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03/07/2024 | FRANCE | N°23DA01916

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 03 juillet 2024, 23DA01916


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2023 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2308219 du 25 septembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté s

a demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 12 octobre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2023 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2308219 du 25 septembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Nordine Bellal, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ; subsidiairement, l'arrêté de délégation devait être renouvelé après l'entrée en vigueur de la réforme des mesures d'éloignement en 2011 ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle ne lui a pas été notifiée dans une langue qu'il comprend ; subsidiairement, l'interprète n'était pas agréé, ni inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Douai ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il se prévaut de la circulaire dite Valls du 28 novembre 2012 ;

- la décision fixant le pays de destination a été prise par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Nord, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Par une ordonnance du 17 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mai 2024.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien, né le 15 novembre 1970 en Algérie, est entré en France en dernier lieu en janvier 2023. Par un arrêté du 16 septembre 2023, le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le moyen commun aux décisions attaquées :

2. L'arrêté du 16 septembre 2023 a été signé par Mme D..., sous-préfète d'Avesnes-sur-Helpe, en vertu de la délégation de signature que lui a accordée le préfet du Nord par l'arrêté du 28 août 2023, publié le même jour au recueil spécial n° 225 des actes administratifs de la préfecture. L'argument subsidiaire tiré de ce que l'arrêté de délégation devait être renouvelé après l'entrée en vigueur de la réforme des mesures d'éloignement en 2011 est sans incidence sur la régularité de cette délégation. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, qui manque en fait, doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

3. Si M. A... soutient que l'obligation de quitter le territoire français ne lui a pas été notifiée dans une langue qu'il comprend, une telle circonstance est sans incidence sur la légalité de cette décision. L'argument subsidiaire tiré de ce que l'interprète en langue arabe qui est intervenu n'était pas agréé, ni inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Douai est également sans influence.

4. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles reposent les décisions en litige, alors même qu'il ne reprend pas tous les éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé. Si certains éléments relatifs à sa vie familiale ne sont pas mentionnés, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... en ait fait état à l'administration, alors que le procès-verbal de vérification du droit de circulation ou de séjour du 16 septembre 2023 mentionne qu'il a déclaré être sans domicile, célibataire et sans enfant à charge. Le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit dans ces circonstances être écarté.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

6. Un étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français lorsqu'il est en droit de se voir attribuer de plein droit un titre de séjour. Cependant, s'agissant des ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Par suite, le moyen tiré de ce que M. A... pouvait prétendre à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " de plein droit sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant. Les stipulations, qu'il invoque du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 sont en revanche opérantes.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France pour la première fois le 19 juillet 2015, et a déposé une demande d'asile le 24 mars 2017, rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 23 août 2017 et par la cour nationale du droit d'asile le 4 décembre 2017. S'il s'est marié le 8 décembre 2018 à Roubaix avec une compatriote titulaire de certificats de résidence algériens annuels, avec qui il a eu une fille née le 1er janvier 2021 à Roubaix, il ne justifie ni d'un emploi ni de ressources, et n'établit ainsi pas l'existence d'une particulière intégration sociale et professionnelle en France. Et il ne fait état d'aucun obstacle à la poursuite de sa vie familiale dans son pays d'origine avec sa femme et leur fille, ni de l'impossibilité pour celle-ci d'y poursuivre sa scolarité compte tenu de son jeune âge. S'il soutient avoir en France un beau-frère de nationalité française, il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans. Compte tenu des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions du séjour en France de M. A..., en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Nord n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.

8. Compte tenu de l'ensemble des circonstances énoncées précédemment, le préfet du Nord n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A....

9. Dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir.

10. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". S'il soutient à titre subsidiaire souffrir d'un trouble anxio-dépressif, il n'établit pas que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité par la production d'une simple ordonnance d'un médecin généraliste prescrivant deux antalgiques et un inhibiteur de sécrétions acides de l'estomac.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. M. A... n'apporte aucun élément de nature à justifier qu'il encourrait des menaces personnelles et actuelles en cas de retour en Algérie. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

12. Le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, pour les mêmes motifs que ceux développés au point 7.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 11 juin 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Viard, présidente,

M. Marc Baronnet, président-assesseur,

M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : M. C...La présidente de chambre,

Signé : M-P. Viard

La greffière,

Signé : A-S Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA01916


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01916
Date de la décision : 03/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : BELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-03;23da01916 ?
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