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25/09/2024 | FRANCE | N°23DA00305

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 25 septembre 2024, 23DA00305


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Clinique Jules Verne a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler cinq titres de recettes émis à son encontre par le directeur général du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille, de la décharger de la somme globale de 234 030,60 euros et d'ordonner la restitution des sommes prélevées par le CHRU de Lille dans le cadre du recouvrement forcé de ces titres.



Par un jugement n° 2000418 d

u 27 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a déchargé la société Clinique Jules Verne du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Clinique Jules Verne a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler cinq titres de recettes émis à son encontre par le directeur général du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille, de la décharger de la somme globale de 234 030,60 euros et d'ordonner la restitution des sommes prélevées par le CHRU de Lille dans le cadre du recouvrement forcé de ces titres.

Par un jugement n° 2000418 du 27 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a déchargé la société Clinique Jules Verne du paiement de la somme de 6 250,50 euros mise à sa charge par le titre n° 2229053 du 31 décembre 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire, un mémoire ampliatif et un mémoire, enregistrés les 20 février, 30 mars 2023 et 12 janvier 2024, la société Clinique Jules Verne, représentée par Me Moulin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à ses conclusions à fin d'annulation des titres de recettes émis par le CHRU de Lille et de décharge des sommes contestées ;

2°) d'annuler :

- le titre n° 2229053 émis le 31 décembre 2018 aux fins de recouvrement d'une somme de 204 317,10 euros ;

- le titre n° 2298681 émis le 22 janvier 2019 aux fins de recouvrement d'une somme de 8 270,10 euros ;

- le titre n° 1114177 émis le 14 mars 2019 aux fins de recouvrement d'une somme de 4 511,70 euros ;

- le titre n° 1207539 émis le 5 avril 2019 aux fins de recouvrement d'une somme de 12 031,20 euros ;

- le titre n° 1373462 émis le 13 mai 2019 aux fins de recouvrement d'une somme de 4 900,50 euros ;

3°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes en litige ;

4°) d'ordonner la restitution des sommes prélevées par le CHRU de Lille dans le cadre du recouvrement forcé de ces titres ;

5°) de mettre à la charge du CHRU de Lille le paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- les premiers juges ont inversé la charge de la preuve en estimant que le CHRU de Lille pouvait lui demander le paiement des actes, sans exiger de l'établissement la production des éléments lui permettant de la désigner comme étant l'établissement prescripteur ;

- ils ont commis une erreur de droit en considérant que la circulaire du 23 décembre 2009 trouvait à s'appliquer à défaut d'avoir été explicitement abrogée par la circulaire du 31 juillet 2015 pour les actes réalisés jusqu'au 31 décembre 2016 et que la circulaire du 16 avril 2018 était applicable aux actes réalisés à partir du 1er janvier 2017 ;

- les mentions portées sur les titres de recette attaqués en ce qui concerne les bases de liquidation des créances sont insuffisantes ;

- les actes réalisés entre le 5 avril 2011 et le 31 décembre 2013 ne pouvaient plus faire l'objet d'un titre de recette à la date des titres litigieux, la prescription d'assiette étant acquise ;

- les titres contestés sont entachés d'une erreur de droit en tant qu'elle n'est pas redevable des créances litigieuses eu égard aux modifications des règles de financement des actes hors nomenclature issues de la circulaire n° DHOS/F4/2009/387 du 23 décembre 2009 établissant les règles de facturation par l'instruction n° DGOS/PF4/2015/258 du 31 juillet 2015 et alors que l'instruction n° DGOS/PF4/DSS/1A/2018/101 du 16 avril 2018 n'a trait qu'aux actes réalisés à compter du 23 avril 2018 ;

- il appartient au seul CHRU de Lille de prendre en charge le montant des analyses en cause dans le cadre des dotations qui lui sont attribuées ;

- elle n'a pas prescrit les analyses réalisées que les titres exécutoires litigieux ont pour objet de recouvrer ;

- les titres exécutoires ont été édictés en méconnaissance des dispositions de l'article R. 162-17 du code de la sécurité sociale imposant la transmission des tarifs par le laboratoire effecteur préalablement à la réalisation des actes.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 juillet 2023 et 20 février 2024, le CHRU de Lille, représenté par la SELARL Yahia avocats, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de la clinique Jules Verne le paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête sommaire est insuffisamment motivée et que le mémoire ampliatif a été enregistré le 30 mars 2023, au-delà du délai d'appel qui expirait le 27 février 2023, de sorte que la requête de la clinique Jules Verne doit être rejetée pour irrecevabilité ;

