Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B... épouse A... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les arrêtés du 12 janvier 2023 par lesquels la préfète de l'Oise leur a refusé la délivrance de titres de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils doivent être éloignés.
Par un jugement n° 2300499-2300500 du 9 mai 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 juin 2023 et 16 février 2024, Mme et M. A..., représentés par Me Christelle Monconduit, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés du 12 janvier 2023 de la préfète de l'Oise ;
3°) d'enjoindre à tout préfet territorialement compétent, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, de leur délivrer les titres de séjour qu'ils sollicitent ou, subsidiairement, de procéder à un réexamen de leurs demandes, en leur remettant, dans l'attente et dans un délai de sept jours, une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les arrêtés attaqués sont entachés d'un défaut d'examen dès lors que, si la préfète a retenu que leurs précédents titres de séjour ont été obtenus par fraude, elle n'a pas examiné si le second contrat de travail conclu par Mme A... leur aurait permis d'obtenir les mêmes titres ;
- ils méconnaissent les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 dès lors que Mme A... justifie de plus de trois années de séjour régulier en France ainsi que de moyens d'existence suffisants ;
- ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que c'est uniquement en raison de problèmes de santé indépendants de sa volonté que Mme A... n'a pu occuper le poste qu'elle avait présenté à l'appui de sa demande de visa de long séjour, qu'elle ignorait qu'elle devait informer l'administration de tout changement dans ses conditions d'emploi, qu'elle n'avait pas à le faire au moment du retrait de la carte de séjour " passeport talent " qui lui avait été attribuée et que le nouveau contrat qui lui a été proposé est équivalent au précédent et permettait aussi de bénéficier du même titre de séjour ;
- ils méconnaissent les articles L. 421-13 et L. 421-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le contrat de travail de Mme A... remplit les conditions régissant la délivrance du " passeport talent - salarié en mission " ;
- ils sont entachés d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 dès lors que M. A... justifiait de deux promesses d'embauche, que la situation de l'emploi ne lui était pas opposable, que l'employeur respecte la réglementation, que la rémunération proposée satisfait aux minimums requis et qu'il avait joint à sa demande de titre de séjour l'ensemble des éléments permettant d'instruire la demande d'autorisation de travail ;
- ils sont entachés d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de leur entrée régulière sur le territoire français, de leur durée de séjour en France, de leur insertion professionnelle, de la présence à leur côté de la fille de Mme A... née d'une précédente union qui est scolarisée et de la présence des quatre frères de Mme A... ;
- ils sont entachés d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que la fille de Mme A... née d'une précédente union est entrée en France à l'âge de deux ans et demi et n'a jamais vécu en Tunisie, qu'elle a fait toute sa scolarité en France, qu'elle ne parle que le français et ne pourrait pas poursuivre sa scolarité en Tunisie où l'instruction se fait uniquement en langue arabe et qu'un déracinement soudain lui serait particulièrement préjudiciable ;
- ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de leurs effets disproportionnés sur leurs situations et celle de la fille de Mme A....
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2023, la préfète de l'Oise conclut au rejet de la requête d'appel de Mme et M. A....
