La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/12/2024 | FRANCE | N°22DA02460

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 04 décembre 2024, 22DA02460


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler le titre exécutoire n° 2020-1601 du 20 octobre 2020 émis par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) aux fins de recouvrer la somme de 177 895,30 euros correspondant à l'indemnisation allouée à M. B....



Par un jugement n° 2100723 du 28 septembre 2022, le tribu

nal administratif de Lille l'a déchargée de l'obligation de payer la somme de 162 335,90 euros, l'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler le titre exécutoire n° 2020-1601 du 20 octobre 2020 émis par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) aux fins de recouvrer la somme de 177 895,30 euros correspondant à l'indemnisation allouée à M. B....

Par un jugement n° 2100723 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Lille l'a déchargée de l'obligation de payer la somme de 162 335,90 euros, l'a condamnée à payer les intérêts et leur capitalisation sur la somme de 15 559,40 euros restée à sa charge ainsi que la somme de 2 333,91 euros au titre de la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 novembre 2022 et 22 décembre 2023, l'ONIAM, représenté par la SELARL Birot-Ravaux et associés, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande de la SHAM ;

3°) à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le titre exécutoire serait annulé pour un motif de forme, de condamner la SHAM à lui verser la somme de 177 895,30 euros ;

4°) et de mettre à la charge de la SHAM le paiement des sommes respectives de 1 500 euros et 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative concernant l'instance de première instance et celle d'appel.

Il soutient que :

- le centre hospitalier a commis un manquement dans le respect des recommandations en matière d'antibioprophylaxie en administrant à tort au patient de la Vancomycine sans l'associer avec de la Gentamycine et alors que l'antibiothérapie préventive adaptée justifie l'utilisation de la Céfazoline ;

- la SHAM doit être condamnée à indemniser en totalité les préjudices subis par M. B... à la suite de l'infection nosocomiale qu'il a contractée au cours de sa prise en charge du centre hospitalier de Tourcoing le 17 novembre 2015 ;

- la date de consolidation doit être fixée au 4 juin 2018, soit deux années après la réimplantation de la prothèse alors que les premiers juges l'ont fixée au 22 août 2016 ;

- la SHAM est redevable de la somme de 177 895,30 euros au lieu de la somme de 15 559,40 euros fixée par le tribunal ;

- la somme de 177 895,30 euros sera assortie des intérêts et de leur capitalisation ;

- la SHAM est redevable de la pénalité de 15 % de la somme exigible sur le fondement de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ;

- les frais d'expertise seront mis à la charge de la SHAM ;

- la régularité du titre exécutoire ne peut pas être remise en cause.

Par des mémoires, enregistrés les 19 avril 2023 et 13 septembre 2023, la société Relyens Mutual Insurance, anciennement dénommée société hospitalière d'assurances mutuelles, représentée par la SARL Le Prado-Gilbert, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a mis à sa charge la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ainsi que les intérêts et leur capitalisation afférents à la somme de 15 559,40 euros restant à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'est tenue de ne réparer que les seuls préjudices en lien avec l'infection nosocomiale subie par M. B... entre janvier et juin 2016 ;

- l'ONIAM n'est pas fondé à réclamer le versement de la pénalité prévue par le cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ;

- l'ONIAM ayant émis un titre exécutoire pour recouvrer sa créance, il n'était pas recevable à demander aux premiers juges d'assortir la condamnation au principal des intérêts et de leur capitalisation ;

