Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... I..., Mme A... H..., Mme J... C..., Mme B... E..., M. G... Salord et l'association " Préservons nos campagnes " ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Eure a confirmé et maintenu en vigueur au 1er décembre 2019 les dispositions de l'arrêté préfectoral du 17 décembre 2015 portant création de la commune nouvelle du Val d'Hazey.
Par un jugement n° 1904233 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 janvier 2022, 9 janvier 2023 et 20 février 2023, M. D... I..., Mme A... H..., Mme B... E..., M. G... Salord et l'association " Préservons nos campagnes ", représentés par Me Enard-Bazire, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- M. I..., Mme H..., Mme C..., Mme E... et M. Salord, conseillers municipaux de la commune de Val d'Hazey, et l'association " Préservons nos campagnes ", compte tenu de son objet social, ont intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- l'arrêté attaqué est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le vote de la délibération du conseil municipal du Val d'Hazey du 30 septembre 2019 n'a pas été précédé d'une information suffisante des conseillers municipaux au regard des dispositions des articles L. 2113-2 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ; le vote du budget municipal au 15 avril de chaque année ne saurait en tenir lieu et aucun affichage n'a été effectué ;
- le conseil départemental n'a pas été consulté, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2112-6 du code général des collectivités territoriales ;
- l'arrêté est dépourvu de base légale, aucune disposition législative n'autorisant le préfet à confirmer la création d'une commune nouvelle ; en vertu de l'article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, il appartenait aux conseils municipaux des anciennes communes de se prononcer ; les élus de Vieux-Villez se sont majoritairement opposés à la création de la commune nouvelle, le 30 septembre 2019 ;
- le préfet ne pouvait sans méconnaître l'autorité de la chose jugée maintenir en vigueur au 1er décembre 2019 l'arrêté préfectoral du 17 décembre 2015, qui a fait l'objet d'une annulation ;
- l'arrêté du 24 octobre 2019 méconnaît l'article 7 de la loi du 11 décembre 1990 qui interdit de procéder au redécoupage des circonscriptions électorales au cours de l'année précédant l'échéance normale de renouvellement des assemblées délibérantes ;
- il méconnaît le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales dès lors qu'il n'a pas été tenu compte du vote des conseillers municipaux de la commune de Vieux-Villez et que la commune d'Aubevoye a été autorisée à exercer une tutelle sur les deux autres communes ;
- l'avis du comité technique paritaire est une formalité substantielle et la seconde commune nouvelle n'est pas un maintien de la première ; cela suppose de ne tenir compte que de la délibération du conseil municipal de Vieux-Villez du 16 novembre 2015, qui est entachée d'un vice substantiel, et d'ignorer le vote des élus de Vieux-Villez lors de la délibération de la commune de Val d'Hazey le 12 juillet 2019 ;
- l'avis du comité technique paritaire du 13 septembre 2019 est irrégulier dès lors que ses membres ont été désignés, en méconnaissance de l'article 4 du décret du 30 mai 1985, par le conseil municipal et non par le maire, que les membres suppléants ne sont pas en nombre égal à celui des membres titulaires, en méconnaissance de l'article 2 du décret du 30 mai 1985, et que la " pleine satisfaction " des membres du comité technique n'est pas avérée ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2022, la commune du Val d'Hazey, représentée par Me Sandrine Gillet, demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge des requérants la somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les requérants sont dépourvus d'intérêt à agir et que les moyens soulevés par eux ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 octobre 2022 et 19 janvier 2023, la ministre chargée des collectivités territoriales demande à la cour de rejeter la requête et subsidiairement de différer l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2019 et, sous réserve des actions contentieuses engagées, de regarder les effets de cet arrêté produits antérieurement à son annulation comme définitifs.
Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- la loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux ;
- la loi n° 2019-809 du 1er août 2019 visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires ;
- le décret n° 85-565 du 30 mai 1985 relatif aux comités techniques des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;
- le décret n° 2020-210 du 5 mars 2020 modifiant le décret n° 2014-241 du 25 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de l'Eure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,
- les observations de Me Victoire Monange, représentant M. I..., Mme H..., Mme C..., Mme E..., M. Salord et l'association " Préservons nos campagnes ", et de Me Eugénie Molkhou, représentant la commune du Val d'Hazey.