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance en date du 21 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 mars 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
- l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie, et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,
- et les observations de Me Stephany Sun-Troya, représentant Mme et M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... B..., née le 31 décembre 1974, de nationalité tunisienne, est entrée en France le 5 janvier 2019 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " Passeport talent - salarié en mission " et a, en cette même qualité, été mise en possession d'un titre de séjour valable jusqu'au 4 janvier 2023. Le 2 septembre 2020 en Tunisie, elle s'est mariée à M. C... A..., né le 5 janvier 1971, de nationalité tunisienne. Celui-ci est entré en France le 16 octobre 2020 sous couvert d'un visa de long séjour délivré en qualité de membre de famille du titulaire d'un " Passeport talent - salarié en mission " et a été mis en possession d'un titre de séjour portant la mention " Passeport talent (famille) " valable jusqu'au 4 janvier 2023. A l'approche de la date d'expiration de leurs titres de séjour, Mme B... épouse A... a sollicité la délivrance d'une carte de résident en application des stipulations de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ou le renouvellement de son " Passeport talent - salarié en mission " ou la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en application des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... a, quant à lui, sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " en application des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ou le renouvellement de son " Passeport talent (famille) " ou la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en application des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des arrêtés du 12 janvier 2023, la préfète de l'Oise a refusé de faire droit à leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils doivent être éloignés. Mme et M. A... relèvent appel du jugement du 9 mai 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de l'Oise n'aurait, préalablement au prononcé des arrêtés attaqués, pas procédé à l'examen de la situation personnelle de Mme et M. A.... En particulier, contrairement à ce que ces derniers soutiennent, il ressort des termes mêmes des arrêtés attaqués que la préfète de l'Oise a tenu compte de l'emploi effectivement occupé par Mme A... à compter du 2 mai 2019 mais qu'elle a considéré qu'il " n'ouvr[ait] pas droit au bénéfice du titre ''passeport talent'' ". Le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués seraient entachés d'erreur de droit pour procéder d'un défaut d'examen doit, dès lors, être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction en vigueur à la date à la laquelle Mme A... a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour, aujourd'hui reprises à l'article L. 421-13 du même code : " La carte de séjour pluriannuelle portant la mention "passeport talent", d'une durée maximale de quatre ans, est délivrée, dès sa première admission au séjour : (...) 3° A l'étranger qui vient en France dans le cadre d'une mission entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe et qui justifie, outre d'une ancienneté professionnelle d'au moins trois mois dans le groupe ou l'entreprise établi hors de France, d'un contrat de travail conclu avec l'entreprise établie en France ; (...) Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. Il (...) détermine les seuils de rémunération dont les étrangers mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 8° et 9° doivent justifier. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 313-51 du même code, aujourd'hui reprises à l'annexe 10 : " Pour l'application du 3° de l'article L. 313-20, l'étranger présente en outre à l'appui de sa demande : 1° Un contrat de travail d'une durée supérieure à trois mois avec un employeur établi en France et justifiant d'une rémunération brute au moins égale à 1,8 fois le salaire minimum de croissance annuel. Les principaux éléments du contrat sont présentés dans un formulaire conforme au modèle fixé par arrêté du ministre chargé du travail ; (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 313-52, aujourd'hui reprises au dernier alinéa de l'article L. 421-13 : " La carte de séjour pluriannuelle délivrée sur le fondement du 3° de l'article L. 313-20 permet l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans le cadre de la mission ayant justifié la délivrance du titre de séjour ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, pour solliciter la délivrance d'un visa de long séjour portant la mention " Passeport talent - salarié en mission ", Mme A... s'est prévalue d'un contrat à durée déterminée pour un poste de responsable logistique rémunéré 3 500 euros bruts par mois, conclu le 2 janvier 2019 avec la société à responsabilité limitée Société de Distribution de Vêtements relevant du groupe Guerrida qui l'emploie depuis 2001 en Tunisie. Une fois entrée en France le 5 janvier 2019 sous couvert du visa lui ayant été délivré sur le fondement des éléments ainsi fournis, elle n'a toutefois jamais effectivement occupé ce poste et a conclu avec la même société, le 2 mai 2019, un contrat à durée indéterminée pour un poste de commerciale rémunéré 1 899,30 euros bruts par mois. Alors que le 22 mai 2019, soit postérieurement à la conclusion de son nouveau contrat, Mme A... s'est présentée auprès des services de la préfecture de l'Oise pour obtenir la délivrance du titre de séjour correspondant au visa de long séjour qui lui avait été délivré, elle n'a pas fait mention de ce changement de situation. Celui-ci n'a pas davantage été porté à la connaissance de l'administration dans le cadre des démarches effectuées en septembre et octobre 2020 par M. A... pour obtenir son visa de long séjour en qualité de membre de famille d'un titulaire d'un passeport talent.
