posséder un titre de séjour. Pour tout séjour sur le territoire camerounais devant excéder trois mois, les nationaux français doivent posséder un titre de séjour. Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'État d'accueil ". Aux termes de l'article 14 de cette convention : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la présente Convention ". Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an (...) ".
6. En l'espèce, M. A... a été dûment informé le 8 janvier 2021, à l'occasion de l'enregistrement de sa demande d'asile, de la possibilité de formuler une demande de délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement que l'asile et qu'il bénéficiait d'un délai de deux mois à compter de cette date pour présenter cette demande. Si l'appelant s'est inscrit en première année de brevet de technicien supérieur " Maintenance véhicules option véhicules de transport routier " au sein du lycée des métiers de l'automobile Alfred Mongy à Marcq-en-Baroeul à compter du mois de septembre 2022 et a sollicité le 11 avril 2023 la délivrance d'un titre de séjour en raison des études supérieures ainsi poursuivies, il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 8 janvier 2021, M. A... était scolarisé en classe de terminale générale et suivait donc en France un enseignement au sens des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Eu égard à cette circonstance et à l'âge de l'intéressé à la date du 8 janvier 2021, il était en mesure, dès cette date, de déposer une demande de titre de séjour sur le fondement de ces mêmes dispositions. Dans ces conditions, la seule poursuite de ses études supérieures par l'intéressé à compter du mois de septembre 2022 ne constitue pas une circonstance nouvelle et le préfet du Nord pouvait légalement rejeter sa demande de délivrance d'un titre de séjour fondée sur l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile motifs pris de l'absence de circonstance nouvelle et de sa présentation postérieurement au délai de deux mois courant à compter du 8 janvier 2021. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et du défaut d'examen sérieux de sa situation doivent être écartés, sans que le requérant ne puisse par ailleurs utilement faire valoir qu'en raison de sa situation, il devait se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ".
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; / (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile présentée par M. A... a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 mars 2022 et de la Cour nationale du droit d'asile du 27 mars 2023. Ainsi, le préfet du Nord pouvait légalement obliger M. A... à quitter le territoire français sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même qu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement postérieurement à ces décisions. Par suite, le préfet du Nord n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 6 et ce moyen doit être écarté.
9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France à l'âge de quinze ans, y réside depuis l'année 2018 et qu'il y a poursuivi une scolarité lui permettant d'obtenir en 2022 et en 2023 les diplômes du certificat d'aptitude professionnelle et du baccalauréat professionnel. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il s'est par la suite inscrit dans une formation menant au diplôme de brevet de technicien supérieur. Toutefois, l'intéressé est célibataire sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Cameroun où réside sa mère. Dans ces conditions et eu égard aux buts en vue desquels l'arrêté attaqué a été pris, celui-ci ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'appelant. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, il n'apparaît pas que l'autorité préfectorale aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de M. A....
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ". Aux termes des stipulations de ce dernier article : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. En l'espèce, M. A... fait état de craintes en cas de retour au Cameroun en raison de maltraitances subies par des membres d'un groupe armé l'ayant séquestré et l'obligeant à se convertir à l'islam et à apprendre le maniement d'armes à feu. Toutefois, l'intéressé ne produit aucun élément probant au soutien de ses allégations, la CNDA ayant au demeurant rejeté sa demande de protection internationale en considérant ses explications vagues et peu personnalisées. Dès lors, l'appelant n'établit pas que son éloignement à destination de son pays d'origine l'exposerait à des traitements inhumains ou dégradants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations citées au point 10 doit être écarté.
12. En dernier lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas fondés, les moyens tirés de ce que les décisions octroyant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination devraient être annulées par voie de conséquence ne peuvent qu'être écartés.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral en date du 31 octobre 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et à Me Dewaele.
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 25 février 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de chambre
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
N°24DA00942 2