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16/04/2024 | FRANCE | N°23DA01422

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 16 avril 2024, 23DA01422


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 17 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un mois.



Par un jugement n° 2204259 du 21 mars 2023,

le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 17 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un mois.

Par un jugement n° 2204259 du 21 mars 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2023, M. B... A..., représenté par Me Alouani, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 21 mars 2023 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 août 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 10-1-a de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale dès lors que le refus de séjour est illégal ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 août 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

L'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. A... par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 26 février 2001 qui déclare être entré en France en juin 2015, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 4 février 2022, à la suite de son mariage avec une ressortissante française le 11 décembre précédent. Par un arrêté du 17 août 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un mois. M. A... relève appel du jugement du 21 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ". En application de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la première délivrance d'une carte de séjour temporaire (...) est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état-civil français ; / (...) ".

3. Si M. A..., qui s'est marié avec une ressortissante française le 11 décembre 2021, soutient être entré en France sous couvert d'un visa de court séjour valable du 15 juin au 15 septembre 2015, il ne justifie pas d'une entrée sur le territoire français sous couvert du visa de long séjour prévu par l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, il ne remplit pas l'ensemble des conditions prévues par l'article L. 423-1 du même code pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire. En outre, il n'est pas contesté que M. A... ne séjourne pas sur le territoire français de façon régulière. Par suite, il n'est pas plus fondé à soutenir que la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations précitées de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

5. M. A... se prévaut de la présence en France de son épouse, de sa sœur et de ses grands-parents ainsi que de son intégration socio-professionnelle. Toutefois, M. A... n'apporte aucun élément permettant de justifier de l'ancienneté et de la stabilité d'une communauté de vie avec sa conjointe française, avec laquelle il s'est marié huit mois avant la date de l'arrêté contesté. A cet égard, le requérant n'apporte à l'instance aucun élément de nature à démontrer l'existence d'un domicile commun avec son épouse. M. A... n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusque l'âge de quatorze ans, et où ses parents résident toujours. La circonstance que M. A... a été engagé comme peintre en bâtiment, par un contrat à durée indéterminée signé le 4 avril 2023, ne permet pas de justifier d'une intégration socio-professionnelle à la date de l'arrêté contesté, le 17 août 2022. Par ailleurs, M. A... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 4 février 2021, à laquelle il n'a pas déféré. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressé, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale au regard des buts poursuivis par une décision de refus de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

7. Il résulte de ce qui précède que l'ensemble des moyens soulevés par M. A... à l'encontre de la décision de refus de séjour ont été écartés, de telle sorte qu'il n'est pas fondé à soutenir qu'elle serait entachée d'illégalité. Il n'est donc pas plus fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité du refus de séjour.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un mois :

8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-8 du même code, dans sa version applicable à la date de la décision contestée : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ".

9. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet de la Seine-Maritime a accordé un délai de départ volontaire à M. A... et lui a interdit le retour sur le territoire français en application de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet a méconnu l'article L. 612-6 du même code ne peut qu'être écarté.

10. En second lieu, les circonstances que M. A... résiderait en France avec son épouse et qu'une installation du couple en Tunisie n'est pas envisageable ne suffisent pas à caractériser une erreur manifeste du préfet de la Seine-Maritime dans l'appréciation des conséquences d'une interdiction de retour sur la situation de l'intéressé, dès lors que la durée de cette mesure est limitée à un mois.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Alouani.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 2 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 avril 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : J-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M-P. Viard

Le greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

Le greffier,

F.Cheppe

2

N° 23DA01422


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01422
Date de la décision : 16/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : ALOUANI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-16;23da01422 ?
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