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10/07/2024 | FRANCE | N°23DA00554

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 10 juillet 2024, 23DA00554


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le groupe hospitalier de Seclin Carvin (GHSC) et/ou l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme totale de 154 912,07 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de la coloscopie réalisée le 9 octobre 2014 au sein de c

et établissement.



Par un jugement n° 2003779 du 25 janvier 2023, le tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le groupe hospitalier de Seclin Carvin (GHSC) et/ou l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme totale de 154 912,07 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de la coloscopie réalisée le 9 octobre 2014 au sein de cet établissement.

Par un jugement n° 2003779 du 25 janvier 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande, mais a mis à la charge du GHSC une somme de 1 000 euros au titre des dépens de l'instance.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 mars 2023 et 30 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Pascal Lenoir, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il lui est défavorable ;

2°) de condamner le GHSC et/ou l'ONIAM à lui verser la somme précitée de 154 912,07 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à leur charge une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- la perforation survenue au cours de la coloscopie exploratoire réalisée le 9 octobre 2014 au GHSC n'était pas inévitable et présente un caractère fautif ; en effet, l'examen aurait dû être interrompu dès lors qu'en raison d'une préparation colique insuffisante, la visibilité était réduite de 30 % ; en outre, il n'était porteur d'aucune anomalie susceptible d'avoir favorisé la perforation ; celle-ci résulte dès lors d'une maladresse ;

- le GHSC a commis une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service dès lors que l'intervention a été réalisée par un assistant spécialiste, qu'il n'est pas établi qu'il ait été supervisé par un médecin responsable et qu'il n'est pas davantage justifié qu'il disposait d'une expérience significative suffisante ;

- la poursuite de l'intervention, alors que la préparation colique n'était pas complète et que la visibilité était réduite de 30 %, présente par elle-même un caractère fautif et a majoré le risque de survenue d'une perforation ainsi que les conséquences de celle-ci ;

- la surveillance postopératoire a également été fautive et n'a pas permis de diagnostiquer la perforation et de la prendre en charge en temps et en heure ; il a été autorisé à quitter l'établissement malgré les douleurs qu'il présentait et sans avoir été vu par un médecin ; le dossier infirmier produit par le GHSC dans le cadre de l'instance est dépourvu de force probante ;

- la responsabilité fautive du GHSC est, dès lors, engagée ;

- à défaut, le dommage subi est indemnisable par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ; d'une part, il présente un caractère anormal dès lors que la probabilité qu'il survienne était faible, et en tout état de cause inférieure à 5 % ; d'autre part, le déficit fonctionnel permanent en résultant, incluant l'incontinence anale qui doit être regardée comme une conséquence dommageable à part entière de la perforation colique, doit être évalué à 26 % et remplit donc la condition de gravité ;

- il est fondé à solliciter, au titre de la réparation de ses préjudices, les indemnités suivantes : 12 532,07 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 20 000 euros au titre des souffrances endurées, 18 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 70 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 15 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, 4 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 5 000 euros au titre du préjudice sexuel, 9 380 euros au titre de l'assistance par une tierce personne temporaire et 1 000 euros au titre des frais d'assistance par un médecin-conseil.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2023, l'ONIAM, représenté par Me Olivier Saumon, conclut au rejet de la requête d'appel de M. A....

Il fait valoir que les préjudices subis par M. A... n'atteignent pas les seuils de gravité prévus par la législation et la réglementation applicables et, par suite, n'ouvrent pas droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale ; en particulier, le déficit fonctionnel permanent conservé par M. A... doit être évalué à 5 %, l'incontinence anale ne pouvant pas être prise en compte dès lors qu'elle n'est pas une conséquence du fait dommageable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2023, le GHSC, représenté par Me Jean-François Segard, conclut au rejet de la requête d'appel de M. A... et à ce qu'il soit mis à la charge de celui-ci une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais d'expertise.

