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03/07/2024 | FRANCE | N°23DA02043

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 03 juillet 2024, 23DA02043


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté en date du 25 mars 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2204388 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.





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rocédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Emil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté en date du 25 mars 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2204388 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Emilie Dewaele, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mars 2022 ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de l'admettre provisoirement au séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, avec autorisation de travailler, sous la même astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé et sa situation personnelle n'a pas été prise entièrement en compte ;

- la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen sérieux ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de son état de santé et de l'indisponibilité des soins dans son pays d'origine, et est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence ;

- cette mesure d'éloignement méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence ;

- cette mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2024, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés, et s'en rapporte à ses écritures de première instance et aux observations de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 septembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen né le 8 juin 1972, est entré en France sans visa, selon ses déclarations, le 8 mai 2013. Il a obtenu la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour raisons de santé qui a été renouvelée, en dernier lieu, jusqu'au 18 janvier 2021. Par un arrêté du 25 mars 2022, dont M. B... demande l'annulation, le préfet du Nord a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annuler cet arrêté.

Sur les moyens communs aux décisions attaquées :

2. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles reposent les décisions en litige, alors même qu'il ne reprend pas tous les éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé. Les moyens tirés du défaut de motivation de cet arrêté et du défaut d'examen de sa situation personnelle doivent donc être écartés.

3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. En l'espèce, le collège de médecins de l'OFII a estimé, par son avis du 20 juillet 2021, que si l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine.

6. Il est constant que l'état de santé de M. B..., qui était atteint d'un cancer " épidermoïde de bon pronostic ", nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, si M. B... a produit à l'instance divers documents médicaux, notamment un certificat médical du 31 août 2015, un avis relatif à l'aménagement de son poste de travail du 25 novembre 2019 et deux comptes-rendus médicaux des 29 octobre 2021 et 21 décembre 2021, il ressort des pièces du dossier, et notamment des observations de l'OFII, qui ne sont pas utilement contestées par les éléments produit, qu'à la suite de la lobectomie réalisée en 2014, M. B... nécessite seulement une prise en charge afin d'être surveillé, et que ce suivi oncologique, ainsi que la prise en charge de sa bronchopneumopathie obstructive et le suivi hépatique, sont possibles en Guinée, en particulier au centre hospitalier universitaire de Conakry, comme l'indique la base de données MedCoi (Medical Country of Origin Information). En outre, les médicaments contre la douleur et le cas échéant les antiviraux, s'ils s'avéraient nécessaires, sont également disponibles en Guinée. Dans ces circonstances, le moyen tiré de ce que le préfet du Nord aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. B... est présent en France de façon régulière depuis 2016, date à laquelle il s'est vu délivrer son premier titre de séjour en raison de son état de santé, régulièrement renouvelé jusqu'au 18 janvier 2021. Il ne produit pas d'élément permettant d'établir qu'il a noué, en France, des liens personnels stables et durables. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B... n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents, son épouse et ses trois enfants et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante ans. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le préfet du Nord n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Au vu de l'ensemble de la situation de l'intéressé, le préfet du Nord n'a pas non plus entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

9. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. M. B... soutient que son retour en République de Guinée l'exposerait à un risque de traitements inhumains et dégradants compte tenu de l'impossibilité pour lui de s'y faire soigner. Ainsi qu'il a été dit précédemment, le requérant, dont l'état de santé ne justifie pas le maintien sur le territoire français, n'apporte pas d'élément probant à l'appui de ses allégations selon lesquelles il serait susceptible d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 11 juin 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Viard, présidente,

M. Marc Baronnet, président-assesseur,

M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : M. C...La présidente de chambre,

Signé : M-P. Viard

La greffière,

Signé : A-S Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA02043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02043
Date de la décision : 03/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : DEWAELE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-03;23da02043 ?
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