La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/03/2025 | FRANCE | N°23DA00182

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 05 mars 2025, 23DA00182


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés respectivement les 31 janvier 2023, 1er septembre 2023 et le 31 mai 2024, la commune de Millebosc, représentée par Me Monamy, demande à la Cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a autorisé la société Ferme éolienne Le Quesnot à construire et exploiter un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Guerville ;



2°) à titre subsidiaire, en cas d'annulation partielle de l'autorisation attaquée ou de sursis à st...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés respectivement les 31 janvier 2023, 1er septembre 2023 et le 31 mai 2024, la commune de Millebosc, représentée par Me Monamy, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a autorisé la société Ferme éolienne Le Quesnot à construire et exploiter un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Guerville ;

2°) à titre subsidiaire, en cas d'annulation partielle de l'autorisation attaquée ou de sursis à statuer, de suspendre l'exécution des parties non viciées de cette autorisation avec toutes les conséquences de droit ;

3°) de mettre à la charge de l'État et de la société " Ferme Eolienne le Quesnot " la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt pour agir ;

- l'arrêté signé par M. Diouf, secrétaire général adjoint, est entaché d'incompétence dès lors qu'il n'est pas démontré, ni même allégué, que Mme Steffan, secrétaire générale de la préfecture, aurait été absente ou empêchée ;

- l'avis du ministre chargé de l'aviation civile du 14 décembre 2021 et celui du ministre des armées du 16 décembre 2011 sont entachées d'incompétence ;

- la procédure suivie méconnaît l'article 6 de la convention d'Aarhus en l'absence de concertation publique préalable au sens de ces stipulations ;

- il méconnaît les dispositions du 3° de l'article R. 181-13 du code de l'environnement ;

- il méconnaît les dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement au regard de l'étude d'impact qui est entachée de plusieurs inexactitudes, omissions ou insuffisances concernant l'étude des chiroptères, l'étude des paysages et les solutions de substitution raisonnables ;

- l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale du 17 mai 2022 a été rendu en méconnaissance de l'article 6 de la directive modifiée n°2011/92/UE du 13 décembre 2011 ainsi que des dispositions de l'article R. 122-24 du code de l'environnement et de l'article 3 du décret n°2015-1229 du 2 octobre 2015 ;

- il est irrégulier en l'absence de consultation de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers de la Seine-Maritime prévue à l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme ;

- les mesures de publicité de l'avis d'enquête publique sont irrégulières dès lors qu'il n'est pas établi que le préfet de la Seine-Maritime aurait sollicité l'accord du préfet de la Somme pour désigner les lieux où l'avis d'enquête publique devait être publié dans les communes de ce département, ni que l'affichage aux abords du site d'implantation des machines, ainsi que dans l'ensemble des mairies du périmètre d'enquête publique, a bien été effectué pendant toute la durée règlementaire ;

- la consultation des assemblées délibérantes des communes ou regroupement de communes prévue aux articles R. 181-36 et R. 181-38 du code de l'environnement est irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que les communes de Bangy-sur-Bresle, Bouillancourt-en-Sery, Bouvaincourt-sur-Bresle, Dancourt, Eu, Grandcourt, Guerville, le Mesnil-Réaume, Maisnières, Melleville, Ponts-et-Marais, Rieux, Saint-Pierre-en-Val, Tilloy-Floriville et Villy-sur-Yères, et que les communautés de commune Aumale Blangy-sur-Bresle, des Villes Sœurs, de Falaises du Talou et de Londinières, auraient été consultés, ni que les membres des conseils municipaux des communes de Bouttencourt et Buigny-les-Gamaches se seraient vu transmettre une note explicative de synthèse avec la convocation à la séance ; le délai de convocation des membres du conseil municipal de la commune de Bouttencourt n'a pas été respecté ;

- la présentation des capacités financières du promoteur est insuffisante ;

- l'arrêté méconnaît l'article R. 515-501 du code de l'environnement et les dispositions de l'annexe I de l'arrêté du 26 août 2011 dès lors que les garanties financières du promoteur sont insuffisantes ;

- une demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées et de leurs habitats au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement aurait dû être sollicitée en raison de la destruction d'individus de plusieurs espèces de chauves-souris ainsi qu'en raison de la destruction d'habitats d'espèces protégées ou, à tout le moins, de leur perturbation intentionnelle ;

- le projet est de nature à porter atteinte aux chiroptères ainsi qu'aux paysages et méconnaît en conséquence les dispositions des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement et R. 111-26 et R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- les prescriptions de l'arrêté sont irréalisables, ou à tout le moins insuffisantes, et ne permettent pas d'assurer le respect des dispositions des articles L. 181-3, L. 181-4 et R. 181-43 du code de l'environnement ;

- l'arrêté est irrégulier en l'absence de mesures de compensation des atteintes à la biodiversité causées par le projet en méconnaissance des articles L. 110-1, L. 122-1-1 et L. 511-1du code de l'environnement.

Par des mémoires en défense enregistrés les 29 juin 2023, 27 février 2024 et le 8 juillet 2024, la société Ferme Eolienne le Quesnot, représentée par Me Faziot, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune requérante de la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune requérante n'a pas intérêt à agir ;

- les moyens soulevés par la commune dans son mémoire complémentaire du 1er septembre 2023 sont irrecevables en application de l'article R. 611-7-2 du code de justice administrative dès lors qu'ils ont été présentés après la date de cristallisation des moyens ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 10 août 2023, 22 mars 2024 et 2 juillet 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la commune requérante n'a pas intérêt à agir ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée à Aarhus le 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement ;

- la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement ;

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- l'arrêté du 26 août 2011 modifié relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delahaye, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique ;

- les observations de Me Gargam pour la commune de Millebosc et celles de Me Fazio pour la société Ferme éolienne Le Quesnot.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ferme éolienne Le Quesnot a déposé le 4 novembre 2021 une demande, complétée le 1er février 2022, d'autorisation environnementale aux fins de construire et d'exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune de Guerville. Par un arrêté du 29 septembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime a accordé l'autorisation sollicitée. La commune voisine de Millebosc demande l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité :

En ce qui concerne la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement, les autorisations environnementales peuvent être déférées à la juridiction administrative " par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 ". L'article L. 511-1 du même code, auquel renvoie l'article L. 181-3, vise les dangers et inconvénients " soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Au sens de ces dispositions, une personne morale de droit public ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge administratif une autorisation environnementale que dans les cas où les inconvénients ou les dangers pour les intérêts visés à l'article L. 181-3 sont de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue.