Il fait valoir que :

- le fait que la perforation soit survenue au décours de la coloscopie et que M. A... ne présentait aucune fragilité à l'endroit de la perforation ne suffisent pas à établir l'existence d'une maladresse fautive du médecin, dès lorsqu'une coloscopie, même réalisée dans les règles de l'art, présente des risques connus de perforation colique ;

- un assistant spécialiste des hôpitaux est un médecin recruté sous statut contractuel ; il est titulaire d'un diplôme d'études spécialisées obtenu à l'issue de son internat et est qualifié pour réaliser des actes de diagnostic ou de soins ; le seul fait que M. A... ait été pris en charge par un assistant spécialiste n'est donc pas constitutif d'une faute dans l'organisation du service ;

- la poursuite de la coloscopie exploratoire malgré une préparation colique incomplète à l'origine d'une visibilité réduite de 30 % n'était, dans les données de la science médicale prévalant à la date de l'examen en litige, pas fautive et n'est en particulier pas à l'origine d'une majoration du risque de perforation colique ;

- contrairement à ce que soutient M. A..., il n'a signalé aucune douleur lors de la surveillance médicale à la suite de l'examen et c'est après avoir été vu par des médecins qu'il a été autorisé à quitter l'hôpital ; ceci est corroboré par le dossier infirmier qui a été versé au débat contradictoire dans le cadre de l'instance et dont la juridiction doit tenir compte ; le retard dans le diagnostic de la perforation colique et dans sa prise en charge n'est donc pas établi ;

- dès lors qu'il n'a commis aucune faute lors de la prise en charge de M. A..., sa responsabilité ne saurait être engagée.

Un mémoire du GHSC, enregistré le 22 décembre 2023, n'a pas été communiqué.

La requête et l'ensemble des pièces de la procédure ont été communiqués à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Artois, à laquelle M. A... est affilié, qui n'a pas produit de mémoire.

Par ordonnance du 5 décembre 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 22 décembre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Nicolas Drancourt, représentant le GHSC.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., né le 11 février 1957, a été hospitalisé en ambulatoire le 9 octobre 2014 au sein du groupe hospitalier Seclin Carvin (GHSC) afin de bénéficier d'une coloscopie et d'une gastroscopie exploratoires. Il a été autorisé à regagner son domicile le soir même mais a été orienté par son médecin traitant vers le service des urgences du même établissement le lendemain, en raison de douleurs abdominales et de symptômes évocateurs d'une péritonite. Les explorations chirurgicales réalisées le même jour ont mis en évidence une perforation de la jonction recto-sigmoïdienne de 5 centimètres, conduisant à la réalisation d'une intervention dite " de Hartmann " ainsi que d'une colostomie. M. A... a été autorisé à regagner son domicile le 24 octobre 2014. Il a été hospitalisé du 16 au 27 février 2015 au sein du service de chirurgie digestive du GHSC afin de bénéficier d'un rétablissement de continuité digestive consistant en la fermeture de la stomie et la restauration du tube digestif vers l'anus naturel. Il a été hospitalisé au sein des urgences du GHSC du 23 au 25 mars 2015 pour prise en charge chirurgicale d'une collection débutante sous-cicatricielle au niveau de la cicatrice de l'ancienne colostomie. Il a été hospitalisé du 18 au 23 mai 2016 au sein du service de chirurgie digestive de la polyclinique d'Hénin-Beaumont pour une cure d'éventration par reprise de la laparotomie médiane et mise en place d'une prothèse de renforcement pariétal. M. A... estime avoir conservé des douleurs abdominales ainsi que des troubles du transit, en particulier des diarrhées chroniques et une incontinence anale, conduisant à l'exclusion de nombreuses activités sociales.

