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29/01/2025 | FRANCE | N°23DA02338

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 29 janvier 2025, 23DA02338


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 20 mai 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de la section 76-4-8 de l'unité départementale de Seine-Maritime a autorisé la société Bouygues Energies et Services à procéder à son licenciement pour inaptitude physique, ainsi que la décision de la ministre du travail du 29 novembre 2019 rejetant son recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail.



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ar un jugement n° 2000280 du 26 octobre 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé les décis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 20 mai 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de la section 76-4-8 de l'unité départementale de Seine-Maritime a autorisé la société Bouygues Energies et Services à procéder à son licenciement pour inaptitude physique, ainsi que la décision de la ministre du travail du 29 novembre 2019 rejetant son recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail.

Par un jugement n° 2000280 du 26 octobre 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions des 20 mai et 29 novembre 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 décembre 2023 et le 1er juillet 2024, la société Bouygues Energies et Services, représentée par Me Bathmanabane, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 octobre 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a appliqué l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée, issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et des ordonnances n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 et n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, ainsi que l'article L. 1226-2-1, créé par la loi précitée, qui prévoient de rechercher un reclassement dans les entreprises du groupe sur le territoire national, et non le seul article L. 1226-2 dans sa version applicable à la date de l'avis d'inaptitude, laquelle prévoit un cadre géographique plus étendu pour la recherche d'un reclassement, dans les entreprises du groupe en France et à l'étranger ; M. B... ayant exprimé le souhait d'être reclassé dans un poste situé à proximité de son domicile, sur le territoire national, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par l'administration, retenu par les premiers juges, est donc inopérant ;

- au demeurant, les recherches de reclassement ont porté sur l'ensemble des entreprises du groupe, en France et à l'étranger, dans les conditions prévues par l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa version en vigueur à la date de l'avis d'inaptitude ;

- la décision de l'inspecteur du travail est suffisamment motivée ;

- M. B... ne saurait utilement se prévaloir de l'origine professionnelle de son inaptitude dès lors qu'il n'appartient pas à l'inspecteur du travail de rechercher les causes de cette inaptitude et que les institutions représentatives du personnel doivent être consultées quelle que soit l'origine de l'inaptitude ;

- les institutions professionnelles ont été consultées, de sorte que l'inaptitude de M. B... a été regardée comme d'origine professionnelle ;

- l'employeur, qui n'était pas tenu de solliciter un nouvel avis du médecin du travail, justifie de nombreux échanges avec lui après l'établissement de l'avis d'inaptitude ;

- M. B... ne justifie pas d'une amélioration de son état de santé ;

- l'employeur était seulement tenu de proposer un poste de reclassement répondant aux contraintes médicales de l'intéressé, sans avoir à justifier de l'absence de tout autre poste de reclassement ;

- M. B... ne justifie ni de l'incompatibilité du poste proposé avec son état de santé, ni d'une information insuffisante du médecin du travail ;

- le médecin du travail a été consulté sur le poste proposé de magasinier ;

- les autres postes disponibles ne répondaient pas aux prescriptions médicales.

Par un mémoire enregistré le 13 février 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen.

La ministre soutient que :

- les dispositions de l'article L. 1226-2-1 ne trouvent pas à s'appliquer à la situation de M. B..., de sorte que l'inspecteur du travail aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur cet article ;

- il y a lieu de substituer aux dispositions de l'article L. 1226-2 dans leur version postérieure à la loi du 8 août 2016, les dispositions du même article dans leur version antérieure dès lors que l'employeur les a en tout état de cause respectées et n'avait d'ailleurs à présenter qu'une seule proposition de reclassement, quelle que soit la version applicable ;

- l'employeur a rempli son obligation de reclassement en proposant un poste répondant aux restrictions médicales et aux contraintes de mobilité de l'intéressé ;

- l'appréciation portée par l'administration sur les conditions proposées pour le reclassement de M. B... est la même, quelle que soit la version applicable des dispositions litigieuses.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 mars 2024 et le 10 juillet 2024, M. B..., représenté par Me Mallard, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de l'inspecteur du travail est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne précise pas en quoi ont consisté les efforts de reclassement, qui ne sauraient se limiter à un unique poste proposé, ni en quoi ils ont été suffisants ;

- la décision rejetant son recours hiérarchique est également motivée de façon insuffisante ;

- l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et l'article L. 1226-2-1 du même code, créé par cette même loi, ne s'appliquent qu'aux salariés ayant fait l'objet d'un avis d'inaptitude postérieur au 1er janvier 2017 ;

- ces dispositions, qui limitent l'étendue géographique de la recherche de reclassement et permettent à l'employeur de remplir son obligation sur ce point en proposant un seul poste ne s'appliquent donc pas à sa situation dès lors qu'il a fait l'objet d'un avis d'inaptitude le 14 décembre 2016 ;

