Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Miraumont a demandé au tribunal administratif d'Amiens, à titre principal, d'annuler la délibération n° 24 du 28 juin 2021 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Pays du Coquelicot a créé un fonds de concours en faveur du soutien local aux communes membres d'un montant annuel de 680 000 euros pour les années 2021 à 2023, ainsi que le règlement de ce fonds de concours et à titre subsidiaire, d'annuler la condition d'éligibilité fixée par cette délibération et le règlement du fonds de concours.
Par un jugement n° 2102861 du 4 octobre 2023, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la délibération attaquée ainsi que le règlement qu'elle approuve.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 décembre 2023 et 26 juillet 2024, la communauté de communes du Pays du Coquelicot, représentée par la SCP Seban et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Miraumont une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en tant qu'il est entaché d'une erreur de droit, la délibération n° 24 du 28 juin 2021 n'étant pas illégale ;
- l'article L. 5214-16 code général des collectivités territoriales l'autorise à verser un fonds de concours au bénéfice de ses communes membres, sans prohiber l'instauration de critères d'éligibilité ni leur éventuelle modification pour l'avenir ;
- le tribunal a jugé à tort que les critères de versement du fonds de concours devaient être en lien avec la dotation de solidarité communautaire qu'elle a la faculté d'instaurer ou avec les fonds existants auxquels elle entend substituer le fonds en litige ;
- le critère d'éligibilité institué et tenant au transfert des excédents constatés à la fin de l'exercice 2017 pour les budgets annexes d'eau et d'assainissement des communes membres est justifié par la nécessité d'assurer le financement de dépenses d'investissement relevant de l'intérêt général, dont la commune de Miraumont a, par ailleurs, bénéficié.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2024, la commune de Miraumont, représentée par Me Fy-Beaumont, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Pays du Coquelicot une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Roux, représentant la communauté de communes du Pays du Coquelicot et de Me Fy-Beaumont, représentant la commune de Miraumont.
Une note en délibéré présentée pour la communauté de communes du Pays du Coquelicot a été enregistrée le 10 octobre 2024.
Une note en délibéré présentée pour la commune de Miraumont a été enregistrée le 16 octobre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération n°24 du 28 juin 2021, le conseil de la communauté de communes du Pays du Coquelicot a décidé de créer un fonds de concours intitulé " fonds de soutien local " doté d'une somme de 680 000 euros par an pendant trois ans. La commune de Miraumont, qui est membre de cette communauté de communes, a demandé l'annulation de cette délibération et de son annexe portant règlement du fonds de concours. La communauté de communes du Pays du Coquelicot relève appel du jugement n° 2102861 du 4 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette délibération et le règlement du fonds de concours.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une erreur de droit doit être écarté comme inopérant.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes du V de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction à la date de la délibération contestée : " Afin de financer la réalisation ou le fonctionnement d'un équipement, des fonds de concours peuvent être versés entre la communauté de communes et les communes membres après accords concordants exprimés à la majorité simple du conseil communautaire et des conseils municipaux concernés. / Le montant total des fonds de concours ne peut excéder la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours. ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'une communauté de communes peut verser à ses communes membres, sous réserve d'un accord concordant de celles-ci et de l'établissement public intercommunal de coopération, des fonds de concours en vue de financer la réalisation et le fonctionnement d'un équipement. A cet effet, la communautés de communes peut instaurer des critères d'attribution afin de déterminer la nature des projets au titre desquels elle entend verser de tels fonds. Elle peut en outre instituer des critères d'éligibilité déterminant les conditions à remplir par ses communes membres en vue de bénéficier de tels fonds. Si elle dispose à cet effet d'un large pouvoir d'appréciation, ces critères ne sauraient toutefois être sans lien avec l'objet, tel qu'arrêté par l'établissement public, des fonds dont le versement peut être sollicité. Ils ne sauraient davantage méconnaître les principes de libre administration des collectivités territoriales et d'égalité de traitement ni avoir pour effet d'instituer une tutelle de l'établissement sur ses communes membres.
5. Il ressort des pièces du dossier que par la délibération litigieuse, la communauté de communes appelante a créé un fonds de soutien local aux communes pour les années 2021, 2022 et 2023 et mis en place une autorisation de programme d'un montant total de 2 040 000 euros pour les trois années concernées. Ce fonds de concours se substitue aux fonds existants concernant " l'éolien, l'habitat, le tourisme et les points lecture " ainsi qu'au versement de la dotation de solidarité communautaire précédemment instituée. Le règlement annexé à la délibération dispose en outre que le nouveau fonds doit venir en complément des " dépenses d'investissement suivantes : valorisation du patrimoine bâti communal ; voirie et réseaux divers ; espaces publics ; aménagement/équipement touristique ; ou à défaut tout dépense d'investissement ". Il prévoit par ailleurs que le versement des aides est conditionné à la mise à jour de flux financiers entre l'établissement public et les communes membres incluant le " transfert des résultats d'eau et d'assainissement suite à la prise de compétence de la communauté de communes du pays du coquelicot au 1er janvier 2018 pour assurer l'exploitation de ces services publics (...) ". En subordonnant la possibilité pour une commune membre de solliciter le versement d'une aide dans le cadre du fonds de concours institué par la délibération litigieuse, au transfert préalable du solde du budget communal afférent aux compétences " eau " et " assainissement ", au motif que l'établissement les exerce désormais, la communauté de communes a instauré un critère d'éligibilité sans lien avec l'objet de ce fonds, qui selon les termes de la délibération litigieuse est uniquement institué pour " encourager et accompagner les communes dans la valorisation de leur territoire " et leur permettre de financer une partie des dépenses d'investissement de leurs équipements propres, qui n'incluent pas ceux ayant trait à l'exercice des compétences " eau " et " assainissement " exercées à titre exclusif par la communauté de communes. Au demeurant, celle-ci ne peut obtenir de ses communes membres des participations, même volontaires, au financement de travaux ou d'opérations relevant de ses compétences, aucune disposition du code général des collectivités territoriales n'imposant par ailleurs le transfert du solde du budget communal ayant trait aux compétences " eau " et " assainissement " lorsque celles-ci sont transférées à un établissement public de coopération intercommunale. Ainsi, le critère d'éligibilité précité du fonds de concours étant manifestement sans lien avec l'objet de ce fonds, la délibération litigieuse et le règlement instaurant le fonds de concours méconnaissent les dispositions du V de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes du Pays du Coquelicot n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé l'annulation de la délibération n° 24 du 28 juin 2021 portant création d'un nouveau fonds de concours ainsi que le règlement qu'elle approuve au motif qu'ils méconnaissent les dispositions du V de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761 font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Miraumont, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande la communauté de communes du Pays du Coquelicot au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Miraumont la somme demandée par la communauté de communes au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la communauté de communes du Pays du Coquelicot est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Miraumont sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes du Pays du Coquelicot et à la commune de Miraumont.
Délibéré après l'audience publique du 8 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2024.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne au préfet de la Somme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Anne-Sophie Villette
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N°23DA02237