- les conclusions dirigées contre le titre de recette n° 2229053 émis le 31 décembre 2018 sont irrecevables en raison de leur tardiveté dès lors qu'elles n'ont pas été présentées dans un délai raisonnable d'un an ;

- les moyens soulevés par l'appelante ne sont fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- l'arrêté du 13 mars 2009 pris pour l'application de l'article D. 162-8 du code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 21 mars 2013 pris pour l'application de l'article D. 162-8 du code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 30 avril 2015 fixant la liste des structures, des programmes, des actions, des actes et des produits financés au titre des missions d'intérêt général mentionnées aux articles D. 162-6 et D. 162-7 du code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 28 juin 2016 fixant la liste des structures, des programmes, des actions, des actes et des produits financés au titre des missions d'intérêt général mentionnées aux articles D. 162-6 et D. 162-7 du code de la sécurité sociale ainsi que la liste des missions d'intérêt général financées au titre de la dotation mentionnée au IV de l'article 78 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 ;

- l'arrêté du 4 mai 2017 fixant la liste des structures, des programmes, des actions, des actes et des produits financés au titre des missions d'intérêt général mentionnées aux articles D. 162-6 et D. 162-7 du code de la sécurité sociale, ainsi que la liste des missions d'intérêt général financées au titre de la dotation mentionnée à l'article L. 162-23-8 ;

- l'arrêté du 23 juillet 2018 fixant la liste des structures, des programmes, des actions, des actes et des produits financés au titre des missions d'intérêt général mentionnées aux articles D. 162-6 et D. 162-7 du code de la sécurité sociale, ainsi que la liste des missions d'intérêt général financées au titre de la dotation mentionnée à l'article L. 162-23-8 ;

- l'arrêté du 18 juin 2019 fixant la liste des structures, des programmes, des actions, des actes et des produits financés au titre des missions d'intérêt général mentionnées aux articles D. 162-6 et D. 162-7 du code de la sécurité sociale, ainsi que la liste des missions d'intérêt général financées au titre de la dotation mentionnée à l'article L. 162-23-8 ;

- la circulaire n° DHOS/F4/2009/387 du 23 décembre 2009 ;

- l'instruction n° DGOS/PF4/2015/258 du 31 juillet 2015 ;

- l'instruction n° DGOS/PF4/DSS/1A/2018/101 du 16 avril 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vandenberghe, rapporteur,

- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rousseau, représentant le CHRU de Lille.

Considérant ce qui suit :

1. La société Clinique Jules Verne exploite un établissement de santé pluridisciplinaire comprenant notamment un pôle ophtalmologique traitant les maladies rares. Par les titres de recettes n° 2229053, 2298681, 1114177, 1207539 et 1373462, émis respectivement le 31 décembre 2018, le 22 janvier 2019, le 14 mars 2019, le 5 avril 2019 et le 13 mai 2019 à l'encontre de cette société, le directeur général du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille a mis en recouvrement la somme globale de 234 030,60 euros correspondant au coût d'analyses biologiques effectuées par le laboratoire du centre hospitalier. Le 10 janvier 2020, le CHRU de Lille a procédé à l'exécution d'office partielle de ces titres à hauteur de la somme de 116 608,38 euros par une saisie administrative à tiers-détenteur. Par un jugement n° 2000418 du 27 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a déchargé la clinique Jules Verne du titre n° 2229053 du 31 décembre 2018 à hauteur de la somme de 6 250,50 euros, au motif que la clinique n'est pas l'établissement prescripteur des analyses biologiques. La société Clinique Jules Verne relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ". Aux termes de l'article R. 612-5 du même code : " Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n'a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l'envoi ou, dans les cas mentionnés au second alinéa de l'article R. 611-6, n'a pas rétabli le dossier, il est réputé s'être désisté. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la société Clinique Jules Verne a présenté le 20 février 2023 une requête qui, bien qu'étant sommaire, contient l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge, et répond aux exigences de motivation posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. En outre, le mémoire ampliatif de la clinique a été enregistré le 30 mars 2023, dans le délai d'un mois suivant la mise en demeure qui lui a été faite le 1er mars 2023. Ainsi, la requête remplit les conditions posées par l'article R. 612-5 du code de justice administrative, sans qu'ait d'incidence le fait que ce mémoire ampliatif a été enregistré au-delà du délai d'appel. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le CHRU de Lille doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Si la société requérante soutient de manière sommaire que le tribunal a insuffisamment motivé son jugement eu égard aux arguments exposés à l'appui de ses moyens, il résulte des énonciations du jugement du 27 décembre 2022 que le tribunal administratif de Lille a examiné les moyens soulevés par la SAS Clinique Jules Verne et y a répondu par une motivation exhaustive et par suite suffisante. Dès lors, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.

