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14/05/2024 | FRANCE | N°22DA00307

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 14 mai 2024, 22DA00307


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le département de l'Eure à lui verser la somme de 141 930 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'accident dont il a été victime le 24 juillet 2004.



Par un jugement n° 1902853 du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés l

es 11 février 2022, 1er avril 2022 et 2 mars 2023, M. C..., représenté par Me Laure Galinon, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le département de l'Eure à lui verser la somme de 141 930 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'accident dont il a été victime le 24 juillet 2004.

Par un jugement n° 1902853 du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 février 2022, 1er avril 2022 et 2 mars 2023, M. C..., représenté par Me Laure Galinon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le département de l'Eure à lui verser la somme de 141 930 euros, assortie des intérêts de droit à compter de la réception de la demande indemnitaire préalable et des intérêts capitalisés, en réparation des préjudices subis du fait de l'accident dont il a été victime le 24 juillet 2004 ;

3°) et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'action n'est pas prescrite dès lors qu'une nouvelle date de consolidation de sa pathologie a été fixée au 10 octobre 2013, que la prescription ne court pas contre les mineurs en application de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 sauf à méconnaître le droit au recours effectif protégé par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et le délai de prescription a été interrompu conformément à l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 notamment par l'assignation délivrée le 26 juillet 2016 en vue de la désignation d'un expert ;

- la responsabilité du département est engagée en raison du manquement de l'assistante familiale à son obligation de surveillance et de sécurité, constitutif d'une faute non détachable du service ; le département, employeur de cette assistant familiale, a commis une faute dans l'exercice de sa mission de surveillance administrative et sanitaire, au titre du service de l'aide sociale à l'enfance ;

- son préjudice au titre du déficit fonctionnel total temporaire s'élève à 550 euros ;

- son préjudice au titre du déficit fonctionnel partiel temporaire s'élève à 1 630 euros ;

- son préjudice au titre du déficit fonctionnel permanent s'élève à 78 750 euros ;

- les souffrances endurées peuvent être indemnisées à hauteur de 6 000 euros ;

- son préjudice esthétique permanent s'élève à 5 000 euros ;

- son préjudice d'établissement doit être indemnisé à hauteur de 5000 euros ;

- la perte de chance de trouver un emploi s'élève à 45 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 novembre 2022 et 28 mars 2023, le département de l'Eure, représenté par Me Yves Mahiu, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et subsidiairement à ce que les sommes auxquelles le département est susceptible d'être condamné soient réduites à de plus justes proportions.

Il soutient que :

- l'action indemnitaire est prescrite depuis le 1er janvier 2011 en vertu de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 dès lors que l'expert judiciaire a fixé la date de consolidation de son état de santé au 17 mai 2006 ; la prescription n'est pas suspendue pour les mineurs ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, il y a lieu de réduire les sommes demandées au titre du déficit fonctionnel temporaire à 1 162,68 euros et au titre des souffrances endurées à 5 000 euros, de réduire les sommes demandées au titre du taux d'atteinte à l'intégrité physique et psychique d'une part et du préjudice esthétique d'autre part à de plus justes proportions, et de rejeter les demandes au titre de l'incidence professionnelle et du préjudice d'établissement.

Par une lettre enregistrée le 23 novembre 2022, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne a indiqué qu'elle n'a aucune créance à faire valoir et qu'elle n'entend pas intervenir dans l'instance.

Par ordonnance du 2 mars 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 5 avril 2023 à 12 heures.

Un mémoire en intervention produit pour Mme A... C..., mère du requérant, par Me Laure Galinon, a été enregistré le 2 avril 2024 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance ;

