La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/04/2024 | FRANCE | N°23DA01932

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 18 avril 2024, 23DA01932


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 28 juin 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours.
>

Par un jugement n°2300563 et 2302610 du 12 juillet 2023, la magistrate désignée a réservé ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 28 juin 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n°2300563 et 2302610 du 12 juillet 2023, la magistrate désignée a réservé l'examen des conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus d'un titre de séjour contenue dans l'arrêté du 5 juillet 2022 jusqu'à ce qu'il soit statué sur ces conclusions par une formation collégiale, et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Marie Lepeuc, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 juillet 2023 ;

2°) d'annuler les décisions l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays d'éloignement contenues dans l'arrêté du 5 juillet 2022 du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) d'annuler l'arrêté du 28 juin 2023 l'assignant à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, d'une part, de réexaminer sa situation ou de ne pas exécuter la mesure d'éloignement prise à son encontre, et, d'autre part, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise sur le fondement d'une décision illégale portant refus d'un titre de séjour ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen ;

- elle méconnaît l'article L. 611-1 et l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-1 du même code ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays d'éloignement est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise sur le fondement d'une décision illégale portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant assignation à résidence méconnaît le 1° de l'article L. 731-1 du même code ;

- elle a été prise sur le fondement d'une décision illégale portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 5 juillet 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de délivrer à M. A... B..., ressortissant du Sierra Leone né le 24 octobre 1995, un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement. Par un arrêté du 28 juin 2023, le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours. M. B... a demandé l'annulation de ces deux arrêtés au tribunal administratif de Rouen. Par un jugement du 12 juillet 2023, la magistrate désignée de ce tribunal a rejeté ses demandes, tout en renvoyant devant une formation collégiale l'examen des conclusions dirigées contre la décision portant refus d'un titre de séjour. M. B... interjette appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les moyens dirigés, par voie d'exception, contre la décision portant refus d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " (...) Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ".

3. En l'espèce, si M. B... a demandé le renouvellement de son droit au séjour à raison de son état de santé sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait demandé son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du même code, ni que le préfet de la Seine-Maritime aurait de lui-même refusé une telle admission au séjour. Par suite, le moyen tiré de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 432-13 et du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant.

4. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, le défaut d'examen de la demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... présente une hypertension artérielle et des troubles psychiatriques pour lesquels il bénéficie en France d'un suivi médical et d'un traitement médicamenteux, ainsi que d'une mesure de placement sous curatelle renforcée et du versement de l'allocation adulte handicapé.

7. Or il ressort du rapport médical établi par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) que M. B... a bénéficié en 2019 d'une " bithérapie anti-hypertensive " sans suites médicales particulières. Il ressort, en outre, du même rapport qu'après une première " décompensation psychotique (hallucinations auditives et idées délirantes) " en septembre 2015, il lui a été diagnostiqué une " schizophrénie paranoïde " et prescrit un traitement médicamenteux, qui, après une seconde décompression en août 2017 en raison d'une " mauvaise observance ", ont permis de stabiliser son état de santé, le rapport relevant sur ce point des " hallucinations acoustico-verbales bien critiquées et sans impact fonctionnel majeur ". En dépit de cette " stabilisation ", le rapport médical relève la nécessité d'un " suivi psychiatrique régulier " et d'un " passage infirmier quotidien ".

8. Au vu de ce rapport médical, dont le contenu n'est pas sérieusement contesté, le collège des médecins de l'OFII a estimé, par un avis du 10 mai 2022, que l'état de santé du demandeur nécessite une " prise en charge médicale ", dont le défaut peut entraîner " des conséquences d'une exceptionnelle gravité ", mais qu'" eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire ", l'intéressé " pourra y bénéficier effectivement d'un traitement approprié " et que son état de santé " peut lui permettre de voyage sans risque vers le pays d'origine ". Pour contester les conclusions de cet avis, M. B... se borne à produire des articles de presse datant de décembre 2016-mars 2017 et de mai 2021, ainsi que d'autres éléments généraux sur le système de santé au Sierra Leone, sans les étayer par des données objectives et probantes de nature à établir l'absence dans son pays d'origine d'un suivi et de traitements adaptés à son état de santé.

9. Dans ces conditions, au vu de l'évolution des pathologies dont souffre M. B... et de la stabilisation de son état de santé à la date de la décision attaquée, le préfet de la Seine-Maritime a pu refuser à bon droit de renouveler son droit au séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. En l'espèce, si M. B... soutient être entré en 2012 sur le territoire français, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charge de famille en France et que résident, dans son pays d'origine, ses parents et les membres de sa fratrie. Ainsi qu'il a été dit, son état de santé s'était stabilisé à la date de la décision attaquée et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait pas bénéficier dans son pays d'origine d'un suivi médical et d'un traitement médicamenteux adaptés, alors que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 9 mai 2014 de l'Office français des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 8 décembre 2015 de la Cour nationale du droit d'asile.