3. Il résulte de l'instruction que le projet éolien en litige, composé de deux postes de livraison et quatre éoliennes s'élevant à 180 mètres de hauteur, sera implanté au sol sur le territoire de la commune de Guerville jouxtant celui de la commune de Millebosc, les pâles des éoliennes survolant deux parcelles situées sur ce dernier. La commune requérante fait en outre valoir que son église, son étang municipal, lieu de promenade réaménagé en 2015, ainsi qu'un appartement dont elle est propriétaire situé au-dessus de la mairie, se situent face à un paysage offrant une vue dégagée au moins sur l'une des éoliennes et que ces lieux seront en conséquence affectés par l'implantation et le fonctionnement de ce parc éolien. La commune de Millebosc se prévaut ainsi d'inconvénients pour certains intérêts visés à l'article L. 181-3 du code de l'environnement et justifie en conséquence que sa situation propre et que les intérêts dont elle a la charge seront susceptibles d'être affectés par le projet litigieux. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la requérante ne justifierait pas d'un intérêt suffisant pour contester l'arrêté en litige doit être écartée.

En ce qui concerne la recevabilité des moyens :

4. Aux termes de l'article R. 611-7-2 du code de justice administrative : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1, lorsque la juridiction est saisie d'une décision mentionnée à l'article R. 311-5, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative. Le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu'il désigne à cet effet, peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l'affaire le justifie. ".

5. Il résulte de l'instruction que le premier mémoire en défense, enregistré au greffe de la cour le 29 juin 2023, a été communiquée à la commune requérante le 4 juillet 2023. Le mémoire en réplique de cette dernière a ensuite été enregistrée le 1er septembre 2023, soit dans le délai de deux mois prévu par les dispositions précitées. Par suite, la société Ferme Eolienne le Quesnot n'est pas fondée à soutenir que les moyens présentés par la commune de Millebosc dans ce mémoire sont irrecevables.

Sur l'office du juge :

6. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit prévalant à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit prévalant à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation. Lorsqu'il relève que l'autorisation environnementale contestée devant lui méconnaît une règle de fond applicable à la date à laquelle il se prononce, il peut, dans le cadre de son office de plein contentieux, lorsque les conditions sont remplies, modifier ou compléter l'autorisation environnementale délivrée afin de remédier à l'illégalité constatée, ou faire application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :

7. Il résulte de l'instruction que l'arrêté litigieux a été signé par M. Aurélien Diouf, secrétaire adjoint de la préfecture de Seine-Maritime, qui disposait d'une délégation de signature à cet effet, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Béatrice Steffan, secrétaire général, par arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 9 septembre 2022, publié au recueil des actes administratifs du même jour accessible tant au juge qu'aux parties. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme Steffan n'aurait pas été absente ou empêchée le 29 septembre 2022, date de signature de l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

En ce qui concerne l'avis conforme des ministres chargé de l'aviation civile et de la défense :

8. Aux termes de l'article R. 181-32 du code de l'environnement : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, la préfète saisit pour avis conforme : 1° Le ministre chargé de l'aviation civile :a) Pour ce qui concerne les radars primaires, les radars secondaires et les radiophares omnidirectionnels très haute fréquence (VOR), sur la base de critères de distance aux aérogénérateurs ;b) Pour les autres aspects de la circulation aérienne, sur tout le territoire et sur la base de critère de hauteur des aérogénérateurs./ 2° Le ministre de la défense, y compris pour ce qui concerne les radars et les radiophares omnidirectionnels très haute fréquence (VOR) relevant de sa compétence (...) ".

9. L'avis rendu le 14 décembre 2021 par le ministre des transports, chargé de l'aviation civile, a été signé par M. B... A..., chef du service d'ingénierie aéroportuaire ouest de la direction générale de l'aviation civile, qui disposait d'une délégation à l'effet de signer ce type d'avis en vertu d'un arrêté du 20 octobre 2021 régulièrement publié au Journal Officiel de la République française du 22 octobre 2021. En outre, l'avis rendu le 16 décembre 2021 par le ministre de la défense a été signé par le général de brigade aérienne Etienne Herfeld qui disposait également d'une délégation à l'effet de signer ce type d'avis en vertu d'un décret du 11 octobre 2021, régulièrement publié au Journal Officiel de la République française du 13 octobre 2021. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence des signataires des avis émanant du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense doivent être écartés.

En ce qui concerne la consultation de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers de l'Oise :

10. Aux termes de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme : " La construction de bâtiments nouveaux mentionnée au 1° de l'article L. 111-4 et les projets de constructions, aménagements, installations et travaux mentionnés aux 2° et 3° du même article ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu'urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole doivent être préalablement soumis pour avis par l'autorité administrative compétente de l'État à la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime.(...) ".

11. La commune requérante n'apporte à l'instance aucun élément de nature à caractériser la réalité et à l'étendue de la réduction des surfaces agricoles résultant du parc éolien en litige, alors qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du commissaire enquêteur, que l'emprise définitive de ce parc sera d'environ 17 hectares en surface cumulée et ne remettra pas en cause la vocation agricole des terrains environnants, au regard notamment des 504 hectares de surfaces agricoles utilisées sur la commune de Guerville. Par suite, l'absence de consultation de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, laquelle ne constitue pas une garantie, n'a pas été, en l'espèce, susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise.

