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09/04/2024 | FRANCE | N°23DA00588

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 09 avril 2024, 23DA00588


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 24 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné.



Par un jugement n° 2203046 du 24 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.



Procédu

re devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 avril 2023, 16 mai 2023 et 11 décemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 24 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné.

Par un jugement n° 2203046 du 24 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 avril 2023, 16 mai 2023 et 11 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Caroline Inquimbert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 mai 2022 du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) au vu duquel le préfet a statué ne comporte la signature que d'un seul médecin et que les éléments retenus préalablement à l'édiction de l'avis n'ont pas été communiqués ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne pourra pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à ses pathologies en cas de retour au Nigéria ; en particulier, l'épilepsie lésionnelle dont il est atteint depuis 2009 n'a pas été correctement prise en charge au Nigéria ; les médicaments disponibles dans son pays n'étaient pas aux normes et lui ont causé d'autres problèmes de santé ; la prise en charge des affections psychiatriques au Nigéria est en outre particulièrement défaillante en l'absence de spécialistes et de médicaments suffisants ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet n'a pas procédé à un réel examen de sa situation au regard de cet article, qu'il réside en France depuis trois ans, que deux de ses enfants sont scolarisés en France, dont un depuis trois ans aussi, qu'il remplit à ce titre les conditions de la circulaire du 28 novembre 2012, qu'il ne peut lui être reproché de ne pas être inséré professionnellement alors qu'il ne dispose pas d'une autorisation de travail et que son activité de bénévole associatif aurait dû être prise en compte ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; d'une part, elle ne distingue pas les notions de vie privée et de vie familiale et, d'autre part, elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, compte tenu de la présence de sa cellule familiale sur le territoire, de la scolarisation de ses enfants en France et de la qualité de son insertion sociale et associative ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant compte tenu de l'atteinte qu'elle porte à l'intérêt supérieur de ses enfants ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il réside en Europe depuis dix ans, qu'il est soigné en France, que sa cellule familiale se trouve sur le territoire français et que deux de ses enfants sont scolarisés ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que l'avis du collège des médecins de l'OFII au vu duquel le préfet a statué ne comporte la signature que d'un seul médecin et que les éléments retenus préalablement à l'édiction de l'avis n'ont pas été communiqués ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour qui en constitue le fondement légal ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne pourra pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à ses pathologies en cas de retour au Nigéria ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors, d'une part, qu'elle ne distingue pas les notions de vie privée et de vie familiale et, d'autre part, qu'elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant compte tenu de l'atteinte qu'elle porte à l'intérêt supérieur de ses enfants ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays à destination duquel il doit être éloigné est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui en constitue le fondement légal ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant compte tenu de l'atteinte qu'elle porte à l'intérêt supérieur de ses enfants ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête d'appel de M. A....

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par courrier enregistré le 17 avril 2023, M. A... a, en application de la décision du Conseil d'Etat du 28 juillet 2022 n° 441481, confirmé sa volonté de lever le secret médical.

Le dossier médical de M. A... a été produit par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 21 avril 2023.

Par une ordonnance en date du 14 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 décembre 2023 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., né le 31 janvier 1980, de nationalité nigériane, déclare être entré irrégulièrement en France le 27 juillet 2019 pour y solliciter l'asile. Sa demande a été successivement rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 17 novembre 2020 et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 10 mai 2021. Parallèlement, il a sollicité, le 14 janvier 2020, la délivrance d'un titre de séjour pour des motifs tenant à son état de santé. Par un arrêté du 24 mai 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné. M. A... relève appel du jugement du 24 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de délivrer un titre de séjour au motif que l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale " est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". Les conditions d'établissement et de transmission de cet avis, ainsi que des certificats médicaux et rapports médicaux au vu desquels il est émis, sont fixées par les articles R. 425-11 à R. 425-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précisées par des arrêtés des 27 décembre 2016 et 5 janvier 2017 du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la santé.

