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26/06/2024 | FRANCE | N°23DA01118

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 26 juin 2024, 23DA01118


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... G... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, sous le n° 2100453, d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2020 du préfet de la région Hauts-de-France en tant qu'il lui refuse la délivrance d'une autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées ZD 51 et D 320 situées à Conteville (Somme) et A 229 située à Coulonvillers (Somme), représentant une surface totale de 30 ha 83 a 81 ca, et, sous le n° 2203203, d'annuler l'arrêté du 11 avril 2022 du préfet de la régi

on Hauts-de-France rejetant sa nouvelle demande d'autorisation d'exploiter tendant aux mêmes...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, sous le n° 2100453, d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2020 du préfet de la région Hauts-de-France en tant qu'il lui refuse la délivrance d'une autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées ZD 51 et D 320 situées à Conteville (Somme) et A 229 située à Coulonvillers (Somme), représentant une surface totale de 30 ha 83 a 81 ca, et, sous le n° 2203203, d'annuler l'arrêté du 11 avril 2022 du préfet de la région Hauts-de-France rejetant sa nouvelle demande d'autorisation d'exploiter tendant aux mêmes fins.

Par un jugement n° 2100453-2203203 du 20 avril 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la requête n° 2100453 de Mme G... tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 septembre 2020 et a mis à sa charge, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à M. F... D..., candidat concurrent qui a produit des mémoires au cours de l'instance, d'une somme de 1 500 euros. En revanche, faisant droit à sa requête n° 2203203, il a annulé l'arrêté du 11 avril 2022 du préfet de la région Hauts-de-France et enjoint à celui-ci de réexaminer la seconde demande de Mme G... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 juin 2023 et 12 février 2024, Mme G..., représentée par Me Christophe de Langlade, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa requête n° 2100453 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2020 du préfet de la région Hauts-de-France en tant qu'il lui refuse la délivrance de l'autorisation d'exploiter la surface de 30 ha 83 a 81 ca ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors que la demande de M. D... était incomplète au regard des dispositions de l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime à défaut d'avoir joint l'annexe 5 signée par l'exploitant antérieur et que, par suite, elle ne pouvait pas être regardée comme une demande concurrente ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'un autre vice de procédure tenant à l'irrégularité de la composition de la commission départementale d'orientation de l'agriculture dès lors, d'une part, que Mme B... D..., mère du candidat concurrent et membre de la commission, a été représentée au cours de la réunion du 2 septembre 2020 et, d'autre part, qu'aucun membre représentant la chambre d'agriculture n'a pris part au vote, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 313-2 du code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du 20 juillet 2015 et le schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie, sur le fondement desquels a été pris l'arrêté attaqué, sont illégaux dès lors qu'en méconnaissance des articles L. 331-3-1 et L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, dans leurs rédactions résultant de la loi 14 octobre 2014, ils permettent d'instaurer des critères de départage des candidats relevant d'un même rang de priorité ;

- les critères de départage prévus par l'article 5 du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie, sur le fondement desquels a été pris l'arrêté attaqué, sont illégaux dès lors qu'en méconnaissance de l'arrêté du 20 juillet 2015, ils sont définis en référence aux critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental d'une opération prévus à l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime alors que ceux-ci doivent en principe servir uniquement à la définition de l'ordre des priorités ;

- ces critères de départage méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi dès lors qu'ils sont définis par renvoi aux critères d'appréciation généraux de l'intérêt économique et environnemental d'une opération prévus à l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, sans les préciser ni les adapter aux circonstances locales, ce qui n'est pas de nature à éclairer suffisamment les demandeurs sur les motifs des décisions prises à leur encontre et à les prémunir contre le risque de l'arbitraire ;

- c'est à tort que les premiers juges ont mis à sa charge, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement d'une somme de 1 500 euros à M. D... dès lors que, sa requête étant seulement dirigée contre le refus d'autorisation d'exploiter qui lui a été opposé et non contre l'autorisation d'exploiter délivrée à M. D..., celui-ci n'avait pas la qualité de partie à l'instance et n'aurait pas eu qualité pour former tierce opposition.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête d'appel de Mme G....

