La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/04/2024 | FRANCE | N°23DA00656

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 16 avril 2024, 23DA00656


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société E2MK a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de la commune de Saint-Riquier, à titre principal, à lui verser la somme de 77 413,79 euros hors taxes au titre du solde du lot n°4 " menuiseries extérieures - serrurerie " du marché d'extension et de restructuration de ses bâtiments, ou, à titre subsidiaire, de limiter le montant des pénalités de retard appliquées par cet é

tablissement à une somme de 10 250 euros.



Par un jugement n° 2101052 du 8 février 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société E2MK a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de la commune de Saint-Riquier, à titre principal, à lui verser la somme de 77 413,79 euros hors taxes au titre du solde du lot n°4 " menuiseries extérieures - serrurerie " du marché d'extension et de restructuration de ses bâtiments, ou, à titre subsidiaire, de limiter le montant des pénalités de retard appliquées par cet établissement à une somme de 10 250 euros.

Par un jugement n° 2101052 du 8 février 2023, le tribunal administratif d'Amiens a condamné l'EHPAD de la commune de Saint-Riquier à verser la somme de 13 519 euros hors taxes à la société E2MK au titre du solde du lot n°4 du marché d'extension et de restructuration des bâtiments de l'établissement et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 avril 2023, la société E2MK, représentée par Me Badre, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 8 février 2023 en ce qu'il limite le montant de la condamnation à la somme de 13 519 euros ;

2°) de condamner l'EHPAD de la commune de Saint-Riquier, à titre principal, à lui verser la somme de 77 413,79 euros hors taxes au titre du solde du lot n°4 " menuiseries extérieures-serrurerie " du marché d'extension et de restructuration de ses bâtiments, cette somme incluant le montant des pénalités de retard indument infligées et dont elle demande le remboursement, ou, à titre subsidiaire, de limiter le montant de ces pénalités de retard à la somme de 10 250 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Riquier une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a droit au règlement d'une somme de 7 542 euros hors taxes correspondant à la fourniture et à la pose d'un garde-corps supplémentaire sur la terrasse Aile C, conformément à l'ordre de service n° 3 ;

- la prise en compte de plusieurs teintes pour les châssis en aluminium, conformément à un ordre de service verbal, est à l'origine d'un surcoût de 5 000 euros hors taxes ;

- la pose d'une ossature dans le bâtiment Drugy sans le recours à une grue à tour, contrairement à ce qui était contractuellement prévu, était indispensable à l'exécution du marché et a entraîné un surcoût de 17 600 euros hors taxes ;

- elle a réalisé des amenées d'air supplémentaires pour un montant de 17 829 euros hors taxes alors que le nombre d'amenées d'air, limité à douze selon la décomposition du prix global et forfaitaire, n'était pas visible sur les plans du maître d'œuvre ;

- quatre brise-soleils supplémentaires et deux châssis à soufflet se sont avérés indispensables au cours du chantier et ont représenté un surcoût, respectivement, de 3 120 euros hors taxes et de 1 800 euros hors taxes ;

- les pénalités résultant de soixante jours de retard ont été retenues par le maitre d'ouvrage pour un montant de 21 003,79 euros, selon un calcul non conforme aux stipulations du cahier des clauses administratives particulières, qui ne permettent pas de retenir un montant supérieur à 10 250 euros ;

- le montant des pénalités est en tout état de cause manifestement excessif, compte-tenu des difficultés d'exécution des travaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2023, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de la commune de Saint-Riquier, représenté par Me Leprêtre, conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement du 8 février 2023 et au rejet de la demande présentée par la société E2MK devant le tribunal administratif d'Amiens, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la société requérante ne présente pas de moyens d'appel à l'encontre du jugement attaqué ;

- elle n'est pas fondée à demander le paiement de travaux supplémentaires, réalisés ou non en vertu d'ordres de service, dès lors que le contrat a été conclu sur la base d'un prix global et forfaitaire ; les réclamations de la société ne résultent pas d'une modification de la masse des travaux excédant le seuil prévu à l'article 15 du cahier des clauses administratives générales ; les travaux correspondant à ces réclamations n'ont pas fait l'objet d'un avenant ; les travaux supplémentaires allégués n'ont pas bouleversé l'économie du marché ;

- la société n'établit pas que les travaux se rapportant à la fourniture et à la pose d'un garde-corps supplémentaire ont donné lieu à des ordres de service réguliers, ni que ces travaux n'étaient pas normalement prévisibles ;

- les travaux se rapportant à la modification des garde-corps de la terrasse n'impliquent aucune indemnisation dès lors que la société ne peut, s'agissant d'un marché à prix global et forfaitaire, se prévaloir d'une augmentation des quantités ou éventuellement d'une erreur dans le devis estimatif ;