- l'administration s'est fondée sur les dispositions applicables aux inaptitudes non professionnelles, alors qu'elle devait se référer aux dispositions protectrices prévues aux articles L. 1226-10 et suivants du code du travail pour les salariés rendus inaptes à l'issue d'un accident du travail ;

- l'employeur n'a pas procédé à une recherche de reclassement sérieuse, concrète et loyale dès lors qu'il a omis de solliciter un avis médical actualisé auprès du médecin du travail tenant compte de l'amélioration de son état de santé, qu'il n'a pas pris en compte cette amélioration dans les recherches de reclassement, qu'il n'a proposé qu'un unique poste de magasinier sans justifier de l'absence de tout autre poste de reclassement disponible au sein du groupe, qu'il ne justifie pas plus que le poste proposé correspond aux meilleures conditions possibles de reclassement, qu'aucun refus n'a été opposé à la proposition de reclassement, des doutes ayant seulement été émis sur la compatibilité de l'emploi à son état de santé, que l'employeur a omis de donner au médecin du travail les informations utiles sur le poste proposé, qu'il appartenait à l'employeur de consulter le médecin sur la compatibilité des postes vacants avec son état de santé, et que le salarié a précisé qu'il était mobile pour une affectation en France ou à l'étranger.

Par une ordonnance du 14 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 6 novembre 2024, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

- l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

- l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ;

- le décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Bathmanabane, représentant la société Bouygues Energie et Services.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté en 2001 par la société Bouygues Energie et Services pour occuper un emploi de monteur-électricien industriel. Placé en congé de maladie à compter de mars 2016, à la suite d'un accident sur son lieu de travail, M. B... a été examiné le 14 décembre 2016 par le médecin du travail qui a conclu que l'intéressé était inapte à reprendre son poste, tout en pouvant occuper un autre emploi répondant à certaines prescriptions médicales. Estimant ne pouvoir reclasser M. B..., membre titulaire du comité d'établissement " Industrie Grand Ouest " de la société Bouygues Energie et Services, celle-ci a sollicité de l'administration du travail l'autorisation de le licencier. Après une première décision du 8 décembre 2017 rejetant cette demande, l'inspecteur du travail, de nouveau saisi, a accordé l'autorisation demandée par une décision du 20 mai 2019. M. B... a formé le 16 juillet 2019 un recours hiérarchique contre cette décision auprès de la ministre du travail, qui l'a rejeté par une décision expresse rendue le 29 novembre 2019. M. B... a demandé l'annulation des deux décisions du 20 mai 2019 et du 29 novembre 2019 au tribunal administratif de Rouen. Par un jugement du 26 octobre 2023, dont la société Bouygues Energie et Services relève appel, le tribunal administratif a annulé ces deux décisions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ". Dans sa version issue du 3° du I de l'article 102 de la loi du 8 août 2016, modifiée ensuite par l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail et par l'ordonnance du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, l'article L. 1226-2 du code du travail dispose que : " Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. / Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ". Aux termes du 4° du I de l'article L. 1226-2-1 du code du travail, inséré dans ce code par l'article 102 de la loi précitée du 8 août 2016 : " Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement. / L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. / L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail. / S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre ". En application du V de l'article 102 de la loi du 8 août 2016, les dispositions modifiées de l'article L. 1226-2, dans sa rédaction issue de cette loi, et le nouvel article L. 1226-2-1 du code du travail sont entrés en vigueur à la date de publication des décrets pris pour l'application de la loi, et au plus tard le 1er janvier 2017. Le décret du 27 décembre 2016 relatif à la modernisation de la médecine du travail, pris pour l'application de l'article 102 de la loi du 8 août 2016, a été publié au Journal officiel de la République française le 29 décembre 2016.

3. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions du code du travail relatives au reclassement des salariés inaptes en vigueur à la date de la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutation ou transformation de poste de travail ou aménagement du temps de travail. Il s'ensuit que lorsque le ministre du travail est saisi, sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail ayant statué sur une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude, il se prononce également au regard des dispositions du code du travail, relatives au reclassement des salariés inaptes, en vigueur à la date de la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail, soit qu'il confirme cette décision, soit, si celle-ci est illégale, qu'il l'annule et se prononce de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement. Dans cette dernière hypothèse, si le salarié a entretemps été licencié, il n'y a lieu pour le ministre d'apprécier la recherche de reclassement du salarié par l'employeur que jusqu'à la date de son licenciement.

