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21/05/2024 | FRANCE | N°23DA01153

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 21 mai 2024, 23DA01153


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2019 par lequel le président du conseil de la métropole européenne de Lille a retiré les arrêtés des 27 mai, 26 août et 13 septembre 2019 et l'a placé en congé de longue durée à demi-traitement du 27 mars au 27 octobre 2019, et l'arrêté du 25 novembre 2019 par lequel la même autorité l'a placé en disponibilité d'office pour raison de santé à demi-traitement à compter du 28

octobre 2019.



Par un jugement n° 2000444 du 19 avril 2023, le tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2019 par lequel le président du conseil de la métropole européenne de Lille a retiré les arrêtés des 27 mai, 26 août et 13 septembre 2019 et l'a placé en congé de longue durée à demi-traitement du 27 mars au 27 octobre 2019, et l'arrêté du 25 novembre 2019 par lequel la même autorité l'a placé en disponibilité d'office pour raison de santé à demi-traitement à compter du 28 octobre 2019.

Par un jugement n° 2000444 du 19 avril 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2023, et un mémoire en réplique enregistré le 11 avril 2024, M. A..., représenté par Me Detrez-Cambrai, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 avril 2023 ;

2°) d'annuler les arrêtés des 18 et 25 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre à la métropole européenne de Lille de l'admettre au bénéfice d'un congé de longue durée à plein traitement en raison de la maladie de Lyme dont il est atteint, de régulariser sa situation financière et de prendre une décision à la suite de la séance de la commission de réforme du 28 juin 2019, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la métropole européenne de Lille une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'auteur des arrêtés contestés ne justifie pas d'une délégation de signature régulière ;

- ces arrêtés ont été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été examiné par un médecin agréé avant que le comité médical rende son avis le 12 juillet 2019 sur sa demande de congé de longue durée ;

- il en est de même s'agissant des arrêtés des 27 mai, 26 août, 13 septembre, 18 novembre et 25 novembre 2019 ;

- il n'a pas fait l'objet d'un examen médical avant chaque renouvellement de sa disponibilité, entre le 28 octobre 2020 et le 28 octobre 2023 ;

- l'administration a retardé l'instruction de son recours contre l'avis du 12 juillet 2019 devant le comité médical supérieur qui s'est prononcé au vu d'un dossier incomplet ;

- le comité médical a rendu son avis le 26 avril 2019 dans des conditions irrégulières en l'absence de communication du rapport du médecin expert ;

- la commission de réforme a rendu son avis le 28 juin 2019 dans des conditions irrégulières dès lors que le débat n'a pas été contradictoire, qu'il n'a pas été en mesure de présenter des éléments de preuve sur sa pathologie, que le dossier présenté par l'administration était incomplet, qu'aucun médecin spécialiste de sa pathologie n'était présent, que les membres de la commission de réforme n'ont pas procédé à un vote, et que le président de la commission a imposé un avis défavorable ;

- l'arrêté du 18 novembre 2019 a illégalement retiré les arrêtés des 27 mai, 28 août et 13 septembre 2019, ce dernier ayant lui-même procédé au retrait illégal des arrêtés des 3 avril 2017, 27 juin 2017, 3 avril 2018 et 9 novembre 2018 en méconnaissance des articles L. 242-1 à L. 242-4 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'administration a méconnu les articles 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, 57-4 de la loi du 26 janvier 1984 et 20, 21, 22 et 23 du décret du 30 juillet 1987 dès lors qu'il n'a disposé d'un maintien intégral de son traitement que durant une période d'un an et demi, du 28 avril 2016 au 27 avril 2017 et du 27 avril 2018 au 26 octobre 2018, alors qu'il aurait dû bénéficier d'un congé de longue maladie d'un an à plein traitement intégral, puis d'un congé de longue durée de deux ans également à plein traitement ; les arrêtés litigieux prennent en compte une maladie psychiatrique alors qu'il est atteint d'une maladie infectieuse ; ses arrêts de travail sont justifiés par une maladie de Lyme et non par la pathologie psychiatrique pour laquelle il a bénéficié d'un congé de longue durée du 28 janvier 2000 au 27 juillet 2001 ; la maladie de Lyme dont il est atteint est imputable au service ;

