Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2023 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte au préfet de l'Eure, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ou, subsidiairement de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de quarante-huit heures à compter de la notification du jugement et de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de cette notification.
Par un jugement n° 2301335 du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 août 2022, Mme A..., représentée par Me Gildas Babela demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 janvier 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 31 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- la décision de refus de titre est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixation du pays de renvoi sont illégales en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2023, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.
Il renvoie à ses écritures de première instance.
Des pièces produites par l'Office français de l'immigration et de l'intégration ont été enregistrées le 20 décembre 2023 et ont été communiquées.
Par un mémoire enregistré le 9 avril 2024, l'Office français de l'immigration et de l'intégration fait valoir ses observations.
Il soutient que le traitement et le suivi médical de Mme A... sont disponibles dans son pays d'origine.
La clôture de l'instruction a été fixée au 2 mai 2024 à 12 heures, par une ordonnance du 11 avril 2024.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 octobre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. Mme B... A..., ressortissante de la République démocratique du Congo, est entrée en France, le 23 septembre 2018 selon ses déclarations. Par un arrêté du 5 janvier 2023, le préfet de l'Eure a refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme A..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme A... relève appel du jugement du 21 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 5 janvier 2023 :
En ce qui concerne la motivation :
2. L'arrêté attaqué vise ou cite les textes dont il fait application. Il comporte également les considérations de fait qui en constituent le fondement. L'appelante ne précise nullement en quoi cette décision ne prend pas pleinement en compte sa situation. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige doit donc être écarté.
En ce qui concerne l'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
3. Aux termes de cet article: " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires, doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous les éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, la possibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré, dans son avis du 25 août 2022 que si l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut de prise en charge pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
6. Pour renverser cette présomption, Mme A... atteste qu'elle est suivie pour de l'hypertension sévère, pour des troubles psychiatriques et pour un diabète de type II insulinorequérant nécessitant des injections quotidiennes d'insuline par un infirmier et qu'elle doit faire l'objet de manière régulière d'examens et de soins (podologue, examens sanguins trimestriels, doppler, ...). Elle fait également état de rapports généraux notamment de l'Organisation mondiale de la santé qui évoquent " l'état sanitaire critique en République démocratique du Congo " ainsi que sur un rapport du Ministère de la santé de cet Etat, non daté et non produit, qui mentionne selon elle que " la prise en charge du diabète exige un coût élevé ". Toutefois, elle ne démontre pas par ses éléments peu circonstanciés ni qu'elle ne disposerait pas de ressources suffisantes dans son pays d'origine où elle indique qu'elle tenait un restaurant de rue, ni que le traitement n'est pas disponible ou accessible alors que le préfet avait établi en première instance sans être contesté que l'insuline est disponible tant en centres de santé qu'en hôpital général en République démocratique du Congo. L'Office français de l'immigration et de l'intégration confirme également que le traitement et le suivi sont disponibles dans son pays d'origine tant sur le plan somatique que sur le plan psychiatrique. Si un médecin psychiatre atteste qu'elle présente un état de stress post-traumatique en lien avec les violences qu'elle dit avoir subies dans son pays, ce seul élément ne suffit pas à démontrer que le retour de l'intéressée dans son pays serait susceptible d'engendrer une dégradation de son état de santé de nature à constituer une menace pour sa vie, alors que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 août 2020, confirmée le 15 mars 2021 par la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, il n'est pas établi que Mme A... ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays.
En ce qui concerne l'atteinte à la vie privée et familiale :
7. Mme A... déclare sans l'établir être entrée en France en septembre 2018. Sa demande d'asile a été, ainsi qu'il a été dit, définitivement rejetée. Pour établir qu'elle a fixé en France, le centre de ses attaches privées et familiales, elle se borne à produire des témoignages attestant de son bon caractère, émanant principalement de personnes demeurant dans le même foyer d'accueil. Elle ne conteste pas avoir des attaches dans son pays d'origine où demeurent ses cinq enfants dont deux mineurs et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 40 ans. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en lui refusant un titre de séjour.
En ce qui concerne l'exception d'illégalité :
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre soulevé à l'appui des conclusions d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 5 janvier 2023.
10. Par suite, les conclusions de Mme A... à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, comme sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Gildas Babela.
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience publique du 23 mai 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente assesseure,
- M. Denis Perrin premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.
Le rapporteur,
Signé : D. PerrinLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°23DA01659 2