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19/03/2024 | FRANCE | N°23DA01003

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 19 mars 2024, 23DA01003


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 8 juin 2022 par lequel le préfet de l'Eure a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2203481 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa

demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 8 juin 2022 par lequel le préfet de l'Eure a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2203481 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 1er juin 2023 et le 23 août 2023, M. A..., représenté par Me Boyle, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 juin 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter de cette notification, sous astreinte dans les deux cas de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il réside depuis 2020 auprès de sa compagne et de leur enfant née le 3 février 2018, qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de cette enfant depuis 2018, et que celle-ci présente un handicap ;

- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie de son insertion dans la société française, qu'il n'a plus de liens dans son pays d'origine, et qu'il présente une maladie de longue durée ;

- il est encore entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2023, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 5 décembre 2023.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant nigérian né le 28 mai 1974, déclare être entré en France le 29 septembre 2013, sous couvert d'un visa de court séjour, pour y solliciter la protection internationale de la France. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 juin 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 janvier 2016. Le 25 février 2021, M. A... a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 juin 2022, le préfet de l'Eure a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Il relève appel du jugement du 14 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

3. D'une part, M. A... soutient qu'il réside en France depuis 2013, qu'il entretient une relation avec une compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2025, et qu'une enfant est née de cette relation le 3 février 2018. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 3 février 2016, puis à nouveau le 7 novembre 2019, qu'il n'a pas exécutée. Il ne justifie d'une vie commune avec la mère de son enfant qu'à partir du 8 août 2020, date que l'intéressée, par ailleurs mère de deux autres enfants plus âgés, a déclaré en ligne auprès des services de la caisse d'allocations familiales d'Evreux. M. A..., qui déclarait jusqu'alors une adresse à Caen, n'établit pas, en produisant quelques tickets de caisse et trois factures à son nom, qu'il aurait participé à l'entretien et à l'éducation de son enfant avant d'emménager au domicile de sa conjointe à Evreux, en août 2020. Si M. A... fait état du handicap de sa fille et de la nécessité d'assister sa compagne, celle-ci bénéficie d'une activité salariale stable de nature à satisfaire aux besoins de la famille et de prestations assurées par un service d'éducation spéciale et de soins à domicile pour la prise en charge de son enfant handicapée. L'appelant ne démontre pas non plus être dépourvu de tout lien au Nigéria, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de trente-neuf ans, et où résident trois de ses enfants, dont la plus jeune est encore mineure. S'il ressort encore du certificat médical du 30 mars 2022 que M. A... est infecté par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), il n'est pas établi, ni même allégué qu'il ne pourrait recevoir des soins appropriés que sur le territoire français. Le requérant ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française. Dans ces conditions, il ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale ".

4. D'autre part, ni les quelques fiches de paie se rapportant à des missions d'intérim effectuées en 2020 et 2021, ni le certificat de travail établi pour un emploi de distributeur de prospectus occupé du 26 novembre 2020 au 31 mai 2021 ne constituent un motif exceptionnel permettant d'envisager la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que, eu égard aux conditions du séjour de M. A... sur le territoire français, le préfet de l'Eure n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale au regard du but poursuivi par un refus de séjour. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. En dernier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'un refus de séjour et d'une mesure d'éloignement sur sa situation doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction et sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Boyle.

Copie en sera adressée au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 5 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mars 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

Le greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

F. Cheppe

2

N° 23DA01003


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01003
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : CABINET DAVID BOYLE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;23da01003 ?
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