En ce qui concerne la publicité de l'enquête publique :

12. Aux termes de l'article R. 123-11 du code de l'environnement : " I. - Un avis portant les indications mentionnées à l'article R. 123-9 à la connaissance du public est publié en caractères apparents quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés. Pour les projets d'importance nationale et les plans et programmes de niveau national, cet avis est, en outre, publié dans deux journaux à diffusion nationale quinze jours au moins avant le début de l'enquête. II. - L'avis mentionné au I est publié sur le site internet de l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête. Si l'autorité compétente ne dispose pas d'un site internet, cet avis est publié, à sa demande, sur le site internet des services de l'État dans le département. Dans ce cas, l'autorité compétente transmet l'avis par voie électronique au préfet au moins un mois avant le début de la participation, qui le met en ligne au moins quinze jours avant le début de la participation. III. - L'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête désigne le ou les lieux où cet avis doit être publié par voie d'affiches et, éventuellement, par tout autre procédé. Pour les projets, sont au minimum désignées toutes les mairies des communes sur le territoire desquelles se situe le projet ainsi que celles dont le territoire est susceptible d'être affecté par le projet. Pour les plans et programmes de niveau départemental ou régional, sont au minimum désignées les préfectures et sous-préfectures. Cet avis est publié quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et pendant toute la durée de celle-ci. Lorsque certaines de ces communes sont situées dans un autre département, l'autorité chargée de l'ouverture de l'enquête prend l'accord du préfet de ce département pour cette désignation. Ce dernier fait assurer la publication de l'avis dans ces communes selon les modalités prévues à l'alinéa précédent. IV. - En outre, dans les mêmes conditions de délai et de durée, et sauf impossibilité matérielle justifiée, le responsable du projet procède à l'affichage du même avis sur les lieux prévus pour la réalisation du projet. Ces affiches doivent être visibles et lisibles de la ou, s'il y a lieu, des voies publiques, et être conformes à des caractéristiques et dimensions fixées par arrêté du ministre chargé de l'environnement. ".

13. Il résulte de l'instruction et notamment des procès-verbaux des constats d'huissiers des 25 mai, 13 juin et 13 juillet 2022 produits en défense, que l'avis d'enquête publique a été publié dans la presse locale les 26 mai et 14 juin 2022 et qu'il a été affiché sur le site envisagé d'implantation du parc éolien par le biais de quatre panneaux visibles et lisibles de la voie publique, ainsi que dans les mairies des vingt-sept communes intéressées par le projet, dont neuf communes du département de la Somme après accord préalable du préfet de la Somme en date du 3 mai 2022. Le commissaire enquêteur a en outre confirmé dans le rapport d'enquête publique, que le porteur du projet a fait procéder à l'affichage de l'avis d'enquête publique à la mairie de Guerville, aux entrées du village ainsi qu'à proximité des lieux du projet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

En ce qui concerne la participation du public :

14. Aux termes du premier paragraphe de l'article 6 de la convention d'Aarhus : " Chaque partie : / a) applique les dispositions du présent article lorsqu'il s'agit de décider d'autoriser ou non des activités proposées du type de celles énumérées à l'annexe I (...) ". Au vingtième paragraphe de cette annexe I est mentionnée " toute activité non visée aux paragraphes 1 à 19 ci-dessus pour laquelle la participation du public est prévue dans le cadre d'une procédure d'évaluation de l'impact sur l'environnement conformément à la législation nationale ". Aux termes du troisième paragraphe de l'article 6 de la même convention : " Pour les différentes étapes de la procédure de participation du public, il est prévu des délais raisonnables laissant assez de temps pour informer le public (...) et pour que le public se prépare et participe effectivement aux travaux tout au long du processus décisionnel en matière d'environnement ". Aux termes du quatrième paragraphe du même article : " Chaque partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c'est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence ". Ces stipulations doivent être regardées comme produisant des effets directs dans l'ordre juridique interne.

15. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du commissaire enquêteur, que la zone initialement identifiée par la pétitionnaire à la fin de l'année 2018 pour accueillir le projet éolien en litige comportait une emprise au sol sur les territoires des communes de Guerville et de Millebosc. Ce projet initial a été présenté aux élus des communes de Millebosc et Guerville au début de l'année 2019. La commune de Millebosc ayant alors manifesté son opposition au projet, la société pétitionnaire a finalement fixé l'emprise au sol de son projet exclusivement sur le territoire de la commune de Guerville au début de l'année 2020. Si, en raison de la pandémie de la Covid 19, il lui a alors été impossible d'organiser des réunions publiques associant la population, elle a procédé à la distribution de documents d'information dans les boites aux lettres des habitants de Guerville et Bazinval, les communes de Millebosc et Melleville s'étant quant à elles opposées à ces distributions. Ces modalités particulières d'information du public liées à la crise sanitaire, dont l'existence et la teneur ne sont pas contestées, ainsi que son association à l'enquête publique, qui s'est déroulée du 13 juin au 13 juillet 2022, à un stade où l'autorité administrative ne s'était pas encore prononcée sur le projet et pouvait notamment encore imposer au pétitionnaire des prescriptions visant à protéger les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, lui ont permis, en l'espèce, d'être informé au début du processus décisionnel, lorsque toutes les options et solutions étaient encore possibles. Par suite, le moyen tiré de ce que les stipulations de l'article 6 de la convention d'Aarhus auraient été méconnues doit être écarté.

En ce qui concerne la consultation des communes et de leurs groupements :

16. Aux termes de l'article R. 181-38 du code de l'environnement : " Dès le début de la phase de consultation du public, le préfet demande l'avis du conseil municipal des communes mentionnées au III de l'article R. 123-11 ou au I de l'article R. 123-46-1 et des autres collectivités territoriales, ainsi que de leurs groupements, qu'il estime intéressés par le projet, notamment au regard des incidences environnementales notables de celui-ci sur leur territoire (...) ". ". Aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / (...) / Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc. / Le présent article est également applicable aux communes de moins de 3 500 habitants lorsqu'une délibération porte sur une installation mentionnée à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ". En vertu de l'article L. 5211-1 du même code, ces dispositions sont applicables aux établissements publics de coopération intercommunale.

17. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment des termes de l'arrêté du 19 mai 2022 portant ouverture et organisation de l'enquête publique que le dossier complet de demande d'autorisation environnementale a été adressé pour avis à la commune de Guerville sur le territoire de laquelle se situe le projet, ainsi qu'à vingt-six communes, situées dans un rayon de six kilomètres autour du projet et susceptibles d'être affectées par ce dernier, dont les communes de Blangy-sur-Bresle, Bouillancourt-en-Sery, Bouvaincourt-sur-Bresle, Dancourt, Eu, Grandcourt, Le Mesnil-Réaume, Maisnières, Melleville, Ponts-et-Marais, Rieux, Saint-Pierre-en-Val, Tilloy-Floriville et Villy-sur-Yères. Ces communes ont ainsi été appelées à donner leur avis sur le projet dès le début de l'enquête publique, lesquels devaient être exprimés au plus tard dans les 15 jours suivant la date de clôture de l'enquête publique fixée au 13 juillet 2022 à 17h00. Dans ce cadre, douze des vingt-sept communes consultées ont exprimé leur avis par une délibération du conseil municipal, dont la commune de Guerville, qui a émis un avis favorable au projet par une délibération du 9 juillet 2019. Enfin, si la commune requérante soutient que les communautés de communes de Aumale Blangy-sur-Bresle, des Villes Sœurs, de Falaises du Talou et de Londinières auraient dû être consultées en application de l'article R. 181-38 du code de l'environnement, elle n'apporte aucun élément de nature à démontrer, pour l'application des dispositions citées au point précédent, l'existence d'incidences environnementales notables sur le territoire de ces établissements publics de coopération intercommunale qui auraient justifié leur saisine pour avis par le préfet.

