Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... B... et son épouse Mme A... E... épouse C... B... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler les arrêtés du 8 septembre 2022 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un premier jugement n° 2204620, 2204625, 2300497, 2300498 du 10 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions, contenues dans ces arrêtés, par lesquelles le préfet de la Seine-Maritime les a obligés de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a réservé à la formation collégiale de jugement l'examen des conclusions tendant à l'annulation des décisions de refus de séjour contenues dans ces arrêtés.
Par un second jugement n° 2204620 et 2204625 du 21 avril 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions tendant à l'annulation des décisions de refus de séjour contenues dans ces arrêtés du 8 septembre 2022.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2023 sous le n° 23DA01508, M. D... C... B..., représenté par Me Églantine Mahieu, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2204620 et 2204625 du 21 avril 2023 ;
2°) d'annuler la décision de refus de séjour contenue dans l'arrêté du 8 septembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut, de lui délivrer dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Eden avocats de la somme de 1 500 euros hors taxes sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ladite condamnation valant renonciation au versement de l'aide juridictionnelle, ou à défaut de mettre à la charge de l'Etat la même somme à verser à M. C... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 3 - 1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 17 août 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête et s'en remet à ses écritures de première instance.
M. C... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 juin 2023.
II. Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2023 sous le n° 23DA01509, Mme A... E... épouse C... B..., représentée par Me Églantine Mahieu, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2204620 et 2204625 du 21 avril 2023 ;
2°) d'annuler la décision de refus de séjour contenue dans l'arrêté du 8 septembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut, de lui délivrer dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Eden avocats de la somme de 1 500 euros hors taxes sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ladite condamnation valant renonciation au versement de l'aide juridictionnelle, ou à défaut de mettre à la charge de l'Etat la même somme à verser à Mme C... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 3 - 1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 17 août 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête et s'en remet à ses écritures de première instance.
Mme C... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 juin 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... B..., ressortissants de la République démocratique du Congo nés respectivement le 27 juillet 1985 et le 15 avril 1992, sont entrés en France le 13 février 2017. Leur demande de protection internationale a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par deux décisions du 11 août 2017, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 12 janvier 2018. Le préfet de la Seine-Maritime a prononcé à leur encontre une obligation de quitter le territoire français, par deux arrêtés du 18 avril 2018. L'arrêté concernant M. C... B... a été annulé par le magistrat désigné du tribunal, eu égard à l'absence de prise en compte de l'état de santé dont l'intéressé s'était prévalu à l'occasion de la demande de titre de séjour qu'il avait présentée le 28 mars 2018. Statuant sur le réexamen de cette demande, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C... B... et l'a obligé à quitter le territoire français par un arrêté du 1er avril 2019, dont la légalité a été confirmée par le tribunal par un jugement n° 1902294 du 1er octobre 2019. Le 10 juin 2022, M. et Mme C... B... ont sollicité la délivrance de titres de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 8 septembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté ces demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par jugement du 10 février 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif a annulé ces arrêtés en tant qu'ils ont prononcé à l'encontre des intéressés une obligation de quitter le territoire français, ont fixé le pays de leur renvoi et ont prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français et a enjoint au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de leur situation dans un délai de trois mois. Par jugement du 21 avril 2023, dont ils relèvent appel, le tribunal administratif a, en revanche, confirmé la légalité des décisions de refus de séjour qui leur avaient été opposés.
2. Les requêtes susvisées n° 23DA01508 et n° 22DA01509, présentées pour M. et Mme C... B..., présentent à juger les mêmes questions et on fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, les décisions refusant la délivrance à M. et Mme C... B... d'un titre de séjour, contenues dans les arrêtés du 8 septembre 2022, énoncent avec suffisamment de précisions les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles reposent, alors même qu'elles ne reprennent pas tous les éléments relatifs à leur situation. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de ces décisions doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...) ".
5. Si les époux C... B... se prévalent de leur présence sur le territoire national depuis 2017 avec leurs cinq enfants, dont quatre sont nés en France, il ressort toutefois des pièces du dossier que cette durée de présence résulte, au moins partiellement, du délai de traitement de leurs demandes d'asile et de l'absence d'exécution par les intéressés de l'obligation de quitter le territoire français dont ils ont fait l'objet le 1er avril 2019. Par ailleurs, si trois des enfants du couple sont scolarisés, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient pas poursuivre une scolarité normale en République démocratique du Congo. Ainsi, rien ne fait obstacle à ce que les époux C... B..., de même nationalité, reconstituent leur cellule familiale dans leur pays d'origine. Enfin, si les époux C... B... font état d'une insertion sociale, en particulier au sein de leur communauté religieuse et en raison de leurs engagements bénévoles, ces éléments ne sont pas de nature à démontrer qu'ils auraient fixé le centre de leurs intérêts privés et familiaux en France, alors qu'ils ne justifient au demeurant pas être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions du séjour en France de M. et Mme C... B..., les décisions de refus de séjour prises par le préfet de la Seine-Maritime n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regards des buts en vue desquels elles sont prises et n'ont donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au vu de l'ensemble de la situation des époux C... B..., le préfet de la Seine-Maritime n'a pas davantage entaché ses décisions d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur leur situation personnelle.
6. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Néanmoins, compte-tenu des motifs figurant au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime, en prenant les décisions attaquées, aurait méconnu les stipulations de l'article 3 - 1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Eu égard notamment aux conditions de séjour en France des époux C... B... rappelés au point 5, les appelants ne justifient pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs conclusions tendant à l'annulation des décisions de refus de séjour contenues dans les arrêtés du 8 septembre 2022 doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes présentées par M. et Mme C... B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... B..., à Mme A... E... épouse C... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Églantine Mahieu.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 6 février 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLa première vice-présidente de la cour,
Signé : M-P. Viard
La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
Anne-Sophie VILLETTE
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N°23DA01508,23DA01509