Considérant ce qui suit :
1. Les conseils municipaux d'Aubevoye, de Vieux-Villez et de Sainte-Barbe-sur-Gaillon ont demandé au préfet de l'Eure, par trois délibérations concordantes des 2, 3 et 4 décembre 2015, la création d'une commune nouvelle résultant de la fusion de ces trois communes. Par un arrêté du 17 décembre 2015, le préfet de l'Eure a procédé à la création de cette commune nouvelle, dénommée " Le Val d'Hazey ", à compter du 1er janvier 2016. Par un arrêt du 27 juin 2019, la cour a, sur la demande de cinq conseillers municipaux de l'ancienne commune de Vieux-Villez, d'une part, annulé l'arrêté préfectoral du 17 décembre 2015 à compter du 1er décembre 2019 au motif que le comité technique compétent de la commune de Vieux-Villez n'avait pas été consulté préalablement à la délibération du conseil municipal du 2 décembre 2015 et, d'autre part, décidé que les effets de cet arrêté du 17 décembre 2015 produits antérieurement à son annulation devaient être regardés comme définitifs. Par une délibération du 30 septembre 2019, prise après l'avis favorable du comité technique du 13 septembre 2019, le conseil municipal du Val d'Hazey s'est prononcé en faveur du maintien de la commune nouvelle. Par l'arrêté attaqué du 24 octobre 2019, le préfet de l'Eure a confirmé et maintenu en vigueur au 1er décembre 2019 les dispositions de l'arrêté du 17 décembre 2015 portant création de la commune nouvelle du Val d'Hazey. Par un jugement du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2019.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune :
2. En premier lieu, M. D... I..., Mme A... H..., Mme B... E... et M. G... Salord habitant la commune nouvelle du Val d'Hazey, cette qualité suffit à leur conférer un intérêt pour demander l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2019.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'association " Préservons nos campagnes " a pour objet statutaire d'" assurer une veille juridique lui permettant d'être en capacité de défendre les intérêts de Vieux-Villez et de ses habitants ainsi que les communes attenantes ", notamment en ce qui concerne l'information et la consultation des habitants sur tous les projets concernant ces communes. La création de la commune nouvelle du Val d'Hazey a eu des effets sur les habitants des anciennes communes qui la composent, conférant ainsi à l'association un intérêt à agir contre l'arrêté préfectoral du 24 octobre 2019.
4. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune du Val d'Hazey tenant à l'absence d'intérêt des requérants leur donnant qualité pour agir doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2019 visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires : " Une commune nouvelle peut être créée en lieu et place de communes contiguës : 1° (...) à la demande de tous les conseils municipaux (...). / La délibération des conseils municipaux portant création d'une commune nouvelle est assortie en annexe d'un rapport financier présentant les taux d'imposition ainsi que la structure et l'évolution des dépenses, de la dette et des effectifs de l'ensemble des communes concernées. Ce rapport est affiché à la mairie et mis en ligne sur le site internet de la commune, lorsque ce dernier existe ". Aux termes de l'article L. 2121-13 du même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". Et aux termes de l'article L. 2113-10 du même code : " (...) La commune nouvelle a seule la qualité de collectivité territoriale ". Aux termes de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige : " Les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions relatives : 1° A l'organisation et au fonctionnement des services ; 2° Aux évolutions des administrations ayant un impact sur les personnels ; 3° Aux grandes orientations relatives aux effectifs, emplois et compétences (...) ".
6. La consultation du comité technique dans les conditions prévues à l'article 33, cité au point 5, de la loi du 26 janvier 1984 a pour objet, en associant les personnels à l'organisation et au fonctionnement du service, d'éclairer les organes compétents de la collectivité auprès desquels est institué le comité technique. La création d'une commune nouvelle en application des dispositions de l'article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales soulève des questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services de chacune des communes concernées. Par suite, la consultation du comité technique compétent doit intervenir avant que le conseil municipal ne prenne parti, en application de ces dispositions, sur cette création.