5. En second lieu, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en ne faisant pas reposer la charge de la preuve de l'identification de l'établissement prescripteur sur le seul CHRU Lille est inopérant. En outre, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient fait application d'une circulaire abrogée et une interprétation erronée d'instructions ministérielles en ce qui concerne notamment leur champ d'application dans le temps se rattache au bien-fondé du jugement et n'affecte pas sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée aux conclusions aux fins d'annulation et de décharge présentées à l'encontre du titre n° 2229053 du 31 décembre 2018 :

6. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. S'agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance.

7. Il ne résulte pas de l'instruction que le titre de recette n° 2229053 du 31 décembre 2018 établi en vue du recouvrement de la somme de 234 030,60 euros a été notifié à la société Clinique Jules Verne. A l'appui de sa fin de non-recevoir, le CHRU de Lille fait valoir que ce titre, qui ne comporte pas la mention des voies et délais de recours, a été mis à disposition de la société par le biais de l'application informatique de gestion comptable et financière " Hélios " le 31 décembre 2018 et qu'elle a ainsi pu en prendre connaissance dès son édiction. Toutefois, il ne l'établit pas en se bornant à produire une capture d'écran de cette application, les seules mentions portées sur ce document ne permettant pas de caractériser l'existence de la remise effective d'une information à la société requérante quant à l'existence de l'acte attaqué ni même la date à laquelle elle aurait pris connaissance du contenu de cette application. La société Clinique Jules Verne fait quant à elle valoir qu'elle n'a eu connaissance de l'existence de ce titre qu'à partir du 10 janvier 2020, date à laquelle le CHRU de Lille a fait procéder à une saisie des sommes sur son compte bancaire par avis à tiers détenteur. Dès lors, le délai raisonnable d'une année n'était pas expiré lorsque l'appelante a saisi le tribunal administratif de Lille le 16 janvier 2020. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le CHRU de Lille tirée de la tardiveté des conclusions aux fins d'annulation et de décharge présentées à l'encontre du titre n° 2229053 du 31 décembre 2018 doit être écartée.

En ce qui concerne le bien-fondé des titres de recettes :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ".

9. La société Clinique Jules Verne soutient pour la première fois en appel que les créances afférentes aux actes réalisés entre le 5 avril 2011 et le 31 décembre 2013 étaient, à la date des titres exécutoires litigieux, prescrites et ne pouvaient dès lors plus être recouvrées. Si les analyses biologiques réalisées par le laboratoire du CHRU de Lille le 31 décembre 2013 pouvaient faire l'objet d'une facturation le 31 décembre 2018 par le titre n° 2229053, il résulte des écritures même du centre hospitalier qu'un acte n° ST 1227 a été accompli le 5 avril 2011. Cette prestation ne pouvait donc faire l'objet d'un titre de recette que jusqu'au 31 décembre 2016 et, à la date des titres contestés, la créance relative à cette prestation était atteinte par la prescription quinquennale de droit commun. Dès lors, la société requérante doit être déchargée de l'obligation de payer la somme se rattachant à cet acte du 5 avril 2011 et le titre de recettes correspondant doit être annulé dans cette mesure. En revanche, la société requérante n'établit pas que le CHRU de Lille lui aurait réclamé le paiement d'autres prestations qui seraient prescrites.