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2024, M. D..., représenté par Me Laurent Janocka, conclut au rejet de la requête d'appel de Mme G... et à ce que le versement d'une somme de 3 000 euros soit mis à la charge de cette dernière au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 5 mars 2024, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 21 mars 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 ;

- l'arrêté du 20 juillet 2015 du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt fixant le modèle d'arrêté préfectoral portant schéma directeur régional des exploitations agricoles ;

- l'arrêté du 29 juin 2016 du préfet de la région Hauts-de-France portant schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... a déposé, le 9 mars 2020, une demande d'autorisation d'exploiter un ensemble de parcelles situées sur le territoire des communes de Conteville, Coulonvillers et Cramont (Somme), représentant une surface totale de 96 ha 65 a 88 ca. M. F... D... a déposé, le 4 mai 2020, une demande d'autorisation d'exploiter partiellement concurrente à celle de Mme G... et portant sur les parcelles cadastrées ZD 51 et D 320 situées à Conteville et A 229 située à Coulonvillers, représentant une surface totale de 30 ha 83 a 81 ca. Par un arrêté du 23 septembre 2020, le préfet de la région Hauts-de-France a autorisé Mme G... à exploiter une surface de 65 ha 82 a 07 ca mais a refusé de l'autoriser à exploiter la surface de 30 ha 83 a 81 ca précitée au motif que la priorité devait être donnée, en application du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie, au projet de M. D.... Mme G... a formé un recours gracieux contre cette décision par un courrier du 2 novembre 2020 auquel aucune suite n'a été réservée. Elle relève appel du jugement du 20 avril 2023 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il rejette sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté et met à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à M. D... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En défense, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et M. D... concluent au rejet de cette requête.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la complétude du dossier de demande d'autorisation d'exploiter présenté par M. D... :

2. Aux termes de l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime : " La demande de l'autorisation mentionnée au I de l'article L. 331-2 est établie selon le modèle défini par le ministre de l'agriculture et accompagnée des éléments justificatifs dont la liste est annexée à ce modèle. / Si la demande porte sur des biens n'appartenant pas au demandeur, celui-ci doit justifier avoir informé par écrit de sa candidature le propriétaire. / (...) / Après avoir vérifié que le dossier comporte les pièces requises en application du premier alinéa, le service chargé de l'instruction l'enregistre et délivre au demandeur un accusé de réception. / (...) ". Pour l'application de ces dispositions, le modèle de demande d'autorisation d'exploiter a donné lieu à l'établissement d'un formulaire cerfa n° 11534*04 comportant quatre annexes.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a présenté une demande d'autorisation d'exploiter partiellement concurrente à celle de Mme G.... Cette demande porte sur les parcelles cadastrées ZD 51 et D 320 situées à Conteville et A 229 située à Coulonvillers, lesquelles sont exploitées par M. C... E... mais appartiennent à un tiers. La demande de M. D... a été établie à partir du formulaire cerfa n° 11534*04 prévu à cet effet. Il y a joint les annexes 1 " Description des biens " et 2 " Description des surfaces, objet de la demande " qui étaient les seules dont le renseignement est imposé par le formulaire cerfa dès lors que son projet constituait une installation. Si Mme G... reproche à M. D... de n'avoir pas fourni en outre l'annexe 5 dûment complétée, faute notamment de l'avoir soumise à la signature de l'exploitant antérieur, il ressort des pièces du dossier que cette annexe n'est pas au nombre de celles prévues par le formulaire cerfa mais qu'elle a été ajoutée par les services préfectoraux de l'ancienne région Nord-Pas-de-Calais. Il en résulte que son renseignement ne peut être regardé comme étant prescrit à peine d'irrecevabilité de la demande. En tout état de cause, M. D... a non seulement informé les services instructeurs de l'identité de l'exploitant antérieur mais il a également fait état de ce qu'il ignorait si ce dernier était d'accord avec la reprise. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les services instructeurs se seraient mépris sur l'identité de l'exploitant antérieur. Enfin, les dispositions citées au point précédent imposent seulement au demandeur d'une autorisation d'exploiter d'informer le propriétaire des terres mais pas l'exploitant antérieur. Or, en l'espèce, l'exploitant antérieur des parcelles en litige n'était pas leur propriétaire. Il s'ensuit que la demande d'autorisation d'exploiter présentée par M. D... était complète et qu'elle ne comportait aucune omission, inexactitude ou insuffisance qui aurait pu être de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative. Le moyen soulevé en ce sens par Mme G... doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne la composition de la commission départementale d'orientation de l'agriculture et la régularité de l'avis du 2 septembre 2020 :

