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04/12/2024 | FRANCE | N°23DA01607

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 04 décembre 2024, 23DA01607


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le groupe hospitalier de Seclin Carvin à lui verser, d'une part, la somme de 32 612,49 euros bruts au titre de l'indemnité différentielle due de décembre 2019 à août 2020 et, d'autre part, la somme de 6 000 euros au titre de la résistance abusive et injustifiée à verser cette indemnité.



Par un jugement n° 2005566 du 8 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a condamné le gr

oupe hospitalier de Seclin Carvin à verser à Mme B..., dans la limite d'un montant de 32 612,49 eur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le groupe hospitalier de Seclin Carvin à lui verser, d'une part, la somme de 32 612,49 euros bruts au titre de l'indemnité différentielle due de décembre 2019 à août 2020 et, d'autre part, la somme de 6 000 euros au titre de la résistance abusive et injustifiée à verser cette indemnité.

Par un jugement n° 2005566 du 8 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a condamné le groupe hospitalier de Seclin Carvin à verser à Mme B..., dans la limite d'un montant de 32 612,49 euros, une somme au titre de l'indemnité différentielle due pour la période comprise entre le 1er décembre 2019 et le 26 août 2020 inclus. Il a renvoyé Mme B... devant le groupe hospitalier de Seclin Carvin pour qu'il soit procédé à la liquidation de la somme due. Il a mis à la charge du groupe hospitalier de Seclin Carvin une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Enfin, il a rejeté le surplus des conclusions de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 août 2023 et 20 mars 2024, le groupe hospitalier de Seclin Carvin, représenté par Me Brazier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il le condamne à verser à Mme B..., dans la limite d'un montant de 32 612,49 euros, une somme au titre de l'indemnité différentielle due pour la période comprise entre le 1er décembre 2019 et le 26 août 2020 inclus ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le contrat de recrutement conclu avec Mme B... n'a pu régulièrement prévoir le versement de l'indemnité différentielle prévue à l'article 4 de l'arrêté du 21 octobre 2003 dès lors, d'une part, qu'il ne correspondait pas à un premier recrutement et, d'autre part, que la différence de revenus pour la période incriminée n'est pas démontrée ;

- le versement d'une telle indemnité différentielle ne peut être regardé comme étant entré dans le champ contractuel alors que Mme B... n'a jamais régularisé aucun contrat ni aucun avenant reprenant une telle stipulation ; de plus, le groupe hospitalier a, par une décision du 1er décembre 2018, prévu que cette indemnité ne pouvait être versée que pour les périodes effectivement travaillées ;

- le versement d'une indemnité différentielle méconnaîtrait les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 21 octobre 2003 dès lors qu'il résulte des fiches de paie de Mme B... qu'elle est déjà rémunérée sur la base du 11ème échelon de praticien attaché ; la circonstance que cette indemnité lui ait été à tort versée jusqu'en décembre 2019 ne lui donnait aucun droit à son maintien ;

- en tout état de cause, l'indemnité différentielle constitue une indemnité et n'entre pas dans les émoluments dont le maintien est prévu pendant les périodes de congés de maladie et de congés de maternité ;

- c'est dès lors à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges l'ont condamné à verser à Mme B... une somme correspondant aux indemnités différentielles non versées pendant la période comprise entre le 1er décembre 2019 et le 26 août 2020 inclus ;

- en l'absence de justification d'un préjudice, il ne saurait être condamné à verser en outre à Mme B... la somme qu'elle demande au titre de la prétendue résistance abusive qu'elle invoque.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2023, Mme B..., représentée par Me Senlecq, conclut au rejet de la requête d'appel du groupe hospitalier de Seclin Carvin et à ce qu'une somme 4 000 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- en application des dispositions des articles R. 6152-615 et R. 6152-616 du code de la santé publique, elle a droit au versement de l'intégralité de ses émoluments, soit sa rémunération de base fixe, pendant la période du 29 novembre 2019 au 26 août 2020 où elle a été placée en congé de maladie puis en congé de maternité ;

- l'indemnité différentielle prévue à l'article 4 de l'arrêté du 21 octobre 2003 doit être regardée comme faisant partie des émoluments dont le versement est maintenu en cas de placement en congé de maladie ou en congé de maternité ;

