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14/02/2025 | FRANCE | N°24DA00728

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 14 février 2025, 24DA00728


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 7 avril 2023 par lequel le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle doit être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.



Par un jugement n° 2306288 du 3 av

ril 2024, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Nord de délivrer...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 7 avril 2023 par lequel le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle doit être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2306288 du 3 avril 2024, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Nord de délivrer, dans un délai d'un mois, à Mme F... un certificat de résidence d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 avril 2024, le préfet du Nord demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation qu'il a pu refuser la délivrance d'un titre de séjour à Mme F... et c'est, par conséquent, à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour annuler son arrêté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2024, Mme F..., représentée par Me Gommeaux, conclut :

1°) au rejet de la requête d'appel du préfet du Nord ;

2°) à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord en date du 7 avril 2023 ;

3°) à ce qu'il soit enjoint au préfet du Nord, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'un réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil désigné au titre de l'aide juridictionnelle d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à raison que les premiers juges ont annulé l'arrêté attaqué au motif que le refus de délivrance d'un titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6, paragraphe 5, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour sur laquelle elle est fondée ;

- elle est entachée d'insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3, paragraphe 1, et 9, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle est fondée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle est fondée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par ordonnance du 15 octobre 2024, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 31 octobre 2024 à 12 heures.

Des pièces produites pour Mme F... ont été enregistrées le 27 novembre 2024.

Mme F... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 juillet 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Toutias, premier conseiller,

- et les observations de Me Beaudouin, représentant Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... F..., née le 19 juin 1986, de nationalité algérienne, est entrée en France le 22 août 2017 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités consulaires françaises à Alger et s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire au-delà de la date d'expiration de ce dernier. Le 24 août 2022, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour auprès du préfet du Nord. Par un arrêté du 7 avril 2023, le préfet du Nord a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle doit être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 3 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille, sur saisine de Mme F..., a annulé son arrêté et l'a enjoint à délivrer à l'intéressée un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ". Cet article, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme F... justifie seulement d'un peu plus de cinq et demi de séjour en France, en situation irrégulière. Elle est séparée de son époux depuis trois ans. La circonstance qu'elle ait été victime de violences conjugales de sa part entre 2018 et 2020 ne justifie pas à elle-seule son admission exceptionnelle au séjour à la date de l'arrêté attaqué, alors en particulier qu'elle a déjà obtenu la condamnation de son ancien conjoint par le juge pénal et qu'elle n'établit pas qu'un retour dans son pays d'origine serait de nature à nuire aux démarches qu'elle a engagées ou à l'exposer à davantage de risque que sur le territoire français. Par ailleurs, Mme F... ne dispose d'aucune attache familiale sur le territoire autre que ses deux enfants mineurs, nés en 2013 et 2018, dont elle a la charge. A cet égard, l'arrêté attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de la séparer de ses deux enfants qui détiennent la nationalité algérienne et sont donc à même de la suivre en cas de retour dans leur pays d'origine. En outre, il n'est pas établi que leur père, lui aussi en situation irrégulière sur le territoire, continuerait à participer effectivement à leur entretien et à leur éducation ou à entretenir des contacts avec eux. Compte tenu de leur jeune âge et de ce qu'ils étaient, à la date de l'arrêté attaqué, seulement scolarisés en école primaire et maternelle, Mme F... n'établit pas davantage que leur scolarité ne pourrait pas être poursuivie en Algérie. Si elle fait état de ce qu'un de ses enfants bénéficient d'un suivi psychologique, elle n'établit ni que cette affection sans gravité caractérisée ne pourrait pas être correctement prise en charge en Algérie, ni qu'elle serait de nature à l'empêcher de s'adapter à leur réinstallation dans ce pays. Enfin, Mme F..., qui ne pourvoit à ses besoins élémentaires et à ceux de ses enfants qu'au bénéfice d'aides octroyées par des structures sociales ou caritatives, ne justifie d'aucune insertion socio-professionnelle en France ni ne dispose d'une situation matérielle et financière stable et satisfaisante. Dans le même temps, elle n'avance aucune circonstance de nature à empêcher sa réinsertion plus réussie dans son pays d'origine où elle ne serait pas isolée dès lors qu'elle y dispose toujours de ses parents et de deux frères. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet du Nord a pu lui refuser la délivrance d'un titre de séjour. Le moyen soulevé en ce sens par Mme F... doit, dès lors, être écarté.