4. D'une part, aux termes de l'article R. 331-5 du code rural et de la pêche maritime : " I.- La commission départementale d'orientation de l'agriculture mentionnée à l'article R. 313-1 peut être consultée sur les demandes d'autorisation d'exploiter auxquelles il est envisagé d'opposer un refus pour l'un des motifs prévus à l'article L. 331-3-1. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-2 du même code : " La commission départementale d'orientation de l'agriculture est placée sous la présidence du préfet ou de son représentant et comprend : / (...) / 6° Trois représentants de la chambre d'agriculture, dont un au titre des sociétés coopératives agricoles autres que celles mentionnées au 8° ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 313-5 du même code : " La commission départementale d'orientation de l'agriculture et les commissions prévues aux articles R. 313-3 et R. 313-4 peuvent créer une ou plusieurs sections spécialisées pour exercer les attributions consultatives qui leur sont dévolues s'agissant de décisions individuelles en matière de structures agricoles, d'aides aux exploitants, aux exploitations, aux cultures et aux modes de production. / (...) ". La composition de ces sections spécialisées est encadrée par les dispositions de l'article R. 313-6 du même code. Dans le cas du département de la Somme, la composition de la commission départementale d'orientation de l'agriculture et de ses sections spécialisées, notamment une section " Structures et Economie des exploitations ", a été fixée en dernier lieu par des arrêtés préfectoraux du 30 décembre 2015.

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 133-10 du code des relations entre le public et l'administration : " Le quorum est atteint lorsque la moitié au moins des membres composant la commission sont présents, y compris les membres prenant part aux débats au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle, ou ont donné mandat. / Lorsque le quorum n'est pas atteint, la commission délibère valablement sans condition de quorum après une nouvelle convocation portant sur le même ordre du jour et spécifiant qu'aucun quorum ne sera exigé ". Aux termes de l'article R. 133-12 du même code : " Les membres d'une commission ne peuvent prendre part aux délibérations lorsqu'ils ont un intérêt personnel à l'affaire qui en est l'objet ". A cet égard, même en l'absence de texte, lorsqu'un membre d'une commission administrative à caractère consultatif est en situation de devoir s'abstenir de siéger pour l'examen d'une question, il est de bonne pratique qu'il quitte la salle où se tient la séance pendant la durée de cet examen. Toutefois, la circonstance que l'intéressé soit resté dans la salle n'entraîne l'irrégularité de l'avis rendu par la commission que si, en raison notamment de son rôle dans celle-ci, de l'autorité hiérarchique, scientifique ou morale qui est la sienne ou de la nature de ses liens d'intérêt, sa simple présence pendant les délibérations a pu influencer les positions prises par d'autres membres de l'instance.

6. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 23 septembre 2020 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a partiellement refusé l'autorisation d'exploiter sollicitée par Mme G... a donné lieu à la consultation de la commission départementale d'orientation de l'agriculture et à un avis rendu lors de sa séance du 2 septembre 2020. Si Mme B... D..., dont il est constant qu'elle est la mère de M. F... D... qui a déposé une demande concurrente à celle de Mme G..., est membre suppléante de la commission et de sa section spécialisée sur les demandes d'autorisation d'exploiter, il ressort du procès-verbal de cette réunion, produit par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en appel, que l'intéressée n'y était pas présente. Si elle avait par contre donné procuration à un autre membre siégeant au sein de la commission en qualité de représentant de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles, il ressort du même procès-verbal que celui-ci s'est expressément déporté et n'a pas pris part au vote. S'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait quitté la salle des délibérations, il ne ressort en revanche pas des pièces du dossier qu'il ait pris part aux débats ou qu'il ait exercé une influence déterminante sur l'issue du vote, lequel a été acquis à une majorité de 15 voix pour, une abstention et aucun vote contre. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que le quorum était atteint et que la commission pouvait donc régulièrement délibérer, quand bien même aucun des membres représentant la chambre d'agriculture n'aurait été présent ou représenté. Le moyen de vice de procédure tenant à l'irrégularité de la composition de la commission départementale d'orientation de l'agriculture ayant rendu un avis sur la demande de Mme G... doit, dès lors, être écarté dans ses deux branches.

