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19/03/2024 | FRANCE | N°23DA00131

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 19 mars 2024, 23DA00131


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 5 juin 2020 par laquelle la ministre du travail a rapporté la décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique de la société Vesuvius France, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 16 septembre 2019 rejetant la demande d'autorisation de la licencier et a autorisé la société à procéder à son licenciement pour motif économique.



Par un jugement n° 2005289 du 27 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé la décisio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 5 juin 2020 par laquelle la ministre du travail a rapporté la décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique de la société Vesuvius France, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 16 septembre 2019 rejetant la demande d'autorisation de la licencier et a autorisé la société à procéder à son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 2005289 du 27 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 5 juin 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 janvier 2023 et 26 octobre 2023, la société Vesuvius France, représentée par Me Guerville, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 décembre 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le licenciement de Mme A... n'était pas subordonné à la réalisation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, dans les conditions prévues par l'article L. 1233-26 du code du travail, dès lors qu'il n'appartient pas à l'inspecteur du travail ni au ministre du travail de s'assurer de la validité d'un tel plan et notamment du nombre et des catégories d'emploi supprimés ;

- il n'était pas possible d'intégrer Mme A... dans le plan de sauvegarde intervenu au cours d'une période antérieure à son licenciement individuel, alors en outre que l'intéressée n'a pas contesté le nombre et les catégories d'emploi de ce plan ;

- les dispositions de l'article L. 1233-26 du code du travail ne s'appliquent pas à sa situation dès lors qu'elle a procédé au licenciement de plus de dix salariés dans une même période de trente jours, dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ;

- au demeurant, le licenciement de Mme A... est intervenu au-delà de la période de trois mois, prévue par l'article L. 1233-26 ;

- la ministre du travail pouvait autoriser le licenciement dès lors que le comité d'entreprise a été régulièrement consulté, que les difficultés économiques de la société sont avérées, que ces difficultés ont entraîné la suppression du poste de Mme A..., que l'administration n'a pas à se prononcer sur les choix de réorganisation adoptés par l'employeur, et que des démarches de reclassement ont été réalisées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2023, Mme A..., représentée par Me Freger, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;

- elle reprend l'ensemble des moyens exposés devant le tribunal administratif, à l'exception de celui tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte contesté.

Par un mémoire enregistré le 30 novembre 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille du 27 décembre 2022 et au rejet de la demande présentée par Mme A... devant ce tribunal.

Il soutient que, si l'administration doit vérifier l'existence d'une décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi lorsqu'elle se prononce sur une demande d'autorisation de licencier un salarié dans le cadre d'un licenciement collectif, il ne lui appartient pas de vérifier que le licenciement du salarié pour motif économique est pris en compte dans ce plan lorsqu'il présente un caractère individuel.

Par une ordonnance du 12 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 9 janvier 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Fleuret, représentant la société Vesuvius France, et de Me Freger-Kneppert, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. La société Vesuvius France, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits industriels en céramique réfractaire, a recruté Mme B... A..., le 12 août 2010, en qualité de directrice des ressources humaines. Confrontée à des difficultés économiques, la société Vesuvius France a saisi l'administration du travail, le 1er février 2019, en vue d'obtenir l'autorisation de licencier Mme A... pour motif économique, celle-ci détenant un mandat de conseillère prud'homale depuis le 12 avril 2018. Cette demande a été rejetée par une première décision de l'inspecteur du travail de l'unité départementale de Nord-Valenciennes du 14 mars 2019. La société a présenté une nouvelle demande le 25 juillet 2019, que l'inspecteur a rejetée par une seconde décision du 16 septembre 2019. La société Vesuvius France a formé un recours hiérarchique auprès de la ministre du travail qui, par une décision du 5 juin 2020, a rapporté sa décision implicite rejetant ce recours, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 16 septembre 2019 et a autorisé le licenciement de Mme A.... Celle-ci a saisi le tribunal administratif de Lille d'un recours contre la décision de la ministre du travail. La société Vesuvius France relève appel du jugement du 27 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif a annulé la décision du 5 juin 2020.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail, qui figure au chapitre III " licenciement pour motif économique " du titre III du livre II de la première partie de ce code : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-26, figurant au même chapitre : " Lorsqu'une entreprise ou un établissement employant habituellement au moins cinquante salariés a procédé pendant trois mois consécutifs à des licenciements économiques de plus de dix salariés au total, sans atteindre dix salariés dans une même période de trente jours, tout nouveau licenciement économique envisagé au cours des trois mois suivants est soumis aux dispositions du présent chapitre ".