5. Si Mme A... explique qu'elle n'a pas été mesure d'occuper le poste initialement envisagé en raison d'un syndrome d'apnée du sommeil avec ronchopathie, il ressort toutefois des documents médicaux qu'elle produit, notamment d'un certificat d'un pneumologue de la clinique du parc Saint-Lazare à Beauvais du 23 décembre 2019 et d'un certificat d'un médecin spécialisé en ORL et chirurgie cervico-faciale établi à Beauvais du 22 janvier 2020, que cette pathologie n'a été diagnostiquée qu'à la suite d'un examen réalisé le 20 décembre 2019, soit près de douze mois après son arrivée en France. Par ailleurs, aucun des éléments médicaux produits ne permet d'établir que la pathologie considérée n'était pas compatible avec le poste de responsable logistique envisagé initialement et que celui de commerciale finalement proposé à Mme A... le serait davantage.
6. En outre, contrairement à ce que soutient Mme A..., les deux postes ne peuvent être regardés comme équivalents alors qu'il ressort des termes mêmes des contrats conclus et des fiches de poste communiquées que l'emploi de responsable logistique relève du niveau 5 de la classification de la convention collective " commerces de détail non alimentaires " et justifie un revenu mensuel de 3 500 euros bruts et que l'emploi de commerciale relève, lui, du niveau 3 de la même classification et justifie une rémunération mensuelle de 1 899,30 euros bruts, près de deux fois inférieure. Si Mme A... se prévaut en outre de l'avantage en nature attaché à sa fonction, à savoir la mise à disposition d'une maison d'habitation, aucun justificatif n'est produit au soutien de l'évaluation à 1 800 euros par mois de cet avantage, qui n'est d'ailleurs mentionné ni sur ses fiches de paye, ni sur ses avis d'impôt sur les revenus. Il en résulte que la rémunération du contrat de travail conclu le 2 mai 2019 ne peut être regardée comme atteignant le seuil de 1,8 fois le SMIC prévu par les dispositions de l'article R. 313-51 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Contrairement à ce qu'elle soutient, ce contrat de travail n'aurait, dès lors, pas été de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " Passeport talent - salarié en mission ".
7. Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est sans erreur de droit ni erreur d'appréciation que la préfète de l'Oise a pu considérer que le projet d'embauche présenté par Mme A... revêtait un caractère frauduleux et avait uniquement pour objet de permettre la délivrance à elle-même et à ses proches de documents de séjour. Le moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié ". / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants tunisiens visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans. / Les autres ressortissants tunisiens ne relevant pas de l'article 1er du présent Accord et titulaires d'un titre de séjour peuvent également obtenir un titre de séjour d'une durée de dix ans s'ils justifient d'une résidence régulière en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence professionnels ou non, dont ils peuvent faire état et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. / Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix. Ils sont renouvelables de plein droit ".
9. D'une part, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 7 que Mme A... doit être regardée comme ayant obtenu le titre de séjour portant la mention " Passeport talent - salarié en mission " par fraude. Dès lors, elle ne pouvait être regardée comme justifiant d'une résidence régulière de trois ans au sens des stipulations du troisième alinéa de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et c'est sans erreur de droit ni d'appréciation que la carte de résident a pu lui être refusée. D'autre part, si M. A... s'est prévalu à l'appui de sa demande de titre de séjour d'un contrat intérimaire avec la société Randstad pour des fonctions de chauffeur de poids lourds, ni le formulaire de demande d'autorisation de travail fourni à l'appui de sa demande, ni aucun autre élément n'était de nature justifier de la durée d'engagement d'un an minimum prévu par les stipulations du premier alinéa de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. S'il se prévaut en outre d'une seconde promesse d'embauche du 23 janvier 2023 établie par la société Franke pour un poste d'agent logistique, celle-ci est postérieure à l'arrêté attaqué. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 doit être écarté en ses deux branches.
10. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 7 que Mme A... doit être regardée comme ayant obtenu le titre de séjour portant la mention " Passeport talent - salarié en mission " par fraude et que son contrat à durée indéterminée conclu le 2 mai 2019 ne satisfait pas davantage aux conditions de rémunération lui permettant de bénéficier d'un tel titre de séjour. Il en résulte qu'elle n'était pas fondée à solliciter le renouvellement du titre de séjour dont elle a, ainsi, indûment bénéficié. Il en va de même de son époux dont le titre de séjour portant la mention " Passeport talent (famille) " n'était pas davantage justifié. Le moyen tiré de ce que la préfète de l'Oise aurait méconnu les dispositions des articles L. 421-13 et L. 421-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en leur refusant le renouvellement de leurs titres de séjour doit, dès lors, être écarté.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
12. Il ressort des pièces du dossier que Mme et M. A... sont présents en France depuis respectivement quatre ans et deux ans à la date des arrêtés attaqués alors qu'ils ont vécu la majeure partie de leur vie en Tunisie, jusqu'aux âges de 44 ans et 49 ans. Il résulte au demeurant de ce qui a été dit aux points 4 à 7 que c'est uniquement au bénéfice d'une fraude aux conditions d'entrée et de séjour en France qu'ils peuvent justifier d'une telle durée de présence sur le territoire. Outre la fille née d'une première union de Mme A..., dont ils n'ont pas vocation à être séparés, ils font état de la présence en France de quatre frères de Mme A..., sans justifier de l'intensité des liens qui les uniraient à eux, et n'établissent pas qu'ils seraient isolés en cas de retour en Tunisie, où résident notamment les deux enfants de M. A... nés d'une précédente union. Mme A..., qui a dissimulé la réalité des conditions de rémunération de ses activités professionnelles en France, n'établit pas qu'elle ne pourrait pas se réinsérer socialement et professionnellement dans son pays d'origine où elle disposait d'une situation professionnelle stable. Il en va de même de M. A... dont les activités professionnelles en France, réalisées uniquement en qualité d'intérimaire, demeurent en tout état de cause précaires et instables. Dans ces conditions, Mme et M. A... ne peuvent être regardés comme ayant établi le centre de leur vie privée et familiale sur le territoire et la préfète de l'Oise n'a pas méconnu leur droit au respect de leur vie privée et familiale en leur refusant la délivrance de titres de séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions visées au point précédent doit, dès lors, être écarté.
13. En sixième lieu, aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
14. Si Mme et M. A... se prévalent des effets que les arrêtés attaqués emportent sur la fille de Mme A..., née le 1er octobre 2015 d'une précédente union, ces arrêtés n'ont toutefois ni pour objet ni pour effet de la séparer d'eux. Compte tenu, d'une part, de son jeune âge et, d'autre part, de ce qu'elle était seulement scolarisée en classe de CE1 à la date des arrêtés attaqués, il n'est pas établi qu'elle ne puisse pas poursuivre sa scolarité en Tunisie et acquérir, le cas échéant, la pratique de la langue arabe. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit, dès lors, être écarté.
15. En septième lieu, compte tenu de tout ce qui a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que les arrêtés attaqués emporteraient, pour la situation de Mme et M. A..., des effets disproportionnés au regard des buts légitimes qu'ils poursuivent par ailleurs, notamment celui d'assurer le respect du droit de l'entrée et du séjour des étrangers en France. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit, dès lors, être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 12 janvier 2023 de la préfète de l'Oise. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme et M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... épouse A..., à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée à la préfète de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 9 juillet 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 août 2024.
Le rapporteur,
Signé : G. ToutiasLe président de la formation
de jugement,
Signé : M. E...
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
l'agent de greffe
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N°23DA01166