- contrairement à ce que soutient le groupe hospitalier de Seclin Carvin, le versement d'une telle indemnité différentielle doit être regardée comme étant prévue par le contrat de recrutement conclu avec elle ; l'indemnité lui a d'ailleurs effectivement été versée mensuellement, sous l'appellation d'" indemnité compensatrice ", pendant qu'elle était en service ;

- c'est, dès lors, à bon droit que les premiers juges ont condamné l'établissement à lui verser la somme de 32 612,49 euros bruts au titre de l'indemnité différentielle qui lui est due pendant sa période de congé de maladie et de congé de maternité du 29 novembre 2019 au 26 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 21 août 2003 relatif aux émoluments des praticiens attachés et des praticiens attachés associés ;

- l'arrêté du 21 octobre 2003 relatif à l'indemnité de précarité prévue à l'article 12 et à l'indemnité différentielle mentionnée à l'article 13 du décret n° 2003-769 du 1er août 2003 relatif aux praticiens attachés et praticiens attachés associés ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Toutias, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... est médecin anesthésiste. Le 1er décembre 2016, elle a été recrutée par contrat par le groupe hospitalier de Seclin Carvin sous le statut de praticien contractuel à temps plein. Son contrat a été renouvelé jusqu'au 31 mai 2018. A compter du 1er décembre 2018, elle a de nouveau été recrutée par contrat par le même établissement sous le statut de praticien attaché à temps partiel. Son contrat a été renouvelé par avenants les 9 avril 2019 et 2 décembre 2019. L'intéressée a été placée en congé de maladie ordinaire du 29 novembre 2019 au 15 février 2020 puis en congé de maternité jusqu'au 26 août 2020. Pendant cette période, l'établissement a suspendu le versement de son indemnité différentielle. Elle a sollicité le versement des sommes non versées par courriers des 3 avril et 22 mai 2020, auxquels l'établissement a opposé un refus par une décision du 15 juin 2020. Le groupe hospitaliser de Seclin Carvin relève appel du jugement du 8 juin 2023 en tant que le tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à Mme B..., sur demande de celle-ci, une somme au titre de l'indemnité différentielle due pour la période comprise entre le 1er décembre 2019 et le 26 août 2020 inclus, dans la limite d'un montant de 32 612,49 euros et a renvoyé l'intéressée devant lui pour qu'il soit procédé à la liquidation de la somme due. En défense, Mme B... conclut au rejet de la requête d'appel du groupe hospitalier de Seclin Carvin, sans former appel incident.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 6152-612 du code de la santé publique : " Les praticiens attachés perçoivent après service fait : / 1° Des émoluments mensuels variant selon l'échelon des intéressés et la durée des obligations hebdomadaires de service hospitalier ; (...) / 2° Des indemnités et allocations dont l'objet et le régime sont fixés par décret ". Le montant des émoluments est fixé par l'arrêté du 21 août 2003 susvisé, l'article R. 6152-612-1 du code de la santé publique énumérant quant à lui les indemnités et allocations susceptibles d'être attribuées aux praticiens attachés. En outre, aux termes du dernier alinéa de l'article R. 6152-611 du code de la santé publique : " Le praticien recruté en qualité de praticien attaché est classé au 1er échelon. Dans le cas où ce classement entraîne une diminution du montant des revenus antérieurement perçus par l'intéressé, celui-ci peut bénéficier d'une indemnité différentielle, dans des conditions fixées par arrêté des ministres chargés du budget et de la santé, dans la limite de la rémunération correspondant au 11ème échelon. Cette indemnité différentielle diminue à concurrence de la progression de l'intéressé dans la grille de rémunération ".

3. Le régime de l'indemnité différentielle instituée par les dispositions précitées de l'article R. 6152-611 du code de la santé publique est précisé par l'arrêté du 21 octobre 2003 susvisé. Aux termes de son article 4 : " En cas de premier recrutement en qualité de praticien attaché ou de praticien attaché associé, lorsque celui-ci entraîne une diminution du montant des revenus perçus au cours de l'année civile précédant le recrutement, le praticien attaché ou praticien attaché associé peut bénéficier d'une indemnité différentielle correspondant au plus à la différence entre ces revenus et la rémunération afférente au 1er échelon, et dans la limite de la rémunération correspondant au 11ème échelon de praticien attaché et praticien attaché associé. / Lorsque le praticien recruté était précédemment salarié, les indemnités, notamment les indemnités liées à la permanence des soins ou aux gardes et astreintes, ne sont pas prises en compte dans les revenus ci-dessus mentionnés. / Lorsque le praticien recruté exerçait à titre libéral, les revenus mentionnés au premier alinéa du présent article correspondent au bénéfice non commercial imposable ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " L'indemnité prévue au présent chapitre est versée mensuellement en même temps que la rémunération correspondant à l'échelon atteint par le praticien. Elle est soumise à cotisations IRCANTEC ".

