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12/06/2024 | FRANCE | N°23DA01294

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 12 juin 2024, 23DA01294


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné.



Par un jugement n° 2204456 du 4 avril 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.



Proc

édure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Antoine ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné.

Par un jugement n° 2204456 du 4 avril 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Antoine Mary, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2022 du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou de procéder à un réexamen de sa situation en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un vice de procédure pour n'avoir pas été précédée de la saisine de la commission du titre de séjour alors qu'il remplissait les conditions pour bénéficier de plein droit du titre de séjour prévu par les stipulations de l'article 6, paragraphe 5, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- elle est également entachée d'un autre vice de procédure pour être fondée sur une consultation du traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) intervenue dans des conditions irrégulières ; en effet, en méconnaissance des dispositions des articles R. 114-6 du code de la sécurité intérieure et R. 40-29 du code de procédure pénale, il n'a pas été informé de la consultation de ce fichier, le préfet ne justifie pas de l'habilitation et de l'identité de la personne qui a consulté le traitement et le préfet ne démontre pas avoir préalablement saisi, pour complément d'informations, les services de police ou de gendarmerie et/ou le procureur de la République ;

- elle est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne fait mention d'aucun élément tangible caractérisant la menace à l'ordre public qui lui est opposée et qu'elle ne vise pas les stipulations de l'article 6, paragraphe 7, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- elle a été prise sans que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne soit consulté ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6, paragraphe 5, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et les dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est marié à une ressortissante française, qu'il ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 6, paragraphe 2, du même accord à défaut d'être entré sur le territoire sous couvert d'un visa de long séjour et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6, paragraphe 7, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié dès lors qu'il ne peut pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie en Algérie, lequel nécessite une relation de confiance de longue durée avec son thérapeute ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; d'une part, elle ne distingue pas les notions de vie privée et de vie familiale et, d'autre part, elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure pour être fondée sur une consultation du traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) intervenue dans des conditions irrégulières ;

- elle est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne fait mention d'aucun élément tangible caractérisant la menace à l'ordre public qui lui est opposée et qu'elle ne vise pas les stipulations de l'article 6, paragraphe 7, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- elle a été prise sans que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne soit consulté ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3, 9°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne peut pas effectivement bénéficier en Algérie d'un traitement approprié à sa pathologie, lequel nécessite une relation de confiance de longue durée avec son thérapeute ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; d'une part, elle ne distingue pas les notions de vie privée et de vie familiale et, d'autre part, elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu et du principe du contradictoire ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête d'appel de M. B....

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance en date du 1er décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 janvier 2024 à 12 heures.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juin 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., né le 30 septembre 1990, de nationalité algérienne, est entré irrégulièrement en France en 2017 en provenance d'Espagne, après avoir fait l'objet d'une mesure d'expulsion par ce pays. Le 5 octobre 2017, il a fait l'objet d'un arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales prononçant sa réadmission aux autorités espagnoles, auquel il n'a pas déféré. Le 3 septembre 2020, il a sollicité auprès du préfet de la Seine-Maritime la délivrance d'un titre de séjour pour un motif tenant à son état de santé. Au cours de l'instruction de sa demande, il a fait état de l'évolution de sa situation privée et familiale en informant le préfet de son mariage avec une ressortissante française le 19 septembre 2020. Par un arrêté du 22 juillet 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il devra être éloigné. M. B... relève appel du jugement du 4 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B.... Contrairement à ce qu'il soutient, l'arrêté reproduit les stipulations de l'article 6, paragraphe 7, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié sur le fondement duquel M. B... a initialement sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " et rend compte des conclusions de l'examen de sa demande effectué par le préfet au regard de ces stipulations. Également, l'arrêté attaqué énonce les éléments de fait, issus de la consultation du traitement d'antécédents judiciaires (TAJ), sur lesquels le préfet s'est fondé pour considérer que la présence en France de M. B... était constitutive d'une menace à l'ordre public. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée doit être écarté.

3. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., si l'arrêté attaqué tient certes compte de l'ancienneté de sa communauté de vie avec une ressortissante française, il ne ressort ni des énonciations de cet arrêté ni des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime aurait considéré qu'il remplissait l'ensemble des conditions ouvrant droit à la délivrance de plein droit du certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " prévu à l'article 6, paragraphe 5, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Il ne ressort au demeurant pas des pièces du dossier que les liens privés et familiaux de M. B... en France, appréciées à l'aune des faits constitutifs d'une menace à l'ordre public dont il s'est rendu coupable, soient tels que le refus d'autoriser son séjour en France porterait atteinte au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, la consultation de la commission du titre de séjour n'était pas un préalable obligatoire au prononcé de la décision attaquée et le moyen tiré du vice de procédure doit, dès lors, être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes du V. de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure : " Il peut être procédé à des enquêtes administratives dans les conditions prévues au second alinéa du I du présent article pour la délivrance, le renouvellement ou le retrait d'un titre ou d'une autorisation de séjour sur le fondement de l'article L. 234-1, L. 235-1, L. 425-4, L. 425-10, L. 432-1 ou L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou des stipulations équivalentes des conventions internationales ainsi que pour l'application des articles L. 434-6, L. 511-7, L. 512-2 et L. 512-3 du même code ". Aux termes de l'article R. 114-6 du même code : " Les personnes qui font l'objet d'une enquête administrative en application de l'article L. 114-1 sont informées de ce que cette enquête donne lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles relevant de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification. / Lorsque l'enquête administrative qui donne lieu à la consultation fait suite à une demande de décision de l'intéressé, celui-ci en est informé dans l'accusé de réception de sa demande prévu aux articles L. 112-3 et L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration. / (...) ".

5. Aux termes de l'article R. 40-20 du code de procédure pénale : " I.- Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article (...) L. 114-1 (...) du code de la sécurité intérieure (...), les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : / (...) / 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. Il indique à l'autorité de police administrative à l'origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l'article 230-8 du présent code. / (...) ".

6. Pour refuser de délivrer un certificat de résidence algérien à M. B..., le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé sur la circonstance, révélée par la consultation du TAJ, que l'intéressé est défavorablement connu des forces de l'ordre pour des faits de délit de fuite après un accident par conducteur de véhicule terrestre, de port sans motif légitime d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D et rébellion et d'usage illicite de stupéfiants, commis respectivement les 3 janvier 2021, 29 avril 2021 et 30 septembre 2021. Dès lors que les dispositions citées aux deux points précédents prévoient la possibilité que certains traitements automatisés de données à caractère personnel soient consultés au cours de l'enquête conduite par l'administration dans le cadre de ses pouvoirs de police, préalablement à la décision portant refus de titre de séjour, les circonstances, à les supposer même avérés, que M. B... n'aurait pas été informé de cette consultation, que l'agent y ayant procédé n'aurait pas été individuellement désigné et régulièrement habilité à cette fin et que l'autorité administrative n'aurait pas préalablement saisi les services du procureur de la République ou les services de police ou de gendarmerie pour complément d'informations, si elles sont susceptibles de donner lieu aux procédures de contrôle de l'accès à ces traitements, ne sont pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la décision prise. Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que les éléments d'informations issus de la consultation du traitement litigieux aient eu un caractère déterminant dès lors que M. B... ne remplissait pas non plus les autres conditions de délivrance des titres de séjour qu'il sollicitait. Il s'ensuit que le moyen tiré du vice de procédure tenant à l'irrégularité de la consultation du TAJ doit être écarté.

7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été saisi de la demande de titre de séjour présentée par M. B... et qu'il a rendu un avis le 5 octobre 2021, dont une copie a été produite par le préfet de la Seine-Maritime au cours de l'instance. Dès lors, le moyen tiré du vice de procédure tenant à l'absence d'avis du collège des médecins de l'OFII doit être écarté comme manquant en faits.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 6, paragraphe 5, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention "résident de longue durée-UE" ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". L'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne prive pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

9. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. B... réside sur le territoire français depuis seulement cinq ans. S'il est marié à une ressortissante française depuis presque deux ans, il est constant que le couple n'a pas d'enfant. Il ne justifie d'aucune autre attache familiale en France ni d'aucune insertion professionnelle et sociale. Dans le même temps, il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine où résident toujours ses parents et quatre frères et sœurs. Par ailleurs, s'il conteste les conditions dans lesquelles le TAJ a été consulté, il ne conteste en revanche pas sérieusement les éléments d'informations qui en sont issus et qui révèlent tout à la fois un comportement transgressif, un défaut d'intégration ainsi que, compte tenu de leur caractère récent et de leur répétition et quand bien même ils n'auraient pas donné lieu à condamnation, une menace à l'ordre public. Dans ces conditions et alors que la décision attaquée ne préjuge en elle-même pas de l'issue des démarches qu'il pourrait ultérieurement engager en vue de rejoindre régulièrement son épouse en France, le refus d'autoriser son séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6, paragraphe 5, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et des dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En sixième lieu, aux termes de l'article 6, paragraphe 7, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / (...) ". S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

11. Il ressort des pièces du dossier que, par son avis en date du 5 octobre 2021, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays et que son état de santé lui permet en tout état de cause de voyager sans risque. M. B... se borne à produire des documents médicaux qui justifient certes des prises en charge dont il a bénéficié en France du fait de la pathologie psychiatrique dont il est atteint mais qui ne comportent aucun élément de nature à contester et, par suite, infirmer l'appréciation du collège des médecins de l'OFII relative à la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6, paragraphe 7, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié doit être écarté.

12. En septième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".

15. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise et mentionne les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constituent le fondement légal de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il ressort également sans ambiguïté des énonciations de cet arrêté que l'obligation de quitter le territoire français qu'il prononce à l'encontre de M. B... est fondée sur le refus de séjour qui lui est également opposé. L'arrêté attaqué comporte à cet égard, ainsi qu'il a été dit au point 2, les considérations de fait et de droit qui fondent cette décision de refus de séjour. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français n'avait, en application des dispositions citées au point 14 de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est insuffisamment motivée doit être écarté.

16. En deuxième lieu, le moyen tiré du vice de procédure tenant à l'irrégularité de la consultation du TAJ, au soutien duquel M. B... n'apporte pas d'arguments différents de ceux qu'il a avancés au soutien du moyen équivalent dirigé contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 à 6.

17. En troisième lieu, le moyen tiré du vice de procédure tenant à l'absence d'avis du collège des médecins de l'OFII, au soutien duquel M. B... n'apporte pas d'arguments différents de ceux qu'il a avancés au soutien du moyen équivalent dirigé contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7.

18. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 2 à 13, M. B... n'établit pas que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est illégale. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité par voie d'exception de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

19. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ". Le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11.

20. En sixième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que la décision attaquée procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 12.

21. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Sur la décision fixant le pays de destination :

22. En premier lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourra être renvoyé en exécution de cette obligation, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. En l'espèce, l'appelant qui a sollicité la délivrance d'un titre de séjour a été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté en cause et notamment des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination, et le cas échéant par un courrier joint au formulaire de demande, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu des mesures contestées. Le moyen tiré de la méconnaissance de son droit d'être entendu doit, dès lors, être écarté.

23. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 14 à 21, M. B... n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité par voie d'exception de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.

24. En troisième lieu, la décision attaquée prévoit que Mme B... pourra être éloigné vers son pays de nationalité, l'Algérie, pays dans lequel, ainsi qu'il a été dit aux points 8 à 12, il n'est pas isolé et il peut suivre un traitement approprié à son état de santé. Il n'invoque aucun autre risque pour sa sécurité en cas de retour dans ce pays. Dans ces conditions, il n'établit pas que cette décision emporterait, pour sa situation personnelle, des effets disproportionnés. Le moyen tiré de ce qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doit, dès lors, être écarté.

25. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas davantage fondé à solliciter l'annulation de la décision fixant le pays de destination.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2022 du préfet de la Seine-Maritime. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Antoine Mary.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLa présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA01294


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01294
Date de la décision : 12/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SELARL MARY & INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-12;23da01294 ?
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