10. En deuxième lieu, il résulte de l'article L. 6211-21 du code de la santé publique que les examens de biologie médicale sont facturés au tarif des actes de biologie médicale fixé en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1 du code de la sécurité sociale. L'article L. 162-1-7 de ce code subordonne le remboursement par l'assurance maladie de ces actes à leur inscription à la nomenclature de la sécurité sociale. Les dispositions des articles L. 162-22-13 et D. 162-6 du même code prévoient en outre que peuvent être financées par la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC), notamment, les dépenses des établissements de santé correspondant aux missions d'intérêt général d'enseignement, de recherche, de rôle de référence et d'innovation (MERRI). L'article D. 612-8 de ce code prévoit par ailleurs que la liste des structures, des programmes et des actions ainsi que des actes et produits pris en charge par cette dotation nationale est fixé par un arrêté. Les arrêtés pris en application des dispositions de ce dernier article, les 13 mars 2009, 21 mars 2013, 30 avril 2015, 28 juin 2016, 4 mai 2017, 23 juillet 2018 et 18 juin 2019 et visés-dessus, mentionnent ainsi parmi les actes pouvant être pris de la dotation versée dans le cadre des MERRI G03, les actes de biologie non inscrit sur la liste prévue par les dispositions précitées de l'article L. 162-1-7 du même code ou aux nomenclatures. Par suite, hormis, l'hypothèse d'un autre financement prévu par un texte réglementaire ou législatif, les actes de biologie réalisés hors nomenclature ou inscrits dans le référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN) sont financés par le biais de la dotation MERRI G03. Il résulte enfin des termes de la circulaire DGOS/F4/2009/387 du 23 décembre 2009 qu'en ce qui concerne les actes de biologie moléculaire hors nomenclature sollicités pour des patients hospitalisés dans un établissement qui n'est pas l'établissement exécutant ces actes, ce dernier doit les facturer à l'établissement demandeur. L'instruction DGOS/PF4/DSS/1A/2018/101 du 16 avril 2018 a abrogée cette circulaire tout en disposant que " Dans le cas où l'acte est prescrit et réalisé dans des établissements de santé distincts, si les actes hors nomenclatures prescrits sont éligibles au financement par la dotation au titre de la mission G03 tel que détaillé au paragraphe 2.b de la présente instruction, l'établissement prescripteur peut demander un financement. Cette demande de financement est effectuée à l'aide du logiciel dédié de remontée de l'activité. L'établissement qui a réalisé tout ou partie d'une ou plusieurs phases de l'acte pour l'établissement prescripteur - dit établissement effecteur - peut adresser une facture à l'établissement prescripteur pour couvrir les coûts de réalisation de la ou des phase(s) de l'acte effectuées dans son établissement, sur la base des valorisations indicatives figurant sur les listes publiées sur le site du ministère chargé de la santé. "

11. D'une part, il résulte de l'instruction que les actes ayant donné lieu aux créances litigieuses sont des actes de biologie moléculaire hors nomenclature ou inscrits dans le RIHN et qu'ils ont été réalisés au cours de la période allant du 5 avril 2011 au 31 mars 2019. Il résulte en outre de l'instruction que les analyses biologiques ont été commandées au CHRU de Lille par le docteur A... B..., ophtalmologiste, qui recevait en consultation des patients dans les locaux de la clinique Jules Verne et de la clinique Sourdille de Nantes. Les actes dénommés " Consentement et attestation de consultation pour une étude des caractéristiques génétiques " qui retracent les prescriptions des actes de biologie ayant donné lieu aux créances encore en litige devant la cour désignent ainsi de manière systématique ce praticien comme le " service et médecin ophtalmologiste demandeur " tout en mentionnant les coordonnées de la clinique requérante ainsi que de celles de la clinique Sourdille. Si le docteur B... a par ailleurs conclu avec la société requérante un contrat d'exercice libéral non exclusif le 1er février 2016, il ne résulte cependant pas de l'instruction et notamment des seuls extraits produits de ce contrat que les prescriptions en cause ont été ordonnées dans ce cadre. Dans ces circonstances, la société Clinique Jules Verne doit être regardée comme étant l'établissement de santé prescripteur au sens et pour l'application des dispositions régissant le financement de ces actes de biologie et d'anatomopathologie hors nomenclatures.

