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05/03/2025 | FRANCE | N°24DA01258

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 05 mars 2025, 24DA01258


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté en date du 13 mai 2024 par lequel le préfet de la Somme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et l'a informé de son signalement dans le système d'information Schengen.



Par un jugement n° 2401885-2401886 du 28 mai 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 28 juin 2024, M. A....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté en date du 13 mai 2024 par lequel le préfet de la Somme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et l'a informé de son signalement dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2401885-2401886 du 28 mai 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juin 2024, M. A..., représenté par Me Tourbier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Somme en date du 13 mai 2024 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dont il fait l'objet, dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à venir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation au regard notamment de son état de santé :

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- sa présence en France ne représente pas une menace pour l'ordre public ;

- le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dont il fait l'objet est insuffisamment motivé ;

- ce signalement fait référence à une interdiction de retour inexistante ;

- ce signalement méconnaît le règlement n° 1987/2006 du 20 décembre 2006.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2024, le préfet de la Somme demande à la cour de rejeter la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 26 septembre 2024.

Par lettre en date du 29 janvier 2025, les parties ont été informées en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées par M. A... contre le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen contenu dans l'arrêté du préfet de la Somme en date du 13 Mai 2024, qui n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement n° 1987/2006 du 20 décembre 2006 du Parlement européen et du Conseil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller ;

- et les observations de Me Basili, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par sa requête, M. A..., ressortissant algérien né le 10 septembre 2001, relève appel du jugement n° 2401888- 2401886 du 28 mai 2024 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Somme en date du 13 mai 2024 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et l'informant de son signalement dans le système d'information Schengen.

.

2. En premier lieu, ainsi que l'a retenu le premier juge, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni des autres pièces du dossier, que le préfet de la Somme, qui n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle ou à l'état de santé de M. A..., n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation préalablement à l'édiction de l'arrêté en litige.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ". Lorsque l'administration oppose à un ressortissant étranger un motif lié à la menace à l'ordre public pour l'obliger de quitter le territoire français, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné le 10 octobre 2022 à 10 mois d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant 24 mois pour des violences ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas 8 jours commis le 26 novembre 2021. Il a également été condamné le 4 janvier 2024 à 105 heures de travaux d'intérêt général pour conduite d'un véhicule terrestre à moteur compromettant la sécurité des usagers ou la tranquillité publique et à 300 euros d'amende pour refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à la sommation de s'arrêter. L'intéressé a aussi fait l'objet le 3 avril 2019 d'un rappel à la loi pour des faits de vol. En outre, il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments issus de la consultation du traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) sur lesquels le préfet s'est fondé, que l'appelant a été mis en cause à de multiples reprises notamment pour des faits de vol en réunion et à la roulotte le 3 septembre 2022, d'usage illicite de stupéfiants les 5 avril 2021 et 21 mai 2023, de port sans motif légitime d'une arme blanche le 21 mai 2023, de participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens lors de manifestation sur la voie publique le 29 juin 2023, de rébellion, circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance, de conduite d'un véhicule sans permis le 6 février 2024, et de violation de domicile le 12 mai 2024, ces derniers faits ayant justifié son interpellation par les services de police la veille de l'arrêté attaqué. L'intéressé ne conteste pas sérieusement les éléments d'informations issus de ce fichier qui pouvaient être pris en compte par le préfet alors même qu'ils n'auraient pas donné lieu à condamnation. Compte tenu de la gravité de l'ensemble de ces faits, le préfet de la Somme, en estimant qu'à la date de sa décision la présence de M. A... en France représente une menace à l'ordre public, n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 5° de l'article L 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. A... soutient qu'il est entré en France le 29 août 2013 à l'âge de onze ans en compagnie de sa mère, titulaire d'une carte de résident, qu'il vit chez sa mère et ses deux sœurs nées en 2006 et 2011 dont la plus jeune dispose de la nationalité française, et qu'il rencontre des problèmes de santé. Toutefois, l'intéressé, célibataire sans enfant, réside de manière irrégulière sur le territoire français depuis 2019, année de sa majorité et n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale en Algérie où résiderait notamment son oncle. En outre, il ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle en France, alors compte tenu de ce qui a été dit précédemment, que son comportement est constitutif d'une menace pour l'ordre public. Enfin, il ne justifie pas que son état de santé nécessiterait des soins qui ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine. Par suite, l'arrêté contesté ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels il a été pris. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales citées doit dès lors être écarté.

7. En dernier lieu, le préfet de la Somme, dans l'article 3 de l'arrêté du 13 mai 2024, a informé M. A... qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen " pour la durée de l'interdiction de retour ". Toutefois, il est constant que l'arrêté en litige ne comporte aucune interdiction de retour et qu'en tout état de cause, l'information donnée à l'étranger sur son signalement ne constitue pas une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, ainsi que l'a retenu le premier juge, les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de ce signalement doivent être rejetées comme irrecevables.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Somme en date du 13 mai 2024. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Tourbier.

Copie en sera adressée au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 4 février 2025 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Delahaye, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2025.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de la formation

de jugement,

Signé : L. Delahaye

La greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°24DA01258


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01258
Date de la décision : 05/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Delahaye
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN - TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-05;24da01258 ?
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