4. Les dispositions citées aux deux points précédents permettent aux établissements publics de santé recrutant pour la première fois un médecin sous le statut de praticien attaché ou de praticien attaché associé de compléter ses émoluments, dont le montant est réglementairement fixé, par une indemnité différentielle afin que le montant global de sa rémunération puisse être porté au niveau des revenus qu'il a perçus au cours de l'année civile précédant son recrutement. Toutefois, il résulte également de ces dispositions que le montant cumulé des émoluments et de l'indemnité différentielle ne peut pas dépasser le montant des émoluments correspondant au 11ème échelon de praticien attaché et de praticien attaché associé.

5. Il résulte de l'instruction que, par le contrat de praticien attaché à temps partiel du 1er décembre 2018, dont il est constant qu'il a été exécuté aux conditions qu'il fixe par les parties quand bien même il n'aurait pas été formellement signé par chacune d'elles, le groupe hospitalier de Seclin Carvin s'est engagé à verser à Mme B..., en complément de ses émoluments de praticien attaché, une indemnité différentielle dans les conditions prévues par l'arrêté du 21 octobre 2003. Toutefois, les stipulations du même contrat prévoient également que Mme B... est classée au 11ème échelon de praticien attaché et qu'elle percevra les émoluments correspondants. Ces stipulations combinées méconnaissent donc les dispositions précitées des articles R. 6152-611 du code de la santé publique et 4 de l'arrêté du 21 octobre 2003 dès lors qu'elles ont pour effet de porter le montant global de la rémunération de Mme B... au-delà du montant des émoluments prévus pour le 11ème échelon de praticien attaché et, par suite, au-delà de la limite réglementaire fixée. Il s'ensuit que, si le contrat de recrutement conclu entre le groupement hospitalier de Seclin Carvin et Mme B... a créé au profit de cette dernière un droit à être recrutée, elle ne peut, en revanche, se prévaloir des stipulations de ce contrat relatives au versement d'une indemnité différentielle dès lors qu'elles méconnaissent les dispositions réglementaires la régissant. Par voie de conséquence, ainsi que le soutient le groupe hospitalier de Seclin Carvin, sa directrice était fondée à mettre à tout moment fin à l'application de cette stipulation illégale.

6. Il résulte de ce qui précède que l'interruption du versement de l'indemnité différentielle de Mme B... à compter du 1er décembre 2019 ne présente pas de caractère fautif et que celle-ci n'est, dès lors, pas fondée à solliciter la condamnation du groupe hospitalier de Seclin Carvin à lui verser, au titre de la réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi, une somme correspondant au montant des indemnités différentielles non versées entre le 1er décembre 2019 et le 26 août 2020. Par suite, le groupe hospitalier de Seclin Carvin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges l'ont condamné à verser à Mme B... une somme à ce titre dans la limite d'un montant de 32 612,49 euros et qu'ils ont renvoyé l'intéressée devant lui pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette somme.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du groupe hospitalier de Seclin Carvin, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés dans le cadre de la présente instance d'appel et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de celle-ci une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le groupe hospitalier de Seclin Carvin et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 2005566 du 8 juin 2023 du tribunal administratif de Lille sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Lille, tendant à la condamnation du groupe hospitalier de Seclin Carvin à lui verser la somme de 32 612,49 euros bruts au titre de l'indemnité différentielle due entre décembre 2019 et août 2020, est rejetée.

Article 3 : Mme B... versera au groupe hospitalier de Seclin Carvin une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de Mme B... présentées en appel sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au groupe hospitalier de Seclin Carvin et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience publique du 12 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 décembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de chambre,

Signé : Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A.-S. Villette

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA01607


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01607
Date de la décision : 04/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SCP SENLECQ-STEYLAERS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-04;23da01607 ?
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