2. Par ordonnance n° 1809931 du 18 février 2019, M. A... a obtenu du juge des référés du tribunal administratif de Lille l'organisation d'une expertise médicale. Le rapport d'expertise a été déposé le 17 avril 2019. Par courrier du 24 février 2020, réceptionné le 26 février suivant, M. A... a demandé au GHSC de l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des fautes qu'il a commises lors de la coloscopie du 9 octobre 2014 et qui sont à l'origine de la perforation colique ainsi que de l'ensemble des complications et séquelles en résultant. Le GHSC ayant opposé un refus à cette demande par un courrier du 12 mars 2020, il a saisi le tribunal administratif de Lille le 1er juin 2020 d'une requête à fin indemnitaire, tendant à la condamnation du GHSC et/ou de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme totale de 154 912,07 euros. Par son jugement du 25 janvier 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande mais, dans les circonstances de l'espèce, a mis les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le juge des référés, taxés et liquidés à la somme de 1 000 euros, à la charge du GHSC. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable et demande à la cour de l'annuler dans cette mesure et, par suite, de faire droit à ses conclusions indemnitaires. En défense, le GHSC et l'ONIAM concluent au rejet de la requête.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité du groupe hospitalier Seclin Carvin :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I.- Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le médecin ayant réalisé la coloscopie exploratoire au décours de laquelle est survenue la perforation colique dont M. A... a été victime exerçait au sein du GHSC en qualité d'" assistant spécialiste ". Ces termes désignent le statut juridique régi par les dispositions des articles R. 6152-501 et suivants du code de la santé publique et dont bénéficient des médecins recrutés par la voie contractuelle par les établissements publics de santé. Si ces dispositions placent ces médecins sous l'autorité hiérarchique d'un chef de service, elles n'ont en revanche ni pour objet ni pour effet, alors qu'ils sont en tout état de cause diplômés de médecine, de leur retirer leur autonomie dans la réalisation des actes de diagnostic ou de soins qui leurs sont confiés. La circonstance tirée de ce que l'assistant spécialiste ayant réalisé la coloscopie litigieuse n'aurait pas été directement supervisé par son supérieur hiérarchique ne caractérise donc pas par elle-même une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service. Également, il ne peut davantage, comme le fait à tort M. A..., être déduit de cette qualité que le médecin ayant réalisé la coloscopie ne justifierait pas des qualifications et d'une expérience suffisante, aucun élément de l'instruction ni le rapport d'expertise médicale du 17 avril 2019 ne permettant de conclure en ce sens. Dans ces conditions, il n'est pas établi que l'intervention aurait été réalisée dans des conditions de sécurité insuffisantes et que le GHSC aurait commis une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise médicale du 17 avril 2019, qu'une coloscopie, même réalisée dans les règles de l'art, comporte un risque de perforation colique qui se réalise avec une occurrence inférieure à un pour mille. Il s'ensuit, contrairement à ce que soutient M. A..., que la seule survenue d'une perforation, même d'origine traumatique et même en l'absence de prédisposition anatomique, ne suffit pas à faire présumer une maladresse fautive de l'opérateur. En l'espèce, l'expert a retenu que rien n'indique que les règles de bonne pratique et de prudence n'aient pas été respectées et qu'aucun élément ne plaide en faveur d'une erreur technique ou d'une maladresse du médecin opérateur. M. A... n'a, dans le cadre de l'instance, apporté aucun élément tangible permettant d'infirmer cette appréciation. En outre, s'il est constant qu'une préparation colique insuffisante est de nature à rendre la réalisation de la coloscopie plus difficile et à majorer les risques de complications, notamment infectieuses, en cas de survenue d'une perforation colique, il ne résulte ni de la documentation médicale citée par l'expert dans son rapport du 17 avril 2019, ni de celle produite par M. A... que cette circonstance serait par elle-même à l'origine d'une majoration substantielle du risque de perforation colique. De plus, il résulte également de l'instruction, notamment des comptes-rendus des interventions des 9 et 10 octobre 2014 reproduits par l'expert dans son rapport, d'une part, que la préparation colique insuffisante n'a été à l'origine d'une réduction de la visibilité de l'ordre de 30 % qu'au niveau du côlon droit et du côlon gauche et, d'autre part, que la perforation colique est survenue non pas à ces niveaux mais au niveau de la jonction recto-sigmoïdienne. Il s'ensuit que la circonstance tirée de ce que le médecin opérateur n'a pas interrompu l'examen dès que l'insuffisance de la préparation colique a été identifiée ne présente pas davantage par elle-même un caractère fautif. Dans ces conditions, aucune faute du médecin opérateur lors de la réalisation de la coloscopie n'est établie.

