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09/04/2024 | FRANCE | N°23DA00704

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 09 avril 2024, 23DA00704


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il devait être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois et, d'autre part, l'arrêté du 2

1 mars 2023 par lequel ce préfet l'a en outre assigné à résidence.



Par un jugement no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il devait être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois et, d'autre part, l'arrêté du 21 mars 2023 par lequel ce préfet l'a en outre assigné à résidence.

Par un jugement no 2300244-2301291 du 3 avril 2023, le président du tribunal administratif de Rouen, d'une part, a renvoyé à la formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et, d'autre part, a annulé les arrêtés attaqués en tant qu'ils obligent M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixent le pays de destination, prononcent à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois et l'assignent à résidence.

Par un jugement n° 2300244 du 25 mai 2023, la formation collégiale de la 2ème chambre du tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus de la requête de M. A....

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête, enregistrée sous le n° 23DA00704 le 18 avril 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement rendu par le président du tribunal administratif de Rouen le 3 avril 2023 en tant qu'il annule ses décisions du 8 novembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois ;

2°) de rejeter les demandes d'annulation de ces décisions présentées en première instance par M. A....

Il soutient que :

- si le père de M. A... est atteint d'un glaucome et a besoin de l'assistance d'une tierce personne, il n'établit pas être le seul à pouvoir la lui assurer ;

- le projet d'embauche dont l'intéressé se prévaut est en tout état de cause de nature à l'empêcher à apporter à son père l'aide dont celui-ci aurait besoin ;

- en outre, M. A... n'est pas isolé dans son pays d'origine où il dispose encore de sa mère ainsi que de quatre frères et sœurs ;

- il s'ensuit que la décision portant obligation de quitter le territoire français qu'il a prononcée à l'encontre de M. A... n'était pas illégale pour se fonder sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, qui ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- dès lors, c'est à tort que le président du tribunal administratif de Rouen a annulé sa décision portant obligation de quitter le territoire français pour ce motif ainsi que, par voie de conséquence, ses décisions fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois ;

- les autres moyens soulevés par M. A... à l'encontre de ces décisions ne sont pas fondés, pour les mêmes motifs que ceux qu'il a avancés en première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Eglantine Mahieu, conclut :

1°) au rejet de la requête d'appel ;

2°) à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de destination, interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois et assignation à résidence ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat soit le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, soit le paiement à lui-même d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- son père, en situation régulière en France et atteint de cécité, a besoin de l'assistance permanente d'une tierce personne pour tous les déplacements et les actes de la vie courante ; il est le seul à pouvoir la lui assurer ; le coût d'une telle aide assurée par un professionnel serait en effet excessif ; en outre, le travail à temps partiel qu'il envisage de prendre n'est pas de nature à l'empêcher d'assister correctement son père ; sa situation présente donc un caractère exceptionnel ou humanitaire ;

- c'est, dès lors, à raison que le président du tribunal administratif de Rouen, pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre ainsi que, par voie de conséquence, les décisions fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois, a accueilli le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que la décision de refus de séjour sur laquelle elle se fonde est illégale pour méconnaître les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en tout état de cause, la décision portant obligation de quitter le territoire français est également insuffisamment motivée dès lors qu'elle est stéréotypée et écarte trop rapidement l'aide assurée par M. A... auprès de son père ;

- pour les mêmes motifs, elle est entachée d'une erreur de droit pour procéder d'un défaut d'examen individuel de la situation de M. A... et de son père ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de l'état de santé de son père et de l'aide qu'il lui procure au quotidien ;

- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de motivation en fait et en droit et, en particulier, n'explique pas en quoi sa sécurité ne serait pas menacée en cas de retour au Sénégal ;

- elle est illégale en tant qu'elle se fonde sur la décision portant obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;

- pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne mentionne pas le rôle d'aidant familial qu'il assure auprès de son père ;