- la société requérante ne justifie pas de l'existence d'un ordre de service verbal modifiant les teintes des châssis, ni d'un surcoût en lien avec le choix des teintes pour lequel le cahier des clauses techniques particulières ne comporte aucune limitation ;

- l'impossibilité de bénéficier d'une grue à tour pour l'installation de l'ossature ne donne lieu à aucune indemnisation dès lors que l'article 3 du cahier des clauses techniques particulières prévoit que les prix incluent l'ensemble des dépenses relatives à la sécurité et à la protection de la santé et que le titulaire est réputé avoir tenu compte de toutes les contraintes du chantier et des conditions d'exécution des ouvrages lors de la remise de son offre ;

- les grilles d'amenées d'air supplémentaires, qui ne présentent pas un caractère indispensable, ont donné lieu à un avenant et à un règlement des prestations ;

- la société requérante n'établit pas que les brise-soleils et châssis à soufflet supplémentaires étaient indispensables, ni qu'ils ont été demandés ;

- il n'appartient pas au juge de modérer le montant des pénalités contractuellement fixées ;

- la société, qui s'est acquittée du montant demandé par un titre de recettes d'un montant de 21 003,79 euros, n'établit pas que les pénalités présentent un caractère excessif, alors qu'elle a bénéficié d'une remise substantielle.

Par une ordonnance du 15 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 20 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2006-975 du 1er août 2006 ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de la commune de Saint-Riquier a engagé une opération d'extension et de restructuration de ses locaux à partir de 2015, sous la maîtrise d'œuvre de M. A..., architecte. Par un acte d'engagement signé le 4 avril 2016, l'EHPAD de la commune de Saint-Riquier a confié à la société E2MK la réalisation du lot n° 4 " menuiseries extérieures - serrurerie ", pour un montant de 549 506,55 euros hors taxes, soit 659 407,86 euros toutes taxes comprises. Au terme des travaux, la société a remis son projet de décompte final le 24 avril 2019 faisant apparaître un montant total de travaux réalisés de 635 632 euros hors taxes et, compte tenu des règlements intervenus en cours d'exécution, un solde de 105 011,22 euros hors taxes. Après que les parties ont échangé leurs observations sur ce projet, l'EHPAD de la commune de Saint-Riquier a transmis à la société le 27 février 2020 un projet de décompte général et définitif fixant le montant révisé des travaux réalisés à la somme de 600 006,83 euros hors taxes et celui du solde, après déduction des acomptes versés, à la somme de 16 326,40 euros hors taxes, soit 19 591,68 euros toutes taxes comprises. En dépit du mémoire en réclamation présenté par la société E2MK le 10 août 2020, le maître d'ouvrage a procédé au règlement d'une somme de 19 591,68 euros et a émis à l'encontre de la société un titre exécutoire le 24 septembre 2020 afin d'obtenir le versement des pénalités de retard fixées au montant de 21 003,79 euros. Insatisfaite de ces conditions de règlement du solde du marché, la société E2MK, qui s'est acquittée du versement des pénalités, a saisi le tribunal administratif d'Amiens afin d'obtenir la condamnation de l'EHPAD de la commune de Saint-Riquier à lui verser la somme totale de 77 413,79 euros hors taxes en règlement du solde du lot n°4 " menuiseries extérieures - serrurerie ", en incluant dans ce montant la somme de 21 003,79 euros au titre des pénalités dont elle sollicite le remboursement. A titre subsidiaire, la société E2MK a demandé au juge de limiter le montant des pénalités de retard à une somme de 10 250 euros. Par un jugement du 8 février 2023, le tribunal administratif d'Amiens a retenu comme fondés deux postes de travaux supplémentaires revendiqués par la société E2MK, a condamné l'EHPAD de la commune de Saint-Riquier à lui verser la somme de 13 519 euros hors taxes à ce titre et a rejeté le surplus de ses conclusions. La société E2MK relève appel et réitère devant la cour l'ensemble de ses demandes indemnitaires. L'EHPAD de la commune de Saint-Riquier conclut au rejet de la requête et, par la voie d'un appel incident, sollicite l'annulation du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché est retracé dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Il revient notamment aux parties d'y mentionner les conséquences financières de retards dans l'exécution du marché ou le coût de réparations imputables à des malfaçons dont est responsable le titulaire. Il appartient au juge du contrat, en l'absence de décompte général devenu définitif, de statuer sur les réclamations des parties et de déterminer ainsi le solde de leurs obligations contractuelles respectives.