- l'administration ne peut légalement le placer en congé de longue durée à plein traitement du 28 avril 2016 au 27 octobre 2017 puis à demi-traitement du 28 octobre 2017 au 27 octobre 2019 dès lors qu'elle l'avait précédemment placé, par l'arrêté du 13 novembre 2017, en congé de longue maladie à demi-traitement du 28 octobre 2017 au 26 avril 2018, puis, par l'arrêté du 6 novembre 2018, en congé de longue durée à demi-traitement du 27 avril 2018 au 26 octobre 2018, et, enfin, par l'arrêté en date du 26 août 2019, en congé de longue durée à plein traitement du 28 avril 2016 au 27 octobre 2017 et à demi-traitement du 28 octobre 2017 au 27 octobre 2019 ;

- il devait conserver son plein traitement en application de l'article 13 de l'arrêté du 4 août 2004 dès lors que sa demande d'imputabilité au service était en cours d'instruction ;

- l'administration a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- il ne peut être placé en disponibilité pour maladie qui ne correspond à aucune position réglementaire ;

- l'illégalité de l'arrêté du 18 novembre 2019 prive de base légale l'arrêté du 25 novembre suivant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2024, la métropole européenne de Lille, représentée par Me Walgenwitz, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant sont inopérants ou infondés.

Par une ordonnance du 15 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 23 avril 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Detrez-Cambrai, représentant M. A..., et de Me Lanciaux, substituant Me Walgenwitz, représentant la métropole européenne de Lille.

Une note en délibéré présentée par M. A... a été enregistrée le 9 mai 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., technicien territorial principal, qui occupe les fonctions de conducteur de travaux à la métropole européenne de Lille, a été placé en congé de longue durée du 28 janvier 2000 au 29 juillet 2001. Réintégré dans ses fonctions le 30 juillet 2001, et après plusieurs périodes de congés ordinaires de maladie de mars 2003 à avril 2016, il a été placé, par des arrêtés des 3 avril et 27 juin 2017, en congé de longue maladie à compter du 28 avril 2016. Par un courrier du 22 décembre 2017, M. A... a sollicité l'imputabilité au service de sa pathologie résultant selon lui d'une maladie de Lyme contractée après qu'il a été mordu par une tique dans l'exercice de ses fonctions, au cours de l'été 2003. Par un arrêté du 3 avril 2018, modifié par un arrêté du 6 novembre 2018, un congé de longue durée a été substitué au congé de longue maladie dont bénéficiait M. A..., permettant son maintien à plein traitement jusqu'au 26 avril 2018, puis à demi-traitement jusqu'au 26 octobre 2018. L'intéressé a ensuite fait l'objet de plusieurs arrêtés, notamment un arrêté du 9 novembre 2018 le maintenant en congé de longue durée à demi-traitement du 27 octobre 2018 au 26 mars 2019, un arrêté du 27 mai 2019 le maintenant en congé de longue durée à demi-traitement du 28 mars au 27 septembre 2019 et un arrêté du 26 août 2019 le plaçant en congé de longue durée à plein traitement du 28 avril 2016 au 27 octobre 2017 puis à demi-traitement du 28 octobre 2017 au 27 octobre 2019. Par un arrêté du 13 septembre 2019, l'administration a retiré les arrêtés précédents des 3 avril 2017, 27 juin 2017, 3 avril 2018, 9 novembre 2018 et 27 mai 2019, et réitéré sa décision de placer M. A... en congé de longue durée à plein traitement du 28 avril 2016 au 27 octobre 2017, puis à demi-traitement du 28 octobre 2017 au 27 octobre 2019. Enfin, par un arrêté du 18 novembre 2019, l'administration a retiré ses arrêtés des 27 mai 2019, 26 août 2019 et 13 septembre 2019 et maintenu M. A... en congé de longue durée à demi-traitement du 27 mars au 27 octobre 2019. Par un arrêté du 25 novembre 2019, elle a placé l'intéressé en disponibilité pour maladie, avec un demi-traitement, à compter du 28 octobre 2019. M. A... a demandé l'annulation de ces deux derniers arrêtés des 18 et 25 novembre 2019 au tribunal administratif de Lille. Il relève appel du jugement du 19 avril 2023 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, par un arrêté du 11 juillet 2019, affiché le même jour, le président du conseil de la métropole européenne de Lille a accordé à M. D... B... délégation afin de signer tout acte relatif, notamment, à la gestion des ressources humaines. Contrairement à ce que soutient le requérant, une telle délégation, qui n'est ni trop générale, ni imprécise, permet à M. B... de signer tous les actes se rapportant à la gestion des agents de la métropole, notamment les congés de longue maladie, les congés de longue durée et les mises en disponibilité. Cette délégation inclut également les décisions de retrait des actes accordant les congés précités, afin de placer l'agent dans une position régulière au regard de sa situation administrative. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que M. B... n'était pas compétent pour signer les arrêtés contestés.