- elle méconnaît l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, elle doit être regardée comme procédant d'un défaut d'examen ;

- elle méconnaît, dans son principe comme dans sa durée, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant assignation à résidence est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne démontre pas que son éloignement serait une perspective raisonnable, qu'elle ne comporte aucune motivation spécifique à la durée de l'assignation et aux mesures de contrôle qui l'assortissent et qu'elle ne traite pas de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle procède d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. A... dès lors qu'elle ne mentionne pas l'existence de son recours contre l'arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de sa situation personnelle, du recours introduit devant le tribunal administratif, de l'absence de menace à l'ordre public et de l'absence de risque de fuite ;

- elle procède d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elle a pour seul objet de priver M. A... de l'examen du recours qu'il a introduit contre l'arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français par une formation collégiale et de permettre son éloignement avant qu'il soit statué sur la décision de refus de séjour ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle constitue une mesure d'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre, laquelle n'avait pas encore de caractère exécutoire à la date à laquelle l'assignation a été prononcée.

Par une ordonnance en date du 14 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 décembre 2023 à 12 heures.

M. A... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juillet 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

II.- Par une requête, enregistrée sous le n° 23DA01478 le 24 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Eglantine Mahieu, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement rendu en formation collégiale le 25 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 du préfet de la Seine-Maritime en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, l'un ou l'autre dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et en lui remettant, dans cette attente et dans les dix jours à compter de l'arrêt, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat soit le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, soit le paiement à lui-même d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée dès lors qu'elle est stéréotypée et écarte trop rapidement l'aide assurée par M. A... auprès de son père ;

- pour les mêmes motifs, elle est entachée d'une erreur de droit pour procéder d'un défaut d'examen individuel de la situation de M. A... et de son père ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en effet, son père, en situation régulière en France et atteint de cécité, nécessite l'assistance permanente d'une tierce personne pour tous les déplacements et les actes de la vie courante ; il est le seul à pouvoir la lui assurer ; le coût d'une telle aide assurée par un professionnel serait excessif ; le travail à temps partiel qu'il envisage de prendre n'est pas de nature à l'empêcher d'assister correctement son père ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa situation revêt un caractère exceptionnel ou humanitaire ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance en date du 19 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 janvier 2024 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 octobre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes ;

- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., né le 15 janvier 1995, de nationalité sénégalaise, est entré en France le 28 septembre 2019 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ", délivré par les autorités consulaires françaises à Dakar, valable jusqu'au 25 septembre 2020. Par arrêté du 2 février 2021, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande de renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. S'étant maintenu en situation irrégulière sur le territoire, M. A... a sollicité, le 24 août 2022, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 8 novembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.

2. Par une requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rouen le 20 janvier 2023, M. A... a sollicité l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2022 du préfet de la Seine-Maritime en toutes ses décisions. Dans la perspective de la mise à exécution de la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de l'intéressé, le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence, en cours d'instance, par un arrêté du 21 mars 2023. M. A... en a sollicité l'annulation par une nouvelle requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rouen le 29 mars 2023. Par un jugement nos 2300244-2301291 du 3 avril 2023, le président du tribunal administratif de Rouen, d'une part, a renvoyé à la formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et, d'autre part, a annulé l'arrêté du 8 novembre 2022 en tant qu'il oblige M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixe le pays de destination et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois ainsi que l'arrêté du 21 mars 2023 en toutes ses dispositions. Par un jugement n° 2300244 du 25 mai 2023, la formation collégiale de la 2ème chambre du tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus des conclusions de M. A..., tendant en particulier à l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2022 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour.

3. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 3 avril 2023 du président du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il prononce l'annulation de ses décisions du 8 novembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, détermination du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. M. A..., relève, quant à lui, appel du jugement du 25 mai 2023 rendu en formation collégiale en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 8 novembre 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Ces requêtes portent toutes les deux sur la situation de M. A... au regard du droit au séjour en France et présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'appel de M. A... et la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

4. En premier lieu, par un arrêté n° 22-052 du 29 août 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 76-2022-141 du 29 août 2022 de la préfecture de la Seine-Maritime, le préfet a donné à M. D... B..., directeur des migrations et de l'intégration, signataire de l'arrêté attaqué du 8 novembre 2022, délégation à l'effet de signer notamment : " les décisions relatives à la délivrance et au refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour ". Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A.... Il vise et mentionne les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquelles M. A... a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il rappelle ses conditions d'entrée et de séjour en France. Il procède à l'examen de sa situation familiale sur le territoire et dans son pays d'origine. Il examine également ses perspectives d'insertion professionnelle et sociale en France. En outre, contrairement à ce que soutient M. A..., il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué qu'il tient compte de l'état de santé du père de M. A... et des conditions de sa prise en charge. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet n'aurait, préalablement au prononcé de la décision attaquée, pas procédé à l'examen de la situation personnelle du demandeur. Dès lors, les moyens tirés de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée et de ce qu'elle serait entachée d'erreur de droit pour procéder d'un défaut d'examen particulier doivent être écartés.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

7. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". D'une part, les stipulations du paragraphe 42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a irrégulièrement prolongé son séjour sur le territoire pendant près de deux ans en s'abstenant de déférer à une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre, est présent en France depuis à peine plus de trois ans à la date de la décision attaquée. Si son père réside régulièrement sur le territoire, sous couvert d'une carte de résident valable en dernier lieu jusqu'en 2025, et s'il est atteint d'une cécité complète à l'œil droit et d'un glaucome en phase terminale à l'œil gauche, M. A... n'établit ni que, sans lui, son père ne pourrait pas se procurer l'aide permanente dont il a besoin ni qu'il est lui-même le plus à même de la lui procurer dans des conditions satisfaisantes, alors en particulier qu'il fait par ailleurs état de projets d'ordre personnel. En outre, il ressort des pièces du dossier que la communauté de vie entre M. A..., né au Sénégal en 1995 et y ayant vécu sans interruption jusqu'en 2019, et son père, qui a effectué toute sa carrière sur le territoire français depuis 1975, est très récente. Outre la présence de son père, M. A..., qui est célibataire et sans enfant, ne justifie d'aucune autre attache familiale sur le territoire alors qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où il a vécu la majeure partie de sa vie jusqu'à l'âge de 24 ans et où il dispose encore de sa mère et de quatre frères et sœurs. De plus, il ne justifie pas d'une insertion professionnelle stable et durable. La promesse d'embauche qu'il produit, portant sur un poste de manœuvre dans le bâtiment, ne présente pas de garantie suffisante à cet égard, dès lors qu'elle est sans lien avec les études au titre desquelles il a été initialement admis à séjourner en France et qu'il ne présente aucune formation, ancienneté ou expérience dans ce domaine d'activités. Son père, qui est hébergé en résidence sociale et perçoit moins de 5 000 euros de pension annuelle, n'est pas davantage à même de lui offrir, dans l'attente, des conditions matérielles d'accueil propres à garantir son insertion réussie à la société française. Dans le même temps, M. A... n'avance aucune considération qui serait de nature à empêcher sa réinsertion professionnelle et sociale dans son pays d'origine. Dès lors, les pièces du dossier ne permettent pas de regarder son admission au séjour comme s'imposant au nom du respect du droit à la vie privée et familiale ou comme répondant à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels. En refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire, le préfet de la Seine-Maritime n'a donc ni méconnu les stipulations et dispositions citées aux points 6 et 7, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, les moyens en ce sens doivent être écartés.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 25 mai 2023, la formation collégiale de la 2ème chambre du tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Seine-Maritime lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte en tant qu'elles se rapportent à cette dernière et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Ses conclusions d'appel, tendant à l'annulation de ce jugement, à l'annulation de la décision litigieuse et à ce qu'il soit fait droit à sa demande d'injonction et d'astreinte, doivent dès lors être rejetées à leur tour.