7. Par son arrêté du 24 octobre 2019, pris après avis du comité technique paritaire de la commune du Val d'Hazey du 13 septembre 2019 et à la suite de la délibération du conseil municipal de la même commune du 30 septembre 2019, le préfet de l'Eure a confirmé la création de la commune nouvelle du Val d'Hazey.
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le 30 septembre 2019, par une nouvelle délibération, le conseil municipal de la commune du Val d'Hazey, prenant acte de l'arrêt du 27 juin 2019 de la cour, a voté à une large majorité la poursuite du fonctionnement de la commune nouvelle et a demandé au préfet de l'Eure de confirmer la création de celle-ci à compter du 1er décembre 2019.
9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le comité technique compétent pour l'ancienne commune de Vieux-Villez n'avait pas été consulté sur la création de la commune nouvelle préalablement à la délibération communale du 2 décembre 2015, ce qui a conduit la cour à annuler l'arrêté du préfet de l'Eure par son arrêt du 27 juin 2019, avec un effet différé au 1er décembre 2019. Alors que la précédente instance paritaire de l'ancienne commune de Vieux-Villez ne pouvait plus être consultée du fait de sa disparition, le comité technique de la commune nouvelle du Val d'Hazey, issu des élections professionnelles organisées le 6 décembre 2018, s'est prononcé par un avis unanime du 13 septembre 2019 favorablement à la poursuite du fonctionnement de la commune nouvelle. La consultation du comité technique de la commune du Val d'Hazey n'a ainsi pas privé les agents communaux de la garantie consistant à ce que le conseil municipal soit éclairé sur leur position.
10. Premièrement, si les membres du comité technique de la commune du Val d'Hazey ont été nommés par le conseil municipal par délibération du 17 mai 2018 alors qu'il résulte des dispositions de l'article 4 du décret n° 85-565 du 30 mai 1985 alors en vigueur qu'ils devaient être nommés par le maire, et si cette délibération nomme au comité technique de la commune du Val d'Hazey cinq membres titulaires et sept membres suppléants, alors que cette composition est irrégulière au regard des dispositions de l'article 2 du décret n° 85-565 du 30 mai 1985 alors en vigueur qui prévoient que " les membres suppléants des comités techniques sont en nombre égal à celui des membres titulaires ", il n'est pas contesté que la délibération du 17 mai 2018 a été affichée en mairie et que cette décision est devenue définitive. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à exciper de son illégalité à l'encontre de l'avis du comité technique du 13 septembre 2019.
11. Deuxièmement, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Si l'avis du 13 septembre 2019 du comité technique a été émis par la totalité de ses membres, titulaires et suppléants, en méconnaissance des dispositions de l'article 25 du décret n° 85-565 du 30 mai 1985 qui dispose que : " les suppléants peuvent assister aux séances du comité sans pouvoir prendre aux débats. Ils ont voix délibérative en cas d'absence des titulaires qu'ils remplacent ", cet avis favorable ayant été émis à l'unanimité, ce vice de procédure n'est pas susceptible d'avoir exercé, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise n'a pas privé les intéressés d'une garantie.
12. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure tenant au défaut de consultation préalable régulière du comité technique avant l'adoption de la délibération du 30 septembre 2019 du conseil municipal de la commune du Val d'Hazey demandant au préfet de l'Eure de confirmer la création de la commune nouvelle à compter du 1er décembre 2019 doit être écarté.