3. En deuxième lieu, M. A..., qui est fonctionnaire territorial, ne saurait utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions de l'article 35 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dès lors que ces dispositions ont vocation à régir la situation des fonctionnaires de l'Etat. En revanche, aux termes de l'article 25 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dans sa version applicable au litige : " Pour bénéficier d'un congé de longue maladie ou de longue durée le fonctionnaire en position d'activité, ou son représentant légal, doit adresser à l'autorité territoriale une demande appuyée d'un certificat de son médecin traitant spécifiant qu'il est susceptible de bénéficier des dispositions de l'article 57 (3° ou 4°) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée. / Le médecin traitant adresse directement au secrétaire du comité médical compétent un résumé de ses observations et les pièces justificatives qui peuvent être prescrites dans certains cas par l'arrêté visé à l'article 39 du présent décret. / Au vu de ces pièces, le secrétaire du comité médical fait procéder à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé compétent pour l'affection en cause (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été examiné les 30 novembre 2016, 5 avril 2017, 13 septembre 2017, 10 janvier 2018, 29 août 2018 et 4 février 2019 par un médecin agréé qui a donné un avis favorable à l'octroi et au renouvellement du congé de longue maladie puis du congé de longue durée dont il a bénéficié du 28 avril 2016 au 27 octobre 2019. Ainsi, l'intéressé a été examiné avant chaque séance du comité médical appelé à se prononcer sur son droit à un congé les 10 mars 2017, 9 juin 2017, 13 octobre 2017, 16 février 2018, 19 octobre 2018, 26 avril 2019 et 12 juillet 2019. A cet égard, le médecin agréé a examiné le requérant le 4 février 2019, avant que le comité médical rende son avis le 12 juillet 2019 en faveur d'une dernière période de congé de longue durée du 28 avril au 27 octobre 2019, accordée par l'arrêté du 26 août 2019. Si cet arrêté a été retiré par l'arrêté contesté du 18 novembre 2019, l'administration pouvait, par ce même arrêté et sans avoir besoin de ressaisir le médecin agréé, confirmer l'octroi du congé de longue durée jusqu'au 27 octobre 2019 au vu de l'avis du comité médical du 12 juillet 2019. Par ailleurs, M. A... ne saurait utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions de l'article 25 du décret du 30 juillet 1987 pour contester l'arrêté du 25 novembre 2019 qui a pour seul objet de le placer en disponibilité pour raisons de santé, une fois expirés ses droits à congés. Par suite, le vice de procédure tiré d'une méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du décret du 30 juillet 1987, dans sa version applicable au litige : " (...) Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire (...) de ses droits concernant la communication de son dossier et de la possibilité de faire entendre le médecin de son choix (...) ". Il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est pas allégué, que l'administration aurait omis d'informer M. A... de ses droits concernant la communication des pièces médicales de son dossier. Si le requérant soutient que le rapport du médecin agréé du 4 février 2019 ne lui a pas été communiqué avant la séance du comité médical du 26 avril 2019, les dispositions précitées n'exigent pas que l'administration procède de sa propre initiative à la communication des pièces médicales de son dossier, y compris le rapport du médecin agréé. Dans ces conditions, alors que le requérant n'allègue pas avoir sollicité cette communication, le moyen soulevé sur ce point ne peut qu'être écarté.