Sur l'appel du préfet de la Seine-Maritime et la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

10. Ainsi qu'il a été dit au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiaient la délivrance d'un titre de séjour à M. A.... Le préfet de la Seine-Maritime ne peut donc être regardé comme ayant méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comme ayant entaché sa décision de refus de délivrance d'un titre de séjour d'illégalité. Il n'a dès lors pas davantage privé de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français qu'il a prise en considération de ce refus de séjour. Il s'ensuit que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ainsi que, par voie de conséquence, les décisions subséquentes fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen et devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

11. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".

12. En premier lieu, l'arrêté attaqué cite les dispositions des articles L. 611-1 et L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constituent le fondement légal de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Il ressort également sans ambiguïté des énonciations de cet arrêté que l'obligation de quitter le territoire français qu'il prononce à l'encontre de M. A... est fondée sur le refus de séjour qui lui est également opposé. L'arrêté attaqué comporte à cet égard, ainsi qu'il a été dit au point 5, les considérations de fait et de droit qui fondent cette décision de refus de séjour et, en particulier, tient compte de l'état de santé du père de M. A... ainsi que des considérations relatives à sa prise en charge. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français n'avait, en application des dispositions citées au point 11 de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait, préalablement au prononcé de la décision en litige, pas dûment tenu compte de la situation personnelle de l'intéressé. Dès lors, les moyens tirés de ce que la décision attaquée est insuffisamment motivée et de ce qu'elle procède d'un défaut d'examen personnalisé doivent être écartés.

13. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 4 à 9, M. A... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour, est illégal. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours est illégale au motif qu'elle a été prise sur le fondement de cette décision de refus de séjour et son moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.

14. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... soit le seul et le mieux à même d'apporter à son père l'aide permanente dont celui-ci a besoin du fait de son état de santé, que le centre de sa vie privée et familiale se situe en France et qu'il ne puisse pas se réinsérer dans son pays d'origine dans lequel il ne serait pas isolé en cas de retour. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

16. Aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article L. 721-3 du même code : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité (...) ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

17. En premier lieu, pour décider que la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de M. A... pourra être exécutée à destination du pays dont il a la nationalité, à savoir le Sénégal, ou de tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible, l'arrêté attaqué vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelle qu'il a la nationalité sénégalaise, est venu depuis ce pays en 2019 et ne justifie pas y être démuni d'attaches et qu'il n'établit pas y être exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Cette motivation, en droit et en fait, a ainsi mis à même M. A... de comprendre les motifs de la décision prise à son encontre et est proportionnée dès lors qu'il ne justifie pas avoir adressé au préfet des observations préalables à ce sujet. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est insuffisamment motivée doit être écarté.

18. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 10 à 15, M. A... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, serait illégal. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale au motif qu'elle a été prise sur le fondement de cette obligation de quitter le territoire français et son moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.

19. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... soit le seul et le mieux à même d'apporter à son père l'aide permanente dont celui-ci a besoin du fait de son état de santé. Il n'avance aucune considération s'opposant à sa réinsertion au Sénégal, pays dans lequel il n'est pas dépourvu d'attaches, alors que le centre de sa vie privée et familiale ne peut pas être regardé comme s'étant établi à titre principal en France. Il n'établit pas davantage ni même n'allègue être exposé à un risque pour sa sécurité en cas de retour dans ce pays. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en désignant le Sénégal comme pays à destination duquel il devra, le cas échéant, être éloigné d'office doit être écarté.

20. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays à destination duquel il doit être éloigné.

