Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 30 mars 2023 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2301420 du 27 juillet 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 août 2023, M. B..., représenté par Me Claire Menage, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 mars 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", ou à défaut de réexaminer sa situation et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour et de travail, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué a omis de répondre à un moyen tiré de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de son insertion professionnelle et des spécificités de son emploi ;
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas examiné sa demande de façon sérieuse et particulière ;
- l'arrêté est entaché d'une l'erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son insertion professionnelle et des spécificités de son emploi ;
- il remplit les critères posés par la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- l'arrêté est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus de séjour étant illégale, l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée ainsi que la décision fixant le pays de destination.
Par une ordonnance du 5 mars 2024 la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mars 2024.
Le préfet de la Somme n'a pas produit de mémoire en dépit d'une mise en demeure qui lui a été notifiée le 27 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 19 juillet 1998, est entré sur le territoire français, le 8 août 2019, sous couvert d'un visa de court séjour. Le 7 mars 2023, il a demandé son admission exceptionnelle au séjour en qualité de travailleur salarié. Par un arrêté du 30 mars 2023 le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 27 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Le jugement du 27 juillet 2023 rejetant la demande de M. B... a statué sur la totalité des moyens soulevés par M. B... et y a répondu de manière suffisamment motivée, notamment sur les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de son insertion professionnelle et des spécificités de son emploi. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier du fait d'un défaut de motivation ou d'une omission à statuer.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, l'arrêté du 30 mars 2023 mentionne les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise si l'intéressé pouvait bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour compte tenu de sa durée de séjour en France et de son insertion professionnelle. Ainsi, cet arrêté énonce avec suffisamment de précisions les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions précitées de l'article de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... réside en France depuis trois années à la date de l'arrêté attaqué, travaille depuis l'année 2020 pour une société de peintures et traitement du sol avec laquelle il a conclu un contrat à durée indéterminée le 29 décembre 2022 en qualité de conducteur de travaux. Si l'intéressé soutient que l'administration n'a pas examiné sa demande d'autorisation de travail, il n'apporte aucun élément permettant d'établir que son employeur aurait transmis auprès des services compétentes un dossier à cette fin. Si l'insertion professionnelle de M. B... dans un métier en tension n'est pas contestable, elle ne permet pas à elle-seule de considérer que le préfet de la Somme aurait dû faire droit à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, sans qu'ait d'incidence l'éventuelle inadéquation des études qu'il a suivies avec l'emploi qu'il occupe. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur de fait, d'erreur manifeste d'appréciation ou que l'administration n'aurait pas examiné sa demande de façon sérieuse et particulière.
6. En troisième lieu, l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) institue une garantie au profit de l'usager en vertu de laquelle toute personne qui l'invoque est fondée à se prévaloir, à condition d'en respecter les termes, de l'interprétation, même illégale, d'une règle contenue dans un document que son auteur a souhaité rendre opposable, en le publiant dans les conditions prévues aux articles R. 312-10 et D. 312-11 du code des relations entre le public et l'administration, tant qu'elle n'a pas été modifiée. En outre, l'usager ne peut bénéficier de cette garantie qu'à la condition que l'application d'une telle interprétation de la règle n'affecte pas la situation de tiers et qu'elle ne fasse pas obstacle à la mise en œuvre des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement. Les mentions accompagnant la publication de ce document ont pour objet de permettre de s'assurer du caractère opposable de l'interprétation qu'il contient. En instituant le mécanisme de garantie de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, le législateur n'a pas permis de se prévaloir d'orientations générales dès lors que celles-ci sont définies pour l'octroi d'une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit, alors même qu'elles ont été publiées sur l'un des sites mentionnés à l'article D. 312-11 du même code. S'agissant des lignes directrices, le législateur n'a pas subordonné à leur publication sur l'un de ces sites la possibilité pour toute personne de s'en prévaloir, à l'appui d'un recours formé devant le juge administratif. Dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, dite circulaire Valls doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...). ". Il ressort des pièces du dossier que M. B... est célibataire, sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Maroc où résident ses parents. Si sa fratrie est présente en France ainsi qu'un oncle et une tante, il ne justifie pas entretenir des liens d'une particulière intensité avec ces personnes. Ainsi, et alors même qu'il bénéficie d'une insertion professionnelle, l'arrêté attaqué n'a pas porté atteinte au droit de M. B... de mener une vie privée et familiale normale et ne méconnaît dès lors pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen doit être écarté.
8. En dernier lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de séjour n'étant pas fondés, le moyen excipant de son illégalité à l'encontre des décisions subséquentes portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2023. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Somme.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°23DA01700