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23/10/2024 | FRANCE | N°23DA02316

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 23 octobre 2024, 23DA02316


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien d'une durée de validité de dix ans et, d'autre part, la décision explicite du 8 décembre 2021 prise par ce préfet dans le même sens.



Par un jugement nos 2105021-2208323 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Lille a prononcé le non-lieu à stat

uer sur les conclusions en annulation dirigées contre la décision implicite du préfet du Nord et a re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien d'une durée de validité de dix ans et, d'autre part, la décision explicite du 8 décembre 2021 prise par ce préfet dans le même sens.

Par un jugement nos 2105021-2208323 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Lille a prononcé le non-lieu à statuer sur les conclusions en annulation dirigées contre la décision implicite du préfet du Nord et a rejeté le surplus des conclusions de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Canis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 8 décembre 2021 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée de validité de dix ans, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil désigné au titre de l'aide juridictionnelle d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision attaquée méconnaît les stipulations du e) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié dès lors qu'il réside de manière ininterrompue en France, avec l'ensemble de sa famille, depuis 1989, soit depuis qu'il a l'âge de deux ans ;

- elle méconnaît également les stipulations du d) du même article dès lors qu'il est entré régulièrement en France en 1989 dans le cadre d'une procédure de regroupement familial, que ses parents sont titulaires de certificats de résidence algériens renouvelés tous les dix ans et que l'ensemble de sa fratrie a acquis la nationalité française ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation en tant qu'elle retient qu'il constitue une menace pour l'ordre public dès lors que, s'il a été mis en examen, il a fait appel de sa condamnation et doit donc être présumé innocent et qu'il est placé, du fait de la décision attaquée, dans une situation financière et administrative extrêmement précaire ;

- elle porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a des effets disproportionnés par rapport aux buts poursuivis ; en effet, il réside de manière ininterrompue en France depuis plus de 30 ans ; il en va de même de l'intégralité de sa famille qui est en situation régulière au regard du droit au séjour ou a même acquis la nationalité française ; il a effectué toute sa scolarité en France et y a vécu toute sa vie d'adulte ; il serait isolé en cas de retour en Algérie ; sa situation de handicap est de nature à compliquer sa réinsertion dans ce pays.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2024, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête d'appel de M. B....

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une décision du 18 avril 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., né le 30 septembre 1987, de nationalité algérienne, est entré en France le 7 octobre 1989 dans le cadre d'une procédure de regroupement familial. A sa majorité, il a été, en qualité de membre de la famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans, autorisé à résider en France au titre du regroupement familial, mis en possession d'un certificat de résidence algérien valable du 30 septembre 2005 au 29 septembre 2015, dont il n'a pas sollicité le renouvellement dans les délais prévus à cet effet. Il a néanmoins été, au titre de ses liens privés et familiaux sur le territoire, mis en possession d'un certificat de résidence algérien valable du 3 août 2017 au 2 août 2018, dont il n'a à nouveau pas sollicité le renouvellement dans les délais prévus à cet effet. Les 8 mars 2019 et 29 mai 2020, il a sollicité auprès du préfet du Nord la délivrance d'un nouveau certificat de résidence algérien d'une durée de validité de dix ans. Par un arrêté du 8 décembre 2021, pris en exécution d'une ordonnance n° 2105006 du 7 juillet 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Lille ayant prononcé la suspension de l'exécution de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet sur les demandes de M. B..., le préfet du Nord a explicitement refusé de faire droit à celles-ci. M. B... relève appel du jugement du 19 octobre 2023 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 8 décembre 2021.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) / Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit (...) : / (...) / d) Aux membres de la famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans qui sont autorisés à résider en France au titre du regroupement familial ; / e) Au ressortissant algérien qui justifie résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans ; / (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention "résident de longue durée-UE" ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". L'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne prive pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence de dix ans lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui ne conteste plus en appel que sa demande doit être regardée comme une première demande de délivrance d'un titre de séjour dès lors que le dernier certificat de résidence algérien d'un an dont il était porteur a expiré sans qu'il en sollicite le renouvellement dans les délais prévus à cet effet, totalise, à la date de la décision attaquée, huit condamnations pénales, prononcées entre 2008 et 2019, dont cinq à des peines d'emprisonnement, pour des durées allant de trois mois à trois ans et pour divers faits de violences, notamment sur conjoint, d'usage illicite de stupéfiants, de vol et de proxénétisme. En outre, il a été mis en cause dans dix-sept autres affaires, et en particulier dans le meurtre de sa compagne commis en 2015, faits pour lesquels il était placé sous contrôle judiciaire à la date de la décision attaquée et il a, au demeurant, fait depuis lors l'objet d'une lourde condamnation dont il a fait appel. Eu égard à la gravité des faits délictueux qu'il a commis, à leur répétition et aggravation malgré les condamnations prononcées à son encontre, à leur caractère encore récent à la date de la décision attaquée et à l'absence d'engagement, depuis ces condamnations, dans un parcours d'insertion véritablement réussie à la société française, le préfet du Nord n'a pas fait une inexacte appréciation des faits de l'espèce en estimant qu'ils caractérisaient un comportement de nature à constituer une menace à l'ordre public et en refusant, pour ce motif, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres conditions mentionnées à l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, de délivrer à M. B... un certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans. Les moyens qu'il soulève, tirés de l'existence d'une erreur d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations des d) et e) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, doivent, dès lors, être écartés.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré régulièrement en France en 1989 alors qu'il était âgé de deux ans, qu'il y a grandi aux côtés de ses parents et de ses frères et sœurs qui sont tous en situation régulière ou ont acquis la nationalité française et qu'il a lui-même été détenteur de titres de séjour pendant au moins 11 années. Toutefois, alors qu'il est majeur depuis 14 ans à la date de la décision attaquée et qu'il ne justifie pas la permanence de la communauté de vie avec ses proches pendant toute cette période ou avoir été à leur charge intégrale, il n'établit pas l'intensité des liens qu'il dit avoir avec eux. Il est constant en outre que, s'étant rendu coupable de graves violences conjugales, il n'a pas constitué de cellule familiale stable en France et qu'il y demeure, à la date de la décision attaquée, célibataire et sans charge de famille. Il ne justifie de l'obtention d'aucun diplôme depuis celle du brevet des collèges en 2003 et d'un titre professionnel de conducteur du transport routier de marchandises sur porteur en 2006, ni d'aucune intégration professionnelle stable et durable. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 3, sa présence en France doit, eu égard à la gravité et la répétition des actes dont il s'est rendu coupable ainsi qu'à leur caractère récent, être regardée comme constitutive d'une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, bien que M. B... soit entré jeune sur le territoire et malgré la présence de plusieurs membres de sa famille en France, la décision de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour ne peut pas en l'espèce être regardée, par rapport à l'objectif de préservation de l'ordre public qu'elle poursuit, comme emportant des conséquences disproportionnées pour sa vie privée et familiale. Dès lors, les moyens tirés de ce qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2021 pris à son encontre par le préfet du Nord. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais liés au litige doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Canis.

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 8 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de chambre,

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°23DA02316


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02316
Date de la décision : 23/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : CANIS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-23;23da02316 ?
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