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07/05/2024 | FRANCE | N°22DA02410

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 07 mai 2024, 22DA02410


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 6 février 2020 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a interdit l'habitation et les accès des immeubles bâtis situés 13 et 15 rue du peintre Leclercq à Equihen-Plage.



Par un jugement n° 2003559 du 20 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête,

enregistrée le 18 septembre 2022, Mme A... et M. B..., représentés par Me Laurent Fillieux, demandent à la cour :


...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 6 février 2020 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a interdit l'habitation et les accès des immeubles bâtis situés 13 et 15 rue du peintre Leclercq à Equihen-Plage.

Par un jugement n° 2003559 du 20 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2022, Mme A... et M. B..., représentés par Me Laurent Fillieux, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 6 février 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le préfet aurait dû respecter une procédure contradictoire, l'urgence permettant d'y déroger n'étant pas caractérisée ;

- ils n'ont pas été mis à même de faire valoir leurs observations, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif ;

- leurs immeubles n'étaient pas exposés à un danger grave et imminent ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation et présente un caractère disproportionné.

Par un mémoire, enregistré le 14 décembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a informé la cour qu'il laissait le soin au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires d'assurer la défense de l'Etat.

La procédure a été communiquée, le 30 novembre 2022 au préfet du Pas-de-Calais qui n'a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 17 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire produit par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a été enregistré le 6 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Laurent Fillieux, représentant Mme A... et M. B....

Une note en délibéré présentée par Me Fillieux a été enregistrée le 18 avril 2024.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Mme A... et M. B... sont propriétaires de deux maisons d'habitation accolées, situées 13 et 15 rue du peintre Leclercq, cadastrées XA 0001 et 0002 à Equihen-Plage. Par un arrêté du 6 février 2020, le préfet du Pas-de-Calais a interdit l'accès et l'habitation de ces immeubles. Mme A... et M. B... relèvent appel du jugement du 20 juillet 2022 du tribunal administratif de Lille qui a rejeté leur demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le respect du contradictoire au cours de la procédure administrative :

2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Le respect d'une telle procédure constitue une garantie. Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; / 2° Lorsque leur mise en œuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; / 4° Aux décisions prises par les organismes de sécurité sociale et par l'institution visée à l'article L. 5312-1 du code du travail, sauf lorsqu'ils prennent des mesures à caractère de sanction. ".

3. L'arrêté du 6 février 2020 a été pris sur le fondement de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales relatif au pouvoir de police générale du maire et constitue une mesure de police. Il devait donc respecter les dispositions précitées qui constituent une garantie.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) a établi à la demande des services de l'Etat, un diagnostic sur les risques affectant notamment les maisons des appelants en septembre 2018 et que le préfet du Pas-de-Calais a demandé, au maire d'Equihen-Plage de prendre des mesures au titre de son pouvoir de police générale uniquement par un courrier du 3 octobre 2019. Le préfet n'a ensuite mis en demeure le maire d'agir que par un courrier du 5 décembre 2019 avant de prendre lui-même une telle décision le 6 février 2020. Il n'est donc pas établi que l'urgence justifiait de ne pas mettre en œuvre une procédure contradictoire préalable.

5. En second lieu, les dispositions rappelées au point 2 impliquent que l'intéressé ait été averti de la mesure que l'administration envisage de prendre, des motifs sur lesquels elle se fonde, et qu'il bénéficie d'un délai suffisant pour présenter ses observations, elles n'imposent pas à l'administration d'informer l'intéressé de sa faculté de présenter des observations écrites.

6. Les appelants ont demandé la communication du diagnostic du CEREMA, ce qui leur a été refusé par un courrier du 18 novembre 2022 indiquant que la décision de l'Etat " se matérialiserait par la signature d'un arrêté demandant l'évacuation de [leur] habitation et interdisant son accès ". Une telle réponse à la demande de communication d'un document ne peut valoir information précise sur une mesure, au surplus, présentée comme éventuelle, mettant à même les intéressés de faire valoir leurs observations. De même, si lors de la réunion du 22 novembre 2019 tenue en mairie d'Equihen-Plage en présence du sous-préfet de Boulogne-sur-Mer, a été évoquée une démarche d'évacuation, la tenue précise et l'échéance de la mesure n'ont pas été précisées. Cette information générale ne visait pas d'ailleurs les seuls appelants mais l'ensemble des riverains concernés par le risque de mouvement de terrain. Toutefois, par un courrier daté du jeudi 30 janvier 2020, le préfet du Pas-de-Calais a informé Mme A... et Mme B... qu'il envisageait de prendre un arrêté d'évacuation et d'interdiction d'accès à leur propriété et que ses services se tenaient à leur écoute. Néanmoins, les appelants, qui résident en Belgique, soutiennent qu'ils n'ont retiré ce courrier que le jeudi 6 février 2020, date de l'arrêté, l'administration n'apportant aucune preuve contraire à cette assertion. Ils n'ont donc pas pu disposer d'un délai raisonnable pour faire valoir leurs observations en réponse à ce courrier du 30 janvier 2020. Dans ces conditions, Mme A... et M. B... n'ont pas été mis à même de faire valoir leurs observations avant la mesure de police les concernant. La procédure contradictoire prévue par le code des relations du public avec l'administration a donc été méconnue, privant Mme A... et M. B... d'une garantie.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que les appelants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande d'annulation due l'arrêté du 6 février 2020.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

8. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce que soit mise à la charge de l'Etat, les sommes demandées par Mme A... et M. B... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 20 juillet 2022 du tribunal administratif de Lille est annulé

Article 2 : L'arrêté du 6 février 2020 du préfet du Pas-de-Calais est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme A... et de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... et à M. B... ainsi qu'au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 18 avril 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, président de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA02410 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02410
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Legrand
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARL RESSOURCES PUBLIQUES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;22da02410 ?
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