3. Pour refuser d'accorder l'autorisation de licenciement demandée par la société Vesuvius France, l'inspecteur du travail a notamment relevé, dans sa décision du 16 septembre 2019, que le licenciement envisagé à l'encontre de Mme A..., lors de l'entretien préalable du 5 juillet 2019, aurait dû être pris en compte dans le plan de sauvegarde de l'emploi, dont l'accord collectif portant sur le licenciement collectif de trente-cinq autres salariés de la société avait été validé par une décision de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Hauts-de-France du 27 mai 2019. Le tribunal administratif a annulé la décision contestée du 5 juin 2020 annulant la décision de l'inspecteur du travail après avoir relevé que la ministre du travail avait censuré le motif de refus précité en violation des dispositions de l'article L. 1233-26 du code du travail, dont les premiers juges ont déduit que tout nouveau licenciement dans une période de trois mois suivant la mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit être effectué dans le respect des règles de procédure relatives à un licenciement collectif. Toutefois, les dispositions de

l'article L. 1233-26, qui ont pour seul objet d'interdire à un employeur de se soustraire à ses obligations, notamment celle d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi, en échelonnant dans le temps le licenciement économique de ses salariés, impliquent nécessairement que les licenciements économiques de plus de dix salariés au total, observés sur trois mois consécutifs sans atteindre dix salariés dans une même période de trente jours, concernent des licenciements décidés en dehors de tout plan de sauvegarde de l'emploi. Par ailleurs, si le projet de licenciement collectif concernant le site de Feignies de la société Vesuvius France a donné lieu à une réunion d'information des représentants du personnel le 5 avril 2019, à un avis du comité d'entreprise et à la signature d'un accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi le 3 mai suivant et à une décision de validation de la DIRECCTE le 27 mai 2019, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'employeur a procédé, au cours de la période de trois mois précédant la convocation de Mme A... à son entretien préalable, à des licenciements économiques de plus de dix salariés au total, sans atteindre dix salariés dans une même période de trente jours, au sens de l'article L. 1233-26. A cet égard, ni l'accord collectif adopté le 3 mai 2019, ni la décision de validation du 27 mai 2019 n'ont eu pour effet de procéder à de tels licenciements lesquels, s'ils ont concerné plus de dix salariés, sont tous intervenus, selon le calendrier du 30 juin 2019 annexé à cet accord, au cours du même mois en dehors des prévisions de l'article L. 1233-26. Dans ces conditions, la société Vesuvius France est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé la décision de la ministre du travail du 5 juin 2020 en raison d'une violation des dispositions de l'article L. 1233-26 du code du travail.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... à l'encontre de la décision du 5 juin 2020, à l'exception du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cette décision que l'intimée déclare abandonner en appel.

Sur les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision du 5 juin 2020 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1233-27 du code du travail : " Lorsqu'une entreprise ou un établissement employant habituellement au moins cinquante salariés a procédé au cours d'une année civile à des licenciements pour motif économique de plus de dix-huit salariés au total, sans avoir été tenu de présenter de plan de sauvegarde de l'emploi en application de l'article L. 1233-26 ou de l'article L. 1233-28, tout nouveau licenciement économique envisagé au cours des trois premiers mois de l'année civile suivante est soumis aux dispositions du présent chapitre ".

6. Ces dispositions ont pour seul objet d'interdire à un employeur de se soustraire à ses obligations, notamment celle d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi, en échelonnant dans le temps le licenciement économique de ses salariés. Par conséquent, elles impliquent nécessairement que les licenciements économiques de plus de dix-huit salariés au total, observés au cours d'une année civile sans obligation pour l'employeur de présenter un plan de sauvegarde de l'emploi, concernent des licenciements décidés en dehors d'un tel plan. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Vesuvius aurait procédé au licenciement pour motif économique de plus de dix-huit salariés lors de l'année civile précédant les trois premiers mois de l'année, au cours de laquelle a été envisagé le licenciement de Mme A.... Le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 1233-27 du code du travail ne peut donc qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, pour soutenir que son licenciement aurait dû être pris en compte dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi validé par une décision de la DIRECCTE du 27 mai 2019, Mme A... se prévaut des seules dispositions des articles L. 1233-26

et L. 1233-27 du code du travail. Dans ces conditions, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 6 que son moyen ne peut qu'être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : (...) 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité (...) Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. / Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché ". En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière.