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

3. Le titulaire d'un marché à prix global et forfaitaire a droit au paiement par le maître d'ouvrage des prestations qui, non prévues par le marché initial, lui ont été commandées ainsi qu'à l'indemnisation des travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service, à la condition toutefois qu'ils aient été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

4. En premier lieu, pour demander le paiement d'un garde-corps réalisé sur l'une des terrasses de l'aile C, pour un montant de 7 542 euros hors taxes, la société E2MK soutient que ces travaux supplémentaires ne figuraient pas dans les plans de l'architecte joints au dossier de consultation et n'ont pu être chiffrés dans son offre. Toutefois, il ressort des prescriptions techniques applicables au lot n° 4 que l'installation de garde-corps est prévue par le marché sur les terrasses accessibles de l'aile C. A cet égard, l'ordre de service n° 3 du 2 octobre 2017, produit à l'instance par la société requérante ne se réfère pas à des travaux supplémentaires, mais indique comme objet une " exécution garde-corps terrasse aile C ", vise le " CCTP prescrivant des garde-corps sur les terrasses accessibles aile C ", et ordonne à l'entreprise " d'exécuter cette prestation en totalité selon les prescriptions du marché pour les deux terrasses accessibles de l'aile C ". Par ailleurs, la société E2MK ne démontre pas que les documents contractuels décrivant les travaux attendus de l'entreprise, et notamment les plans d'architecte, étaient erronés ou insuffisamment précis, de telle sorte qu'un garde-corps supplémentaire aurait été commandé au cours du chantier pour l'aménagement des terrasses de l'aile C. Dans ces conditions, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, la demande présentée sur ce point ne peut qu'être rejetée.

5. En deuxième lieu, il ressort de l'ordre de service du 19 décembre 2017 signé par le maître d'œuvre de l'opération de travaux et du devis du 23 novembre 2017 auquel l'ordre de service se réfère, que des travaux complémentaires et modificatifs ont été commandés à la société E2MK pour la mise en œuvre des garde-corps de l'aile C, pour un montant de 3 519 euros hors taxes. Contrairement à ce que soutient l'EHPAD de la commune de Saint-Riquier, ni le caractère global et forfaitaire du prix du marché de travaux, ni les stipulations de l'article 15 du cahier des clauses administratives générales ne font obstacle au paiement des travaux supplémentaires commandés à l'entreprise. L'établissement ne saurait non plus se prévaloir de l'absence d'avenant prenant en compte les travaux modificatifs litigieux ou de la circonstance que ces travaux n'ont pas eu pour effet de bouleverser l'économie du marché. Par suite, l'EHPAD de la commune de Saint-Riquier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a admis la somme de 3 519 euros hors taxes dans le solde du marché au bénéfice de la société requérante.

6. En troisième lieu, la société E2MK soutient que le maître d'œuvre lui a adressé un ordre de service verbal en cours de chantier lui prescrivant trois teintes différentes pour les châssis en aluminium alors que le marché prévoit une teinte unique. Elle réclame à ce titre la somme de 5 000 euros hors taxes résultant selon elle d'une augmentation de ses coûts de production. Toutefois, les prescriptions techniques applicables au lot n° 4 prévoient, pour les menuiseries en aluminium, une " teinte au choix de l'architecte dans la gamme RAL de Protime ou similaire " en laissant la possibilité au maître d'œuvre de choisir la couleur de chacun des châssis sans restreindre ce choix à une teinte unique pour l'ensemble de ces menuiseries. Si l'architecte a proposé, dans son courriel du 7 mars 2017, de présenter le devis de 5 000 euros hors taxes au maître d'ouvrage, il a pris soin d'y préciser que le cahier des clauses techniques particulières ne comporte aucune limitation dans le choix des couleurs et que le surcoût envisagé par l'entreprise pour le choix de trois teintes différentes n'est pas recevable. Dans ces conditions, la société requérante ne démontre pas que, faute d'être prévue au marché, la fourniture de châssis selon trois teintes différentes présente le caractère de travaux supplémentaires lui ouvrant droit à paiement.

7. En quatrième lieu, s'il résulte de l'instruction, notamment des prescriptions techniques applicables au lot n° 4 et de la décomposition du prix global et forfaitaire, que les travaux confiés à la société E2MK incluent l'installation d'une ossature métallique dans le bâtiment Drugy de l'EHPAD de la commune de Saint-Riquier, il n'est pas établi que, pour la réalisation de cette prestation, le marché ait prévu qu'une grue à tour soit mise à la disposition de la société. A cet égard, l'article 13 du cahier des clauses techniques communes précise que la mise en œuvre des prestations par le titulaire du marché comprend le " transport à pied d'œuvre des matériaux et du matériel de déchargement, le montage et la mise en œuvre à toute hauteur, toutes sujétions et indemnités comprises, sans qu'il soit tenu compte des appareils de levage et la manutention des autres corps d'état ". La société n'est donc pas fondée à solliciter le paiement de travaux supplémentaires au motif que l'ossature métallique a été mise en œuvre de façon manuelle, sans pouvoir utiliser la grue à tour présente sur le chantier. Par suite, l'EHPAD de la commune de Saint-Riquier est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a tenu compte de tels travaux, évalués à la somme de 10 000 euros hors taxes, dans le calcul du solde du marché.