18. D'autre part, les délibérations par lesquelles les communes donnent leur avis ne doivent pas, à peine d'irrégularité, mentionner que les conseillers municipaux disposaient, avec la convocation au conseil municipal, d'une note explicative de synthèse. En l'espèce, l'absence de note explicative alléguée pour les communes de Bouttencourt et Buigny-les-Gamaches qui ont rendu un avis n'est pas avérée et rien au dossier ne permet de dire que les conseillers municipaux n'auraient pas été en mesure d'émettre, en toute connaissance de cause, un avis sur le projet. En outre si les membres du conseil municipal de la commune de Bouttencourt ont été convoqués le 20 juin 2022 pour une réunion du conseil municipal qui s'est tenue le 24 juin suivant, en méconnaissance du délai de convocation de cinq jours francs prévu par les dispositions précitées de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard à la teneur de cette délibération, le conseil municipal de Bouttencourt s'en étant remis à la décision du conseil municipal de la commune de Guerville, que cette irrégularité a été en l'espèce susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision en litige, qui a été prise après une enquête publique, ni qu'elle aurait privé les communes ou les élus d'une garantie.

En ce qui concerne l'accord des propriétaires concernés :

19. Aux termes de l'article R. 181-13 du code de l'environnement : " La demande d'autorisation environnementale comprend les éléments communs suivants : / (...) / 3° Un document attestant que le pétitionnaire est le propriétaire du terrain ou qu'il dispose du droit d'y réaliser son projet ou qu'une procédure est en cours ayant pour effet de lui conférer ce droit (...) ".

20. Il résulte de l'instruction que le projet éolien en litige occupera les parcelles cadastrées AB 19, AB 26, AH 48 et AH 54 situées à Guerville et surplombera également les parcelles AB 24, AB 25, AH42, AH47 AH 49, AH53, AH55, AH56 et AH57 situées à Guerville ainsi que les parcelles AB 20 et B 222 situées à Millebosc. Il résulte également de l'instruction que la pétitionnaire, qui n'était pas tenue de fournir dans sa demande un relevé de propriété, a fourni à l'appui de celle-ci une autorisation d'édification des propriétaires des parcelles précitées attestant ainsi de la maîtrise foncière des parcelles de son projet, à l'exception des parcelles AH 55 et AH 56 situées à Guerville et de la parcelle B222 située à Millebosc. La circonstance que ces trois parcelles seront seulement survolées par les pales des aérogénérateurs ne dispensait pas la pétitionnaire d'attester dans sa demande de leur maîtrise foncière. Par suite, la commune requérante est fondée à soutenir que le dossier de demande, qui ne comporte pas d'attestation relative à ces parcelles, était insuffisante au regard des dispositions précitées du 3° de l'article R. 181-13 du code de l'environnement. Toutefois, la société pétitionnaire justifie dans la présente instance de la maîtrise foncière de ces parcelles et il ne résulte pas de l'instruction que cette insuffisance de la demande initiale a eu, en l'espèce, pour effet de nuire à la bonne information du public ou d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que ces autorisations d'édification, qui font mention pour certaines d'entre elles de plusieurs noms ou signatures et qui ne sont pas manifestement entachées d'irrégularité, n'auraient pas été accordées par l'ensemble des propriétaires concernés s'agissant des parcelles faisant l'objet d'une indivision ou d'un démembrement. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du 3° de l'article R. 181-13 du code de l'environnement doit être écarté.

En ce qui concerne la consultation de l'autorité environnementale :

S'agissant des exigences découlant du droit de l'Union européenne :

21. Aux termes du paragraphe 3 de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001 susvisée : " Les États membres désignent les autorités qu'il faut consulter et qui, étant donné leur responsabilité spécifique en matière d'environnement, sont susceptibles d'être concernées par les incidences environnementales de la mise en œuvre de plans et programmes ". S'agissant des projets publics et privés, le paragraphe 1 de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 visée ci-dessus dispose : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou cas par cas (...) ".

22. Eu égard à l'interprétation des dispositions de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, et à la finalité identique des dispositions des deux directives relatives au rôle " des autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement ", il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné.

S'agissant des dispositions régissant la MRAe de Normandie :

23. Aux termes de l'article R. 122-24 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle été rendu l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale du 17 mai 2022 : " Dans chaque région, la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable bénéficie de l'appui technique d'agents du service régional chargé de l'environnement pour l'exercice des missions prévues au présent chapitre et au chapitre IV du titre préliminaire du livre Ier du code de l'urbanisme. / Pour cet appui, les agents du service régional chargé de l'environnement sont placés sous l'autorité fonctionnelle du président de la mission régionale d'autorité environnementale par dérogation à l'article 2 du décret n° 2009-235 du 27 février 2009 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret n°2015-1229 du 2 octobre 2015 en vigueur à la date à laquelle été rendu l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale du 17 mai 2022: " (...)Dans chaque région, la mission régionale bénéficie de l'appui technique d'agents du service régional chargé de l'environnement dans les conditions fixées à l' article R. 122-24 du code de l'environnement . Une convention entre le président de la mission régionale et le directeur du service régional chargé de l'environnement règle les conditions dans lesquelles ces agents sont placés sous l'autorité fonctionnelle du président de la mission régionale afin que celle-ci dispose d'une autonomie réelle, la mettant en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner des avis, ou de rendre des décisions objectives, sur les projets, plans et programmes qui lui sont soumis. Cette convention est conforme à un modèle-type arrêté par le ministre chargé de l'environnement. "

24. Dans ce cadre réglementaire, la présidente de la MRAe de Normandie et le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de cette même région ont conclu le 12 novembre 2020 une convention ayant pour objet, selon son article 1er, de définir " les conditions dans lesquelles des agents de la DREAL apportent leur appui technique à la MRAe et les modalités suivant lesquelles ils sont placés, pour l'exercice de cet appui, sous l'autorité fonctionnelle de sa présidente ".

