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20/11/2024 | FRANCE | N°22DA00075

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 20 novembre 2024, 22DA00075


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... et M. H... B... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, d'une part, l'arrêté du 30 novembre 2018 par lequel le préfet de la Somme a autorisé M. G... D... à exploiter une surface de 61,6352 ha sur le territoire de la commune de Quend et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le même préfet a refusé à M. H... B... l'autorisation d'exploiter une surface de 63,9155 ha sur le territoire de la commune de Quend, ensemble le rejet de leur r

ecours gracieux.



Par un jugement nos 1901276 et 1901284 du 17 novembre 2021, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... et M. H... B... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, d'une part, l'arrêté du 30 novembre 2018 par lequel le préfet de la Somme a autorisé M. G... D... à exploiter une surface de 61,6352 ha sur le territoire de la commune de Quend et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le même préfet a refusé à M. H... B... l'autorisation d'exploiter une surface de 63,9155 ha sur le territoire de la commune de Quend, ensemble le rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement nos 1901276 et 1901284 du 17 novembre 2021, le tribunal a annulé ces décisions et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés, le 14 janvier et les 7 octobre et 10 novembre 2022, M. D..., représenté par la SAS Drouot Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. et Mme B... ;

3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative,.

Il soutient que :

- le tribunal a écarté à tort la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de M. et Mme B... ;

- la demande de M. B... ne relève pas du rang de priorité 12 mentionné à l'article 2 du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Somme, arrêté par le préfet de la Somme le 22 février 2011 ;

- sa propre demande relève du rang de priorité 13 mentionné à l'article 2 du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Somme, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'il met déjà en valeur 31,23 ha de terres au sein de la société EARL D... du Chateauneuf ;

- les arrêtés en litige ne sont entachés d'aucune incompétence ;

Par trois mémoires en défense, enregistrés les 4 juillet, 24 octobre et 24 novembre 2022, M. H... B... et Mme C... B..., représentés par Me Drieux Vadunthun, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêt nos 18DA01484, 18DA01573 du 14 novembre 2019 de la Cour administrative d'appel de Douai est passé en force de chose jugée ;

- aucun des moyens soulevés par l'appelant n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 28 septembre 2022, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation déclare s'en remettre à la sagesse de la cour.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, par une lettre du 16 octobre 2024, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'autorité absolue de la chose jugée dont est revêtu l'arrêt n° 21DA01407 du 29 novembre 2022 de la cour administrative d'appel de Douai ainsi que le motif qui en constitue le soutien nécessaire tiré de ce que la demande de M. B... est prioritaire par rapport à celle de M. D....

M. B... a présenté le 17 octobre 2024 des observations en réponse au moyen d'ordre public qui ont été communiquées aux parties adverses.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delahaye, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 septembre 2015, M. G... D... a demandé l'autorisation d'exploiter des terres d'une superficie de 61,6352 hectares situées sur le territoire de la commune de Quend et cadastrées AO n° 6 à 11 et section ZA n° 23, section ZC n° 29 et section AP n° 25, auparavant mises en valeur par M. E... B... et Mme C... B... et dont M. A... D... et Mme F... D... sont propriétaires. Le 31 décembre 2015, M. H... B... a présenté une demande concurrente d'autorisation d'exploiter les mêmes parcelles que celles objet de la demande de M. D..., ainsi que des parcelles d'une superficie de 2,2803 hectares situées sur la même commune cadastrées AO 141, 142, 144, 145, 146 et 150. Par deux arrêtés du 12 février 2016, le préfet de la Somme a accordé à MM. D... et B... les autorisations sollicitées.