6. En quatrième lieu, lorsque le comité médical supérieur est saisi d'une contestation de l'avis du comité médical, il appartient à l'employeur de prendre une décision provisoire dans l'attente de son avis pour placer le fonctionnaire dans l'une des positions prévues par son statut. Si l'agent a épuisé ses droits à congé de longue durée et ne peut reprendre le service en raison de l'avis défavorable du comité médical, la circonstance que l'intéressé ait saisi le comité médical supérieur ne fait pas obstacle à ce qu'il soit placé, par une décision à caractère provisoire et sous réserve de régularisation ultérieure par une décision définitive statuant sur sa situation y compris pendant la période couverte par la décision provisoire, en disponibilité d'office. Dans ces conditions, si M. A... indique avoir fait appel devant le comité médical supérieur de l'avis rendu le 12 juillet 2019 par le comité médical départemental, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que l'administration se prononce sur sa situation par les deux arrêtés contestés. Le retard avec lequel le comité médical supérieur a rendu son avis, le 9 novembre 2021, pour rejeter le recours de M. A... est également sans influence sur la légalité de ces arrêtés.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 23 du décret du 30 juillet 1987, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque le congé de longue durée est demandé pour une maladie contractée en service, le dossier est soumis à la commission de réforme (...) ; le dossier doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive attaché à la collectivité ou établissement auquel appartient le fonctionnaire concerné. / Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. / (...) ".

8. Les arrêtés contestés ont pour objet de placer M. A... en congé de longue durée jusqu'au 27 octobre 2019 en raison d'un syndrome anxio-dépressif puis, tirant les conséquences de l'épuisement de ses droits à ce congé, de le placer en disponibilité pour raisons de santé. Si l'intéressé conteste l'avis rendu par la commission de réforme le 28 juin 2019, les irrégularités susceptibles d'entacher cette consultation, laquelle se rapporte à l'instruction de sa demande d'imputabilité au service d'une maladie de Lyme, sont sans influence sur la légalité des arrêtés des 18 et 25 novembre 2019, dès lors que cette pathologie ne relève d'aucune des affections énoncées au 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ouvrant droit au bénéfice d'un congé de longue durée.

9. En sixième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée ne peut être attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. / Sur demande de l'intéressé, l'administration a la faculté, après avis du comité médical, de maintenir en congé de longue maladie le fonctionnaire qui peut prétendre à un congé de longue durée ; / Les dispositions du quatrième alinéa du 2° du présent article sont applicables aux congés de longue durée ; / (...) ". Aux termes de l'article 20 du décret du 30 juillet 1987 relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, pris pour l'application du 4° de l'article 57 de la loi précitée : " Le fonctionnaire atteint d'une des affections énumérées au 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, qui est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et qui a épuisé, à quelque titre que ce soit, la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie, est placé en congé de longue durée (...). / Lorsqu'elle a été attribuée au titre de l'affection ouvrant droit au congé de longue durée considéré, la période de congé de longue maladie à plein traitement, déjà accordée, est décomptée comme congé de longue durée ". Aux termes de l'article 21 du même décret, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Toutefois, le fonctionnaire atteint d'une des affections prévues à l'article 20 ci-dessus, qui est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et qui a épuisé, à quelque titre que ce soit, la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie, peut demander à être placé en congé de longue durée ou maintenu en congé de longue maladie. / L'autorité territoriale accorde à l'intéressé un congé de longue durée ou de longue maladie après avis du comité médical. / (...) ". Aux termes de l'article 22 de ce décret : " Lorsqu'un fonctionnaire a bénéficié d'un congé de longue durée au titre de l'une des affections énumérées à l'article 20 ci-dessus, tout congé accordé par la suite pour la même affection est un congé de longue durée, dont la durée s'ajoute à celle du congé déjà attribué. / Si le fonctionnaire contracte une autre affection ouvrant droit à congé de longue durée, il a droit à l'intégralité d'un nouveau congé de longue durée accordé dans les conditions prévues à l'article 20 ci-dessus ".