25. L'article 2 de cette convention énumère les agents de la DREAL qui, pour cet appui, sont placés " sous l'autorité fonctionnelle de la présidente de la MRAe ", parmi lesquels figurent " le chef du pôle évaluation environnementale ", désigné comme " responsable de l'appui à la MRAe ". Ce même article souligne que " les parties veillent au respect du principe de séparation fonctionnelle et des stipulations de la présente convention à l'occasion de l'instruction, par ces agents, des dossiers dont la MRAe est saisie ". Aux termes de son article 3 :" (...) les agents visés à l'article 2 assurent, sous la coordination des responsables de l'appui à la MRAe, la réception des demandes d'avis et de décisions et organisent les consultations nécessaires et la production des projets d'avis et de décisions dans le respect du principe et des modalités mentionnées à l'article 2 ". Enfin, aux termes de son article 5 : " (...) les stipulations de la présente convention ne font pas obstacle à ce que les agents visés à l'article 2 participent, à l'initiative du directeur de la Dreal, en concertation avec la présidente de la MRAe, à des actions ne relevant pas des missions de la MRAe dans la mesure où ces actions : / • ne sont pas susceptibles d'influencer le contenu des projets présentés à la MRAe ou de concourir à l'instruction d'une autorisation ayant un lien avec un dossier examiné par la MRAe, / • leur laissent la disponibilité suffisante pour assurer, dans les délais prévus par les instructions de la MRAe, et de manière satisfaisante, les missions définies par la MRAe. "

26. Contrairement à ce que soutient la commune requérante, les stipulations précitées de la convention du 12 novembre 2020 garantissent l'autonomie fonctionnelle des agents de la DREAL de Normandie cités à son article 2 appuyant la MRAe de cette région conformément aux exigences de l'article 3 du décret n°2015-1229 du 2 octobre 2015, quand bien même ceux-ci seraient par ailleurs amenés à participer à des actions ne relevant pas des missions de la MRAe dans les conditions prévues à son article 5. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que des agents de la DREAL autres que ceux visés à cet article 2 auraient en l'espèce participé à la préparation de l'avis émis le 17 mai 2022 par la MRAe de Normandie sur le projet éolien en litige. Par suite, les moyens tirés de ce que cet avis aurait été rendu en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la directive 2011/92/UE, des dispositions précitées de l'article R. 122-24 du code de l'environnement et de celles de l'article 3 du décret n°2015-1229 du 2 octobre 2015 doivent être écartés.

En ce qui concerne l'étude d'impact :

27. Aux termes du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " (...) l'étude d'impact comporte (...) : / (...) / 3° Une description des aspects pertinents de l'état initial de l'environnement, et de leur évolution en cas de mise en œuvre du projet (...) / 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet (...) ; / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement (...) / 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine (...) ". Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative

S'agissant des solutions de substitutions raisonnables :

28. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'étude d'impact, que la pétitionnaire a comparé dans sa demande d'autorisation deux variantes avec un nombre différent d'éoliennes sur un même site d'implantation, la variante 1 composée d'une première ligne courbe de trois éoliennes et d'une seconde ligne de deux éoliennes plus à l'est, et la variante 2, composée de quatre éoliennes formant deux lignes orientées globalement Nord-Ouest/Sud-Est. Chacune de ces deux variantes a fait l'objet dans l'étude d'impact d'une photo-simulation et d'une analyse prenant en compte les volets paysager, technique (réseaux et servitudes) et écologique, reprise sous forme d'un tableau récapitulatif, à l'issue de laquelle le pétitionnaire a justifié des raisons pour lesquelles il a retenu la variante n°2 composée de quatre éoliennes. Si la commune requérante soutient que d'autres variantes sur d'autres sites d'implantation ou avec des caractéristiques différentes auraient dû être présentées au regard de l'avis de MRAe du 17 mai 2022, il ne résulte pas de l'instruction que les deux variantes analysées par la pétitionnaire ne présentaient pas un caractère suffisant.

S'agissant de l'étude des chiroptères :

29. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'étude d'impact, que le diagnostic chiroptérologique est notamment fondé sur un pré-diagnostic ainsi que des prospections et des interprétations. Les prospections, qui ont eu lieu essentiellement au crépuscule, ont été effectuées notamment à partir de huit points d'écoute mobile et quatre écoutes de longue durée aux abords immédiats du projet, ces prospections ayant été complétées par une écoute en continu en openfiled de mars à octobre et une sortie d'écoute en hauteur à l'aide d'un ballon à 80 mètres en l'absence de point sur le site permettant de réaliser des écoutes en hauteur de longue durée. Seize espèces de chiroptères ont ainsi pu être recensées sur la zone d'étude et ses abords, dont la pipistrelle commune (85 % des contacts), la Pipistrelle de Kuhl (5 % des contacts) et la Pipistrelle de Nathusius (3% des contacts). L'étude d'impact a conclu à une sensibilité modérée pour les chiroptères pour le secteur ouest de la zone d'étude et à une sensibilité forte au niveau des zones boisées et bocagères situées aux abords immédiats de la zone d'étude. Par suite, dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à la société pétitionnaire de réaliser plusieurs écoutes en hauteur et en continu, il ne résulte pas de l'instruction que l'étude d'impact serait en l'espèce insuffisante sur ce point, quand bien même toutes les recommandations de la société française pour l'étude et la protection des mammifères (SFEMP), qui n'ont aucune valeur contraignante, n'auraient pas été suivies.

S'agissant de l'étude des paysages :

30. Contrairement à ce que fait valoir la commune requérante, qui ne peut utilement se prévaloir des recommandations de la note de juillet 2021 pour la réalisation des photomontages des projets éoliens des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement des régions Hauts-de-France, Normandie et Grand-Est, qui sont dépourvues de valeur contraignante, il ne résulte pas de l'instruction que la taille des nombreux photomontages annexés à l'étude paysagère ainsi que les emplacements à partir desquels ils ont été pris ne permettraient pas en l'espèce d'apprécier de manière objective et sincère les incidences paysagères du projet, ni que la saison ou les conditions météorologiques prévalant lors ces prises de vue auraient conduit à minimiser ces incidences.

