Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 25 février 2022 du préfet du Nord en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et lui fait obligation de quitter le territoire français.
Par un jugement n° 2203952 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juin 2023, M. B..., représenté par Me Antoine Berthe, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 février 2022 du préfet du Nord en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et lui fait obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence algérien dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de l'admettre provisoirement au séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 6, paragraphe 7, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié dès lors qu'il ne peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; en effet, la greffe rénale est le seul traitement approprié à sa prise en charge et elle n'est pas réalisable en Algérie en raison de l'absence de donneur vivant apparenté, de l'impossibilité légale de recourir à des donneurs morts et de l'absence de toute ressource et moyen permettant de la financer ;
- compte tenu des effets disproportionnés qu'elle emporte sur son état de santé ainsi que sur sa situation personnelle, elle méconnaît le droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 511-4, 10°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête d'appel de M. B....
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance en date du 1er décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 janvier 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 31 décembre 1979, de nationalité algérienne, est entré en dernier lieu en France le 11 février 2020 sous couvert d'un visa de circulation et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà des droits au séjour ouverts par son visa. Le 22 avril 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour un motif tenant à son état de santé. Par un arrêté du 25 février 2022, le préfet du Nord a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il devra être éloigné. M. B... relève appel du jugement du 12 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / (...) ". S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
3. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6, paragraphe 7, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, M. B... s'est prévalu d'une insuffisance rénale chronique en phase terminale. Par son avis en date du 27 septembre 2021, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays et que son état de santé lui permet en tout état de cause de voyager sans risque. Pour infirmer cette appréciation, M. B... fait valoir qu'une greffe rénale est la seule prise en charge adaptée à sa situation, qu'il avait déjà engagé des démarches en ce sens mais qu'elles n'avaient pas encore pu aboutir à la date de la décision attaquée en raison de sa situation administrative et que la greffe rénale n'est pas réalisable en Algérie en raison de l'absence de donneur vivant apparenté, de l'impossibilité légale de recourir à des donneurs morts et de l'absence de toute ressource et moyen permettant de la financer.
4. Toutefois, si M. B... est suivi pour insuffisance rénale chronique en phase terminale depuis son arrivée en France, s'il est hémodialysé trois fois par semaine et s'il a engagé des démarches et examens en vue d'être inscrit sur la liste des patients en attente de greffe, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, une greffe rénale était programmée ou qu'elle constituait la seule perspective de court ou moyen terme indispensable à la prise en charge de sa pathologie. En effet, il ressort des documents médicaux produits par M. B... que les hémodialyses constituaient à ce stade une prise en charge satisfaisante. S'il fait valoir que sa fistule au bras gauche n'était alors plus fonctionnelle, il ressort des documents médicaux qu'il produit que l'hémodialyse restait réalisable de manière satisfaisante par un cathéter de dialyse à titre temporaire et qu'une nouvelle fistule a depuis en tout état de cause été réalisée au bras droit. M. B... n'établit ni même n'allègue que ce suivi ne serait pas réalisable en Algérie. Il ressort au contraire des documents qu'il produit concernant ses proches atteints de la même affection que celle-ci y est prise en charge, y compris à son stade terminal. S'agissant plus particulièrement de la greffe rénale, il ressort des pièces du dossier qu'elle est techniquement réalisable en Algérie. La circonstance que son père et ses collatéraux vivants soient atteints de la même pathologie que lui ne suffit pas à établir qu'aucun donneur n'est disponible dans son entourage familial dès lors qu'il ressort de la documentation qu'il produit lui-même, notamment un article daté du 10 août 2021 et intitulé " Le don d'organes en Algérie : limites et perspectives ", que le don au sein du cercle familial est possible jusqu'au troisième degré. Également, contrairement à ce qu'il soutient, il ressort des termes de la loi du 16 février 1985 relative à la protection et à la promotion de la santé ainsi que de la documentation produite par le préfet du Nord en première instance qu'il n'existe aucun obstacle juridique au prélèvement sur les personnes en état de mort cérébrale et que la levée des freins culturels et religieux est une préoccupation actuelle de la politique sanitaire du pays. Enfin, M. B... n'apporte pas la preuve qu'il ne pourrait pas, en cas de retour en Algérie, se réaffilier aux organismes de sécurité sociale ou acquérir d'une manière ou d'une autre, notamment par son travail, les moyens de financer la prise en charge dont il a besoin.
5. Dans ces conditions, M. B... n'apporte pas d'éléments suffisants pour infirmer les conclusions de l'avis du collège des médecins de l'OFII quant à la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et sur lequel s'est notamment appuyé le préfet pour prendre la décision en litige. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6, paragraphe 7, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié doit être écarté.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. B... réside depuis à peine plus de deux ans sur le territoire français alors qu'il a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 41 ans. Il est célibataire et sans charge de famille en France et n'y a pour seule attache familiale qu'un oncle, de nationalité française, ayant assuré son hébergement et sa prise en charge matérielle. Il ne serait en revanche pas isolé en cas de retour en Algérie où résident toujours au moins son père et deux de ses frères et sœurs. Alors qu'il ne justifie d'aucune activité professionnelle depuis son arrivée sur le territoire français ni ne justifie d'aucun projet sérieux en ce sens, il n'établit pas ne pas pouvoir se réinsérer professionnellement et socialement dans son pays où il disposait, jusqu'à son départ, d'une situation stable et confortable. Dans ces conditions et alors qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 qu'un retour en Algérie n'expose pas M. B..., à court ou moyen terme, à l'interruption de sa prise en charge thérapeutique, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ne méconnaît pas son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'emporte, pour sa situation personnelle, pas de conséquences disproportionnées, eu égard aux objectifs que cette décision poursuit par ailleurs. Les moyens tirés de ce que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent, dès lors, être écartés.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 2 à 8, M. B... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour, serait illégal. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est illégale au motif qu'elle a été prise sur le fondement de ce même refus de séjour et le moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ".
11. Ainsi qu'il a été dit aux points 2 à 5, M. B... n'établit pas qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement en Algérie d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ce moyen doit, dès lors, être écarté.
12. En troisième lieu, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation, au soutien desquels sont développés les mêmes arguments que ceux développés au soutien des moyens équivalents dirigés contre la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7.
13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas davantage fondé à solliciter l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 25 février 2022 du préfet du Nord en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et lui fait obligation de quitter le territoire français. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024.
Le rapporteur,
Signé : G. ToutiasLa présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°23DA01171