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05/07/2024 | FRANCE | N°23DA01139

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 05 juillet 2024, 23DA01139


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile de construction vente (SCCV) Les villas de Jouvence a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le maire de Mérignies a retiré le permis de construire délivré le 12 février 2020.



Par un jugement n° 2006671 du 19 avril 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée l

e 19 juin 2023, la commune de Mérignies, représentée par Me Laurent Fillieux, demande à la cour :



1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile de construction vente (SCCV) Les villas de Jouvence a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le maire de Mérignies a retiré le permis de construire délivré le 12 février 2020.

Par un jugement n° 2006671 du 19 avril 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juin 2023, la commune de Mérignies, représentée par Me Laurent Fillieux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de la SCCV Les villas de Jouvence ;

3°) de mettre à la charge de la SCCV Les villas de Jouvence la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le retrait de permis de construire pouvait légalement se fonder sur l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme et ce motif pouvait se substituer à ceux évoqués lors de la procédure contradictoire ;

- ce retrait pouvait aussi se fonder sur l'absence de compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale ;

- il pouvait également se fonder sur la méconnaissance de l'article L. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le permis sollicité méconnaissait l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et l'article UC 11 du plan local d'urbanisme.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 6 décembre 2023 et le 15 mars 2024, la SCCV Les villas de Jouvence, représentée par Me Pierre-Etienne Bodart, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Mérignies de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Par une ordonnance du 16 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-7 du code de justice administrative.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Laurent Fillieux, représentant la commune de Mérignies, et de Me Chloé Guilbeau, représentant la SCCV Les villas de Jouvence.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La SCCV Les villas de Jouvence a déposé, le 9 octobre 2019, une demande de permis de construire une résidence sénior non médicalisée de 60 appartements ainsi qu'un immeuble de 28 appartements sur un terrain situé allée Kathia à Mérignies. Ce permis a été accordé par arrêté du maire du 12 février 2020. Par courrier du 25 juin 2020, le maire a informé la pétitionnaire qu'il envisageait le retrait de ce permis. Par arrêté du 21 juillet 2020, le maire a retiré ce permis au motif de son illégalité, la procédure contradictoire s'étant déroulée par un entretien du 13 juillet 2020 de la représentante de la société avec le maire. Le tribunal administratif de Lille saisi par la société a annulé l'arrêté du 21 juillet 2020 par un jugement du 19 avril 2023.La commune de Mérignies relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, (...) le permis (...) ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. (...) ".

Sur l'office du juge d'appel :

3.Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier. ". En application de ces dispositions,

4. Une décision rejetant une demande d'autorisation d'urbanisme pour plusieurs motifs ne peut être annulée par le juge de l'excès de pouvoir à raison de son illégalité interne, réserve faite du détournement de pouvoir, que si chacun des motifs qui pourraient suffire à la justifier sont entachés d'illégalité. En outre, en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif saisi doit, lorsqu'il annule une telle décision de refus, se prononcer sur l'ensemble des moyens de la demande qu'il estime susceptibles de fonder cette annulation, qu'ils portent d'ailleurs sur la légalité externe ou sur la légalité interne de la décision. En revanche, lorsqu'il juge que l'un ou certains seulement des motifs de la décision de refus en litige sont de nature à la justifier légalement, le tribunal administratif peut rejeter la demande tendant à son annulation sans être tenu de se prononcer sur les moyens de cette demande qui ne se rapportent pas à la légalité de ces motifs de refus. Saisi d'un jugement ayant annulé une décision refusant une autorisation d'urbanisme, il appartient au juge d'appel, pour confirmer cette annulation, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation que les premiers juges ont retenus, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui. En revanche, si le juge d'appel estime qu'un des motifs de la décision de refus litigieuse est fondé et que l'administration aurait pris la même décision si elle avait retenu ce seul motif, il peut, sans méconnaître les articles L. 424-3 et L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, rejeter la demande d'annulation de cette décision et infirmer en conséquence le jugement attaqué devant lui, sans être tenu de statuer sur la légalité des autres motifs retenus par l'autorité administrative et sur lesquels les premiers juges se sont prononcés.