2. Par deux jugements nos 1601219 et 1602297 du 29 mai 2018, le tribunal administratif d'Amiens a annulé ces deux arrêtés du 12 février 2016. Le préfet de la Somme a alors procédé au réexamen des demandes de MM. D... et B..., et par deux arrêtés du 30 novembre 2018, a respectivement délivré l'autorisation d'exploiter sollicitée par M. D... et refusé celle présentée par M. B... au motif que la demande de M. D..., qualifiée " d'installation progressive ", relève d'un rang de priorité supérieur à celle de M. B..., qualifiée d' " autres installations " en application du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Somme, arrêté par le préfet de la Somme le 22 février 2011. Par un jugement no 1901276 - 1901284 du 17 novembre 2021, le tribunal administratif d'Amiens, saisi par M. et Mme B..., a annulé ces deux arrêtés du 30 novembre 2018 au motif que la demande d'autorisation d'exploiter de M. B..., qui doit être qualifiée d'installation à titre principal d'un jeune agriculteur, relève d'un rang de priorité supérieur à celle de M. D..., qualifiée d'installation progressive. M. D... relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'arrêté du 30 novembre 2018 refusant à M. B... l'autorisation d'exploiter :

3. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, que l'arrêté du 30 novembre 2018 par lequel le préfet de la Somme a refusé de délivrer à M. B... une autorisation d'exploiter les parcelles d'une surface de 61,6352 ha sur le territoire de la commune de Quend, a été pris en exécution du jugement n° 1602297 du tribunal administratif d'Amiens du 29 mai 2018 annulant la décision du 12 février 2016 lui accordant une autorisation d'exploiter. Si l'administration a, dans le cadre de ce réexamen, délivré à M. B... un accusé réception actant de la complétude au 25 septembre 2018 de son dossier de demande d'autorisation d'exploiter, cette circonstance n'est pas de nature à caractériser l'existence d'une nouvelle demande de l'intéressé, distincte de celle initialement déposée le 31 décembre 2015, ni en tout état de cause l'existence à son bénéfice d'une autorisation tacite d'exploiter dès lors que la décision en litige du 30 novembre 2018 est intervenue avant l'échéance du délai de quatre mois prévu à l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime à l'expiration duquel l'autorisation est réputée accordée. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'intérêt à agir de Mme B... dès lors que la circonstance que l'un des auteurs d'une requête collective ne justifierait pas d'un intérêt à agir ne fait pas obstacle à ce que les conclusions de cette requête soient jugées recevables, mais seulement à ce que le juge accueille les conclusions propres à ce requérant, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a admis la recevabilité de la demande de M. B... tendant à l'annulation la décision du 30 novembre 2018 lui refusant d'exploiter les parcelles en litige, ainsi que de la décision rejetant implicitement son recours gracieux.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'arrêté du 30 novembre 2018 accordant à M. D... l'autorisation d'exploiter :

4. D'une part, le preneur en place justifie d'un intérêt lui donnant qualité à agir contre l'autorisation donnée à un autre exploitant d'exploiter les parcelles qu'il loue, même s'il ne s'est pas porté candidat pour obtenir l'autorisation d'exploiter ces terres en application des dispositions des articles L. 331-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... B... et M. E... B... sont devenus titulaires d'un bail rural portant sur dix parcelles, dont celles objet des demandes concurrentes d'autorisation d'exploiter de MM. D... et B..., situées sur la commune de Quend par l'effet d'un jugement du tribunal de commerce d'Aubervilliers du 11 janvier 2002 arrêtant le plan de redressement de la SCEA de la petite Retz. Si la cour d'appel d'Amiens a, par un arrêt du 28 novembre 2019, fait droit à la demande de résiliation de ce bail rural, présentée par les époux D..., désormais bailleurs des mêmes parcelles, cette circonstance est sans incidence sur l'intérêt de Mme B... lui donnant qualité pour agir qui s'apprécie à la date d'introduction de sa demande devant le tribunal, le 16 avril 2019.

6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que MM. B... et D... ont présenté des demandes concurrentes tendant à obtenir l'autorisation d'exploiter une superficie de 61,6352 ha de terres situées sur le territoire de la commune de Quend. Par suite, M. B... étant candidat à l'exploitation des mêmes terres, il justifiait d'un intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté du 30 novembre 2018 par lequel le préfet de la Somme a accordé à M. D... l'autorisation demandée.