10. D'une part, il résulte des dispositions précitées qu'un fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue durée qu'après avoir épuisé ses droits à congé de longue maladie rémunéré à plein traitement, que la période de congé de longue maladie à plein traitement doit être décomptée, lorsque ce congé a été attribué au fonctionnaire au titre de l'affection ouvrant droit ensuite au congé de longue durée, comme une période de congé de longue durée, et que tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. D'autre part, le fonctionnaire qui a contracté l'une des affections mentionnées au 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, en raison de laquelle il a bénéficié d'un congé de longue durée, ne peut avoir droit à l'intégralité d'un nouveau congé de longue durée que si la maladie dont il se prévaut pour bénéficier de ce nouveau congé relève d'une autre catégorie d'affection que celle qui lui avait ouvert droit au premier congé.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été placé en congé de longue maladie pour des troubles anxio-dépressifs pour une durée d'un an à compter du 28 janvier 2000 puis a été placé en congé de longue durée, pour les mêmes troubles, du 28 janvier au 27 juillet 2001. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, la période de congé de longue maladie à plein traitement du 28 janvier 2000 au 27 janvier 2001 doit donc être décomptée comme une période de congé de longue durée, laquelle s'est ainsi poursuivie jusqu'au 27 juillet 2001. M. A... a été de nouveau placé, à compter du 28 avril 2016, en congé de longue maladie qui, selon les rapports du médecin agréé, est imputable à une décompensation anxio-dépressive. S'agissant d'un congé ultérieur accordé pour la même affection que le congé de longue durée de janvier 2000 à juillet 2001, il doit être lui-même regardé comme un tel congé, ainsi que l'a estimée l'administration qui a rétroactivement placé l'intéressé en congé de longue durée à compter du 28 avril 2016. A cet égard, la circonstance que la première période de congé de longue durée a été accordée pour un syndrome anxio-dépressif imputable à une addiction à l'alcool puis aux médicaments et que la seconde période l'a été en raison d'un même syndrome résultant d'un épuisement professionnel, d'une asthénie et d'une anxiété liée à une atteinte infectieuse n'est pas de nature à modifier les droits de M. A... à un congé de longue durée, limité à cinq ans pour une même affection, dès lors que les troubles justifiant les deux périodes de congés se rapportent à la même catégorie d'affection, c'est-à-dire la maladie mentale. Le requérant ne saurait utilement soutenir que le congé de longue durée accordé à compter d'avril 2016 a été rendu nécessaire par une maladie de Lyme, qui ne relève d'aucune des affections énoncées au 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 qui limite l'octroi d'un tel congé aux cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis. Il s'ensuit que, compte tenu de la première période de congé de longue durée accordée du 28 janvier 2000 au 27 juillet 2001, et de la seconde période de ce congé accordée à compter du 28 avril 2016, la métropole européenne de Lille a pu, sans méconnaître les dispositions citées au point 9, en prolonger le bénéfice jusqu'au 27 octobre 2019 puis placer M. A... en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 28 octobre 2019, une fois épuisés ses droits, limités à cinq ans, à un congé de longue durée pour une même affection.