5. Le tribunal administratif s'est prononcé, en application de l'article L. 600-4-1 sur tous les motifs de retrait retenus dans la décision du 21 juillet 2020. Parmi les motifs qu'il a censurés, ceux résultant de l'application des dispositions de l'article L. 111-1 du code de l'urbanisme, de l'incompatibilité avec le schéma de cohérence territoriale de Lille métropole, et de la méconnaissance de l'article R. 111-2 et R. 111-27 du code de l'urbanisme ainsi que de l'article UC 11 du plan local d'urbanisme sont contestés en tant que motifs d'annulation de la décision du 21 juillet 2020 devant la cour. Il y a donc lieu d'examiner la légalité de ces motifs.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 111-1 du code de l'urbanisme par l'arrêté du 12 février 2020 accordant le permis de construire :

S'agissant de la régularité de la procédure de retrait au regard de ce motif :

6. Aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ". La décision portant retrait d'un permis de construire est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration. Elle doit, par suite, être précédée d'une procédure contradictoire, permettant au titulaire du permis de construire d'être informé de la mesure qu'il est envisagé de prendre, ainsi que des motifs sur lesquels elle se fonde, et de bénéficier d'un délai suffisant pour présenter ses observations. Il en résulte qu'un tel retrait ne peut intervenir pour un motif qui n'aurait pas été soumis à l'intéressé et sur lequel il n'aurait donc pu présenter des observations. Le respect de la procédure ainsi prévue constitue une garantie pour le titulaire du permis que l'autorité administrative entend rapporter.

7. Il ressort du courrier du 25 juin 2020 adressé par le maire de Mérignies à la société pétitionnaire pour l'informer d'un possible retrait du permis de construire du 12 février 2020 que ne figurait pas parmi les motifs de retrait la méconnaissance par le projet de l'article L. 111-1 du code de l'urbanisme alors qu'un tel motif a été retenu pour justifier le retrait du permis par l'arrêté contesté du 21 juillet 2020. Ce motif qui n'avait pas fait l'objet d'une procédure contradictoire préalable ne pouvait donc pas fonder le retrait, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Lille.

S'agissant de la substitution de motifs demandée :

8. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. La commune a mentionné le motif tiré de l'application de l'article L. 111-1 du code de l'urbanisme dans sa décision du 21 juillet 2020. Elle ne peut donc pas demander une substitution d'office de ce motif comme elle l'a fait au cours de l'instance devant le tribunal administratif dans le seul but de régulariser a posteriori le défaut de procédure contradictoire, dont elle ne conteste d'ailleurs plus la réalité devant la cour. La substitution de motif demandé ne peut donc pas être accordée.

S'agissant de la méconnaissance de l'article L. 111-1 du code de l'urbanisme :

9. Aux termes de l' article L. 111-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. (...) " . Pour fonder un refus de permis de construire sur ces dispositions, l'autorité compétente qui "n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de services publics les travaux doivent être exécutés", doit avoir accompli les diligences appropriées pour recueillir les indications nécessaires à son appréciation relative à ces travaux sur les réseaux publics.

