Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 5 juin 2023 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui fait interdiction de retour pour une durée d'une année.
Par un jugement n° 2305010 du 26 juillet 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 août 2023, M. A..., représenté par Me Emmanuelle Lequien, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 juin 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 4 ° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " le 6 février 2023 ;
- l'arrêté est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation en refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire au regard de l'absence de garanties de représentation dès lors qu'il n'est pas sans domicile fixe ;
- la motivation de l'interdiction de retour prend en compte un critère non prévu par la loi tenant aux conditions d'entrée et de séjour en France et alors que la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France n'ont pas été examinés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2023.
Par une ordonnance du 5 mars 2024 la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mars 2024.
Le préfet du Nord n'a pas produit de mémoire en dépit d'une mise en demeure qui lui a été notifiée le 27 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller ;
- et les observations de Me Emmanuelle Lequien, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant guinéen né le 25 juin 1999, est entré en France au cours de l'année 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 9 janvier 2020. Il a été interpellé le 4 juin 2023. Par un arrêté du 5 juin 2023, le préfet du Nord l'a obligé de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui fait interdiction de retour pour une durée d'une année. M. A... relève appel du jugement du 26 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile présentée par M. A... a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 9 janvier 2020 et que l'intéressé n'a formé aucun recours contre cette décision. Ainsi, l'autorité préfectorale pouvait légalement prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions citées au point 2. M. A... soutient que le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français sans examiner la demande de titre de séjour déposée le 6 février 2023. Si l'avocate de l'appelant a transmis par courriel une demande de titre de séjour datée du 30 janvier 2023, les services préfectoraux l'ont informée, par courriel du 6 février 2023, que l'adresse utilisée pour envoyer cette demande était réservée pour solliciter un rendez-vous pour une première demande de titre de séjour. M. A... n'établit pas avoir sollicité un tel rendez-vous en préfecture ou s'y être présenté afin de déposer sa demande. Ainsi, et en tout état de cause, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord aurait commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de cette demande et en lui faisant obligation de quitter le territoire français. Par suite, ce moyen doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...). ". Il ressort des pièces du dossier que M. A... est célibataire, sans enfant et ne dispose d'aucune attache familiale en France où il réside en situation irrégulière depuis plus de cinq années à la date d'adoption de l'arrêté attaqué. Ainsi, et alors même qu'il se prévaut d'un engagement dans le milieu sportif et associatif et qu'il dispose de plusieurs promesses d'embauche, l'obligation de quitter le territoire français litigieuse ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".
6. M. A... soutient que la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que, contrairement à ce qu'indique l'arrêté attaqué, il n'est pas sans domicile fixe. S'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est hébergé chez un ami à Lille, il n'est pas contesté que l'appelant n'a pas présenté de documents d'identité et de voyage. Pour ce seul motif, le préfet du Nord pouvait considérer que M. A... ne présente pas de garanties de représentation suffisantes au sens du 8° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il ressort du procès-verbal d'audition du 5 juin 2023 que M. A... a indiqué, en réponse à une question portant sur l'éventualité d'une mesure d'éloignement à destination de son pays d'origine, qu'il souhaitait rester en France. Ainsi, le préfet du Nord a pu légalement estimer qu'il a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français au sens du 4° de l'article L. 612-2 du code précité. Dans ces conditions, la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire prise au motif qu'il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet, n'est pas entachée d'erreur d'appréciation. Par suite, le moyen doit être écarté.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il ressort de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.
8. En l'espèce, le préfet du Nord a motivé l'interdiction de retour prise à l'encontre de M. A... au regard de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, des conditions de son entrée et de son séjour en France, de la circonstance qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et de l'absence de menace à l'ordre public que représente sa présence sur le territoire national. Les quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 ont bien été envisagés par le préfet et l'ensemble de l'arrêté comporte des considérations de droit et de fait suffisamment détaillées pour mettre l'intéressé à même de comprendre les motifs de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français qui lui est opposée. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°23DA01716