12. D'autre part, il résulte des dispositions mentionnées au point 10 que l'établissement qui effectue les actes biologiques dispose de la faculté de les facturer à l'établissement prescripteur, dans le cas où, comme en l'espèce, les deux établissements sont distincts. La société requérante soutient que l'instruction du DGOS/PF4 n° 2015-258 du 31 juillet 2015 relative aux modalités d'identification, de recueil des actes de biologie médicale et d'anatomocytopathologie hors nomenclature éligibles au financement au titre de la MERRI G03 a remis en cause les règles de facturation prévues par la circulaire du 23 décembre 2009. Cette instruction comporte un point 4 relatif à la déclaration des volumes d'activité pour les actes hors nomenclature éligibles au financement MERRI G03 qui dispose notamment que " en termes de comptabilisation des actes dans le recueil, l'établissement qui exécute les actes pour ses besoins internes ou à la demande d'un autre établissement public est le seul à pouvoir les comptabiliser dans le recueil ; afin d'éviter une double comptabilisation, l'établissement demandeur ne les recensera donc pas. ". Si cette instruction indique que l'établissement qui exécute les actes de biologie est le seul à pouvoir les comptabiliser dans le recueil, elle ne trouve cependant à s'appliquer suivant ses termes mêmes que lorsque l'établissement prescripteur est un établissement public de santé. Elle ne comporte par ailleurs aucune disposition relative à la facturation des actes à des établissement prescripteurs autres que publics qui abrogerait les règles de facturation établies par la circulaire du 23 décembre 2009 mentionnées ci-dessus et qui ne l'ont été que par l'instruction du 16 avril 2018 ainsi qu'il a déjà été dit. Ainsi, cette instruction du 31 juillet 2015 n'a pas modifié les règles de facturation prévues par la circulaire du 23 décembre 2009 et le CHRU de Lille, en sa qualité d'établissement ayant effectué les analyses, était fondé à réclamer à la société Clinique Jules Verne le paiement des actes biologiques réalisés à sa demande. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que le CRHU aurait bénéficié d'une dotation en vue du financement des actes qu'il a par ailleurs facturés à la société requérante. Par suite, les moyens afférents doivent être écartés.

13. En dernier lieu, les dispositions des articles L. 6211-19 du code de la santé publique et R. 162-17 du code de la sécurité sociale ne conditionnent pas la réalisation d'un examen de biologie médicale non remboursé par un laboratoire de biologie médicale autre que celui qui a réalisé le prélèvement de l'échantillon à la transmission préalable du tarif de l'examen. La circonstance que la société Clinique Jules Verne n'ait pas été préalablement informée du tarif des prestations réalisées par le CHRU de Lille est dès lors sans incidence et le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la régularité des titres de recettes :

14. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

15. En l'espèce, si les titres de recette contestés ne mentionnent de manière sommaire qu'un numéro et un type d'analyse, ils font chacun référence à un état d'actes dont il n'est pas sérieusement contesté qu'ils leur ont été joints. Il résulte par ailleurs de l'instruction que les états d'actes joints aux titres exécutoires n° 2229053 et 2298681 comportent une date, un code de nomenclature, une quantité, une cotation et le tarif de l'acte. En ce qui concerne les titres n°1114177, 1207539 et 1373462, ont été joints outre l'état des actes demandés recensant la nature des analyses commandées ainsi que leur montant, un document mentionnant le nom des patients concernés ainsi que le libellé de l'acte réalisé. Eu égard à la teneur de ces éléments et quand bien même les dates de réalisation des actes biologiques en cause ne sont pas mentionnées, la société requérante a été régulièrement informée des bases et éléments de calcul des créances en cause. Par suite, le moyen doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société clinique Jules Verne est seulement fondée à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 2229053 du 31 décembre 2018 en tant qu'il recouvre la créance correspondant à l'acte n° ST 1227 et à la décharge de l'obligation de payer la somme afférente.

Sur la restitution :

17. Le présent arrêt, qui fait droit à la demande de décharge de l'obligation de payer la somme relative à l'acte n° ST 1227 du 5 avril 2011 sollicitée par la clinique Jules Vernes, implique nécessairement que la cour enjoigne au CHRU de Lille de restituer la somme correspondant à cette créance, sous réserve que la société requérante s'en soit d'ores et déjà acquittée.

Sur les frais liés au litige :

18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La société Clinique Jules Verne est déchargée de l'obligation de payer la somme relative à l'acte n° ST 1227 du 5 avril 2011 et le titre de recette n° 2229053 du 31 décembre 2018 est annulé dans cette mesure.

Article 2 : Il est enjoint au CHRU de Lille de restituer à la société Clinique Jules Verne la somme relative à l'acte n° ST 1227, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve que la société a déjà réglé cette somme.

Article 3 : Le jugement n° 2000418 du 27 décembre 2022 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par le CHRU de Lille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Clinique Jules Verne et au centre hospitalier régional universitaire de Lille.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord et au trésorier du centre hospitalier régional universitaire de Lille.

Délibéré après l'audience publique du 10 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2025.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA00305


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00305
Date de la décision : 25/09/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : YAHIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-25;23da00305 ?
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