10. Le maire a interrogé le gestionnaire du réseau électrique, Enedis, qui a indiqué par courrier du 23 décembre 2019 que le raccordement du projeté nécessitait une extension de 310 mètres du réseau. Ce courrier, s'il précisait la nature des travaux et leur chiffrage, ne comportait aucune indication sur leur délai de réalisation. Le maire a annoté, le 13 janvier 2019, un courrier du 3 janvier 2019 de la communauté de communes Pévèle-Carembault, service instructeur du permis de construire, qui lui était adressé en indiquant que la commune prendrait à sa charge l'extension du réseau. Mais cette annotation manuscrite ne comportait pas plus de précision sur les délais de réalisation des travaux alors que seul le conseil municipal était compétent pour formaliser un tel engagement financier. L'annotation manuscrite du maire, même accompagnée du cachet de la mairie, qui ne comportait aucune indication sur le délai de réalisation de l'extension du réseau ne peut donc être considéré comme un engagement de la commune satisfaisant aux exigences de l'article L. 111-1 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, le maire qui ne pouvait être regardé comme étant en mesure d'indiquer le délai et la faisabilité financière des travaux d'extension du réseau ne pouvait délivrer le permis de construire. Ainsi, ce motif de retrait pour illégalité était légal. Toutefois, comme indiqué au point 7 ce motif de retrait n'ayant pas fait l'objet d'une procédure contradictoire, il ne pouvait fonder la décision du 21 juillet 2020.

En ce qui concerne le motif de retrait tiré de l'incompatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale de Lille métropole :

11. Aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme : " Sont compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale : / (...) / 7° Les opérations foncières et les opérations d'aménagement définies par décret en Conseil d'Etat ; (...) " et aux termes de l'article R. 142-1 du même code : " Les opérations foncières et les opérations d'aménagement mentionnées au 7° de l'article L. 142-1 sont : / (...) / 3° Les lotissements, les remembrements réalisés par des associations foncières urbaines et les constructions soumises à autorisations, lorsque ces opérations ou constructions portent sur une surface de plancher de plus de 5 000 mètres carrés ; (...) ". La compatibilité d'une opération ou d'une construction avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale s'apprécie avec les orientations générales et les objectifs qu'il définit pris dans leur ensemble.

12 En premier lieu, le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale de Lille Métropole comprend un objectif visant à " développer une offre résidentielle abordable, adaptée et diversifiée ". Il vise à " répondre aux enjeux de solidarité sociale et générationnelle, de même qu'aux évolutions démographiques en cours (vieillissement de la population, réduction de la taille moyenne des ménages, ...) ". Il préconise à ce titre " la diversité des types de logements proposés " tant du point de vue de leur forme urbaine que de leur taille) ainsi que la diversité de leurs modes d'occupation " dans les opérations collectives, la mixité de celles-ci et la " nécessité de proposer des logements en accession à des prix abordables pour les ménages de ressources modestes et moyennes ".

13. Le projet ayant fait l'objet de la décision de retrait a une surface totale de plancher de 7 403 m² et doit donc être compatible avec le schéma de cohérence territoriale de Lille métropole. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire pertinent pour prendre en compte les prescriptions du schéma de cohérence territoriale, si l'opération envisagée ne contrarie pas les objectifs et les orientations d'aménagement et de développement fixés par le schéma, compte tenu du degré de précision des orientations adoptées, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque orientation ou objectif particulier. Il ressort des pièces produites par le pétitionnaire que la médiane du revenu disponible par habitant de Mérignies est de 32 480 euros alors qu'elle est de 18 680 euros (et de 19 520 euros pour la région Hauts-de-France). Il ressort également de ces données que 85% des habitants de Mérignies sont propriétaires pour seulement 28,3 % des lillois (et 57,5 % au niveau régional), que les habitants de Mérignies résident à 93,5 % dans une maison contre 21,5 % à Lille ( et 70, 8 % à l'échelle de la région) et disposent pour 91,5 % d'entre eux de logements supérieurs à 4 pièces contre 33,3 % des lillois (et 70,3% des habitants de la région). Compte tenu de ces éléments, l'échelle du territoire pertinent pour apprécier la compatibilité est en l'espèce celle de la commune de Mérignies.