12. En septième lieu, M. A... soutient que l'administration devait examiner sa demande, présentée le 22 décembre 2017, en vue d'obtenir un congé de longue maladie imputable au service pour une maladie de Lyme, sans pouvoir le placer en congé de longue durée en raison d'un syndrome dépressif. Toutefois, ainsi qu'il a été dit plus haut, il ressort des pièces du dossier que M. A..., placé en congé de longue durée pour une dépression du 28 janvier 2000 au 27 janvier 2001, a été placé en congé de longue maladie à compter du 28 avril 2016 pour la même affection, impliquant que ce dernier congé soit également regardé comme un congé de longue durée. Au demeurant, le requérant, qui ne conteste pas les troubles anxio-dépressifs dont il est atteint, a opté pour un tel congé de longue durée par un courrier reçu par l'administration le 12 janvier 2018. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que sa demande d'imputabilité faisait obstacle à son placement en congé de longue durée pour un syndrome anxio-dépressif et que les arrêtés contestés seraient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation sur ce point. Par ailleurs, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges au point 18 de leur décision, il n'est pas établi que l'administration aurait délibérément retardé l'examen de sa demande d'imputabilité au service de la maladie de Lyme dont le requérant indique être atteint.

13. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".

14. Par son arrêté du 18 novembre 2019, la métropole européenne de Lille a retiré ses arrêtés précédents des 27 mai, 26 août et 13 septembre 2019.

15. M. A..., qui soutient que l'arrêté du 13 septembre 2019 est illégal pour avoir retiré, au-delà du délai de quatre mois, les arrêtés des 3 avril 2017, 27 juin 2017, 3 avril 2018 et 9 novembre 2018, ne démontre pas que l'arrêté du 18 novembre 2019 serait lui-même illégal pour avoir retiré, dans le délai de quatre mois, celui du 13 septembre 2019 dès lors que ce retrait a pour effet de redonner vigueur aux arrêtés précités de 2017 et 2018.

16. L'arrêté du 27 mai 2019 a pour objet de placer M. A... en congé de longue durée à demi-traitement du 28 mars au 27 septembre 2019. Si l'arrêté contesté du 18 novembre 2019 en prononce le retrait, il a également pour objet de placer l'intéressé en congé de longue durée à demi-traitement du 27 mars au 27 octobre 2019, de telle sorte qu'il ne porte aucune atteinte aux droits que tirait le requérant de l'arrêté du 27 mai 2019 et ne peut être regardé, sur ce point, comme retirant une décision créatrice de droit.

17. L'arrêté du 26 août 2019 place M. A... en congé de longue durée à plein traitement du 28 avril 2016 au 27 octobre 2017, puis à demi-traitement du 28 octobre 2017 au 27 octobre 2019, permettant ainsi à l'intéressé, compte tenu de la première période de congé de longue durée à plein traitement du 28 janvier 2000 au 27 juillet 2001, de bénéficier d'un plein traitement pendant trois ans et d'un demi-traitement pendant deux ans, conformément aux dispositions précitées du 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. Eu égard au retrait de cet arrêté, la situation du requérant se trouve à nouveau régie par les arrêtés antérieurs du 3 avril 2017, du 27 juin 2017, du 13 novembre 2017 et du 3 avril 2018, modifié par celui du 6 novembre 2018, qui le placent en congé de longue durée à plein traitement du 28 avril 2016 au 27 avril 2017 et à demi-traitement à compter du 28 avril 2017, limitant la période de plein traitement à deux ans et demi, en violation des dispositions du 4° de l'article 57. M. A... est donc fondé à soutenir que l'administration ne pouvait retirer l'arrêté du 26 août 2019, qui constitue une décision créatrice de droits en tant qu'elle lui assure un plein traitement jusqu'au 27 octobre 2017 et qui n'était pas illégale.

