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10/07/2024 | FRANCE | N°24DA00212

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 10 juillet 2024, 24DA00212


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2209710 du 21 novembre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 1er février 2024, Mme A..., représentée par Me Emilie Dewaele, demande à la Cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2209710 du 21 novembre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er février 2024, Mme A..., représentée par Me Emilie Dewaele, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou à défaut de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêt et de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros à son avocate sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour elle de renoncer au bénéfice de la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- le préfet a omis de saisir préalablement la commission du titre de séjour prévue par l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, les décisions subséquentes octroyant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination doivent être annulées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2024, le préfet du Nord demande à la cour de rejeter la requête et s'en remet à ses écritures développées en première instance.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision 11 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante congolaise née le 3 novembre 1995, est entrée en France en 2012 à l'âge de seize ans et a été placée à l'aide sociale à l'enfance le 20 mars 2012. Elle s'est vu délivrer, le 6 décembre 2013, un titre de séjour en qualité d'étudiante renouvelé jusqu'au 5 décembre 2015. Le 13 août 2021, Mme A... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 19 septembre 2022, le préfet du Nord a rejeté sa demande et a assorti sa décision de refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme A... relève appel du jugement du 21 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par Mme A... a été examinée dans le cadre du dispositif de l'admission exceptionnelle au séjour et énonce les motifs de fait et de droit justifiant le refus de délivrance d'une carte de séjour temporaire et les décisions subséquentes l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure. Dès lors, l'arrêté attaqué est suffisamment motivé. Par suite, le moyen doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / (...) ". Aux termes de l'article L. 432-13 du même code : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ; / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles cités par le 1° et le 2° de cet article L. 432-13 et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.

4. Pour établir qu'elle réside habituellement en France depuis plus de dix ans, Mme A... fait valoir qu'elle est entrée sur le territoire national le 12 janvier 2012, qu'elle a bénéficié de titres de séjour en qualité d'étudiante jusqu'en 2015, et produit des bulletins de salaire des mois de février et septembre 2014, décembre 2015 et janvier 2016, une lettre de l'autorité préfectorale du 15 juin 2016 adressée à son avocate, une attestation d'un éducateur spécialisé du 31 janvier 2017, un avis d'impôt sur les revenus de l'année 2019 établi en 2022 et des documents de son employeur datés de l'année 2021. Néanmoins, Mme A... n'apporte pas d'élément pour justifier qu'elle a été présente sur le territoire français au cours des années 2018 à 2020. L'appelante ne justifiant pas résider habituellement en France depuis plus de dix années, le préfet du Nord n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre l'arrêté litigieux. Par suite, le moyen doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Mme A... fait valoir qu'elle réside en France depuis plus de dix années, dont deux années en séjour régulier, qu'elle a suivi une scolarité au cours de cette période lui permettant d'obtenir la délivrance d'un baccalauréat professionnel et qu'elle a une expérience professionnelle dans le domaine de l'interprétariat et du nettoyage dans un hôtel. Toutefois, comme il vient d'être dit au point 4, Mme A... ne justifie pas résider habituellement en France depuis dix années au moins. En outre, l'intéressée est célibataire sans enfant et ne justifie pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents. Compte tenu des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions du séjour de Mme A..., en refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale a procédé à un examen réel et sérieux de sa situation. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

7. En dernier lieu, les moyens dirigés contre le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français étant écartés, l'appelante ne saurait soutenir que les décisions octroyant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination seraient privées de base légale.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2022. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et, par voie de conséquence, celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Emilie Dewaele.

Copie en sera transmise au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de la formation

de jugement,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°24DA00212


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00212
Date de la décision : 10/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Baronnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : DEWAELE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-10;24da00212 ?
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