En ce qui concerne les capacités financières :

31. Aux termes de l'article L. 181-27 du code de l'environnement : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ". Aux termes du I de l'article D. 181-15-2 du même code : " Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : / (...) / 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir au plus tard à la mise en service de l'installation (...) ". Il résulte de ces dispositions que le dossier d'une demande d'autorisation ne doit pas comporter des indications précises et étayées sur les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre mais seulement une présentation des modalités prévues pour établir ces capacités, si elles ne sont pas encore constituées.

32. Il résulte de l'instruction, et notamment de la demande d'autorisation, que la SAS Ferme Eolienne le Quesnost, dédiée exclusivement à la construction et à l'exploitation du parc éolien en litige, a été constituée par la société FE Sukunftsenergien AG (FEAG), société de droit suisse au capital de 10 000 000 CHF qui en détient le capital et qui a déjà financé l'équivalent de 28 parcs éoliens en France d'une puissance totale de 439,8 MW, que le financement du projet représentant un investissement d'environ 21,5 millions d'euros consistera dans une première étape en un apport de fonds propres à la société par FEAG puis, dans une seconde étape, par la souscription d'un prêt auprès d'un établissement bancaire. La pétitionnaire a joint à l'appui de sa demande une lettre du président de la société FAEG indiquant qu'il s'engageait dès à présent à mettre à disposition de la SAS Ferme Eolienne le Quesnot les capacités financières prévues par les dispositions précitées afin qu'elle mène à bien le projet de parc éolien, ainsi qu'une attestation de la responsable du service mise en place et expertise immobilier energie environnement réseau nord-ouest de la banque publique d'investissement indiquant qu'elle a participé au financement depuis 2015 de 14 parcs éoliens détenues par FEAG pour un montant global de programme de 310 M d'euros et qu'elle manifestait son intérêt pour le financement du projet en cause, lequel ne pourra intervenir qu'une fois les autorisations pour construire et exploiter obtenues et purgées de tout recours, de la transmission d'une documentation complète du projet et sous réserve de l'accord du comité de crédit. Par suite, ces modalités de présentation et d'obtention des capacités financières du pétitionnaire figurant dans la demande d'autorisation étaient suffisamment précises. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 181-27 et D. 181-15-2 du code de l'environnement doivent en conséquence être écartés.

En ce qui concerne les garanties financières :

33. D'une part, aux termes de l'article R. 515-101 du code de l'environnement : " I. - La mise en service d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumise à autorisation au titre du 2° de l'article L. 181-1 est subordonnée à la constitution de garanties financières visant à couvrir, en cas de défaillance de l'exploitant lors de la remise en état du site, les opérations prévues à l'article R. 515-106. Le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d'actualisation de ce montant sont fixés par l'arrêté d'autorisation de l'installation. / II. - Un arrêté du ministre chargé de l'environnement fixe, en fonction de l'importance des installations, les modalités de détermination et de réactualisation du montant des garanties financières qui tiennent notamment compte du coût des travaux de démantèlement (...) ". Pour apprécier le respect des règles relatives aux garanties financières pour les installations produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent prévues par ces dispositions, il appartient au juge de faire application des dispositions réglementaires applicables à l'installation dans leur rédaction en vigueur à la date à laquelle il se prononce.

34. D'autre part, aux termes du I de l'annexe I de l'arrêté du 26 août 2011 modifié visé ci-dessus dans sa rédaction en vigueur à la date du présent arrêt : " Le montant initial de la garantie financière d'une installation correspond à la somme du coût unitaire forfaitaire (Cu) de chaque aérogénérateur composant cette installation (...) ", ce coût unitaire forfaitaire correspondant " aux opérations de démantèlement et de remise en état d'un site après exploitation prévues à l'article R. 515-106 du code de l'environnement ". Aux termes du II de la même annexe, lorsque sa puissance unitaire installée de l'aérogénérateur est supérieure à 2,0 MW, ce coût unitaire forfaitaire est calculé par la formule : " Cu = 75 000 + 25 000 × (P-2) ", où " Cu est le montant initial de la garantie financière d'un aérogénérateur " et " P est la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur, en mégawatt (MW) ".

35. Il résulte de l'instruction que, conformément aux dispositions applicables à la date d'édiction de l'arrêté en litige, le préfet de la Seine-Maritime a fixé le montant des garanties financières à la somme totale de 420 000 euros hors actualisation pour quatre machines, soit 105 000 euros par éolienne de 4,2 MW. Toutefois, d'après les dispositions désormais en vigueur rappelées au point précédent, le montant initial de la garantie financière de chaque aérogénérateur s'élève à 130 000 euros (Cu = 75000 + 25 000*(4,2-2)). Il en résulte que le montant initial de la garantie financière, avant application de la formule d'actualisation, doit être fixé, pour les quatre aérogénérateurs, à la somme de 520 000 euros. Par suite, il y a lieu, conformément aux pouvoirs dévolus au juge du plein contentieux, de remplacer la formule de calcul du montant initial de la garantie financière de l'installation figurant à l'article I-6 de l'arrêté contesté par la nouvelle formule rappelée au point ci-dessus et de porter le montant initial des garanties financières, avant application de la formule d'actualisation, de 420 000 euros à 520 000 euros.

En ce qui concerne l'absence de dérogation au titre de la destruction d'espèces protégées et d'habitats d'espèces protégées ;

36. il résulte des dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, qui transposent en droit interne l'article 12 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, comme le prévoient les dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

37. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

38. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

39. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le site d'implantation du projet est situé en dehors de toute zone naturelle protégée et qu'aucun couloir de migration des chiroptères n'a été mis en évidence au niveau de la zone concernée. En outre, il résulte également de l'instruction, ainsi qu'il a été dit précédemment, que l'étude d'impact a confirmé la présence de plusieurs espèces de chiroptères figurant sur la liste fixée par l'arrêté susvisé du 23 avril 2007, dans la zone d'étude et ses abords, dont la pipistrelle commune (85 % des contacts), la Pipistrelle de Kuhl (5 % des contacts) et la Pipistrelle de Nathusius (3% des contacts), et également, dans une bien moindre mesure, la Sérotine commune, la Noctule de Lesiler, la Barbastelle d'Europe et la Noctule commune. L'étude d'impact a ainsi relevé un enjeu du milieu de modéré à fort et a conclu à un impact brut du projet sur le milieu de faible à modéré au regard notamment du risque de collusion de chacune de ces espèces, évalué en fonction d'une part, du niveau de sensibilité de chacune d'entre elles aux collisions, d'autre part de l'importance des effectifs contactés pour chaque espèce lors des prospections, et enfin du niveau d'activité chiroptérologique. Afin de diminuer le risque pour ces espèces protégées, la société pétitionnaire a proposé une mesure de réduction, reprise par voie de prescription dans l'arrêté en litige, consistant en la mise en place d'un plan de bridage renforcé des éoliennes pendant la période particulièrement favorable à l'activité des chiroptères entre le 1er mars et le 30 novembre, et visant à interrompre leur fonctionnement, depuis l'heure précédant le coucher du soleil jusqu'à l'heure suivant le lever du soleil en l'absence de précipitation, lorsque les vents soufflent à moins de 6 mètres par seconde et que les températures sont supérieures à 7°C, ces paramètres de bridage pouvant être amenés à évoluer en fonction notamment des résultats de suivi de mortalité et d'activité des chiroptères, dont le plan est également repris dans l'arrêté en litige. La société pétitionnaire a également proposé la mise en place de grilles sur les interstices des nacelles et des tours des éoliennes afin d'éviter l'installation de chiroptères sur ces éléments, la limitation de leur éclairage nocturne ainsi que la suppression des milieux attractifs aux abords des éoliennes. Après prise en compte de ces mesures de réduction et d'évitement, l'étude d'impact évalue l'impact résiduel sur le milieu de non significatif à faible, ce qui n'est pas sérieusement remis en cause par la commune requérante. Si celle-ci soutient à cet égard que les paramètres de la mesure de bridage sont insuffisants pour réduire significativement le risque de mortalité des chiroptères au regard notamment de la vitesse des vents retenue, du diamètre des rotors et de la hauteur des éoliennes en bout de pale de 180 mètres, elle ne produit pas d'élément de nature à remettre en cause en l'espèce l'efficacité de cette mesure de réduction, alors même que les éoliennes seront, pour trois d'entre elles, installées à respectivement 80, 125 et 140 mètres d'une forêt, de haies ou linéaires d'arbres, les recommandations de la société française pour l'étude et la protection des mammifères (SFEPM) et de l'accord sur la conservation des populations de chauve-souris européennes (EUROBATS) dont se prévaut à ce titre la requérante n'ayant pas de valeur contraignante.

40. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la destruction de deux haies de saule de 838 mètres linéaires, relativement récentes, situées à moins de 200 mètres des éoliennes E1 et E2, prévue afin de supprimer cet élément attractif pour les chiroptères aurait pour effet de provoquer la destruction d'habitats d'espèces protégées ou la perturbation intentionnelle de chiroptères, ou d'autres espèces protégées, ni de remettre en cause le bon accomplissement des cycles biologiques, dès lors que ces haies de saules sont des haies à rotation courte ne comportant pas de cavités pouvant abriter les chauves-souris et qu'aucun autre boisement ou site présent sur la zone d'installation des éoliennes ne présente les caractéristiques de gîtes potentiels pour les chiroptères. Il en est de même du défrichement de 1 200 mètres carrés nécessaires à l'acheminement des pales sur le site compte tenu notamment des importantes surfaces boisées présentes dans le secteur.

41. Il résulte de ce qui précède, que la nature et les effets des mesures d'évitement et de réduction retenues par le projet peuvent être regardées comme présentant des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent d'atténuer le risque pour les espèces protégées concernées à un degré permettant de ne pas y déceler de risque suffisamment caractérisé. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorisation en cause aurait dû être précédée d'une demande de dérogation au titre de la destruction d'espèces protégées et d'habitats d'espèces protégées doit être écarté.

En ce qui concerne les incidences sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

42. Aux termes du I de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". Figurent parmi ces intérêts la commodité du voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publiques, l'agriculture, la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, l'utilisation rationnelle de l'énergie, la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.

S'agissant des chiroptères :

43. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, la commune requérante n'est pas pas fondée à soutenir que les mesures proposées par la pétitionnaire ou prescrites par le préfet de la Seine-Maritime sont insuffisantes et que le projet porte une atteinte excessive aux chiroptères au regard des exigences des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement.

S'agissant des paysages :

44. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient au préfet d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

45. Il résulte de l'instruction que le projet prend place sur un plateau, entaillé au nord par les vallées de la Bresle, de l'Yères et de l'Eaulne, que ce site est majoritairement occupé par des parcelles agricoles (prairies et cultures), de nombreux boisements en bordure, ainsi que des forêts, bois ou bosquets à proximité. Ce paysage, qui comprend déjà de nombreux parcs éoliens dans un rayon de vingt kilomètres, ne bénéficie d'aucune protection et ne présente pas une qualité particulièrement remarquable.