14. Le projet compte 88 logements dont aucun n'a une surface inférieure à 51 m². Il vise à accueillir une clientèle senior, âgée au minimum de 60 ans, dans des résidences " de prestige " sécurisées et clôturées. Il n'assure donc aucune mixité sociale dans une commune qui ne compte que 40 logements sociaux pour 3 388 habitants, soit un taux de 1,2 %, représentant 3,5 % des logements sur la commune alors que cette proportion est de 21,5 % des logements pour la commune de Lille et de 19,4 % au niveau de la région des Hauts-de-France. Par ailleurs, si la pétitionnaire fait valoir que le prix au m² est inférieur au prix moyen de la commune, ce prix de 3 600 euros par m² est élevé, supérieur à celui des communes limitrophes et du territoire couverte par le schéma. En outre, ce projet vise à réaliser 88 logements alors que le nombre de résidences principales achevées entre 2006 et 2014 sur la commune a été de 29 par an sur la période comprise entre 2006 et 2014, d'après les chiffres fournis par la société pétitionnaire. Il a donc un impact important sur les possibilités d'évolution des caractéristiques du logement dans la commune. Le projet consomme d'ailleurs 1,6 hectares sur les 11,2 hectares disponibles au titre du compte foncier à vocation résidentiel fixé par le schéma de cohérence territoriale de Lille métropole. Le syndicat mixte du schéma de cohérence a ainsi indiqué dans son avis du 3 décembre 2019 que le projet n'est pas pleinement accord avec les orientations du schéma et a souhaité être informé sur l'offre de logements en logements sociaux pour apprécier la compatibilité. Or, le maire a indiqué publiquement dans un article de presse du 23 octobre 2019 que la commune souhaite garder sa spécificité résidentielle qui attire des revenus élevés. Dans un article du 12 juillet 2020, le nouveau maire a précisé qu'il entendait mettre en œuvre un moratoire sur les constructions. Dans ces conditions, le projet contrarie la mise en œuvre du schéma de cohérence territoriale de Lille métropole en étant directement contraire à l'objectif susmentionné sur le territoire pertinent retenu. La commune de Mérignies est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a jugé que le permis accordé ne pouvait pas être retiré pour ce motif.

15. En deuxième lieu, le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale prévoit également de " faire la ville à proximité des transports en commun et des pôles de services afin de limiter l'étalement urbain ". Toutefois, le projet est situé en zone urbaine UCb du plan local d'urbanisme communal, cette zone étant définie comme une zone de faible densité à dominante d'habitat et où les constructions sont admises. La seule circonstance que le projet soit situé à 300 mètres de l'arrêt de bus le plus proche ne suffit à démontrer son incompatibilité avec l'objectif précité. De même, l'existence au sein du projet d'un centre de santé et de bien-être ne suffit à démontrer qu'il concurrencerait les commerces et du centre-ville. Dans ces conditions, la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement contesté a jugé que le motif tiré de l'incompatibilité avec cette orientation du schéma de cohérence territoriale pouvait fonder le retrait du permis accordé au projet.

16. En troisième lieu, si le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale de Lille Métropole recommande de ne pas générer de rupture avec le tissu bâti environnant lorsque la densité est renforcée dans les tissus urbains les plus lâches et en sens inverse, de prévoir des respirations dans les tissus urbains compact, le projet qui se situe dans une zone urbaine de faible densité et bâtit une surface de 6 600 m² sur un terrain de plus de 16 000 m,² ne vient pas s'opposer à cette orientation, alors que le plan local d'urbanisme communal recommande d'accroitre la densité communale. La commune n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement contesté a jugé que ce motif ne pouvait pas justifier le retrait du permis accordé.

En ce qui concerne le motif de retrait tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

17. Aux termes de cet article : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

18. Si l'accès au projet se fait au début d'un virage, il est situé à l'issue d'une longue ligne droite dans une rue où la circulation est de 70 véhicules par jour selon le comptage effectué à la demande du pétitionnaire par un commissaire de justice, le 4 juillet 2020 et où le projet n'accroitrait la circulation qu'au maximum de 3 % selon le pétitionnaire. Ni la date à laquelle ce comptage a été effectué, ni l'éventualité de l'implantation d'un transformateur en sortie de virage après l'accès ne suffisent à démontrer que le projet devrait être refusé compte tenu de la dangerosité de son accès. Dans ces conditions, la commune n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement contesté a jugé que ce motif ne pouvait pas justifier le retrait du permis accordé.