18. En neuvième lieu, aux termes de l'article 13 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La demande d'inscription à l'ordre du jour de la commission est adressée au secrétariat de celle-ci par l'employeur de l'agent concerné. / L'agent concerné peut également adresser une demande de saisine de la commission à son employeur, qui doit la transmettre au secrétariat de celle-ci dans un délai de trois semaines (...) / Le traitement auquel l'agent avait droit, avant épuisement des délais en cours à la date de saisie de la commission de réforme, lui est maintenu durant les délais mentionnés et en tout état de cause jusqu'à l'issue de la procédure justifiant la saisie de la commission de réforme ". Il résulte de ces dispositions que l'agent a droit au maintien de la rémunération qui était la sienne à la date de saisine de la commission de réforme, jusqu'à ce que l'administration statue sur sa situation au vu de l'avis rendu par cette commission.

19. M. A... a sollicité l'imputabilité au service d'une maladie de Lyme par un courrier du 22 décembre 2017, date à laquelle, compte tenu de son placement en congé de longue durée à plein traitement du 28 janvier 2000 au 27 juillet 2001 puis du 28 avril 2016 au 27 octobre 2017, il bénéficiait d'un demi-traitement. Les arrêtés contestés des 18 et 25 novembre 2019 prévoient expressément le maintien du demi-traitement de M. A... et n'ont ni pour objet ni pour effet d'y mettre fin avant qu'il soit statué sur sa demande d'imputabilité au service. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions précitées de l'article 13 de l'arrêté du 4 août 2004 doit être écarté.

20. En dixième lieu, aux termes de l'article 37 du décret du 30 juillet 1987 : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 susvisé, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / Pendant toute la durée de la procédure requérant soit l'avis du comité médical, soit l'avis de la commission de réforme, soit l'avis de ces deux instances, le paiement du demi-traitement est maintenu jusqu'à la date de la décision de reprise de service ou de réintégration, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite ".

21. Contrairement à ce que soutient M. A..., il résulte des dispositions précitées que l'administration pouvait le placer en disponibilité pour raisons de santé au terme de son congé de longue durée. Le moyen tiré de ce qu'il a été placé dans une position inexistante doit être écarté.

22. En dernier lieu, l'illégalité partielle entachant l'arrêté du 18 novembre 2019, qui n'affecte que les droits à rémunération de M. A... pendant la durée de son congé de longue durée, est sans conséquence sur la légalité de l'arrêté du 25 novembre 2019 qui a pour objet de le placer en disponibilité à l'expiration de ses droits à ce même congé de longue durée. Par suite, le moyen tiré de l'annulation de l'arrêté du 25 novembre 2019, par voie de conséquence de l'illégalité dont l'arrêté du 18 novembre 2019 est entaché, doit être écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2019 en tant qu'il retire l'arrêté du 26 août 2019 lui assurant un plein traitement jusqu'au 27 octobre 2017.

Sur les conclusions présentées à fin d'injonction :

24. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, le présent arrêt implique seulement, pour son exécution, que M. A... bénéficie, dans le cadre de son congé de longue durée, d'un plein traitement jusqu'au 27 octobre 2017. L'administration produit à l'instance les bulletins de paie de l'intéressé dont il ressort qu'il a, dans les faits, bénéficié d'un plein traitement jusqu'au 26 octobre 2018. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la métropole européenne de Lille demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'administration la somme dont le requérant demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille n° 2000444 du 19 avril 2023 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2019 en ce que cet arrêté retire celui du 26 août 2019 assurant à l'intéressé un congé de longue durée à plein traitement jusqu'au 27 octobre 2017. L'arrêté du 18 novembre 2019 est annulé dans cette mesure.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la métropole européenne de Lille.

Délibéré après l'audience publique du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, assurant la présidence de la formation du jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2024.

L'assesseure la plus ancienne,

Signé : D. BureauLe président de la formation de jugement,

Signé : J.-M. Guérin-Lebacq

Le greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

2

N° 23DA01153


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01153
Date de la décision : 21/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Guerin-Lebacq
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SELARL WALGENWITZ AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-21;23da01153 ?
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