13. En deuxième lieu, par l'arrêté attaqué du 24 octobre 2019, le préfet de l'Eure a confirmé et maintenu en vigueur au 1er décembre 2019 les dispositions de l'arrêté du 17 décembre 2015 portant création de la commune nouvelle du Val d'Hazey à compter du 1er janvier 2016. L'arrêté attaqué du 24 octobre 2019 ne portant pas sur la création d'une commune nouvelle, déjà créée par l'arrêté du 17 décembre 2015, mais uniquement sur le maintien en vigueur des dispositions de celui-ci une fois régularisé le vice de procédure ayant conduit à son annulation, les dispositions issues de la loi du 1er août 2019 citées au point 5, prévoyant l'obligation d'assortir la délibération des conseils municipaux portant création d'une commune nouvelle d'un rapport financier en annexe, ne trouvait pas à s'appliquer. En tout état de cause, à supposer même que l'arrêté préfectoral du 24 octobre 2019 puisse être regardé comme un arrêté de création d'une commune nouvelle, les trois anciennes communes ayant formé la commune nouvelle du Val d'Hazey n'ayant plus d'existence juridique depuis le 1er janvier 2016, la présentation actualisée de taux d'imposition ainsi que de la structure et de l'évolution des dépenses, de la dette et des effectifs des trois anciennes communes en annexe de la délibération du conseil municipal du 30 septembre 2019 revêtait, dans les circonstances particulières de l'espèce, le caractère d'une formalité impossible. Au demeurant, alors qu'il résulte de la requête que préalablement au vote de la délibération du 2 décembre 2015 de la commune de Vieux-Villez, une notice d'information financière détaillée avait été remise lors d'une réunion d'information tenue le 5 novembre 2015 à la mairie de Vieux-Villez, les conseillers municipaux, qui ont délibéré sur le budget de la commune nouvelle depuis sa création le 1er décembre 2016, disposaient nécessairement de toutes les informations financières utiles préalablement au vote de la délibération du 30 septembre 2019 par laquelle le conseil municipal s'est prononcé en faveur du maintien de la commune nouvelle.
14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2112-6 du code général des collectivités territoriales : " Tout projet de modification des limites territoriales des communes est soumis à l'avis du conseil départemental, qui se prononce dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. A l'expiration de ce délai, son avis est réputé rendu ". Ces dispositions, qui régissent les modifications aux limites territoriales des communes et le transfert de leurs chefs-lieux, ne sont pas applicables à la procédure de création d'une commune nouvelle qui est régie par les articles L. 2113-2 et suivants du code général des collectivités territoriales. Si les requérants se prévalent du décret n° 2020-210 du 5 mars 2020 modifiant le décret n° 2014-241 du 25 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de l'Eure, ce décret relatif à la délimitation des cantons et non des communes est sans incidence sur le présent litige. Le moyen tiré du vice de procédure tenant à l'absence d'avis du conseil départemental doit, par suite, être écarté comme inopérant.
15. En quatrième lieu, si les requérants soutiennent que l'arrêté attaqué est dépourvu de base légale, il ressort des termes mêmes de cet arrêté qu'il a été pris sur le fondement de l'article L. 2113-2 précité du code général des collectivités territoriales. Par l'arrêté attaqué du 24 octobre 2019, le préfet de l'Eure s'est borné à confirmer et maintenir en vigueur au 1er décembre 2019 les dispositions de son arrêté du 17 décembre 2015 portant création de la commune nouvelle du Val d'Hazey à compter du 1er janvier 2016. Les anciennes communes ayant par trois délibérations concordantes des 2, 3 et 4 décembre 2015, demandé au préfet de l'Eure la création, au 1er janvier 2016, d'une commune nouvelle et la commune nouvelle du Val d'Hazey ayant par délibération du 30 septembre 2019 décidé son maintien, le préfet de l'Eure n'était pas tenu de recueillir un avis des conseils municipaux des anciennes communes, qui n'avaient plus d'existence juridique depuis le 1er janvier 2016, préalablement à la prise son arrêté du 24 octobre 2019. La circonstance que les élus du conseil municipal de la commune nouvelle issus de l'ancienne commune de Vieux-Villez se seraient majoritairement opposés au maintien de la commune nouvelle, lors de la délibération du 30 septembre 2019, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 24 octobre 2019.