S'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

21. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " (...) les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

22. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

23. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

24. En premier lieu, l'arrêté attaqué cite les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituant la base légale de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. Par ailleurs, il ressort des énonciations de cet arrêté que, pour décider de prononcer cette interdiction et déterminer sa durée, le préfet de la Seine-Maritime a procédé à un examen de la situation de M. A... au regard des critères de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a retenu en particulier qu'il est entré régulièrement en France sous couvert d'un visa de long séjour délivré pour lui permettre de faire des études, qu'il n'en a pas obtenu le renouvellement à l'issue de sa durée de validité, qu'il n'a pas déféré à l'obligation de quitter le territoire français qui lui a alors été faite et qu'il s'est maintenu en situation irrégulière. Il a également tenu compte de sa situation matérielle et familiale sur le territoire, y compris de l'état de santé de son père et des considérations relatives à sa prise en charge. Si la motivation de l'arrêté attaqué ne fait pas référence au critère relatif à la menace à l'ordre public que représenterait la présence de l'intéressé sur le territoire français, il ne ressort en l'occurrence pas des pièces du dossier que M. A... représenterait une telle menace et que l'autorité préfectorale aurait retenu une telle circonstance à son encontre. Ainsi, le préfet de la Seine-Maritime a suffisamment motivé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois qu'il a prise à son encontre. Dès lors, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et de ce que celle-ci serait entachée d'erreur de droit pour ne pas avoir procédé à l'examen complet de la situation de M. A... doivent être écartés.

25. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... justifie d'à peine plus de trois ans de séjour en France à la date de l'arrêté attaqué, dont deux en situation irrégulière. Il n'a pas déféré à une précédente obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre le 2 février 2021. Ainsi qu'il a été dit au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il soit le seul et le mieux à même d'apporter à son père l'aide permanente dont celui-ci a besoin du fait de son état de santé. Il ne justifie d'aucune autre attache familiale en France, ni d'aucune insertion professionnelle et sociale. Dans ces conditions, même si aucun trouble à l'ordre public ne peut lui être reproché, l'interdiction qui lui a été faite de retourner sur le territoire français ne méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni dans son principe, ni dans sa durée. Dès lors, le moyen soulevé en ce sens par M. A... doit être écarté.

26. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation pour emporter pour la situation personnelle de M. A... et celle de son père des effets disproportionnés au regard des buts qu'elle poursuit doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8.

27. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.

S'agissant de l'arrêté du 21 mars 2023 portant assignation à résidence :

28. Si M. A... réitère en appel les moyens qu'il dirigeait en première instance contre l'arrêté du 21 mars 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence et a défini des mesures de contrôle, le préfet ne saisit la cour, par la requête n° 23DA00704 visée ci-dessus, d'aucune contestation du jugement du 3 avril 2023 en tant qu'il prononce l'annulation de cet arrêté. Les moyens d'appel de M. A... ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.

29. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 3 avril 2023, le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 8 novembre 2022 en tant qu'il oblige M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixe le pays de destination et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois et lui a enjoint de délivrer en conséquence l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il convient donc de prononcer, dans cette mesure, l'annulation de ce jugement et de rejeter les conclusions de M. A... aux fins d'annulation de ces décisions ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte en tant qu'elles se rapportent à ces dernières.

Sur les frais liés à l'instance :

30. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans les présentes instances d'appel, verse à M. A... ou à Me Eglantine Mahieu, avocate désignée au titre de l'aide juridictionnelle, les sommes que ceux-ci réclament au titre des frais non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 3 et 5 du jugement nos 2300244-2301291 du 3 avril 2023 du président du tribunal administratif de Rouen sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen, tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2022 du préfet de la Seine-Maritime en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixe le pays à destination duquel il doit être éloigné et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois, est rejetée ainsi que ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, en tant qu'elles se rapportent aux mêmes décisions.

Article 3 : Les conclusions d'appel de M. A... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. C... A... et à Me Eglantine Mahieu.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 26 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLa présidente de la cour,

Signé : N. Massias

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA00704-23DA01478


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00704
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Massias
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : EDEN AVOCATS;EDEN AVOCATS;EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;23da00704 ?
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