6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise médicale du 17 avril 2019 qui n'est sur ce point contesté par aucune partie, d'une part, que toute symptomatologie douloureuse à la suite de la réalisation d'une coloscopie doit immédiatement conduire à des vérifications pour écarter le diagnostic de perforation colique et, d'autre part, qu'un diagnostic et une prise en charge précoces d'une telle complication permettent d'éviter l'aggravation des lésions infectieuses, la réalisation d'actes de soins très délabrants et des séquelles. Il résulte toutefois également de l'instruction, notamment du dossier infirmier produit par le GHSC, dont la cour doit tenir compte bien qu'il n'ait pas été communiqué à l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Lille et dès lors qu'il a pu être contradictoirement débattu dans le cadre de la présente instance, que M. A... a bénéficié d'une surveillance médicale dans les suites immédiates de la coloscopie et qu'il n'a alors pas présenté une symptomatologie évocatrice d'une perforation colique. En particulier, le bulletin de sortie, qui est visé par le médecin ayant réalisé la coloscopie et le médecin anesthésiste et dont les mentions ne sont pas utilement infirmées par les seules assertions de M. A..., indique qu'il ne présentait alors aucun saignement, que ses signes vitaux étaient stables et que les douleurs avaient été calmées par antalgiques. Son score de Chung destiné à déterminer l'aptitude à la sortie est noté à 10 sur 10. Par ailleurs, il ne résulte pas davantage de l'instruction que, postérieurement à sa sortie, M. A... ait alerté les services du GHSC avant que ceux-ci prennent l'initiative de l'appeler le lendemain matin à 10h30 dans le cadre de leur procédure de suivi. Il ressort également de l'instruction, et il n'est pas contesté par M. A..., que, dès son retour aux urgences du GHSC le 10 octobre 2014, le diagnostic de la perforation colique et sa prise en charge ont été réalisés dans les meilleurs délais et conformément aux règles de l'art. Dans ces conditions, en l'absence d'une symptomatologie évocatrice au moment où M. A... était sous sa surveillance, aucun retard fautif ne peut être reproché au GHSC dans le diagnostic et la prise en charge de la perforation colique.

7. Il résulte de ce qui précède, dès lors qu'aucune des fautes qu'il invoque n'est établie, que M. A... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité pour faute du GHSC ni, par suite, à lui demander l'indemnisation de ses préjudices.

En ce qui concerne la solidarité nationale :

8. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ".

9. Aux termes de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence ".

10. Il résulte des dispositions précitées que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage. Également, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès.

11. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise médicale du 17 avril 2019, que M. A... a été victime, au décours d'une coloscopie exploratoire réalisée au sein du GHSC le 9 octobre 2014, d'une perforation de la jonction recto-sigmoïdienne. Elle a d'abord nécessité, le 10 octobre 2014, la réalisation d'une intervention de Hartmann et d'une colostomie puis, le 17 février 2015, un rétablissement de la continuité digestive. A la suite de l'apparition d'abcès sous-cicatriciels et d'éventrations avec tuméfactions, les cicatrices des laparotomies réalisées lors des précédentes interventions ont fait l'objet de reprises chirurgicales les 24 mars 2015 et 19 mai 2016. Ainsi qu'il a été dit aux points 3 à 7, la survenue de la perforation colique n'est pas imputable à une faute du GHSC et la prise en charge de ses suites a été effectuée conformément aux règles de l'art. En outre, dès lors que M. A... n'était exposé à aucune complication particulière en l'absence de réalisation de cet examen à visée purement exploratoire et qu'il résulte de la documentation citée par l'expert dans son rapport du 17 avril 2019 que la perforation colique est une complication dont l'occurrence est inférieure à un pour mille, le dommage subi par M. A... doit en tout état de cause être regardé comme présentant un caractère anormal au sens des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique citées au point 8.

