Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 4 avril 2024 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 4 avril 2024 de la même préfète l'assignant à résidence.
Par un jugement no 2401333-2401334 du 11 avril 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté de la préfète de l'Oise portant assignation à résidence et a rejeté le surplus des demandes de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 mai 2024, M. B..., représenté par Me Gozlan, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses demandes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 avril 2024 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui remettre sans attendre une autorisation provisoire de séjour et de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de procéder à un réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué n'est pas suffisamment motivé ;
- il procède d'un défaut d'examen complet et personnalisé de sa situation ;
- il a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été mis à même de faire valoir ses observations ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de ses conséquences disproportionnées sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il justifie d'un droit au séjour au titre des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire du 28 novembre 2012.
La requête et l'ensemble des pièces de la procédure ont été communiqués à la préfète de l'Oise qui n'a pas produit de mémoire, malgré une mise en demeure adressée le 25 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 7 janvier 1971, de nationalité ivoirienne, est entré en France le 1er février 2015 sous couvert d'un visa de court séjour et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà de la date de validité de celui-ci. Sa demande d'asile a été successivement rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 7 mars 2016 et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 2 novembre 2016. Le 27 juin 2017, il a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis lui faisant obligation de quitter le territoire français auquel il n'a pas déféré. Contrôlé en situation irrégulière sur son lieu de travail à Chambly (Oise) le 4 avril 2024, il a fait l'objet d'une retenue pour vérification de son droit au séjour au terme de laquelle la préfète de l'Oise, par des arrêtés du même jour, a décidé, d'une part, de l'obliger à quitter sans délai le territoire français, de fixer le pays à destination duquel il doit être éloigné et de prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et, d'autre part, de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, assortie de mesures de surveillance et de contrôle. M. B... relève appel du jugement du 11 avril 2024 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 4 avril 2024 portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ". Aux termes de l'article L. 721-3 du même code : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ".
3. L'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de chacune des décisions prises à l'encontre de M. B... et il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de l'Oise n'aurait pas procédé à l'examen sérieux de sa situation personnelle. En particulier, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que, contrairement à ce que soutient M. B..., la préfète de l'Oise, préalablement au prononcé des décisions attaquées, a tenu compte de l'ancienneté et des conditions de son séjour en France, de la nature de ses liens privés et familiaux sur le territoire, de la qualité de son insertion professionnelle et sociale et de sa situation matérielle et financière. Si M. B... avait présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour auprès des services de la préfecture des Hauts-de-Seine moins de quatre mois auparavant, celle-ci faisait alors seulement l'objet d'un pré-examen, cette circonstance ne s'opposait pas au prononcé d'une mesure d'éloignement dès lors qu'aucun récépissé ou autorisation provisoire de séjour ne lui avait été délivré et les termes de l'arrêté attaqué rendent compte de ce que la préfète de l'Oise a en tout état de cause recherché, préalablement au prononcé des décisions attaquées, si M. B... pouvait bénéficier d'un droit au séjour. Enfin, la situation de M. B... a également été examinée au regard des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la préfète de l'Oise s'est assurée que les décisions attaquées n'emportent pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité pour la situation personnelle ou familiale de l'intéressé. Dès lors, les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé et de ce qu'il serait entaché d'erreur de droit pour procéder d'un défaut d'examen particulier doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de l'audition de M. B... devant les services de police au cours de sa retenue pour vérification du droit au séjour le 4 avril 2024, qu'il a alors été informé des décisions susceptibles d'être prise à son encontre et qu'il a eu l'occasion de transmettre ses observations. En outre, il a pu s'exprimer notamment sur les raisons de son départ de Côte d'Ivoire et son parcours, sur sa situation familiale, sur sa situation administrative, sur ses moyens de subsistance ainsi que sur sa situation professionnelle. Il n'explique pas quelles autres informations auraient été de nature à faire obstacle au prononcé des décisions prises à son encontre et en quoi il aurait été empêché de les communiquer à cette occasion. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'il aurait été privé de son droit d'être entendu et de faire valoir ses observations doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. B..., qui s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire et qui n'a pas déféré à une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre, est présent en France depuis un peu plus de neuf ans. Il y est célibataire, sans charge de famille et dépourvu de toute attache familiale. S'il justifie exercer depuis le 1er septembre 2020 comme ouvrier à temps plein dans un garage automobile sous couvert d'un contrat de travail à durée indéterminée, son insertion professionnelle demeure récente et n'a pas permis de lui conférer une situation matérielle stable de nature à garantir son insertion réussie à la société française. Dans le même temps, il ne démontre pas qu'il serait isolé dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie jusqu'à l'âge de 44 ans et il n'avance aucune considération qui serait de nature à empêcher sa réinsertion professionnelle et sociale dans ce pays. Notamment, alors que sa demande d'asile a été rejetée par deux fois par les autorités compétentes en 2016 et qu'il n'a mentionné aucun motif de craintes lors de son audition par les services de police le 4 avril 2024, il n'apporte aucun élément conduisant à le regarder comme étant exposé à des risques pour sa sécurité en cas de retour en Côte d'Ivoire. Il s'ensuit que c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation ni méconnaître les stipulations citées au point précédent que la préfète de l'Oise a pu obliger M. B... à quitter sans délai le territoire français, fixer le pays à destination duquel il doit être éloigné et lui interdire le retour en France pendant un an. Les moyens soulevés en ce sens doivent, dès lors, être écartés.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ". M. B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions dès lors, d'une part, qu'elles ne constituent pas le fondement légal des décisions prononcées à son encontre et, d'autre part, qu'il n'en a pas été directement fait application. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, telles qu'interprétées par la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, doit, dès lors, être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Oise du 4 avril 2024 portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 4 février 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars2025.
Le rapporteur,
Signé : G. ToutiasLe président de la formation
de jugement,
Signé : L. Delahaye
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°24DA00890