7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a admis la recevabilité de la demande de M. et Mme B... tendant à l'annulation la décision du 30 novembre 2018 l'autorisant à exploiter les parcelles en litige ainsi que de la décision rejetant implicitement leur recours gracieux.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

8. Aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; (...) ". En outre, aux termes de l'article 2 du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Somme, arrêté par le préfet de la Somme le 22 février 2011 : " En fonction des orientations définies à l'article 1, les autorisations d'exploiter sont accordées selon les ordres de priorité décrits en 1 et 2 de cet article ". Aux termes du 1. du même article : " Lorsque le bien objet de la demande a une superficie supérieure à 0,5 UR les autorisations d'exploiter sont accordées selon l'ordre de priorité suivant : / (...) / 12 - les installations à titre principal d'un jeune agriculteur qui répond aux conditions d'accès aux aides à l'installation, et présentant un projet économiquement viable (...) ; / 13 - les installations progressives (première installation avec présentation d'un projet viable et des motivations) permettant d'atteindre au minimum la viabilité (1 UR) dans les 5 ans suivants l'installation ; / 15 - favoriser l'agrandissement des exploitations agricoles inférieures à une Unité de Référence afin de faire en sorte qu'elles puissent atteindre ce seuil ; -/- 17 - les autres installations compte tenu de la situation familiale, de l'âge, de la capacité professionnelle et de la pluriactivité du demandeur ".

9. Par un arrêt no 18DA01484 - 18DA01573 du 14 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai a annulé le jugement n° 1602297 du 29 mai 2018 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il annule l'arrêté du 12 février 2016 accordant à M. B... l'autorisation d'exploiter les six parcelles cadastrées AO 141, 142, 144, 145, 146 et 150, qui ne faisaient pas l'objet d'une demande concurrente de la part de M. D.... Par un second arrêt n° 21DA01407 du 29 novembre 2022, rendu sur renvoi du Conseil d'État, la cour administrative d'appel de Douai a également annulé ce même jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté du 12 février 2016 du préfet de la Somme autorisant M. B... à exploiter les parcelles objet de la demande concurrente de M. D..., au motif qu'en application du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Somme, arrêté par le préfet de la Somme le 22 février 2011, la demande d'autorisation d'exploiter déposée par M. B... le 31 décembre 2015 relève de la priorité n°12 relative aux installations à titre principal d'un jeune agriculteur et qu'elle est ainsi d'un rang de priorité supérieur à celle déposée le 30 septembre 2015 par M. D..., qui a trait à une installation progressive relevant de la priorité n°13. L'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 29 novembre 2022, et à son motif, qui en constitue le soutien nécessaire, tiré du caractère prioritaire de la demande d'autorisation d'exploiter de M. B... par rapport à la demande concurrente de M. D... fait obstacle, en l'absence de modification de la situation de droit et de fait, à ce que puissent être jugées légaux les arrêtés, pris après réexamen de leurs demandes respectives, fondés sur le seul motif tiré du caractère prioritaire de la demande de M. D... par rapport à celle de M. B.... Par suite, les arrêtés en litige du 30 novembre 2018 sont pour ce motif entachés d'illégalité.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. D... n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à la demande de M. et Mme B... tendant à l'annulation des arrêtés litigieux du 30 novembre 2018, ensemble la décision de rejet implicite de leur recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. et Mme B..., qui n'ont pas la qualité de partie perdante, versent à M. D... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. et Mme B... présentées sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. et Mme B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D..., à M. H... B... et Mme C... B... et à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

Copie en sera transmise au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 22 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur ;

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : L. DelahayeLe président de chambre,

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°22DA00075


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00075
Date de la décision : 20/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Laurent Delahaye
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : DROUOT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-20;22da00075 ?
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