12. En revanche, il résulte également de l'instruction, notamment du rapport d'expertise médicale du 17 avril 2019, que M. A..., dont l'état de santé est consolidé depuis le 25 août 2016, conserve de ce dommage des douleurs abdominales intermittentes et un retentissement psychologique, à l'origine d'un déficit fonctionnel permanent que l'expert a évalué à 5 %. Si M. A... soutient qu'il a en outre développé une incontinence anale dont il y a lieu de tenir compte, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que cette affection puisse être regardée comme étant en lien direct et certain avec la perforation colique survenue le 9 octobre 2014 et ses suites. En effet, aucun élément de l'instruction ne met en évidence un traumatisme du sphincter ou des nerfs sphinctériens au décours de la coloscopie du 9 octobre 2014 ou des interventions ultérieures. L'incontinence anale n'est apparue qu'un an après le rétablissement de la continuité digestive. M. A... a décompensé à cette même période un diabète insulino-dépendant et il résulte des données médicales citées par l'expert dans son rapport du 17 avril 2019, qui ne sont pas utilement infirmées par les éléments apportés par M. A..., que 10 % des patients atteints de diabète insulino-dépendant présentent des signes d'incontinence anale. Aucun élément de l'instruction ne permet de relier au fait dommageable la décompensation de l'affection diabétique dont M. A... était déjà porteur. Pour le reste, il ne résulte pas de l'instruction que le déficit fonctionnel permanent résultant des douleurs abdominales intermittentes et du retentissement psychologique, dont le lien avec le fait dommageable est établi, ait fait l'objet d'une sous-évaluation par l'expert.

13. Enfin, il résulte également de l'instruction qu'à la date du fait dommageable, M. A... était reconnu invalide en raison d'antécédents cardiologiques et n'exerçait plus d'activité professionnelle. Il résulte du rapport d'expertise médicale du 17 avril 2019, qui procède sur ce point à une juste évaluation, que M. A... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 10 au 24 octobre 2014, du 16 au 27 février 2015, du 23 au 25 mars 2015 et du 18 au 23 mai 2016, un déficit fonctionnel temporaire partiel de 75 % du 25 octobre 2014 au 15 février 2015 et un déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % du 26 mars 2015 au 10 avril 2015. Par suite, M. A..., sur la période de douze mois suivant la réalisation du dommage, a subi des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 % pendant moins de six mois. Au-delà des troubles fonctionnels qu'il subit, M. A... ne justifie pas du bouleversement de sa vie familiale ou de ses conditions matérielles d'existence.

14. Il résulte de ce qui précède que les conséquences dommageables de la perforation colique dont M. A... a été victime au décours de la coloscopie du 9 octobre 2014 n'excèdent pas les seuils de gravité énoncés par l'article D. 1142-1 du code de la santé publique cité au point 9 et, par suite, qu'il n'est pas fondé à demander leur indemnisation à l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions indemnitaires ainsi que, par voie de conséquence, celles relatives aux intérêts légaux et à leur capitalisation.

Sur les frais liés au litige :

En ce qui concerne les dépens :

16. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens ". En vertu de ces dispositions, il appartient au juge saisi au fond du litige de statuer, au besoin d'office, sur la charge des frais de l'expertise ordonnée par la juridiction administrative.

17. Les frais et honoraires de l'expert désigné par l'ordonnance du 18 février 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Lille ont été taxés et liquidés à la somme de 1 000 euros par ordonnance du 24 avril 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille. Dans les circonstances particulières de l'espèce et alors que M. A... supporte déjà par ailleurs les frais qu'il a engagés pour se faire assister par un médecin-conseil dont les productions n'ont pas été inutiles aux débats, les dépens doivent être mis à la charge définitive du GHSC. C'est dès lors à raison que le jugement attaqué a statué en ce sens et il n'y a pas davantage lieu de le réformer sur ce point.

En ce qui concerne les frais exposés et non compris dans les dépens :

18. Aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, ou pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du GHSC ou de l'ONIAM, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions que le GHSC présente au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du GHSC présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles relatives aux dépens sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au groupe hospitalier Seclin Carvin, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois.

Délibéré après l'audience publique du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de la formation

de jugement,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

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N°23DA00554


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00554
Date de la décision : 10/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Baronnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SHBK AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-10;23da00554 ?
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