Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2022 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné.
Par un jugement n° 2300311 du 7 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2023, M. A..., représenté par Me François Ormillien, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 du préfet du Pas-de-Calais ;
3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais, dans un délai de trente jours, de lui délivrer un titre de séjour en application des articles L. 433-1 et L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, subsidiairement, de procéder à un réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ; il ne fait pas mention des éléments complémentaires qu'il a fait parvenir à la préfecture le 25 novembre 2022 ; il a produit une promesse d'embauche établie le 22 décembre 2022 qui, si elle est postérieure à l'arrêté attaqué, justifie des perspectives d'insertion qu'il avait déjà à la date de l'arrêté ; sa situation familiale n'a pas été examinée ;
- il méconnaît les articles L. 433-1 et L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie avoir occupé différents emplois depuis la fin de ses études, qu'il a communiqué les éléments complémentaires sollicités par la préfecture le 25 novembre 2022 et qu'il justifie d'une promesse d'embauche établie le 22 décembre 2022 ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de son entrée en France en 2013 à l'âge de 13 ans, de ses liens avec sa tante qui a obtenu l'exercice de l'autorité parentale en 2015, de l'absence de lien avec ses parents, de l'absence de toute attache familiale dans son pays d'origine et de la qualité de son insertion sociale et professionnelle sur le territoire ; la circonstance qu'il soit célibataire et sans charge de famille ne suffit pas à conclure qu'il n'a pas établi le centre de sa vie privée et familiale en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2023, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour de rejeter la requête d'appel de M. A....
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance en date du 1er décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 janvier 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C... A..., né le 20 février 1998, de nationalité ivoirienne, est selon ses déclarations entré en France en août 2013, pour rejoindre sa tante qui s'est vu reconnaître l'exercice de l'autorité parentale le 15 janvier 2015. A sa majorité, il a été mis en possession d'un titre de séjour en qualité d'étudiant valable du 8 mars 2016 au 7 mars 2017, renouvelé du 17 mai 2017 au 16 mai 2018. Il a ensuite été mis en possession d'un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire " du 6 mai 2019 au 5 mai 2020. Le 28 janvier 2022, il en a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 25 novembre 2022, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné. M. A... relève appel du jugement du 7 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise et mentionne les dispositions qui constituent les fondements légaux de chacune des décisions qu'il prononce à l'encontre de M. A.... Il comporte des considérations de fait suffisantes ayant mis l'intéressé à même de comprendre les motifs de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui est opposée. En particulier, contrairement à ce que soutient M. A..., il ressort des mentions de l'arrêté que le préfet du Pas-de-Calais a pris en compte les éléments complémentaires qu'il lui a communiqués le 25 novembre 2022. L'arrêté rend compte également des conclusions de l'examen de la situation privée et familiale de M. A... que le préfet a effectué au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. A... ne peut en outre pas reprocher au préfet de ne pas avoir tenu compte de sa promesse d'embauche du 12 décembre 2022 dès lors que celle-ci est postérieure à la date de l'arrêté. Par ailleurs, dès lors qu'elle est fondée sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français qui est également prononcée à son encontre n'avait, quant à elle, pas à faire l'objet d'une motivation distincte en application des dispositions du second alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, pour décider que cette mesure d'éloignement pourra être exécutée à l'encontre du pays dont il a la nationalité, à savoir la Côte d'Ivoire, ou de tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible, l'arrêté attaqué rappelle que M. A... a la nationalité ivoirienne et qu'il n'établit ni qu'il serait isolé en cas de retour dans ce pays, ni qu'il y serait exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 433-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) le renouvellement de la carte de séjour temporaire ou pluriannuelle est subordonné à la preuve par le ressortissant étranger qu'il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte. / L'autorité administrative peut procéder aux vérifications utiles pour s'assurer du maintien du droit au séjour de l'intéressé et, à cette fin, convoquer celui-ci à un ou plusieurs entretiens. / (...) ". Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui doit être regardé comme étant celui que M. A... entend en réalité invoquer dès lors qu'il est relatif à la carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " dont il avait sollicité le renouvellement à l'appui de sa demande auprès de la préfecture du Pas-de-Calais le 28 janvier 2022 : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou qui fait l'objet d'un détachement conformément aux articles L. 1262-1, L. 1262-2 et L. 1262-2-1 du code du travail se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. / Elle est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. / Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a obtenu la délivrance, par le préfet du Lot, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire ", valable du 6 mai 2019 au 5 mai 2020. Il n'en a pas sollicité le renouvellement avant une demande déposée auprès des services du préfet du Pas-de-Calais le 28 janvier 2022. S'il justifiait à cette date d'un contrat à durée déterminée conclu le 3 janvier 2022 pour un poste d'employé commercial dans un magasin de l'enseigne E. Leclerc situé à Lens, il ressort des pièces du dossier que sa relation de travail avec cette société ne s'est pas prolongée au-delà du 6 février 2022. En réponse à un courriel du 25 novembre 2022 par lequel les services de la préfecture du Pas-de-Calais lui ont demandé de les renseigner sur ses activités professionnelles depuis le dépôt de sa demande en janvier 2022, M. A... a uniquement fourni les bulletins de salaire correspondant au poste occupé jusqu'en février 2022 auprès de l'enseigne E. Leclerc et n'a justifié d'aucune activité professionnelle postérieurement à cette date. En outre, par un courriel du 24 janvier 2023, dont la cour peut tenir compte dès lors qu'il révèle des éléments de faits prévalant à la date de l'arrêté attaqué, les services de la main d'œuvre étrangère ont confirmé à la préfecture du Pas-de-Calais qu'ils n'ont été saisis d'aucune demande d'autorisation de travail au nom de l'intéressé depuis le 6 avril 2021. Il s'ensuit qu'à la date à laquelle le préfet a statué, M. A... ne justifiait d'aucun contrat de travail à durée déterminée en cours de validité ni d'aucune activité professionnelle, ce qui s'opposait à ce qu'une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " puisse lui être délivrée. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 433-1 et L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, dès lors, être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est célibataire et sans charge de famille sur le territoire. Si sa tante, qui l'a recueilli à son arrivée et a exercé l'autorité parentale en application d'un jugement du 15 janvier 2015 du juge aux affaires familiales, vit en France à Aubervilliers, il ressort des pièces du dossier qu'il n'existe plus de communauté de vie entre eux depuis au moins 2017, année à partir de laquelle M. A... a été scolarisé puis a vécu dans le sud-ouest, avant de rejoindre le Pas-de-Calais dans le courant de l'année 2020. Alors qu'il est désormais adulte et a pris son autonomie, il n'apporte aucun élément de nature à justifier de l'intensité des liens qu'il a conservés avec elle depuis lors pas plus que de l'impossibilité de poursuivre sa relation avec elle depuis son pays d'origine, pays dont elle a également la nationalité et où elle pourrait le cas échéant lui rendre visite. En outre, M. A... n'établit pas, par la seule production d'un permis de conduire américain au nom de son père, qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine. S'il a obtenu au cours de son séjour en France un brevet d'études professionnelles, spécialité " Métiers de la relation aux clients et aux usagers ", en juillet 2016 et un baccalauréat professionnel, spécialité " Commerce ", en septembre 2018 et s'il justifie d'activités professionnelles sous contrat à durée déterminée avec des enseignes commerciales entre septembre 2017 et mai 2020 puis janvier et février 2022, il ne justifie pas, à la date de l'arrêté attaqué, d'une insertion professionnelle stable et durable et de nature à garantir son autonomie matérielle et une intégration réussie à la société française. La promesse d'embauche datée du 12 décembre 2022 qu'il produit, postérieure à l'arrêté attaqué, n'est pas suffisante à cet égard dès lors qu'elle porte sur un poste de manœuvre assistant plaquiste et qu'il n'a ni formation ni expérience dans ce secteur. Dans le même temps, il ne justifie pas qu'il ne pourrait pas se réinsérer socialement et professionnellement dans son pays d'origine, compte tenu en particulier des qualifications qu'il a acquises au cours de son séjour en France. Enfin, sa seule implication dans un club de football, aussi louable soit-elle, ne suffit pas à elle-seule à le regarder comme ayant établi le centre principal de ses intérêts privés et familiaux en France. Dans ces conditions, en dépit de sa durée de séjour en France, du jeune âge qui était le sien à son arrivée, de la présence de sa tante sur le territoire et de la qualité de la formation scolaire et professionnelle qu'il y a suivie, en lui refusant la délivrance du titre de séjour qu'il sollicitait et en l'obligeant à quitter le territoire à destination du pays dont il a la nationalité, le préfet du Pas-de-Calais ne peut pas être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 25 novembre 2022 du préfet du Pas-de-Calais et, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse à M. A... la somme que celui-ci réclame au titre des frais engagés par lui dans le cadre de la présente instance d'appel et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 11 juin 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2024.
Le rapporteur,
Signé : G. ToutiasLa présidente de chambre,
Signé : M.P. Viard
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°23DA01310