16. En cinquième lieu, au regard, d'une part, des conséquences de la rétroactivité de l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2015, qui aurait produit des effets manifestement excessifs en raison du risque de mise en cause des délibérations adoptées depuis le 1er janvier 2016 par la commune nouvelle et des décisions prises pour l'organisation et le fonctionnement des services publics gérés par cette commune nouvelle et la gestion de ses personnels, d'autre part, de la nécessité de permettre au préfet de l'Eure de prendre les dispositions nécessaires pour assurer la continuité du service public, et compte tenu tant de la nature du moyen d'annulation retenu que de ce qu'aucun des autres moyens soulevés ne pouvait être accueilli, la cour a décidé que l'annulation prononcée par son arrêt du 27 juin 2019 ne prendrait effet qu'à compter du 1er décembre 2019 et, sous réserve des actions contentieuses engagées à cette date, que les effets de l'arrêté attaqué produits antérieurement à son annulation seraient regardés comme définitifs.
17. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la cour ayant prononcé non une annulation pure et simple, qui aurait eu un effet rétroactif, mais une annulation à effet différé au 1er décembre 2019 de l'arrêté du 17 décembre 2015, le préfet de l'Eure, une fois régularisé le vice de procédure ayant entaché cet arrêté, a pu, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée, confirmer et maintenir en vigueur par son nouvel arrêté du 24 octobre 2019 les dispositions de son arrêté du 17 décembre 2015, avec effet au 1er décembre 2019.
18. En sixième lieu, aux termes de l'article 7 de la loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Il ne peut être procédé à aucun redécoupage des circonscriptions électorales dans l'année précédant l'échéance normale de renouvellement des assemblées concernées (...) ". Il résulte des dispositions de l'article 7 de la loi du 11 décembre 1990, éclairées par les travaux parlementaires ayant conduit à son adoption, que l'interdiction qu'elles prévoient n'est pas limitée aux seules modifications de circonscriptions précédant les élections cantonales ou régionales et qu'elle s'applique également à une modification des limites communales précédant le renouvellement des conseils municipaux.
19. Par l'arrêté attaqué du 24 octobre 2019, le préfet de l'Eure a confirmé et maintenu en vigueur au 1er décembre 2019 les dispositions de l'arrêté du 17 décembre 2015 portant création de la commune nouvelle du Val d'Hazey à compter du 1er janvier 2016. Le préfet n'ayant ainsi pas procédé à un redécoupage de la circonscription électorale de la commune de Val d'Hazey dans l'année précédant les élections municipales de 2020, mais l'ayant au contraire maintenue, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 7 de la loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990 doit être écarté.
20. En septième lieu, d'une part, l'ancienne commune de Vieux-Villez s'est prononcée par délibération du 2 décembre 2015 en faveur de la création de la commune nouvelle, et d'autre part la commune de Vieux-Villez n'est plus une collectivité territoriale depuis le 1er janvier 2016 ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article L. 2113-10 du code général des collectivités territoriales. Par suite, la circonstance que les élus du conseil municipal de la commune nouvelle issus de l'ancienne commune de Vieux-Villez se seraient majoritairement opposés au maintien de la commune nouvelle est sans incidence sur la délibération du 30 septembre 2019 favorable au maintien de la commune nouvelle. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le vote des conseillers municipaux de l'ancienne commune de Vieux-Villez a été ignoré. En outre, nonobstant la différence de population entre les anciennes communes qui la composent, la création d'une commune nouvelle ne saurait être regardée comme une tutelle exercée par l'une de ces anciennes communes sur deux autres. Par suite, le moyen, qui s'appuie sur les arguments qui précèdent, tiré de ce que l'arrêté du 24 octobre 2019 méconnaît le principe de libre administration des collectivités territoriales doit être écarté.
21. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande. Par suite, la requête de M. D... I..., de Mme A... H..., de Mme B... E..., de M. G... Salord et de l'association " Préservons nos campagnes " doit être rejetée, y compris leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune du Val d'Hazey présentées sur le fondement du même article.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de de M. I..., de Mme H..., de Mme E..., de M. Salord et de l'association " Préservons nos campagnes " est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune du Val d'Hazey au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... I..., à Mme A... H..., à Mme B... E..., à M. G... Salord à l'association " Préservons nos campagnes ", et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Eure.
Délibéré après l'audience publique du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,
M. Marc Baronnet, président-assesseur,
M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : M. F...La présidente de la cour,
Signé : N. MassiasLa greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au préfet de l'Eure en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°22DA00056