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26/06/2024 | FRANCE | N°23DA01355

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 26 juin 2024, 23DA01355


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné.



Par un jugement n° 2204926 du 28 avril 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.



Proc

dure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juillet 2023 et 4 janvier 2024, M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné.

Par un jugement n° 2204926 du 28 avril 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juillet 2023 et 4 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Marie Lepeuc, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2022 du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, subsidiairement, de procéder à un réexamen de sa situation et, dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir, de lui remettre dans l'attente un récépissé de demande de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil désigné au titre de l'aide juridictionnelle en application des dispositions de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté et le jugement attaqués méconnaissent les dispositions de l'article 1er du décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 dès lors que les autorités guinéennes n'ont pas été saisies à fins de vérification de l'authenticité et de l'exactitude des documents d'état-civil qu'il a présentés ;

- ils méconnaissent les dispositions des articles R. 431-10 et L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 47 du code civil dès lors qu'il apporte des justifications suffisantes de son état-civil ; en effet, les analyses de ses documents par les services de la police aux frontières ne permettent pas d'écarter leur force probante ; il produit un nouvel acte de naissance, établi le 28 avril 2023, dont les mentions sont concordantes avec celles des documents qu'il a précédemment présentés ; les autorités guinéennes lui ont délivré une carte consulaire qui confirme également son identité et son âge ; son identité et son âge ont été reconnues comme vraisemblables par le juge des enfants ayant ordonné son placement auprès du service de l'aide social à l'enfance le 23 novembre 2018, sans que celui-ci ne fasse appel ; le préfet n'apporte aucun autre élément conduisant à remettre en doute son identité et son âge ;

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne procède pas à l'examen des conditions posées par l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance du titre de séjour qu'il a sollicité ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance avant ses 16 ans, qu'il a conclu un contrat d'apprentissage dans le cadre d'une formation conduisant au certificat d'aptitude professionnelle dans les métiers du plâtre et de l'isolation, qu'il n'a que de très rares relations téléphoniques avec sa mère restée en Guinée et que l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société françaises est tout à fait positif ;

- elle porte atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale consacré par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est entré en France à l'âge de 15 ans et y réside depuis lors, qu'il fait preuve d'une réelle volonté d'insertion et d'intégration dans la société française et qu'il n'a plus que de très rares relations téléphoniques avec sa mère restée en Guinée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en tant qu'elle se fonde sur la décision portant refus de séjour qui est elle-même illégale ;

- elle est dépourvue de base légale dès lors que le préfet a seulement opposé l'irrecevabilité de sa demande de titre de séjour, qu'il ne peut, de ce fait, pas être regardé comme ayant refusé la délivrance d'un titre de séjour et qu'il ne pouvait par suite pas fonder sa décision d'éloignement sur les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant de pays de destination est insuffisamment motivée dès lors que le préfet se borne à mentionner que la décision ne contrevient pas aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne fait pas référence à la situation dont il s'est prévalu dans sa demande de titre de séjour ;

- elle est illégale en tant qu'elle se fonde sur la décision portant obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejete de la requête d'appel de M. A....

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance en date du 9 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 janvier 2024 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juin 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant de la République de Guinée, qui déclare être né le 15 décembre 2003, est entré irrégulièrement en France le 28 août 2018. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Seine-Maritime par une ordonnance de placement provisoire du 22 septembre 2018 puis par un jugement du juge des enfants du 23 novembre 2018. Le 13 octobre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 septembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné. M. A... relève appel du jugement du 28 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet ".

3. Contrairement à ce que soutient M. A..., ces dispositions se bornent à prévoir, lorsque les autorités d'un pays étranger sont saisies aux fins de procéder à des vérifications sur un acte d'état-civil qu'elles ont émis, une dérogation aux dispositions de droit commun relatives à l'intervention des décisions implicites. Elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer à l'administration, et a fortiori au juge, de procéder à cette saisine, dans tous les cas où surviendrait un doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un tel acte.

4. Dès lors qu'en l'espèce les premiers juges disposaient d'éléments suffisants au dossier pour se former une conviction sur la force probante des documents produits par M. A..., c'est sans irrégularité qu'ils ont pu statuer sur sa requête sans saisir les autorités guinéennes aux fins de vérifications. En outre, à supposer que leur appréciation sur ce point ait été incorrecte, cette circonstance entacherait seulement le bien-fondé de leur jugement et non sa régularité.