- l'opposition à titre exécutoire ayant un caractère suspensif, aucun intérêt n'a pu courir avant que le tribunal administratif de Lille ne se prononce, de sorte que la demande de versement des intérêts et de leur capitalisation n'est pas fondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue de sa prise en charge par le centre hospitalier de Tourcoing en vue d'un changement de prothèse de hanche, M. B... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) qui a alors diligenté une expertise confiée aux docteur A... et Denis, qui ont rendu leur rapport le 19 août 2019. La CCI a rendu un avis le 12 novembre 2018 en faveur de la reconnaissance d'une infection nosocomiale et d'une réparation des préjudices invoqués par l'intéressé. L'assureur du centre hospitalier de Tourcoing ayant refusé d'indemniser M. B... par lettre du 28 mars 2019, celui-ci a alors sollicité la substitution de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) sur le fondement de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. L'Office a émis une offre d'indemnisation d'un montant total de 177 895,30 euros, ayant donné lieu à la conclusion d'un protocole transactionnel le 21 septembre 2020. L'ONIAM, agissant en qualité de subrogé dans les droits de M. B..., a alors émis un titre exécutoire d'un montant identique à l'encontre de la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM). Celle-ci a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler le titre exécutoire n° 2020-1601 du 20 octobre 2020 et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 177 895,30 euros. L'ONIAM demande à la cour de réformer le jugement du 3 décembre 2020 en tant qu'il a déchargé la SHAM de l'obligation de payer la somme de 162 335,90 euros. La société Relyens Mutual Insurance (RMI), anciennement dénommée société hospitalière d'assurances mutuelles, forme appel incident et demande à la cour de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a mis à sa charge la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ainsi que les intérêts et leur capitalisation afférents à la somme de 15 559,40 euros restant à sa charge.

Sur le bien-fondé du titre exécutoire du 20 octobre 2020 :

En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier de Tourcoing :

2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. ". Aux termes de l'article L. 1142-1-1 du même code : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...) ". Aux termes de l'article L. 1142-15 du même code : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, (...) l'office institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur. / (...) L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. La transaction est portée à la connaissance du responsable et, le cas échéant, de son assureur. / (...) l'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise. (...) ".

3. Pour l'application de ces dispositions, doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

4. Il résulte de l'instruction que M. B... a subi un accident sur la voie publique le 22 novembre 1996 qui lui a occasionné une fracture du cotyle droit associée à une luxation de la tête fémorale. En 1998, une prothèse totale de hanche droite a été posée. Eu égard à son usure, cette prothèse a été remplacée le 16 octobre 2013 au sein du centre hospitalier de Tourcoing puis de nouveau le 25 octobre 2015, après qu'il ait été constaté que la cupule de la prothèse était sujette à des phénomènes de verticalisation et d'ascension. L'intéressé ayant été victime d'une luxation de la hanche droite le 5 novembre 2015, une nouvelle intervention a eu lieu le lendemain au sein du même établissement afin de procéder à une tentative de réduction de cette luxation, sans succès. M. B... a donc bénéficié d'une nouvelle opération le 17 novembre 2015 au centre hospitalier de Tourcoing en vue de réduire la luxation, de changer la tête prothétique pour une tête céramique et de procéder à une ostéosynthèse du grand trochanter. A la suite de cette opération, M. B... a ressenti de la fièvre, de l'asthénie et a signalé un écoulement persistant au niveau de la cicatrice. Le 18 décembre 2015, il a été transféré au service des maladies infectieuses du centre hospitalier de Tourcoing en raison d'une suspicion d'infection. Un scanner réalisé le 31 décembre 2015 a révélé la présence de formations ganglionnaires au niveau de la fosse iliaque droite et une collection. Puis, une bactérie de type citobacter koseri a été retrouvée le 28 janvier 2016 à la suite d'une ponction réalisée au CHRU de Lille. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que ce germe n'était ni présent ni en incubation avant le début de la prise en charge de M. B... au sein du centre hospitalier de Tourcoing et qu'il a été introduit dans son organisme au cours de l'opération du 17 novembre 2015. Dans ces conditions, cette infection présente un caractère nosocomial dont il n'est par ailleurs pas contesté que les dommages qu'elle a entraînés ne correspondent pas à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 %.