46. Il résulte également de l'instruction que l'étude d'impact a conclu à un impact faible à modéré du projet en phase d'exploitation depuis les éléments du patrimoine protégé, ce qui n'est pas contesté par la commune requérante. Elle a également conclu à un impact faible à modéré depuis les paysages sensibles, les routes fréquentées et les villages. Il résulte également de l'étude d'impact que si des vues du parc éolien sont possibles depuis la RD 1015 qui longe la vallée en rive droite et oscille entre fond de vallée et en situation de léger belvédère depuis le coteau Nord, les fonds de vallée occupés par les étangs et les boisements sont peu impactés. De même, depuis l'A28, les perceptions sont très limitées du fait des talus continus et de la végétation qui bordent les voies et des boisements. Depuis la RD 105, le projet éolien est visible entre les villes et villages le plus souvent de manière partielle car les éoliennes sont dissimulées en grande partie par les reliefs et les boisements du coteau de la vallée de la Bresle. Depuis le village de Guerville, une vue très partielle et fragmentaire est possible depuis quelques points du village, également depuis la sortie du village de Millebosc (RD 126), Bazinval, Hameau des Tuilerie (Longroy), Melleville et depuis la sortie Nord du village de Monchy-sur-Eu. À ce titre, l'effet de surplomb sur la commune de Bazinval, l'effet d'écrasement du paysage de la forêt d'Eu ainsi que l'effet de hachoir sur certaines vues de Millebosc allégués par la commune requérante ne résultent pas de l'instruction. En outre, si l'autorité environnementale a recommandé dans son avis de du 17 mai 2022 de mieux évaluer les effets cumulés du projet avec les autres parcs en particulier celui de Melleville-Guerville, il résulte de l'instruction que si le projet de parc envisagé est souvent perçu de manière cumulée avec le parc de Melleville-Guerville, situé à environ deux kilomètres au sud/sud-ouest, les effets cumulés ne saturent pas les paysages dès lors que les autres parcs sont plus distants et que les boisements couronnant la vallée de la Bresle bloquent les perceptions vers le plateau du Vimeu, et les éoliennes en projet. En outre, il n'existe pas de confusion entre les deux parcs car la hauteur relative des éoliennes de chaque parc est différente et que les quatre éoliennes du projet sont ordonnancées régulièrement, en deux groupes d'éolienne équidistantes. De plus, la distance relative des deux parcs ne fait pas du parc éolien en litige une extension du parc de Melleville-Guerville. L'effet de mitage du territoire dont la commune requérante se prévaut à ce titre n'est pas établi. Il résulte ainsi de l'instruction que le parc éolien sera implanté de manière ordonnancée et cohérente avec les particularités paysagères et s'insère, dans le paysage, sans porter atteinte de manière significative aux sensibilités patrimoniales et paysagères, quand bien même l'impact du projet éolien a pu être évalué comme fort ponctuellement depuis le chemin au Nord de Guerville desservant la mare du Moulin, la rue des Canadiens à la sortie sud du village de Millebosc et la maison forestière de la Bouillarderie à Millebosc. L'avis défavorable au projet rendu le 29 décembre 2021 par le bureau des paysages et sites de la DREAL principalement motivé par la circonstance que le secteur était identifié comme non propice l'installation d'éoliennes dans l'ancien schéma régional éolien, qui revêt un caractère purement consultatif, n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige porterait une atteinte significative aux paysages doit être écarté.

S'agissant de la commodité du voisinage :

47. Si l'étude paysagère a identifié sur certains photomontages que les éoliennes E2, E3 et E4 étaient susceptibles de créer un effet de surplomb sur certaines habitations du lotissement récent de la rue des Alliés de la commune de Guerville, qui ne bénéficient pas encore de jardins denses et d'arbres de haute tige, il ne résulte pas de l'instruction, en l'absence d'autre élément sur ce point, que le projet générerait un véritable effet d'écrasement ou de surplomb direct sur ce lieu de vie de nature à caractériser une atteinte significative à la commodité du voisinage dès lors notamment que l'éolienne la plus proche se situe à 900 mètres des habitations de ce lotissement, soit au-delà de la distance minimale de 500 mètres fixée à l'article L. 515-44 du code de l'environnement.

En ce qui concerne les prescriptions fixées dans l'arrêté :

48. Aux termes de l'article L. 181-12 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4. Ces prescriptions portent, sans préjudice des dispositions de l'article L. 122-1-1, sur les mesures et moyens à mettre en œuvre lors de la réalisation du projet, au cours de son exploitation, au moment de sa cessation et après celle-ci, notamment les mesures d'évitement, de réduction et de compensation des effets négatifs notables sur l'environnement et la santé. ". Aux termes de l'article R. 181-43 du code de l'environnement dans sa version en vigueur : " L'arrêté d'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4. Il comporte notamment les mesures d'évitement, de réduction et de compensation et leurs modalités de suivi qui, le cas échéant, sont établies en tenant compte des prescriptions spéciales dont est assorti le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable en application de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme. "

49. Il résulte de l'instruction que la société pétitionnaire a notamment proposé au titre des mesures de compensation, reprises dans l'arrêté litigieux, la plantation de l'équivalent de 1 240 mètres linéaires de haies arbustives d'essences champêtres locales, à plus de 200 mètres des éoliennes, afin de compenser le défrichement afférent à l'acheminent des pales des machines, ainsi que la suppression de 838 mètres linéaires de haies sous E1 et E2. Elle a également proposé, au titre des mesures d'accompagnement reprises dans l'arrêté litigieux, de faire procéder à la mise en place de jachères d'une surface minimale de deux hectares, situées à plus de 500 mètres des éoliennes, afin de créer des zones de chasse pour le busard. Elle a aussi proposé, au titre des mesures de réduction de la visibilité du parc éolien depuis les habitations des riverains, également reprises dans l'arrêté en litige, la mise en place d'une bourse aux plantes pour les riverains du parc éolien des communes de Guerville et de Millebosc. L'article II.2.g de l'arrêté en litige impose à l'exploitant la réalisation de ces mesures de compensation et d'accompagnement dans l'année suivant le chantier de construction du parc éolien et la tenue des justificatifs correspondant à la disposition de l'installation classée. Il lui impose également de s'assurer de disposer les conventions nécessaires à l'accès des zones concernées par ces mesures et à leur entretien. Contrairement à ce que soutient la requérante, qui ne critique précisément que ces seules mesures, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction au regard notamment de ce qui a été dit précédemment que les prescriptions, prévues dans l'arrêté en litige et qui s'imposent à ce titre au pétitionnaire ainsi qu'aux propriétaires exploitants notamment pour la plantation de haies, seraient impossibles à réaliser ou insuffisantes, ni que les incidences négatives notables du parc éolien n'auraient pas été suffisamment compensées. Les moyens soulevés à ce titre tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 110-1, L. 122-1, L. 511-1, L. 181-3, L. 181-4 et R. 181-43 du code de l'environnement doivent être écartés.

50. Il résulte de tout ce qui précède que, sous réserve de la modification de l'article I-6 de l'arrêté du 29 septembre 2022, la commune de Millebosc n'est pas fondée à en demander l'annulation.

Sur les frais liés au litige :

51. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État et la société Ferme Eolienne le Quesnot, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, versent à la commune de Millebosc une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Ferme Eolienne le Quesnot présentées sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article I-6 de l'arrêté du 29 septembre 2022 définissant le montant des garanties financières est modifié dans les conditions prévues au point 35 du présent arrêt.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Millebosc est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la société Ferme Eolienne le Quesnot au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Millebosc, à la société Ferme Eolienne le Quesnot et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience du 4 février 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : L. DelahayeL'assesseur le plus ancien,

Signé : G. Vandenberghe

La greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA00182


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00182
Date de la décision : 05/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Delahaye
Rapporteur ?: M. Laurent Delahaye
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : MONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-05;23da00182 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award