5. Il s'ensuit que les moyens d'irrégularité soulevés par M. A... à l'encontre du jugement attaqué doivent être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

6. En premier lieu, l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé pour refuser de délivrer le titre de séjour demandé par M. A.... Il vise et mentionne les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que celui-ci a invoquées à l'appui de sa demande. Il énonce les conditions dans lesquelles il est entré en France et a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance, que des doutes sur son identité et son âge ont été émis dès ce stade et que les services de la police aux frontières ont rendu des avis défavorables sur l'authenticité des documents d'état-civil qu'il a présentés à l'appui de sa demande de titre de séjour. Il conclut qu'il ne peut pas être tenu pour établi qu'il était âgé de moins de seize ans à la date à laquelle il a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance et que cette condition nécessaire à la délivrance du titre de séjour qu'il sollicite n'est dès lors pas remplie. Ces énonciations ont mis M. A... à même de comprendre les motifs de la décision de refus de séjour prise à son encontre, qu'il conteste au demeurant utilement dans le cadre de la présente instance. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit, dès lors, être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ".

8. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié au plus tard le jour de ses seize ans au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

9. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ".

10. Ces dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Cependant, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

11. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A... a produit un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance daté du 1er avril 2020 et un extrait de registre de transcription daté du 5 mai 2020. Le préfet de la Seine-Maritime a soumis ces documents aux services de la police aux frontières. Par un avis du 4 juillet 2022, la police aux frontières a rendu un " avis défavorable " concernant l'extrait de registre de transcription aux motifs que " les mentions pré-imprimées ne sont pas parfaitement alignées et centrées " et " des informations sérieuses émanant du service de sécurité intérieure de l'ambassade de France en République de Guinée (Conakry) font état d'une fraude généralisée au niveau de l'état-civil de ce pays tant au niveau des administrations que des tribunaux ". Par un second avis du 4 juillet 2022, la police aux frontières a déclaré le jugement supplétif " falsifié " aux motifs que " les mentions pré-imprimées ne sont pas parfaitement alignées et centrées ", " le timbre sec est partiellement illisible ", " sur le timbre fiscal nous pouvons constater la présence de correcteur au niveau du numéro et de la date indiqués, ce qui n'est pas conforme. Cet élément nous permet de constater que le timbre est ''falsifié'' " et " des informations sérieuses émanant du service de sécurité intérieure de l'ambassade de France en République de Guinée (Conakry) font état d'une fraude généralisée au niveau de l'état-civil de ce pays tant au niveau des administrations que des tribunaux ".

12. Par ailleurs, il ressort également des pièces du dossier que des doutes sur l'identité et l'âge allégués par M. A... ont été émis dès la procédure de placement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance en septembre 2018. En effet, l'évaluation alors réalisée avait mis en évidence, outre l'absence de document d'état-civil, un discours " empreint de nombreuses incohérences temporelles concernant son récit sur sa vie en Guinée " et une " apparence physique qui n'était pas celle d'un adolescent ". Il ressort des jugements des 23 novembre 2018 et 4 septembre 2020 que ce n'est qu'au bénéfice du doute que le juge des enfants et le juge des tutelles n'ont pas remis en doute l'âge invoqué par l'intéressé, en relevant que le jugement supplétif qu'il produisait présentait " l'apparence d'un acte authentique " mais qu'une analyse documentaire restait nécessaire et que l'âge allégué n'était pas " incompatible " avec son apparence. En outre, hormis une carte d'identité consulaire délivrée par l'ambassade de Guinée en France le 22 février 2021 qui justifie seulement de l'inscription de l'intéressé sur les registres consulaires, il ne justifie pas avoir jamais été porteur d'un document d'identité ou d'un document de voyage, tels qu'une carte nationale d'identité ou un passeport, délivré par les autorités de son pays. S'il produit pour la première fois en appel un acte de naissance daté du 28 avril 2023, il n'apporte aucun élément circonstancié sur les conditions dans lesquelles ce document lui a été délivré et communiqué.