8. En cinquième lieu, si la société E2MK demande à être indemnisée pour les amenées d'air installées en supplément des douze initialement prévues au marché, il n'est pas contesté que ces équipements supplémentaires ont été pris en compte dans l'avenant n° 2 signé le 6 juin 2018 et lui ont été réglés pour un montant de 15 760 euros. La société requérante n'apporte aucun élément à l'instance de nature à justifier que la somme due au titre de ces travaux supplémentaires s'établirait à 17 829 euros hors taxes.

9. En dernier lieu, si la société E2MK soutient avoir installé quatre brise-soleils et deux châssis à soufflet supplémentaires au regard des prescriptions du marché, elle se borne à renvoyer à deux devis établis le 10 juin 2019 pour les montants respectifs de 3 120 euros et 1 800 euros hors taxes, sans justifier du caractère indispensable de ces prestations à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

En ce qui concerne les pénalités de retard :

10. En premier lieu, aux termes de l'article 6.3 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché litigieux : " (...) Par dérogation aux dispositions de l'article 20.1 du CCAG travaux, le titulaire subit, par jour calendaire de retard dans l'exécution des travaux, la pénalité suivante : pour chacun des 10 premiers jours de retard, 10/500ème du marché hors taxes de l'entreprise / pour chaque jour de retard ultérieur, 1/3000ème du marché hors taxes de l'entreprise ".

11. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté par la société E2MK que, si elle a accumulé cent-trente jours de retard au cours de la phase initiale des travaux et cent-soixante jours de retard au cours de la phase de prolongation, le maître d'ouvrage a décidé de ramener le nombre de jours de retard à soixante et de fixer le montant des pénalités à la somme de 21 003,79 euros. A cet égard, l'application des stipulations citées au point précédent conduirait, compte tenu du montant hors taxes initial du marché fixé à 549 506,55 euros et sur la base de soixante jours de retard, à retenir des pénalités pour un montant de 119 059,75 euros. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que, par application de l'article 6.3 du cahier des clauses administratives particulières, ces pénalités ne sauraient excéder la somme de 10 250 euros.

12. En second lieu, si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.

13. Il résulte de l'instruction que les pénalités appliquées à la société E2MK pour un montant de 21 003,79 euros représentent 3,82 % du montant hors taxes initial du marché, et 3,5 % du montant hors taxes de ce marché retenu dans le décompte général par le maître d'ouvrage. La société requérante se borne à soutenir que ce montant est excessif compte tenu des difficultés rencontrées dans l'exécution des travaux et des diligences mises en œuvre pour respecter ses obligations contractuelles, sans donner aucune précision sur les caractéristiques particulières du marché en litige et les difficultés auxquelles elle aurait été confrontée. Par suite, les conclusions visant à obtenir une modération des pénalités de retard ne peuvent qu'être rejetées.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, que la société E2MK n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a limité le montant de la condamnation de l'EHPAD de la commune de Saint-Riquier à la somme de 13 519 euros. En revanche, l'EHPAD de la commune de Saint-Riquier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif a mis cette somme à sa charge, qu'il y a lieu de ramener à 3 519 euros.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EHPAD de la commune de Saint-Riquier, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la société E2MK demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante une somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société E2MK est rejetée.

Article 2 : La somme que l'EHPAD de la commune de Saint-Riquier est condamné à verser à la société E2MK est ramenée du montant de 13 519 euros à celui de 3 519 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens n° 2101052 du 8 février 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La société E2MK versera une somme de 2 000 euros à l'EHPAD de la commune de Saint-Riquier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus de l'appel incident de l'EHPAD de la commune de Saint-Riquier est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société E2MK et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de la commune de Saint-Riquier.

Copie sera transmise pour information à la commune de Saint-Riquier.

Délibéré après l'audience publique du 2 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 avril 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

Le greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne au préfet de la Somme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

Le greffier,

F.Cheppe

2

N° 23DA00656


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00656
Date de la décision : 16/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SCP BADRE HYONNE SENS SALIS DENIS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-16;23da00656 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award