5. En outre, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'état de la prothèse de hanche dont M. B... a bénéficié à compter de 1998 a nécessité son changement dans le courant de l'année 2013. Puis, un nouveau changement a été effectué le 27 octobre 2015 en raison du descellement de la cupule de cette prothèse, résultant de sa trop grande inclinaison. Il ne résulte pas de l'instruction et notamment du rapport d'expertise qu'à l'occasion de l'intervention réalisée le 27 octobre 2015, une quelconque faute aurait été commise, la pose d'une nouvelle prothèse ayant au demeurant été rendue complexe par l'état de santé du patient et notamment l'importante perte osseuse subie au niveau de son bassin. Il ne résulte pas non plus de l'instruction et notamment du seul dire des médecins de l'Office daté du 19 décembre 2023 que le retard avec lequel l'infection nosocomiale en cause a été diagnostiquée puis traitée, soit plus de deux mois après l'intervention du 17 novembre 2015, a eu une incidence en ce qui concerne la nature de la prothèse posée le 9 mai 2016 après l'ablation le 10 mars 2016 de la prothèse infectée et la mise en place d'une prothèse temporaire. Ainsi, si M. B... conserve un déficit fonctionnel permanent de 18%, tenant à une boiterie par atteinte des muscles abducteurs de hanche droite, avec un raccourcissement de 3,5 cm du membre inférieur droit et des douleurs de hanche persistantes, cet état est sans lien avec l'infection qu'il a contractée dans le cadre de l'opération réalisée le 17 novembre.

6. Il en résulte que le centre hospitalier de Tourcoing est uniquement responsable des conséquences de l'infection nosocomiale contractée par M. B... au cours de l'opération du 17 novembre 2015. S'il apparaît en outre, que préalablement à celle-ci et afin de lutter préventivement contre les bacilles à gram négatif comme l'est le germe de type citobacter koseri retrouvé chez M. B..., le centre hospitalier de Tourcoing a administré au patient un traitement antibiotique à base de Vancomycine alors qu'il convenait soit d'associer la Vancomycine avec une autre molécule, la Gentamycine, soit d'administrer de la Céfazoline, la délivrance de la seule Vancomycine n'étant pas conforme aux bonnes pratiques contrairement à ce que la société RMI fait valoir, les conséquences dommageables de cette faute, qui consistent seulement en une perte de chance pour la victime d'avoir évité l'infection litigieuse, se confondent avec celles plus globales de cette infection. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir le 20 novembre 2015, date à laquelle M. B... a commencé à ressentir les effets nocifs de l'infection nosocomiale qui se sont notamment manifestés sous la forme d'un état fiévreux et d'un écoulement cicatriciel anormal, comme point de départ de la période au titre de laquelle le centre hospitalier de Tourcoing est responsable des préjudices subis par la victime. Pour ce qui est de la date de consolidation de son état de santé, contrairement à ce que l'ONIAM fait valoir, il n'y a pas lieu pour la fixer de se fonder sur l'absence d'évolution des troubles orthopédiques dont M. B... souffre, que les experts ont daté au 4 juin 2018, mais uniquement sur l'absence d'évolution de l'infection nosocomiale dont l'intéressé a été victime. Comme il a déjà été mentionné, l'état de santé de M. B... a nécessité une nouvelle intervention le 9 mai 2016 qui a été suivie d'une autre le 9 juin 2016 en vue du verrouillage de la prothèse de l'intéressé. Puis M. B... a été convalescent jusqu'au 22 août 2016, date à laquelle son état de santé doit être regardé comme consolidé au regard de l'infection nosocomiale contractée en novembre 2015. Par suite, la période pendant laquelle la victime peut être indemnisée des conséquences de l'infection nosocomiale s'étend du 20 novembre 2015 au 22 août 2016.

En ce qui concerne les préjudices indemnisables :

S'agissant des préjudices temporaires :

7. En premier lieu, le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu, ainsi d'ailleurs que le prévoit le référentiel de l'ONIAM, de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours.

8. Il résulte de l'évaluation des préjudices faite par les experts que l'état de santé de M. B... nécessite une assistance par une tierce personne non spécialisée d'une heure par semaine. Au cours de la période indemnisable, M. B... a été hospitalisé ou placé en centre de convalescence ou de rééducation du 5 novembre au 5 décembre 2015 puis, du 10 décembre au 22 août 2016. Il n'a demeuré à son domicile que les 6, 7, 8 et 9 décembre 2015 soit pendant quatre jours. Ainsi, il y a lieu de limiter l'indemnisation du besoin temporaire d'assistance par une tierce personne de la victime à cette période et de fixer, en prenant en compte un taux horaire de 15 euros sur une durée annuelle de 412 jours, la somme de 67,73 euros (soit 4 x 15 euros x (412/365)) au lieu de la somme de 8 481,56 euros fixée par l'ONIAM.