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée a été prise après consultation d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lequel a rendu un avis sur la demande de M. A... le 11 mars 2022. Contrairement à ce que celui-ci soutient, il ressort de l'avis communiqué par le préfet de la Seine-Maritime et l'OFII dans le cadre de la présente instance qu'il comporte la signature des trois médecins composant le collège. Par ailleurs, aucune disposition légale ou réglementaire applicable n'impose la communication au demandeur de la documentation sur laquelle le collège s'est fondé. M. A... ne précise pas quelle autre règle de procédure aurait été méconnue. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière doit, dès lors, être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée à l'étranger se prévalant de motifs de santé si deux conditions cumulatives sont remplies : d'une part, l'état de santé du demandeur doit nécessiter une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, d'autre part, il doit être justifié que le demandeur ne peut pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Cette seconde condition s'apprécie au regard de l'offre de soins et des caractéristiques du système de santé dans le pays dont le demandeur est originaire. L'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 visé ci-dessus du ministre de la santé précise à cet égard que : " (...) / L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l'affection en cause. / L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié. / (...) ".

6. En outre, le préfet statue au vu, notamment, de l'avis rendu par un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération cet avis médical. Si le demandeur entend en contester le sens, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

7. En l'espèce, à l'appui de sa demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A..., qui a accepté de lever le secret relatif aux informations médicales le concernant par un courrier enregistré au greffe de la cour le 17 avril 2023, s'est prévalu de ce qu'il est atteint d'une épilepsie lésionnelle ainsi que de troubles anxieux et dépressifs. Par son avis en date du 11 mars 2022, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Nigéria eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays et que son état de santé lui permet en tout état de cause de voyager sans risque. Pour contester cette appréciation, M. A... se prévaut de ce que, lorsqu'il vivait au Nigéria, son épilepsie n'avait pas été prise en charge correctement, que les médicaments n'étaient pas efficaces et lui avaient causé d'autre problèmes de santé, que la prise en charge des affections psychiatriques y est particulièrement défaillante et que le coût des médicaments y est trop élevé.

8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'épilepsie lésionnelle dont se prévaut M. A... constitue une séquelle qu'il a conservée d'un grave traumatisme crânien subi en 2009 au Nigéria, suivi par une période de coma d'une semaine. Or, M. A... n'établit pas qu'il n'a alors pas été pris en charge correctement et que le traitement dont il a bénéficié était inefficace. Alors que la prise en charge de son épilepsie en France consiste uniquement en un suivi régulier avec un neurologue et en la prise d'un traitement médicamenteux, il ressort des éléments documentaires communiqués par le préfet que plusieurs établissements de santé au Nigéria disposent de services spécialisés en neurologie et neurochirurgie et que le pays dispose en outre d'appareils de tomographie informatisée ainsi que d'IRM. En dépit des faiblesses mentionnées par ces documents, M. A... n'établit pas que le système de santé et l'offre de soins du Nigéria seraient, compte tenu en particulier de son état personnel et de la nature du suivi dont il a besoin, pas en mesure de lui assurer une prise en charge satisfaisante.

9. D'autre part, s'agissant des troubles anxieux et dépressifs qu'il dit conserver des menaces et agressions dont il aurait été la cible avant son départ du Nigéria, il ressort des pièces du dossier que leur prise en charge s'est limitée à neuf consultations spécialisées depuis son arrivée en France ainsi qu'au suivi d'un traitement médicamenteux. Son état est décrit comme en évolution favorable et aucun incident antérieur n'est répertorié dans les documents médicaux versés au dossier. A nouveau, il ressort des éléments documentaires produits par le préfet que le système de santé nigérian comporte des services spécialisés à même de prendre en charge l'ensemble des affections psychiatriques et M. A... n'établit pas qu'il ne pourrait effectivement pas bénéficier de cette offre de soins. En outre, les circonstances qu'il présente comme étant à l'origine de ses troubles, qui sont les mêmes que celles dont il a fait état à l'appui de sa demande d'asile, n'ont pas été tenues pour établies dans le cadre de l'examen de celle-ci.

10. Enfin, M. A... n'apporte aucun élément de nature à établir que le traitement médicamenteux qui lui est dispensé en France, et qui permet de stabiliser de manière satisfaisante tant son épilepsie que ses troubles psychologiques, ne serait pas accessible dans son pays. A cet égard, il ne peut utilement se prévaloir de ce que le coût des médicaments au Nigéria excèderait le niveau moyen des rémunérations alors que, ainsi qu'il a été rappelé au point 5, la condition tenant à l'impossibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine s'apprécie uniquement par rapport à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays. En tout état de cause, M. A... n'apporte pas la preuve qu'il ne pourrait pas acquérir d'une manière ou d'une autre, notamment par son travail, les moyens de financer les traitements dont il a besoin.