En ce qui concerne les motifs de retrait tirés de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et de l'article UC 11 du plan local d'urbanisme :

19. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. " et aux termes de l'article UC11 du règlement du plan local d'urbanisme : " Les constructions qui, par leur situation, leurs dimensions ou leur aspect extérieur seraient de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux, constructions ou aménagements ou paysages avoisinants, sont proscrites. ".

20. Le projet prend place dans un environnement comptant de nombreuses maisons individuelles, mais également quelques immeubles de logement collectifs et des bâtiments accueillant des services ou des commerces, situés de part et d'autre de la rue du bois de Choque, elle-même reliant des rues urbanisées de la même manière. Ces constructions de part et d'autre des voies de circulation ne présentent pas de caractéristiques particulières. Le site, en dépit de son aspect très végétalisé ne présente pas de qualité particulière et ne fait l'objet d'aucune protection. Par ailleurs, si le projet accroit la densité du terrain d'assiette avec une densité de 57 logements à l'hectare, il comporte néanmoins 40% d'espaces verts notamment avec des zones non aedificandi de 7 mètres de large au nord et de 20 mètres environ à l'ouest et prévoit la plantation de 24 nouveaux arbres. Le projet est ainsi séparé tant du golf que du bâtiment remarquable identifié par le plan local d'urbanisme par une large bande boisée. Les constructions sont en outre d'une hauteur de 9,87 mètres et ne représentent donc pas une rupture d'échelle avec les constructions voisines généralement de niveau R+1. Enfin le projet est peu visible depuis la rue, étant situé en retrait par rapport à celle-ci. Dans ces conditions, la commune n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement contesté a jugé que ce motif ne pouvait pas justifier le retrait du permis accordé.

21. Enfin, la société pétitionnaire soutient que la décision de retrait est illégale car le maire a fait preuve de partialité. Si le maire a fait part de son avis sur le projet notamment dans un article de journal du 12 décembre 2019 en estimant qu'il était démesuré, il n'a fait état que de considérations d'urbanisme sur celui-ci. Il n'est donc pas démontré qu'il ait eu un intérêt personnel à s'opposer au projet alors qu'au demeurant, il résulte de ce qui précède qu'une partie des motifs de retrait était justifiée.

22. La commune ne conteste pas en appel que les motifs de retrait tirés de la méconnaissance de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme en ce qui concerne le réseau d'eau et de l'incompatibilité du projet avec le compte foncier du schéma de cohérence territoriale n'étaient pas fondés.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le motif d'incompatibilité avec le schéma de cohérence territoriale de Lille métropole sur laquelle la société pétitionnaire a pu faire valoir ses observations est fondé. Il résulte de l'instruction que la commune de Mérignies aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif. Dans ces conditions, la commune de Mérignies est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille, par le jugement contesté, a annulé la décision du 21 juillet 2020 de retrait du permis de construire accordé à la SCCV les villas de Jouvence.

Sur les frais liés à l'instance :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Mérignies, qui n'est pas, dans cette instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la SCCV les villas de Jouvence et non compris dans les dépens.

25. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la commune de Mérignies.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lille du 19 avril 2023 est annulé.

Article 2 : Les demandes de la SCCV les villas de Jouvence en première instance et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Mérignies présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Mérignies et à la SCCV les villas de Jouvence.

Délibéré après l'audience publique du 20 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°23DA01139 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01139
Date de la décision : 05/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARL RESSOURCES PUBLIQUES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-05;23da01139 ?
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