9. En deuxième lieu, l'infection nosocomiale subie par M. B... est à l'origine d'un déficit fonctionnel temporaire qu'il convient d'indemniser à 100 % pour la période de 273 jours pendant laquelle la victime a été hospitalisée en lien avec cette infection, et à 50 % pour les quatre jours pendant lesquels M. B... est resté dans son domicile, comme indiqué au point précédent. Ainsi, il y a lieu de limiter l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire de la victime à cette période et de fixer, en prenant en compte un taux journalier de 15 euros, la somme de 4 125 euros (soit 273 jours x 15 euros = 4 095 euros et 4 jours x 15 euros x 0,50 = 30 euros) au lieu de la somme de 4 656 euros allouée par l'ONIAM.

10. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. B... a enduré des souffrances qui ont été évaluées à 5,5 sur une échelle de 7 compte tenu de la répétition des interventions, d'un séjour en réanimation et d'une longue rééducation. Néanmoins, ces douleurs sont liées à la fois aux troubles orthopédiques subis par M. B..., en lien avec le descellement de la cupule de la prothèse posée le 16 octobre 2013 en raison de l'inclinaison trop verticale de cet implant et la luxation de la hanche droite dont il a alors été victime, et aux conséquences de l'infection nosocomiale. Ainsi, les premiers juges ont fait une juste évaluation de la part de ce poste de préjudice imputable aux seules conséquences de l'infection nosocomiale en le fixant à la somme de 10 666,67 euros correspondant aux deux-tiers de la somme de 16 000 euros évaluée par l'ONIAM.

S'agissant des préjudices permanents :

11. L'ONIAM a versé à la victime une somme de 89,90 euros au titre des dépenses de santé actuelles qui consistent en une barre d'appui, un siège de douche et un réhausseur mural. Ces dépenses occasionnées par les troubles orthopédiques de M. B... n'ayant pas de lien avec l'infection nosocomiale, il n'y a pas lieu de mettre cette somme à la charge de l'assureur du centre hospitalier de Tourcoing. Il ne résulte pas de l'instruction que l'infection nosocomiale contractée par M. B... le 17 novembre 2015, et dont les effets ont cessé à compter du 22 août 2016 ainsi qu'il a été dit au point 6, soit à l'origine de préjudices d'incidence professionnelle ou de retraite distincts des troubles orthopédiques qu'il continue de subir. Ainsi, il n'y a pas lieu de mettre la somme de 21 651,76 euros évaluée par l'ONIAM à la charge de la société RMI. Le besoin viager d'assistance par une tierce personne n'ayant pas de lien avec l'infection nosocomiale, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de ladite société la somme de 98 569,18 euros allouée par l'ONIAM. Il résulte en outre de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise que M. B... a un périmètre de marche limité de quinze à vingt minutes, qu'il doit se munir d'une canne, qu'il existe une différence de longueur des jambes de trois à quatre centimètres qui est compensée par le port d'une talonnette et que persistent des douleurs au genou gauche ainsi qu'une incontinence urinaire. Il ne résulte cependant pas de l'instruction que l'état de santé actuel de M. B..., dont le taux de déficit fonctionnel permanent a été évalué par les experts à 18 %, serait en lien avec l'infection nosocomiale contractée le 17 novembre 2015. Ainsi, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'assureur du centre hospitalier de Tourcoing la somme de 22 647 euros évaluée par l'ONIAM à ce titre. Il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise que le préjudice esthétique permanent de M. B... a été évalué à 3 sur une échelle de 7 compte tenu de la nécessité de marcher avec une aide pour éviter de boiter, de la persistance de cicatrices et de la nécessité d'utiliser des chaussures compensant la différence de longueur des jambes. Ce préjudice étant sans lien avec l'infection nosocomiale, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société RMI la somme de 3 300 euros évaluée par l'ONIAM. S'il est constant que M. B... est privé de la possibilité de pratiquer la voile, ce préjudice d'agrément est lié aux troubles orthopédiques de l'intéressé et n'est pas en lien avec l'infection nosocomiale qu'il a subie. Ainsi, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette société la somme de 1 800 euros allouée à ce titre par l'ONIAM. Par ailleurs, il est constant que M. B... a exposé des frais d'assistance dans le cadre de la procédure initiée auprès de la CCI et qu'ainsi, l'ONIAM était fondée à verser une somme de 700 euros à la victime.