4. Il s'ensuit que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce moyen pour annuler l'arrêté du préfet du Nord en date du 7 avril 2023. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme F... devant le tribunal administratif de Lille et en appel.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

5. En premier lieu, par un arrêté du 15 février 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord n° 042 du 15 février 2023, le préfet du Nord a donné à Mme A... D..., attachée principale d'administration de l'État, cheffe de bureau du contentieux et du droit des étrangers, délégation pour signer notamment " les décisions relatives à la délivrance et au refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour ", " les décisions portant obligation de quitter le territoire français ", " les décisions relatives au délai de départ volontaire ", " les décisions fixant le pays à destination duquel un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement doit être éloigné " ainsi que " les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français ". Ce même arrêté prévoit qu'en cas d'absence ou empêchement de Mme D..., cette même délégation est également donnée à M. C... E..., attaché d'administration de l'État, adjoint à la cheffe du bureau du contentieux et du droit des étrangers et signataire de l'arrêté attaqué. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme D... n'aurait pas été absente ou empêchée. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6, paragraphe 5, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) ". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations, au soutien duquel Mme F... avance les mêmes arguments que ceux développés au soutien du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".

9. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise et mentionne les dispositions des articles L. 611-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constituent le fondement légal de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il ressort également sans ambiguïté des énonciations de cet arrêté que l'obligation de quitter le territoire français qu'il prononce à l'encontre de Mme F... est fondée sur le refus de séjour qui lui est également opposé. L'arrêté attaqué comporte à cet égard les considérations de fait et de droit qui fondent cette décision. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français n'avait pas, en application des dispositions citées au point précédent de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à faire l'objet d'une motivation distincte. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée doit être écarté.

10. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 2 à 7, Mme F... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour, serait illégal. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

11. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas davantage fondée à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. Aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article L. 721-3 du même code : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité (...) ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

14. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5.

15. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 8 à 12, Mme F... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français, serait illégal. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité par voie d'exception de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

16. En troisième lieu, la décision contestée désigne au titre des pays vers lesquels Mme F... est susceptible d'être renvoyée d'office en l'absence d'exécution volontaire de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre, notamment, son pays de nationalité, à savoir l'Algérie. Ainsi qu'il a été dit au point 3, Mme F... n'est pas isolée dans ce pays où résident encore au moins ses parents et deux frères. Elle n'avance aucune considération qui serait de nature à y empêcher sa réinsertion. Elle n'établit pas davantage que ses enfants ne pourraient pas y poursuivre leurs scolarités dans des conditions satisfaisantes. Enfin, si elle fait état des violences conjugales dont elle a été victime en France, elle n'établit pas en quoi un retour dans son pays d'origine l'exposerait davantage qu'en France au risque de récidive ni qu'elle ne serait pas à même d'y obtenir une protection efficace de la part des autorités. Il est au demeurant constant qu'elle n'a pas sollicité l'asile depuis son arrivée sur le territoire. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent, dès lors, être écartés.

17. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas davantage fondée à demander l'annulation de la décision fixant le pays à destination duquel elle doit être éloignée.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

18. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

19. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5.

20. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 8 à 12, Mme F... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français, serait illégal. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

21. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme F... justifie, à la date de la décision attaquée, d'à peine plus de cinq ans et demi de présence sur le territoire, où elle s'est toujours maintenue en situation irrégulière. Ainsi qu'il a été dit au point 3, outre son ancien époux, dont elle est séparée depuis trois ans, et ses deux enfants mineurs, dont elle n'a pas vocation à être séparée, elle est dépourvue de toute attache familiale en France et elle n'y justifie, à la date de la décision attaquée, d'aucune insertion professionnelle. Dans le même temps, elle n'est pas isolée dans son pays d'origine et ne démontre pas qu'elle ne pourrait pas s'y réinsérer. Dans ces conditions, même si aucun trouble à l'ordre public ne peut lui être reproché et si elle n'a pas fait l'objet de mesure d'éloignement par le passé, l'interdiction qui lui a été faite de retourner sur le territoire français ne méconnaît les dispositions précitées des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni dans son principe, ni dans sa durée. Dès lors, le moyen d'erreur d'appréciation soulevé en ce sens par Mme F... doit être écarté.

22. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas davantage fondée à demander l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 3 avril 2024, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 7 avril 2023. Il convient donc de prononcer l'annulation de ce jugement et de rejeter l'ensemble des conclusions présentées en première instance par Mme F.... Il en va de même, par voie de conséquence, des conclusions à fin d'annulation, d'injonction et d'astreinte qu'elle réitère en appel.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse au conseil de Mme F... désigné au titre de l'aide juridictionnelle la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés dans le cadre de la présente instance d'appel et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2306288 du 3 avril 2024 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées en appel par Mme F... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F..., au ministre de l'intérieur et à Me Gommeaux.

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 21 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2025.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de chambre,

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°24DA00728


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00728
Date de la décision : 14/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : GOMMEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-14;24da00728 ?
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