9. Il n'est pas contesté que la société Vesuvius France, qui est la seule entreprise de son groupe exerçant en France dans le secteur d'activité de fabrication et de commercialisation de produits en silice vitreuse, a connu un résultat d'exploitation déficitaire de 2,4 millions en 2014, de 1,9 millions en 2015, de 1,3 million en 2016, de 2,8 millions en 2017 et de 2,2 millions en 2018, et voit ses parts de marché se réduire au niveau international, au profit d'entreprises concurrentes bénéficiant de coûts d'exploitation plus avantageux. Afin de faire face aux menaces pesant sur sa compétitivité, la société Vesuvius France a cherché à réduire ses coûts de structure en conduisant une profonde réorganisation de ses activités dispersées entre plusieurs sites de production, qu'elle a regroupées par division ou secteur d'activité, tels " Flow control ", " Advanced refractories " et " Fused silica ". Cette réorganisation, qui a entraîné une diminution des effectifs liés à la production, a conduit la société à centraliser ses fonctions de support par secteur d'activité. Ainsi, la gestion des ressources humaines est désormais assurée au niveau de chaque division, avec un " Human ressources manager " à sa tête, et non plus dans le cadre de périmètres géographiques. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le poste de " Human ressources manager " de la division " Fused silica ", prenant en charge la gestion des ressources humaines d'une même division implantée sur cinq sites dont quatre se trouvent à l'étranger, serait le même poste que celui de directrice des ressources humaines France jusqu'alors occupé par Mme A..., compétente pour la gestion du personnel exerçant leur activité dans les seuls sites du groupe implantés en France, quand bien même la titulaire du nouveau poste occupe l'ancien bureau de l'intéressée et travaille avec le personnel qui lui était précédemment affecté. La circonstance que Mme A... se soit portée candidate pour le poste de " Human ressources manager ", sans avoir été retenue, n'est pas non plus de nature à démontrer qu'elle aurait seulement été remplacée dans son poste. Il n'est donc pas établi, contrairement à ce que soutient Mme A..., que la réorganisation de la gestion des ressources humaines, qui s'est accompagnée de la suppression de son poste de directrice des ressources humaines France, serait sans rapport avec la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. A cet égard, il n'appartient pas à l'administration ni au juge de se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par l'entreprise. Dès lors, eu égard à la baisse continue du chiffre d'affaires de la société Vesuvius France et à la diminution de ses parts de marché, le motif tiré de la menace pour la compétitivité de l'entreprise, qui a justifié la réorganisation conduisant à la suppression de l'emploi de Mme A..., est établi.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ". Il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

11. Il ressort des pièces du dossier que la société Vesuvius France a procédé à des recherches de reclassement par un courriel du 5 juillet 2019 auprès des structures " Business Unit " du groupe social, notamment le siège et les divisions " Flow control ", " Foundry " et " Advanced refractories ". En l'absence de réponse positive, l'employeur a engagé, par un courriel du 23 juillet 2019, une recherche externe auprès de la confédération des industries céramiques de France, restée sans résultat. Seuls deux postes situés en Pologne ont pu être proposés les 22 et 28 août 2019 à Mme A..., qui les a refusés par un courrier du 16 septembre suivant. Si l'intéressée a montré son intérêt pour le nouveau poste de " Human ressources manager " de la division " Fused silica ", il n'est pas établi qu'elle présentait l'ensemble des compétences requises pour ce poste, d'un niveau supérieur à son poste précédent et nécessitant notamment une expérience professionnelle de gestionnaire à l'étranger. Dans ces conditions, au vu de l'ensemble des pièces versées au dossier, l'employeur a respecté son obligation légale de reclassement ainsi que la ministre du travail l'a d'ailleurs relevé dans sa décision du 5 juin 2020.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Vesuvius France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision de la ministre du travail du 5 juin 2020.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Vesuvius France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme A... demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme dont la société Vesuvius France demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille n° 2005289 du 27 décembre 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société Vesuvius France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vesuvius France, à Mme B... A... et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré après l'audience publique du 5 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mars 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

Le greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

F. Cheppe

2

N° 23DA00131


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00131
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS ACTION CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;23da00131 ?
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