12. Il résulte de tout ce qui précède que seule la somme de 15 559,40 euros (soit 67,73 euros + 4 125 euros + 10 666,67 euros + 700 euros) doit être mise à la charge de la société RMI, assureur du centre hospitalier de Tourcoing. Par suite, l'ONIAM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a déchargé la société hospitalière d'assurances mutuelles, devenue la société RMI, de l'obligation de payer la somme de 162 335,90 euros, correspondant à la différence entre le montant du titre exécutoire, soit 177 895,30 euros, et la somme de 15 559,40 euros demeurant à la charge de la société RMI.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

13. D'une part, lorsque l'ONIAM a choisi d'émettre un titre exécutoire en vue de recouvrer la somme qu'il a versée à une victime en application des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, il n'est pas recevable à demander au juge ni la condamnation du débiteur au remboursement de l'indemnité ainsi versée, ni d'ordonner le versement des intérêts légaux qui s'y rapportent, pas plus que leur capitalisation. D'autre part, l'émission par l'ONIAM d'un titre exécutoire en vue de recouvrer la somme versée à une victime dans le cadre de la substitution prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique fait en tout état de cause de plein droit courir des intérêts légaux. Ainsi, l'ONIAM disposant des pouvoirs nécessaires pour assurer le recouvrement des intérêts légaux en émettant directement un nouveau titre exécutoire à cette fin, il n'est pas recevable à demander au juge administratif de condamner la société RMI au paiement de ces intérêts légaux. Il en va de même, par voie de conséquence, des conclusions relatives à la capitalisation des intérêts.

14. Dès lors, la société RMI est fondée à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont assorti la somme de 15 559,40 euros demeurant à sa charge des intérêts et de leur capitalisation.

Sur la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique :

15. Aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue. ". Lorsque le débiteur a formé une opposition contre le titre exécutoire devant la juridiction compétente, l'ONIAM ne peut poursuivre le recouvrement de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du CSP qu'en présentant une demande reconventionnelle devant la juridiction saisie de cette opposition.

16. A la suite de l'avis rendu le 18 octobre 2018 par la CCI, la SHAM, assureur du centre hospitalier de Tourcoing, a refusé, par un courrier du 28 mars 2019, de présenter une offre d'indemnisation à M. B.... Il résulte néanmoins tant du rapport d'expertise que de l'avis de la CCI que le centre hospitalier de Tourcoing a engagé sa responsabilité du fait d'une erreur dans l'administration de l'antibiothérapie préventive, du retard de diagnostic de l'infection nosocomiale et de la survenance de cette infection nosocomiale. Dès lors et quand bien même l'essentiel des préjudices indemnisés par l'ONIAM est dépourvu de lien avec les conséquences de cette infection, il y a lieu de confirmer l'infliction d'une pénalité d'un montant de 2 333,91 euros correspondant à 15 % de la somme de 15 559,40 euros dont l'ONIAM est fondé à solliciter le recouvrement par le biais du titre litigieux.

17. Par suite les conclusions incidentes présentées par la société RMI sur ce point doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société RMI, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'ONIAM une somme au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2100723 du 28 septembre 2022 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La requête de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société RMI est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la société Relyens Mutual Insurance.

Délibéré après l'audience publique du 12 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 décembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de la chambre,

Signé : B. ChevaldonnetLa greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°22DA02460


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02460
Date de la décision : 04/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SELARL BIROT-MICHAUD-RAVAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-04;22da02460 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award