13. Dans ces conditions, sans qu'il ait été nécessaire de saisir préalablement les autorités guinéennes pour les motifs déjà exposés aux points 2 à 4, c'est sans méconnaître les dispositions citées au point 9 que le préfet de la Seine-Maritime a pu considérer que la force probante des documents d'état-civil présentés par M. A... et les autres circonstances du dossier n'étaient pas suffisantes pour tenir l'identité et l'âge qu'il allègue pour établis. La délivrance du titre de séjour sollicité par M. A... étant conditionnée à son placement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance avant qu'il ait atteint au plus l'âge de seize ans et les doutes sur son identité et son âge ne permettant pas de regarder cette condition comme remplie, le préfet de la Seine-Maritime pouvait rejeter sa demande de titre de séjour sans qu'il soit besoin d'examiner les autres conditions prévues à l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance, d'une part, des articles R. 431-1 et L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 47 du code civil et, d'autre part, de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

15. Il ressort des pièces du dossier que M. A... justifie, à la date de l'arrêté attaqué, d'à peine plus de quatre années de présence en France. Il y est célibataire, sans charge de famille et sans aucune attache familiale alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il ne serait pas isolé en cas de retour en Guinée où il dispose toujours de sa mère et de deux frères et sœurs avec lesquels il est resté en contact puisqu'il ressort de ses propres déclarations que ce seraient eux qui auraient fait les démarches pour obtenir les documents d'état-civil qu'il a présentés à l'appui de sa demande et qui les lui auraient fait parvenir. S'il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle portant la mention " peintre applicateur revêtements " en juin 2021 et s'il justifie avoir exercé comme peintre auprès de plusieurs entreprises, son insertion professionnelle en France demeure récente et précaire. Dans le même temps, il ne justifie pas qu'il ne pourrait pas se réinsérer socialement et professionnellement dans son pays d'origine, compte tenu en particulier des qualifications qu'il a acquises à la faveur de sa prise en charge en France. Sa seule implication dans un club de football, aussi louable soit-elle, ne suffit pas à le regarder comme ayant établi le centre principal de ses intérêts privés et familiaux en France. Dans ces conditions, en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet de la Seine-Maritime n'a ni porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, ni entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation. Les moyens en ce sens doivent, dès lors, être écartés.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

16. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".

17. En premier lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 6 à 15, M. A... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour, serait illégal. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité par voie d'exception de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

18. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 13 qu'en opposant à M. A... que l'identité et l'âge qu'il invoque ne peuvent pas être tenus pour établis et, par suite, qu'il ne peut pas être regardé comme remplissant la condition tenant au placement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans, le préfet de la Seine-Maritime ne s'est pas borné, contrairement à ce que soutient M. A..., à déclarer sa demande de titre de séjour irrecevable mais il l'a rejeté au fond. Il s'ensuit que c'est sans erreur de droit et sans entacher sa décision de défaut de base légale que le préfet de la Seine-Maritime a pu se fonder sur cette décision de refus de séjour pour prononcer également à l'encontre de M. A... une obligation de quitter le territoire français en application du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.

19. En troisième lieu, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation, au soutien desquels sont développés les mêmes arguments que ceux développés au soutien des moyens équivalents dirigés contre la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 15.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

20. Aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article L. 721-3 du même code : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité (...) ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

21. En premier lieu, pour décider que la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de M. A... pourra être exécutée à destination du pays dont il a la nationalité, à savoir la République de Guinée, ou de tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible, l'arrêté attaqué vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et rappelle que M. A... a la nationalité guinéenne, qu'il est venu depuis ce pays en 2018 et qu'il ne justifie pas avoir obtenu un droit au séjour en France au titre de l'asile. Contrairement à ce que soutient M. A..., il ne ressort pas des termes de sa demande de titre de séjour qu'il ait adressé au préfet, pour le cas où sa demande serait rejetée et qu'il serait obligé de quitter le territoire français, des observations particulières sur le pays de destination susceptible d'être retenu. Dans ces conditions, la motivation de l'arrêté attaqué, en droit et en fait, a mis M. A... à même de comprendre les motifs de la décision prise à son encontre et est proportionnée à l'absence d'observations préalables de sa part. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée doit être écarté.

22. En second lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 16 à 19, M. A... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français, serait illégal. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité par voie d'exception de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 16 septembre 2022 du préfet de la Seine-Maritime et, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés à l'instance :

24. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse à Me Marie Lepeuc, avocate désignée au titre de l'aide juridictionnelle, la somme que celle-ci réclame au titre des frais non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Marie Lepeuc.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 11 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLa présidente de chambre,

Signé : M.P. Viard

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA01355


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01355
Date de la décision : 26/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : LEPEUC

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-26;23da01355 ?
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