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté du 20 juillet 2015 du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie :

7. Aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité administrative (...) vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 312-1 du même code : " (...) / III.- Le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit, pour répondre à l'ensemble des objectifs et orientations mentionnés au I du présent article, l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération. / (...) / Les critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental d'une opération, en fonction desquels est établi l'ordre des priorités, sont les suivants : / 1° La dimension économique et la viabilité des exploitations agricoles concernées ; / 2° La contribution de l'opération envisagée à la diversité des productions agricoles régionales, à la diversité des systèmes de production agricole et au développement des circuits de proximité ; / 3° La mise en œuvre par les exploitations concernées de systèmes de production agricole permettant de combiner performance économique et performance environnementale, dont ceux relevant du mode de production biologique au sens de l'article L. 641-13 ; / 4° Le degré de participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande au sens du premier alinéa de l'article L. 411-59 ; / 5° Le nombre d'emplois non salariés et salariés, permanents ou saisonniers, sur les exploitations agricoles concernées ; / 6° L'impact environnemental de l'opération envisagée ; / 7° La structure parcellaire des exploitations concernées ; / 8° La situation personnelle des personnes mentionnées au premier alinéa du V. / Le schéma directeur régional des exploitations agricoles peut déterminer l'ordre des priorités en affectant une pondération aux différents éléments pris en compte. / (...) ". Par ailleurs, l'arrêté du 20 juillet 2015 du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a fixé un modèle d'arrêté préfectoral portant schéma directeur régional des exploitations agricoles qui prévoit, en son article 3, qu'" en cas de demandes dans un même rang de priorité, l'autorité administrative compétente délivre plusieurs autorisations, sauf si dans ce rang de priorité, il a été prévu des critères ou des pondérations complémentaires permettant de départager les demandes entre elles et de dégager celles qui seront plus prioritaires ".

8. Pour l'application des dispositions citées au point précédent, le schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie fixe, en son article 3, l'ordre des priorités suivants : " 1° Installation à titre principal d'agriculteurs qui remplissent les conditions pour prétendre aux aides (dispositions prévues à l'article L. 330-1 à 2 et D343-4 du Code Rural et de la Pêche Maritime) ou reprise à titre principal de l'exploitation par le conjoint collaborateur à titre principal, en cas de départ à la retraite de l'exploitant ou en cas de décès du chef d'exploitation et afin de maintenir l'entité économique. / 2° Installation ou confortement d'une exploitation pour atteindre ou maintenir le seuil de contrôle (inclus) après reprise, le cas échéant. / 3° Réinstallation d'un agriculteur à concurrence de la surface dont il a été privé. / 4° Agrandissement et maintien de la surface pour atteindre 1 fois (inclus)/UTANS le seuil de contrôle après reprise, le cas échéant. / 5° Agrandissement et maintien de la surface entre 1 à 1,5 fois (inclus)/UTANS le seuil de contrôle après reprise, le cas échéant. / 6° Agrandissement et maintien de la surface entre 1,5 à 2 fois (inclus)/UTANS le seuil de contrôle après reprise, le cas échéant. / 7° Autre situation ". Selon le même article, cet ordre des priorités a été établi en prenant en compte : " - la nature de l'opération, au regard des objectifs du contrôle des structures et des orientations définies par le présent schéma ; / - l'intérêt économique et environnemental de l'opération, selon les critères définis ci-dessous et, le cas échéant, les éléments définis à l'article 5 ". A cet égard, l'article 5 du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie prévoit que " Les critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental reprennent les critères énoncés à l'article L. 312-1. Ils permettront de départager les candidats dans le même rang de priorité ".

9. En l'espèce, pour refuser à Mme G... l'autorisation d'exploiter la surface de 30 ha 83 a 81 ca pour laquelle M. D... avait présenté une demande concurrente, le préfet de la région Hauts-de-France a considéré que les opérations projetées par Mme G... et M. D... relevaient toutes les deux du rang de priorité n° 2 du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie mais qu'en application du critère de départage de la " viabilité des exploitations " il y avait lieu de donner la priorité à M. D... dès lors que, à la différence de Mme G..., la perte de la surface litigieuse serait de nature à compromettre son projet d'installation. Pour contester cette décision, Mme G... soutient, par la voie de l'exception d'illégalité, que les critères de départage énoncés par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie en application de l'arrêté du 20 juillet 2015 du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sont illégaux à un triple titre et, par suite, que le préfet de la région Hauts-de-France ne pouvait pas se fonder sur eux pour lui refuser l'autorisation d'exploiter qu'elle sollicitait. D'une part, l'instauration de critères permettant de départager des candidats relevant du même rang de priorité méconnaît les dispositions des articles L. 331-3-1 et L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction résultant des dispositions de la loi du 14 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. D'autre part, le schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie a commis une erreur de droit en définissant les critères de départage par référence aux critères de l'appréciation de l'intérêt économique et environnemental d'une opération prévus à l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime dès lors que ceux-ci ont uniquement pour objet de définir l'ordre des priorités. De tierce part, les critères de départage prévus par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité des normes dès lors qu'ils sont définis par un renvoi général aux critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental d'une opération prévus à l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, sans les préciser ni les adapter aux circonstances locales.