4. Il ressort des termes de la décision du 20 mai 2019 autorisant le licenciement de M. B..., que l'inspecteur du travail, après avoir rappelé les restrictions médicales précisées par l'avis d'inaptitude du 14 décembre 2016 et les obligations de reclassement pesant sur l'employeur, a pris en compte le poste de magasinier créé par la société Bouygues Energies et Services, en précisant que ce poste est compatible avec l'état de santé de l'intéressé selon le médecin du travail, a reçu l'avis favorable des délégués du personnel, et a été proposé à M. B... qui n'a pas donné suite à cette proposition. L'inspecteur du travail, après avoir cité les dispositions, applicables à la date de sa décision, des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail, a ensuite rappelé que la société Bouygues Energies et Services avait proposé un emploi de reclassement sur le poste de magasinier en tenant compte de l'avis et des indications du médecin du travail, et en a conclu que cette proposition justifiait du caractère réel et sérieux des efforts de reclassement, en conformité avec les préconisations du médecin, et que l'employeur avait donc respecté son obligation de reclassement au regard de l'article L. 1226-2-1 du code du travail. A cet égard, et contrairement à ce que soutient la ministre du travail, l'inspecteur du travail a fait application de l'article L. 1226-2-1 à la situation de M. B... afin de contrôler le respect par l'employeur de ses obligations de reclassement. Il ressort toutefois des pièces du dossier et il n'est pas contesté que l'inaptitude physique de M. B... a été constatée par le médecin du travail dans un avis rendu le 14 décembre 2016, et que seules les dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans leur version antérieure à la loi du 8 août 2016, s'appliquaient à sa situation, à l'exclusion notamment de l'article L. 1226-2-1 créé par cette loi. Par suite, l'inspecteur du travail a entaché sa décision d'une erreur de droit, ainsi que la ministre du travail qui s'est bornée à rejeter le recours hiérarchique de M. B....

5. En premier lieu, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

6. Il résulte des dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail dans leur version antérieure à la loi du 8 août 2016, seules applicables à la situation de M. B..., que l'administration doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément à ces dispositions, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. A cet égard, l'employeur ne peut être regardé comme ayant satisfait à son obligation du seul fait qu'il a proposé à l'intéressé au moins un emploi compatible avec les préconisations du médecin du travail, alors qu'il lui appartient d'apprécier si les postes proposés sont, compte tenu des possibilités existant au sein de la société et du groupe ainsi que des motifs de refus avancés par le salarié, de nature à caractériser une recherche sérieuse de reclassement. En revanche, les dispositions, appliquées par l'inspecteur du travail, de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa version issue de la loi du 8 août 2016 modifiée par les ordonnances des 22 septembre et 20 décembre 2017, et de l'article L. 1226-2-1 du code du travail permettent à l'employeur de licencier le salarié s'il justifie du refus par celui-ci d'un emploi proposé dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2 précité, conforme aux préconisations du médecin du travail et implanté au sein d'une des entreprises du groupe situées sur le territoire national, de sorte que l'obligation de reclassement est réputée satisfaite du seul fait que l'employeur a proposé au moins un emploi compatible avec les préconisations du médecin du travail. Ainsi, les obligations de reclassement incombant à l'employeur en application de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi du 8 août 2016, ne sont pas de portée équivalente à celles qui résultent des dispositions dont l'inspecteur du travail a fait application. Il s'en déduit que, lorsqu'elle contrôle le respect par l'employeur de ses obligations de reclassement, l'administration ne dispose pas du même pouvoir d'appréciation selon qu'elle applique l'ancienne version de l'article L. 1226-2 ou les dispositions dont l'inspecteur du travail a fait application en l'espèce. Dès lors, la décision contestée n'aurait pas pu être prise par l'inspecteur du travail, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement de l'article L. 1226-2 dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016. Par suite, la ministre du travail n'est pas fondée à solliciter de la cour une substitution de base légale.

7. En second lieu, il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la société Bouygues Energies et Services, le moyen retenu par les premiers juges pour annuler la décision de l'inspecteur du travail n'est pas inopérant.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bouygues Energies et Services et la ministre du travail ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 20 mai 2019 et, par voie de conséquence, la décision du 29 novembre 2019 rejetant le recours hiérarchique de M. B....

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société Bouygues Energies et Services et M. B... sont uniquement dirigées contre l'Etat et ne peuvent donc qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Bouygues Energies et Services est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bouygues Energies et Services, à M. A... B... et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Délibéré après l'audience publique du 14 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 janvier 2025.

La rapporteure la plus ancienne,

Signé : D. BureauLe président de la formation de jugement,

Signé : J-M. Guérin-Lebacq

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière

C. Huls-Carlier

2

N° 23DA02338


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02338
Date de la décision : 29/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Guerin-Lebacq
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : MALLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-29;23da02338 ?
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