11. Dans ces conditions, M. A... n'apporte pas d'éléments suffisants pour infirmer les conclusions de l'avis du collège des médecins de l'OFII quant à la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et sur lequel s'est notamment appuyé le préfet pour prendre la décision en litige. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

13. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

14. D'une part, pour l'application des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le préfet n'est pas tenu de se prononcer, de façon distincte, sur les effets de la décision sur la vie privée de l'intéressé et sur ses effets sur sa vie familiale, ces deux notions étant en effet étroitement liées. En outre, contrairement à ce que soutient M. A..., il ressort des mentions de l'arrêté attaqué que sa situation a été régulièrement examinée par le préfet au regard des stipulations et dispositions citées aux deux points précédents et qu'il a en outre tenu compte de celle de ses enfants. Le préfet de la Seine-Maritime n'a donc pas entaché sa décision d'erreur de droit pour avoir omis de procéder à un examen personnalisé de la situation de M. A... et pour l'avoir appréciée de manière globale. Les moyens en ce sens doivent, dès lors, être écartés.

15. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. A... était présent en France depuis moins de trois années. S'il y séjourne avec sa compagne et leurs quatre enfants, dont deux sont nés sur le territoire en 2021, aucun d'eux ne dispose, à quelque titre que ce soit, d'un titre de séjour ou d'un droit au maintien stable et durable en France. En outre, M. A... ne justifie ni d'une situation professionnelle, ni d'une situation matérielle stables et de nature à garantir une insertion réussie à la société française, son seul engagement associatif, aussi louable soit-il, n'étant à cet égard pas suffisant. Alors qu'il n'est pas établi, pour les motifs qui ont été exposés aux points 4 à 11, que son état de santé ne pourrait pas être convenablement pris en charge dans son pays et qu'il n'apporte aucun élément complémentaire de nature à justifier de la réalité de ses craintes pour sa sécurité en cas de retour, qui n'a précédemment pas été admise par les autorités chargées de l'asile, il n'avance aucune considération qui serait de nature à empêcher sa réinsertion dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu la majeure partie de sa vie et où il n'établit pas être isolé, ainsi que la reconstitution de sa cellule familiale. Si ses deux enfants aînés sont scolarisés en France depuis leur arrivée sur le territoire, M. A... n'établit pas, compte tenu de leur jeune âge, que leur scolarité ne pourrait pas être poursuivie au Nigéria. Enfin, les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, dont les énonciations ne constituent pas des lignes directrices, ne sont pas utilement invocables devant le juge. Dans ces conditions, les pièces du dossier ne permettent pas de regarder son admission au séjour comme s'imposant au nom du respect du droit à la vie privée et familiale ou de l'intérêt supérieur de ses enfants ou comme répondant à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels. Dès lors, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les stipulations et dispositions citées aux points 12 et 13, ni n'a commis d'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, les moyens en ce sens doivent être écartés.

16. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant refus de séjour.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

17. En premier lieu, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de consultation du collège de médecins de l'OFII, au soutien duquel M. A... n'apporte pas d'arguments différents de ceux qu'il a avancés au soutien du moyen équivalent dirigé contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3.

18. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 2 à 16, M. A... n'établit pas que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est illégale. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité par voie d'exception de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

19. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ". Le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 à 11.

20. En quatrième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de ce que la décision attaquée procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 14 et 15.

21. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

22. En premier lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 17 à 21, M. A... n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité par voie d'exception de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.

23. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de ce que la décision attaquée procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 15.

24. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays à destination duquel il doit être éloigné.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 24 mai 2022 du préfet de la Seine-Maritime ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction et d'astreinte. Il s'ensuit que ses conclusions d'appel tendant à l'annulation de ce jugement et à ce qu'il soit fait droit à ces mêmes conclusions doivent, à leur tour, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance d'appel, verse à Me Caroline Inquimbert, avocate désignée au titre de l'aide juridictionnelle, les sommes que celle-ci réclame au titre des frais non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Caroline Inquimbert.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 26 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLa présidente de la cour,

Signé : N. Massias

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA00588


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00588
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Massias
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SELARL MARY & INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;23da00588 ?
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