10. Toutefois, contrairement à ce que soutient Mme G..., les dispositions des articles L. 331-3-1 et L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction résultant des dispositions de la loi du 14 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, ne s'opposent pas à ce que les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles prévoient, outre l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation d'exploiter, des critères permettant de départager les candidats qui relèveraient d'un même rang. Par ailleurs, dès lors que de tels critères de départage s'inscrivent dans le prolongement de l'ordre des priorités et en constituent une déclinaison, aucune disposition ni aucun principe ne s'oppose à ce qu'ils soient définis par référence aux critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental d'une opération prévus par l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime et devant être obligatoirement pris en compte dans le cadre de la définition de l'ordre des priorités. Enfin, aucune disposition ni aucun principe ne s'oppose davantage à ce qu'un schéma directeur régional définisse les critères de départage en renvoyant, sans plus de précision, aux critères prévus par les dispositions de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime. Les critères de départage ainsi définis ne sont ni ambigus ni inintelligibles et ne sont pas de nature à priver les demandeurs de leur droit à la motivation des décisions, consacré par ailleurs à l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime. Au demeurant, en l'espèce, l'arrêté attaqué énonce clairement le critère de départage dont le préfet de la région Hauts-de-France a fait application ainsi que les considérations de fait l'ayant conduit à donner la priorité à M. D..., mettant ainsi Mme G... à même de comprendre les motifs du refus d'autorisation d'exploiter prise à son encontre. Les critères de départage définis par renvoi aux critères prévus par l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime ne méconnaissent pas davantage la marge d'appréciation importante que le législateur a entendu réserver à l'autorité administrative, exercée sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir. Dans ces conditions, l'exception d'illégalité que Mme G... soulève à l'encontre des critères de départage dont le préfet de la région Hauts-de-France a fait application pour refuser sa demande d'autorisation d'exploiter doit être écartée dans toutes ses branches.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 septembre 2020 du préfet de la région Hauts-de-France en tant qu'il lui refuse l'autorisation d'exploiter la surface de 30 ha 83 a 81 ca ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à ce même préfet de lui délivrer l'autorisation d'exploiter sollicitée.

Sur les frais liés au litige :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

En ce qui concerne la somme de 1 500 euros que le jugement attaqué a mis à la charge de Mme G... au bénéfice de M. D... :

13. Si la requête présentée par Mme G... en première instance était seulement dirigée contre le refus d'autorisation d'exploiter une surface de 30 ha 83 a 81 ca pris à son encontre par le préfet de la région Hauts-de-France, le jugement à intervenir était de nature à provoquer un réexamen de sa demande, à conduire à la délivrance de l'autorisation sollicitée et, par suite, à préjudicier au projet d'installation poursuivi par M. D... sur les mêmes parcelles. En outre, celui-ci aurait, en qualité de candidat concurrent dont le projet d'installation n'est pas soumis à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter, intérêt à agir contre toute autorisation délivrée sur les mêmes parcelles. Il s'ensuit que M. D... doit être regardé comme ayant la qualité de partie à l'instance, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Pour le reste, Mme G... ne conteste pas le montant que le jugement a mis à sa charge. Il en résulte qu'elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a mis à sa charge le versement à M. D... d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne les conclusions présentées au titre de la présente instance d'appel :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme G... la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle dans le cadre de la présente instance d'appel et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme G... le versement à M. D... d'une somme de 2 000 euros au titre des frais engagés par lui dans le cadre de la présente instance d'appel et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.

Article 2 : Mme G... versera à M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... G..., au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et à M. F... D....

Copie sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.

Délibéré après l'audience publique du 11 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLa présidente de chambre,

Signé : M.P. Viard

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA01118


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01118
Date de la décision : 26/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE DE LANGLADE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-26;23da01118 ?
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