12. Par ailleurs, si M. B... soutient être parfaitement intégré à la société française, il ressort des pièces du dossier qu'il a été interpelé en 2012 pour des faits de " faux et usage de faux documents administratifs " et en 2014 pour des faits de " violences volontaires sur personne dépositaire de l'autorité publique ", alors qu'il a fait l'objet, par des arrêtés des 9 juillet 2012, 10 mars 2014 et 23 juillet 2015, d'obligations de quitter le territoire français, qu'il n'a pas exécutées.

13. Dans ces conditions, alors même que l'intéressé a exercé en France une activité d'employé de restauration collective, d'aide de cuisine et d'agent d'entretien, le préfet de la Seine-Maritime a pu lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sans porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle doit être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise sur le fondement d'une décision illégale portant refus d'un titre de séjour doit être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

15. En premier lieu, aux termes de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui justifie d'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident, de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins et d'une assurance maladie se voit délivrer, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 426-18, une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " d'une durée de dix ans. / (...) / La condition de ressources prévue au premier alinéa n'est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés (...) ".

16. Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.

17. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'un titre de séjour valable du 20 janvier 2017 au 19 janvier 2018, de récépissés valables du 19 février 2018 au 18 mai 2018 puis du 20 août 2018 au 19 novembre 2018, d'un titre de séjour valable du 21 octobre 2019 au 20 avril 2021, d'un récépissé valable du 11 juin 2021 au 10 décembre 2021, enfin, d'un récépissé valable du 5 juillet 2022 au 4 octobre 2022. Il s'ensuit que M. B... n'a pas bénéficié de récépissé du 20 janvier 2018 au 18 février 2018, du 19 mai 2018 au 19 août 2018, du 20 novembre 2018 au 20 octobre 2019, du 21 avril 2021 au 10 juin 2021 et du 11 décembre 2021 au 4 juillet 2022. S'il soutient qu'il a été l'impossibilité de " prendre un rendez-vous " en préfecture du 11 décembre 2021 au 5 juillet 2022, il ne produit aucun élément probant à l'appui de ses allégations et ne justifie pas l'absence de récépissé pendant les périodes mentionnées ci-dessus.

18. Dès lors que M. B... ne justifiait pas à la date de l'arrêté attaqué d'une présence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France, il ne pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur de droit. Ce moyen doit ainsi être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré d'un défaut d'examen de sa situation doit être écarté.

19. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

20. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, l'appelant n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

21. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle doivent être écartés.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision fixant le pays d'éloignement :

22. En premier lieu, la décision attaquée vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et relève que M. B... ne sera pas exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit ainsi être écarté.

23. En deuxième lieu, pour les motifs énoncés ci-dessus, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise sur le fondement d'une décision illégale portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, ce moyen doit être écarté.

24. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

25. Pour soutenir qu'il sera exposé des traitements inhumains et dégradants, l'appelant fait état des éléments mentionnés ci-dessus relatifs à son état de santé. Par suite et pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision d'assignation à résidence :

26. En premier lieu, pour les motifs énoncés ci-dessus, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise sur le fondement d'une décision illégale portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, ce moyen doit être écarté.

27. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ".

28. D'autre part, aux termes de l'article L. 722-7 du même code : " L'éloignement effectif de l'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut intervenir avant l'expiration du délai ouvert pour contester, devant le tribunal administratif, cette décision et la décision fixant le pays de renvoi qui l'accompagne, ni avant que ce même tribunal n'ait statué sur ces décisions s'il a été saisi (...) ".

29. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet le 5 juillet 2022 d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, soit moins d'un an avant l'édiction le 28 juin 2023 de la décision attaquée d'assignation à résidence. Si cette décision du 5 juillet 2022 a fait l'objet le 10 février 2023 d'un recours devant le tribunal administratif de Rouen empêchant l'éloignement effectif de M. B... avant que ce tribunal n'ait statué sur ce recours, cette circonstance n'interdisait pas au préfet de la Seine-Maritime d'édicter le 28 juin 2023 la décision d'assignation à résidence litigieuse sur le fondement du 1° de l'article L. 731-1 du même code. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit ainsi être écarté.

30. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime, qui a pris en considération la situation personnelle de M. B..., se serait cru en situation de compétence liée pour prononcer la décision attaquée d'assignation à résidence. Le moyen tiré d'une erreur de droit doit ainsi être écarté.

31. En quatrième lieu, si l'appelant soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle lui impose de " se présenter tous les mardis et jeudis à 10h15 dans les locaux de la police aux frontières " à Rouen, il ne produit aucun élément précis et circonstancié à l'appui de ses allégations. Ce moyen doit ainsi être écarté.

32. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 5 juillet 2022 et du 28 juin 2023 du préfet de la Seine-Maritime.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

33. Dans les circonstances de l'espèce, dès lors que les conclusions aux fins d'annulation de la requête doivent être rejetées, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions aux fins d'injonction qu'elle comporte.

Sur les frais liés à l'instance :

34. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par Me Lepeuc, avocate de M. B..., et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Marie Lepeuc et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 21 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

La présidente de la formation de jugement,

Signé : I. Legrand

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

N°23DA01932

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01932
Date de la décision : 18/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Legrand
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : LEPEUC

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-18;23da01932 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award