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18/09/2024 | FRANCE | N°23DA02220

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 18 septembre 2024, 23DA02220


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2023 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2308205 du

27 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2023 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2308205 du 27 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés le 30 novembre 2023 et le 15 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Zaïri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 octobre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet du Nord a omis de procéder à un examen sérieux de sa situation avant de décider son éloignement ;

- le préfet a méconnu les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire est illégale, par voie d'exception, en conséquence de l'illégalité dont la mesure d'éloignement est entachée ;

- le préfet du Nord a omis de procéder à un examen sérieux de sa situation avant de refuser d'accorder ce délai ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- cette décision est illégale, par voie d'exception, en conséquence de l'illégalité dont la mesure d'éloignement est entachée ;

- le préfet du Nord a omis de procéder à un examen sérieux de sa situation avant de fixer le pays de renvoi ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour est insuffisamment motivée ;

- elle est disproportionnée.

La requête a été communiquée au préfet du Nord qui n'a pas présenté d'observations.

Par une ordonnance du 13 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 2 juillet 2024, à 12 heures.

Par une décision du 21 mars 2024, le demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... a été rejetée pour caducité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., né le 7 février 2005 en Palestine, déclare être entré irrégulièrement en France en 2019 au plus tôt. Interpellé au cours d'une opération de police, il a fait l'objet, le 17 septembre 2023, d'un arrêté du préfet du Nord l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement du 27 octobre 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, M. A... réitère en appel, sans apporter aucun élément nouveau, ses moyens tirés, d'une part, d'une insuffisante motivation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, de la décision fixant le pays de renvoi et de l'interdiction de retour, et, d'autre part, d'un défaut d'examen de sa situation par le préfet du Nord. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par la magistrate désignée aux points 6, 7, 12, 13, 18, 19, 25 et 26 de son jugement.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., âgé de dix-huit ans à la date de l'arrêté contesté, était mineur lorsqu'il est entré de façon irrégulière en France, pays dans lequel il a déclaré résider depuis trois ou quatre ans lors de son audition par les services de police. Toutefois, ainsi que l'a relevé la magistrate désignée, cette seule circonstance ne permet pas d'établir qu'il a fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux sur le territoire français, alors en outre qu'il n'a jamais cherché à faire régulariser sa situation. M. A... n'apporte aucun élément de nature à justifier d'attaches particulières sur le territoire français, notamment la relation alléguée devant la magistrate désignée avec une ressortissante française. L'intéressé, qui ne produit aucune pièce indiquant une insertion dans la société française, ne démontre pas non plus être totalement isolé dans les territoires relevant de l'autorité palestinienne. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

6. M. A... soutient qu'il craint, en cas de retour en Palestine et, plus particulièrement dans la bande de Gaza, d'être exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à sa situation de jeune majeur isolé et aux conditions de vie dans ce territoire. Si le requérant, qui a produit en première instance un rapport d'Amnesty International sur la situation des droits humains dans le monde pour la période 2022/2023, soutient que la situation à Gaza se caractérise par une dégradation importante des conditions de sécurité, liée au terrorisme, et que les opérations militaires menées actuellement par l'armée israélienne contre l'organisation du Hamas rendent impossible toute perspective de retour, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'au 17 septembre 2023, date de l'arrêté contesté, M. A..., qui a seulement déclaré devant les services de police être isolé et dépourvu de domicile dans sa ville de provenance, aurait été personnellement exposé à des traitements inhumains et dégradants dans la bande de Gaza dont il dit être originaire, ou qu'il serait soumis à de tels traitements en cas de retour dans les territoires relevant de l'autorité palestinienne. Ainsi que l'a relevé la magistrate désignée, le déclenchement en octobre 2023, postérieurement à l'édiction de l'arrêté contesté, d'un conflit armé de très forte intensité entre l'organisation du Hamas associé à d'autres groupes armés et l'Etat d'Israël, est sans incidence sur la légalité de celui-ci quand bien même cette circonstance est de nature à faire obstacle à l'exécution d'une mesure d'éloignement à destination de la bande de Gaza. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes raisons, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord a commis une erreur d'appréciation en fixant le pays de renvoi.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

8. Ainsi qu'il a été dit plus haut, M. A... ne justifie pas avoir fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux sur le territoire français et n'a jamais cherché à obtenir la régularisation de sa situation. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté qu'il est très défavorablement connu des services de police pour des faits de vol, recel, détention de stupéfiants, violence dans un moyen de transport collectif, vol en réunion, qui ont été commis sur un temps très court, entre janvier 2022 et mars 2023. Le préfet du Nord a pris l'arrêté contesté à la suite de l'interpellation de M. A... et de son placement en garde-à-vue pour des faits de détention de produits stupéfiants et de port d'armes prohibé. Par suite, le préfet du Nord n'a commis aucune erreur d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en interdisant le retour de M. A... sur le territoire français pour une durée de trois ans. Si le requérant fait état de la situation actuelle dans la bande de Gaza, cette circonstance étrangère aux critères prévus à l'article L. 612-10 n'est pas de nature à révéler, eu égard à ce qui a été dit au point 6, que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une interdiction de retour sur la situation de M. A....

9. En dernier lieu, M. A... n'établit pas, eu égard notamment à ce qui a été dit aux points 2 et 4, que la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait illégale. Il n'est donc pas fondé à se prévaloir de la prétendue illégalité de cette décision pour soutenir que, par voie d'exception, les décisions refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi seraient elles-mêmes illégales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Zaïri.

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 3 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 septembre 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M.-P. ViardLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

2

N° 23DA02220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02220
Date de la décision : 18/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : ZAIRI

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-18;23da02220 ?
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