- le décret n°92-1051 du 29 septembre 1992 relatif à l'agrément des assistants maternels et assistantes maternelles et aux commissions consultatives paritaires départementales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Laure Galinon représentant M. B... C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 27 septembre 1998, a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Eure par une ordonnance rendue le 23 mars 2004, sur le fondement de l'article 375 du code civil, par le juge des enfants du tribunal de grande instance d'Évreux. Le 24 juillet 2004, alors qu'il était confié, dans le cadre cette mesure de placement, à une assistante familiale employée par le département de l'Eure, M. C... a été victime d'un accident qui a occasionné des plaies cornéennes à son œil droit. Il a été emmené immédiatement au centre hospitalier universitaire (CHU) d'Évreux où il a subi en urgence une intervention chirurgicale. En raison de la persistance d'une hémorragie intra-vitréenne massive, une vitrectomie antérieure et postérieure ainsi qu'un cerclage au laser ont également été pratiqués le 12 août 2004, cette opération ayant notamment révélé l'absence du cristallin et de l'iris à l'œil droit. Le 6 juin 2005, un examen ophtalmologique, réalisé dans le cadre d'une première expertise diligentée à la demande de la mère de l'intéressé, a mis en évidence une acuité visuelle de l'œil droit entre 1 et 2 dixièmes. Un implant secondaire a été posé le 30 septembre 2005, suivi d'un tatouage cornéen périphérique réalisé le 10 avril 2006, l'acuité visuelle de son œil droit étant alors évaluée à 1 dixième par le service d'ophtalmologie du CHU de Rouen. Le 3 octobre 2013, après avoir reçu une gifle, M. C... a été admis au service des urgences du CHU de Toulouse en raison de douleurs à l'œil droit, l'examen ophtalmologique pratiqué à cette occasion ayant révélé une acuité visuelle nulle. Les examens médicaux réalisés ultérieurement ont confirmé la perte définitive de l'œil droit. Par une ordonnance du 19 octobre 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Évreux a ordonné, à la demande de la mère de M. C..., une expertise médicale. L'expert a remis son rapport le 5 mars 2017. Estimant que la perte de son œil est imputable à un défaut de surveillance, M. C... a adressé au département de l'Eure une demande indemnitaire par une lettre du 23 avril 2019. En l'absence de réponse, il a demandé la condamnation du département à lui verser la somme de 141 930 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'accident dont il a été victime le 24 juillet 2004. Le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête, par un jugement du 31 janvier 2022 dont il relève appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004, applicable à la date de l'accident : " La personne qui accueille habituellement des mineurs à son domicile, moyennant rémunération, doit être préalablement agréée comme assistant maternel par le président du conseil général du département où elle réside. / L'agrément est accordé pour une durée fixée par voie réglementaire si les conditions d'accueil garantissent la santé, la sécurité et l'épanouissement des mineurs accueillis (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 29 septembre 1992 susvisé, applicable à la date de l'accident : " Pour obtenir l'agrément, la candidate ou le candidat doit : 1. Présenter les garanties nécessaires pour accueillir des mineurs dans des conditions propres à assurer leur développement physique, intellectuel et affectif ; 2. Passer un examen médical qui a pour objet de vérifier que son état de santé lui permet d'accueillir habituellement des mineurs et dont le contenu est fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la famille ; 3. Disposer d'un logement dont l'état, les dimensions et l'environnement permettent d'assurer le bien-être physique et la sécurité des mineurs compte tenu du nombre et de l'âge de ceux pour lesquels l'agrément est demandé ".

3. La décision par laquelle le juge des enfants confie la garde d'un mineur, dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative prise en vertu des articles 375 et suivants du code civil, à l'une des personnes mentionnées à l'article 375-3 du même code, transfère à la personne qui en est chargée la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler la vie du mineur. La responsabilité du département de l'Eure est susceptible, le cas échéant, d'être engagée, en raison des éventuelles fautes commises par ce dernier dans l'accueil du jeune enfant à raison de ses négligences dans l'exercice de la mission de surveillance administrative et sanitaire qui lui incombe au titre du service d'aide sociale à l'enfance.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment de la déclaration d'accident du 26 juillet 2004, que le samedi 24 juillet 2004, M. et Mme ..., famille d'accueil de M. C..., alors âgé de cinq ans, étaient avec lui dans le jardin de leur domicile, à ... dans l'Eure. Soudain, l'enfant s'est penché devant une haie de lauriers pour chercher un jouet et a fait une chute, à l'occasion de laquelle une branche de laurier l'a blessé à l'œil. M. et Mme ... l'ont immédiatement emmené aux urgences de l'hôpital de Vernon, qui les a dirigés vers le centre hospitalier d'Evreux. Si le requérant soutient que les circonstances de l'accident décrites dans la déclaration d'accident ne sont pas établies, il n'apporte aucun élément ni même une autre version, qui serait de nature à contredire le déroulement de ces faits. Compte tenu du caractère imprévisible de ce mouvement soudain de l'enfant, il ne résulte pas de l'instruction que M. et Mme ... auraient commis un défaut de surveillance ou un manquement à une obligation de sécurité qui présenterait un caractère fautif. Par suite, aucun manquement fautif n'est de nature à engager la responsabilité du département de l'Eure.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la prescription invoquée par le département de l'Eure, que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, la requête de M. C... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du département de l'Eure au titre des dispositions de cet article.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au département de l'Eure et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience publique du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

M. Marc Baronnet, président-assesseur,

M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.

Le président-rapporteur,

M. D...La présidente de chambre,

G. Borot

La greffière,

A-S. Villette

La République mande et ordonne au préfet de l'Eure en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°22DA00307


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00307
Date de la décision : 14/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SCP DE BEZENAC ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-14;22da00307 ?
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